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New Version
of
Les Contes d’Hoffmann
(The Tales of Hoffman)
Opera in Four Acts

With an original and novel first Act and other important changes

Book by Jules Barbier
Music by
J. Offenbach
New English version by Charles Alfred Byrne

As performed, for the first time in America at the
Manhattan Opera House,
under the direction of
Oscar Hammerstein.


Charles E. Burden, Publisher, Steinway Hall
107-109 East 14th Street
New York.
Dramatis Personæ.
Les Contes d’Hoffmann

Premier Acte.


La Taverne de Maitre Luther
Choeur des Etudiants.
Drig! drig! drig! maître Luther,
Tison d’enfer,
Drig! drig! drig! à nous ta bière,
A nous ton vin,
Jusqu’au matin
Remplis mon verre,
Jusqu’au matin
Remplis les pots d’étain!
Nathanael.
Luther est un brave homme;
Tire lan laire!
C’est demain qu’on l’assomme;
Tire lan la!
Le Choeur.
Tire lan la!
Luther (allant de table en table).
Voilà, messieurs, voilà!
Hermann.
Sa cave est d’un bon drille;
Tire lan laire!
C’est demain qu’on la pille
Tire lan la!
Le Choeur.
Tire lan la!
(Bruit de gobelets.)
Luther.
Voilà, messieurs, voilà!
Wilhelm.
Sa femme est fille d’ Eve;
Tire lan laire:
C’est demain qu’on l’enlève;
Tire lan la!
Le Choeur.
Tire lan la!
Luther.
Voilà, messieurs, voilà!
Le Choeur.
Drig! drig! drig! maître Luther
etc., etc.
(Les étudiants s’assoient, boivent et fument dans tous les coins.)
Nathanael.
Vive Dieu! mes amis, la belle créature!
Comme au chef-d’ œuvre de Mozart
Elle prête l’accent d’une voix ferme et sûre!
C’est la grâce de la nature,
Et c’est le triomphe de l’art!
Que mon premier toast soit pour elle!
Je bois à la Stella!
Tous.
Vivat! à la Stella!
Nathaniel.
Comment Hoffmann n’est-il pas là
Eh! Luther!... ma grosse tonne!
Qu’as-tu fait de notre Hoffmann
Hermann.
C’est ton vin qui l’empoisonne!
Tu l’as tué, foi d’Hermann!
Tous.
Rends-nous Hoffmann!
Lindorf (á part).
Au diable Hoffmann!
Nathanael.
Morbleu! qu’on nous l’apporte
Ou ton dernier jour a lui!
Luther.
Messieurs, il ouvre la porte,
Et Niklausse est avec lui!
Tous.
Vivat! c’est lui!
Lindorf (à part).
Veillons sur lui.
Hoffmann (entrant d’un air sombre).
Bonjour, amis!
Nicklausse.
Bonjour!
Hoffmann.
Un tabouret! un verre!
Une pipe!...
Nicklausse (railleur).
Pardon, seigneur!...sans vous déplaire,
Je bois, fume et m’assieds comme vous!... part à deux!
Le Choeur.
C’est juste!... Place à tous les deux!
(Hoffmann et Nicklausse s’assoient; Hoffmann se prend la tête entre les mains.)
Nicklausse (fredonnant).
Notte a giorno mad dormire...
Hoffmann (brusquement).
Tais-toi, par le diable!...
Nicklausse (tranquillement).
Oui, mon maître.
Hermann (à Hoffmann).
Oh! oh! d’où vient cet air fâché?
Nathanael (à Hoffmann).
C’est à ne pas te reconnaître.
Hermann.
Sur quelle herbe as-tu donc marché?
Hoffmann.
Hélas! sur une herbe morte
Au souffle glacé du nord!...
Nicklausse.
Et là, près de cette porte,
Sur un ivrogne qui dort!
Hoffmann.
C’est vrai!... Ce coquin-là, pardieu! m’a fait envie!
A boire!... et, comme lui, couchons dans le ruisseau.
Hermann.
Sans oreiller?
Hoffmann.
La pierre!
Nathanael.
Et sans rideau?
Hoffmann.
Le ciel!
Nathanael.
Sans couvre-pied?
Hoffmann.
La pluie!
Hermann.
As-tu le cauchemar, Hoffmann?
Hoffmann.
Non, mais ce soir,
Tout à l’heure, au théâtre...
Tous.
Eh bien?
Hoffmann.
J’ai cru revoir...
Baste!... à quoi bon rouvrir une vieille blessure?
La vie est courte!... Il faut l’égayer en chemin.
Il faut boire, chanter et rire à l’aventure,
Sauf à pleurer demain!
Nathanael.
Chante donc le premier, sans qu’on te le demande;
Nous ferons chorus.
Hoffmann.
Soit!
Nathanael.
Quelque chose de gai!
Hermann
La chanson du Rat!
Nathanael.
Non! moi, j’en suis fatigué.
Ce qu’il nous faut, c’est la légende
De Klein-Zach?...
Tous.
C’est la légende de Klein-Zach!
Hoffmann.
Va pour Klein-Zach!
Il était une fois à la cour d’Eysenach
Un petit avorton qui se nommait Klein-Zach!
Il était coiffé d’un colbac,
Et ses jambes faisaient clic, clac!
Clic, clac!
Voilà Klein-Zach!
Le Choeur
Clic, clac!...
Voilà Klein-Zach!
Hoffmann.
Il avait une bosse en guise d’estomac;
Ses pieds ramifiés semblaient sortir d’un sac,
Son nez était noir de tabac,
Et sa tête faisait cric, crac,
Cric, crac,
Voilà Klein-Zach.
Le Choeur.
Cric, crac,
Voilà Klein-Zach!
Hoffmann.
Quant aux traits de sa figure...
(Il semble s’absorber peu à peu dans son rêve.)
Le Choeur.
Quant aux traits de sa figure?...
Hoffmann (très lentement).
Quant aux traits de sa figure..
(Il se lève.)
Ah! sa figure était charmante!... Je la vois,
Belle comme le jour où, courant après elle,
Je quittai comme un fou la maison paternelle
Et m’enfuis à travers les vallons et les bois!
Ses cheveux en torsades sombres
Sur son col élégant jetaient leurs chaudes ombres.
Ses yeux, enveloppés d’azur,
Promenaient autour d’elle un regard frais et pur
Et, comme notre char emportait sans secousse
Nos coeurs et nos amours, sa voix vibrante et douce
Aux cieux qui l’écoutaient jetait ce chant vainqueur
Dont l’éternel écho résonne dans mon coeur!
Nathanael.
O bizarre cervelle!
Qui diable peins-tu là! Klein-Zach?...
Hoffmann.
Je parle d’elle.
Nathanael.
Qui?
Hoffmann (sortant de son rêve).
Non! personne!... rien! mon esprit se troublait!
Rien... Et Klein-Zach vaut mieux, tout difforme qu’il est!...
Le Choeur.
Flic, flac!
Voilà Klein-Zach!
Hoffmann (jetant son verre).
Peuh!... cette bière est détestable!
Allumons le punch! grisons-nous!
Et que les plus fous
Roulent sous la table.
Le Choeur.
Et que les plus fous
Roulent sous la table!
(On éteint les lumières. Luther allume un immense bol de punch.)
Luther est un brave homme,
Tire lan laire,
Tire lan la,
C’est demain qu’on l’assomme,
Tire lan laire,
Tire lan la,
Sa cave est d’un bon drille.
Tire lan laire
Tire lan la,
C’est demain qu’on la pille,
Tire lan laire,
Tire lan la.
Nicklausse.
A la bonne heure, au moins! voilà que l’on se pique
De raison et de sens pratique!
Peste soit des coeurs langoureux!
Nathanael.
Gageons qu’Hoffmann est amoureux!
Hoffmann.
Après?...
Nathanael.
Il ne faut pas en rougir, j’imagine.
Notre ami Wilhelm que voilà
Brûle pour Léonor et la trouve divine;
Hermann aime Gretchen; et moi je me ruine
Pour la Fausta!
Hoffmann (à Wilhelm).
Oui, Léonor, ta virtuose!...
(A Hermann.)
Oui, Gretchen, ta poupée inerte, au coeur glacé!
(A Nathanael.)
Et ta Fausta, pauvre insensé!...
La courtisane au front d’airain!
Nathanael.
Esprit morose,
Grand merci pour Fausta, Gretchen et Léonor!...
Baste! autant celles-là que d’autres!
Nathanael.
Ta maîtresse est donc un trésor
Que tuméprises tant les nôtres?
Hoffmann.
(Haut.)
Ma maîtresse?...Non pas! dites mieux, trois maîtresses,
Trio charmant d’enchanteresses
Que se partagèrent mes jours!
Voulez-vous le récit de ces folles amours?...
Le Choeur.
Oui, oui!
Nicklausse.
Que parles-tu de trois maîtresses?
Hoffmann.
Fume!...
Avant que cette pipe éteinte se rallume
Tu m’auras sans doute compris,
O toi qui dans ce drame où mon coeur se consume
Du bon sens emportas le prix!
(Tous les étudiants vont reprendre leurs places.)
Le Choeur.
Ecoutons! il est doux de boire
Au récit d’une folle histoire,
En suivant le nuage clair
Que la pipe jette dans l’air!
Hoffmann (s’asseyant sur le coin d’une table).
Je commence.
Le Choeur.
Silence!
Hoffmann.
Le nom de la première était Olympia!
(Le rideau tombe, pendant qu’Hoffmann parle à tous les étudiants attentifs.)

Acte II

(Un riche cabinet de physician.)
Hoffman (seul).
Allons courage et confiance
Je deviens un puit de science
Il faut tourner selon le vent
Pour meriter celle que j’aime.
Je saurai trouver en moi-même
L’étoffe d’un savant
Elle est là, si j’osais.
(Il soulève la portière.)
C’est elle!
Elle sommeille! Qu’elle est belle!
Ah! vivre deux! N’avoir qu’une même espérance
Un même souvenir!
Partager le bonheur, partager la souffrance,
Partager l’avenir!
Laisse, laisse ma flamme
Verser en toi le jour!
Laisse éclore ton âme
Aux rayons de l’amour!
Foyer divin! Soleil dont l’ardeur nous penêtre
Et nous vient embraser!
Ineffable désir ou l’on sent tout son être
Se fondre en un baiser.
Laisse, laisse ma flamme
Verser en toi le jour!
Laisse éclore ton âme
Aux rayons de l’amour!
Foyer divin! Soleil dont l’ardeur nous pénêtre,
Et nous vient embraser!
Ineffable désir où l’on sent tout son être
Se fondre en un baiser.
Laisse laisse ma flamme
Verser en toi le jour!
Laisse éclore ton âme
Aux rayons de l’amour!
(Nicklausse parait.)
Nicklausse.
Pardieu... j’étais bien sur de te trouver ici!
Hoffman (laissant retomber la portière).
Chut!
Nicklausse.
Pourquoi?... c’est là que respire
La colombe qui fait ton amoureux souci.
La belle Olympia... Va, mon enfant! admire!
Hoffman.
Oui, je l’adore!
Nicklausse.
Attends à la connaître mieux.
Hoffman.
L’âme qu’on aime est aisé a connaître!
Nicklausse.
Quoi d’un regard?... par la fenêtre?
Hoffman.
Il suffit d’un regard pour embrasser les cieux!
Nicklausse.
Qu’elle chaleur! Au moins sait—elle que tu l’aimes?
Hoffman.
Non!
Nicklausse.
Ecris lui!
Hoffman.
Je n’ose pas.
Nicklausse.
Pauvre agneau! Parle-lui.
Hoffman.
Les dangers sont les mêmes.
Nicklausse.
Alors chante morbleu! pour sortir d’un tel pas!
Hoffman.
Monsieur Spalanzani n’aime pas la musique.
Nicklausse (riant).
Oui, je sais, tout pour le physique!
Une poupée aux yeux d’email
Jouait au mieux de l’eventail
Aupres d’un petit coq en cuire;
Tous deux chantaient a l’unison
D’une merveilleuse facon,
Dansaient, caquetaient, semblaient vivre.
Hoffman.
Plait-il? Pourquoi cette chanson?
Nicklausse.
Le petit coq luisant et vif,
Avec un air rèbarbatif,
Tournait par trois sur lui-même;
Par un rouage ingenieux,
La poupée, en roulant les yeux
Soupirait et disait: “Je t’aime”!
Le Choeur des Invites.
Non, aucun hôte, vraiment,
Ne recoit plus richement!
Par le gout, sa maison brille!
Tout s’y trouve réuni.
Spalanzani.
Vous serez satisfaits, messieurs.
(Il fait signe a Cochenille et sort.)
Nicklausse (a Hoffman).
Enfin nous allons voir de près cette merveille.
Sans pareille!
Hoffman.
Silence! la voici.
(Entrée de Spalanzani conduisant Olympia.)
Spalanzani.
Mesdames et messieurs je vous présente
Ma fille Olypmia.
Le Choeur.
Charmante!
Elle à de trés beauv yeaux!
Sa taille est fort bien prise!
Voyez comme elle est mise!
Il ne lui manque rien!
Elle est très bien!
Hoffman.
Ah qu’elle est adorable!
Nicklausse.
Charmante, incomparable!
Spalanzani (a Olympia).
Quel succès est le tien.
Nicklausse.
Vraiment elle est très bien.
Le Choeur.
Elle à de beaux yeux
Sa taille est fort bien prise
Voyez comme elle est mise
Il ne lui manque rien
Vraiment elle est très bien.
Spalanzani.
Mesdames et messieurs, fière de vos bravos.
Et surtont impatiente
D’en conquerir de nonveaux
Ma fille, obéissant à vos moindres caprices,
Va, s’il vous plait...
Nicklausse (à part).
Passer a d’autres exercices.
Spalanzani.
Vous chanter un grand air, en suivant de la voix,
Talent rare
Le clavecin, la guitare,
Qu la harpe, à votre choix!
Cochennille (au fond du théâtre).
La harpe!
Une Voix de Basse.
(Dans la coulisse.)
La harpe!
Spalanzani.
Fort bien. Cochenille!
Va vite nous chercher la harpe de ma fille!
(Cochenille sort.)
Hoffman (a part).
Je vais l’entendre... oh joie!
Nicklausse (a part).
O folle passion!
Spalanzani (a Olympia).
Maitrise ton émotion, mon enfant!
Olympia.
Oui.
Cochenille (avec la harpe).
Voila!
Spalanzani (s’asseyant ouprès d’Olympia).
Messieurs, attention!
Cochenille.
Attention!
Le Choeur.
Attention!
Olympia (accompagné par Spalanzani).
Les oiseaux dans la charmille,
Dans les cieux l’astre du jour,
Tout parle a la jeune fille
D’amour, d’amour,
Voilà!
La chanson gentille
Voilà!
La chason d’Olympia,
Ha!
Le Choeur.
C’est la chanson d’Olympia!
Olympia.
Tout ce qui chante et résonne
Et soupire tour à tour,
Emeut son coeur qui frissonne
D’amour!
Voilà!
La chanson mignonne
Violà voilà
La chanson d’Olympia.
Ha!
Le Choeur.
C’est la chanson d’Olympia.
Hoffman (a Nicklausse).
Ah! mon ami, quel accent.
Nicklausse.
Quelles gammes!...
(Tout le monde s’empresse autour d’Olympia. Un laquais s’addresse a Spalanzani).
Spalanzani.
Allons, messieurs! la main aux dames...
Le souper nous attend.
Le Choeur.
Le souper! bon cela...
Spalanzani.
A moins qu’on ne préfère.
Danser d’abord!...
Le Choeur (avec energie).
Non, non, le souper! bonne affaire ensuite on dansera.
Spalanzani.
Comme il vous plaira!
Hoffman (s’approchant d’Olympia).
Oserai-je?
Spalanzani (intervenant).
Elle est un peu lasse; attendez le bal.
(Il touche l’épaule d’Olympia.)
Olympia.
Oui.
Spalanzani.
Vous voyez, jusque là
Voulez vous me faire la grâce
De tenir compagnie à mon Olympia?
Hoffman.
O bonheur!
Spalanzani (à part, riant).
Nous verrons ce qu’il lui chantera.
Nicklausse (a Spalanzani).
Elle ne soupe pas.
Spalanzani.
Non!
Nicklausse (à part).
Ame poetique!
(Spalanzani passe derrière Olympia. On entend le bruit d’un ressort.)
Plaît-il?
Spalanzani.
Rien! la physique! ah monsieur, la physique!
(Il conduit Olympia à un fauteuil et sort avec les invites.)
Cochenille.
Le souper vous attend.
Le Choeur (avec enthousiasm).
Le souper, le souper, le souper nous attend!
Non, ancun hôte vraiment,
Ne reçoit plus richement!
Hoffman.
Ils se sont éloignes enfin! Ah je respire!
Seuls, seuls, tous deux!
(S’approchant d’Olympia.)
Oue j’ai de choses à te dire,
O mon Olympia! Laisse moi t’admirer!
De ton regard charmant laisse moi m’enivrer.
(Il touche légèrement l’épaule d’Olympia.)
Olympia.
Oui.
Hoffman.
N’est—ce pas un rêve enfanté par la fièvre?
J’ai cru voir un soupir s’échapper de ta lèvre!
(Il touche de nouveau l’épaule d’Olympia.)
Olympia.
Oui.
Hoffman.
Doux aveu, gage de nos amours,
Tu m’appartieus, nos coeurs sont unis pour toujours!
Ah comprends-tu, dis moi, cette joie éternelle
Des coeurs silencieux?
Vivants, n’être qu’une âme, et du même coup d’aile
Nous élancer aux cieux!
Laisse, laissema flamme
Verser en toi le jour!
Laisse éclore ton âme
Aux rayons de l’amour!
(Il presse la main d’Olympia. Celle ci se léve, parcourt la scène et sort.)
Tu me fuis? qu’ai je fait? Tu ne me réponds pas.
Parle! t’ai-je irritee? ah je suivrai tes pas!
(Hoffman s’élance, Nicklausse parait.)
Nicklausse.
Eh morbleu, modére ton zèle!
Veux-tu qu’on se grise sans toi?...
Hoffman (avec ivresse).
Nicklausse! Je suis aimé d’elle!
Aimié!... Dieu puissant.
Nicklausse.
Par ma foi
Si tu savais ce qu’on dit de ta belle!
Hoffman.
Qu’en peut on dire? Quoi?
Nicklausse.
Qu’elle est morte.
Hoffman.
Juste ciel!
Nicklausse.
Ou ne fut pas en vie.
Hoffman.
Nicklausse! je suis aimé d’elle
Aimé! Dieu puissant.
(Il sort. Nicklausse le suit.)
Coppelius (entrant, furieaux).
Voleur! brigand! quelle déroute!
Elias à fait banqueronte!
Va, je saurai trouver le moment opportun
Pour me venger... Volé! moi!... Je tuerai quelqu’un.
(Coppélius se glisse dans la chambre d’Olympia.)
(Entre tout-le-monde.)
Spalanzani.
Voici les valseurs.
Cochenille.
Voici la ritournelle.
Hoffman.
C’est la valse qui nous appelle.
Spalanzani (à Olympia).
Prends la main de monsieur, mon enfant.
(Lui touchant l’épaule.)
Allons!
Olympia.
Oui.
(Hoffman enlace la taille d’Olympia et ils disparaissent a gauche.)
Le Choeur.
Elle danse!
En cadence!
C’est merveilleux!
Prodigieux!
Place, place!
Elle passe
Elle fend l’air
Comme un éclair.
La Voix d’Hoffman (dans la coulisse).
Olympia!
Spalanzani.
Qu’on les arrête!
Le Choeur.
Qui de nous les arrêtera?
Nicklausse.
Elle va lui casser la tête!...
(Hoffman et Olympia reparaissent et redescendent.)
(Nicklausse s’elance pour les arrétèr.)
Eh, mille diables!...
(Il est violemment bausculé et tombe sur un fauteuil.)
Le Choeur.
Patatra!
Spalanzani (s’élancant).
Halte là!
(Il touche Olympia à l’épaule. Elle s’arrête subitement. Hoffman étourdi tombe sur un canapé.)
Spalanzani.
Voilà!
(à Olympia.)
Assez, assez, ma fille.
Olympia.
Oui.
Spalanzani.
Il ne faut plus valser.
Olympia.
Oui.
Spalanzani (a Cochenille).
Toi Cochenille,
Reconduis-la.
(Il touche Olympia.)
Cochenille (poussant Olympia).
Va donc. Va!
Olympia.
Oui.
(En sortant, poussé par Cochenille.)
Ha, ha, ha, ha, ha, ha, ha, ha!
Le Choeur.
Que voulez vous qu’on dise?
C’est une fille exquise,
Il ne lui manque rien, Elle est très bien!
Nicklausse (d’une voix dolente, en montrant Hoffman.)
Est-il mort?
Spalanzani (examinant Hoffman).
Non, en somme, Son lorgnon seul est en débris
Il reprend ses esprits.
Le Choeur.
Pauvre jeune homme!
Cochenille (dans la coulisse)
Ah!
(Il entre, la figure bouleversée.)
Spalanzani.
Quoi?
Cochenille.
L’homme aux lunettes ... là.
Spalanzani.
Miséricorde! Olympia!
Hoffman.
Olympia!
(On entend un bruit de réssorts qui se brisent avec fracas.)
Spalanzani.
Ah! terre et cieux! Elle est cassée!
Hoffman.
Cassée!
Coppelius (entrant).
Ha, ha, ha, ha, oui, Fracasseé.
(Hoffman s’élance et disparaît. Spalanzani et Coppélius se jettent l’un sur l’autre.)
Spalanzani.
Gredin!
Coppélius.
Voleur!
Spalanzani.
Brigand!
Coppélius.
Païen.
Spalanzani.
Bandit.
Coppelius.
Pirate!
Hoffman (pale et épouvanté).
Un automate! Un automate!
(Il tombe sur un fauteuil. Eclat de rire général.)
Le Choeur.
Ha, ha, ha, la bombe éclate
Il aimait un automate!
Spalanzani (avec désespoir).
Mon automate!
Tous.
Un automate!
Ha, ha ha, ha!

Troisieme Acte.

(A Venise. Galerie en fête dans un palais donnant sur le grand canal. Les hôtes de Giuletta sont groupés sur des coussins.)
Barcarole
Giuletta et Nicklausse (dans la coulisse.)
Belle nuit, o nuit d’amour,
Souris a nos ivresses,
Nuit plus donce que le jour,
O belle nuit d’amour!
Le temps fuit et sans retour
Emporte nos tendresses!
Loin de cet heureux sejour,
Le temps fuit sans retour
Zephyrs embrasés
Versez nous vos caresses;
Zephyrs embrasés
Donnez nous vos baisers.
Belle nuit, o nuit d’amour,
Souris à nos ivresses
Nuit plus douce que le jour,
O belle nuit d’amour.
(Giuletta et Nicklausse entrent en scène.)
Hoffman.
Et moi, ce n’est pas là, pardieu, ce qui m’enchante!
Aux pieds de la beauté qui nous vient enivrer
Le plaisir doit il soupirer?
Non! Le rire à la bouche écoutez comme il chante!
Chant Bacchique.
Amis! l’amour tendre et rêveur,
Erreur!
L’amour dans le bruit et le vin!
Divin!
Que d’un brûlant désir
Votre coeur s’enflamme
Aux fièvres du plaisir
Consumez votre âme
Transports d’amour,
Durez un jour!
Au diable celui qui pleure
Pour deux beaux yeux
A nous l’ivresse meilleure
Des chants joyeux!
Vivons une heure
Dans les cieux!
Le Choeur.
Au diable celui qui pleure,
Pour deux beaux yeux!
A nous l’ivresse meilleure
Des chants joyeaux
Vivons une heure
Dans les cieux!
Hoffman.
Le ciel te prête sa clarté,
Beauté.
Mais vous chachez ô coeurs de fer,
L’enfer!
Bonheur du paradis
Où l’amour convie,
Serments, espoirs mandits,
Rêves de la vie!
O chastetés,
O puretés,
Mentez!
Le Choeur.
Au diable celui qui pleure,
etc., etc.
Schlemil (entrant en scène).
Je vois qu’en est en fête. A merveille, madame.
Giulietta.
Comment! Mais je vous ai pleuré trois grands jours.
Pitichinaccio.
Dame.
Schlemil (a Pitichinaccio).
Avorton!
Pitichinaccio.
Hola!
Giulietta.
Calmez vous!
Nous avous un poèté étranger parmi
Nous.
(Présentant Hoffman.)
Hoffman!
Schlemil (de mauvaise grace.)
Monsieur!
Hoffman (ironique).
Monsieur!
Giulietta (a Schlemil).
Souriez nous, de grâce,
Et venez prendre place
Au pharaon!
Le Choeur.
Vivat! au pharaon!
(Giulietta après avoir invité tout le monde a la suivre se dirige vers la porte. Hoffman offre sa main à Giulietta. Schlemil intervient vivement.)
Schlemil (prenant la main de Giulietta).
Morbleu!
Giulietta.
Au jeu, messieurs, au jeu.
Le Choeur.
Au jeu, au jeu.
(Tout le monde sort moins Nicklausse et Hoffman.)
Nicklausse.
Un mot! J’ai deux chevaux sellés; au premier rêve
Dont se laisse affoler mon Hoffman, je l’enlève.
Hoffman.
Et quelles rêves, jamais, pourraient être enfantés
Par de telles realités?
Aime-t-on une courtisane?
Nicklausse.
Ce Schlemil, cependant...
Hoffman.
Je ne suis pas Schlemil.
Nicklausse.
Prends y garde, le diable est malin.
(Dapertutto parait au fond.)
Hoffman.
Le fut-il,
S’il me la fait aimer, je consens qu’il me damne
Allons!
Nicklausse.
Allons!
(Ils sortent.)
Dapertutto (seul).
Allez... pour te livrer combat
Les yeux de Giulietta sont une arme certaine.
Il a fallu que Schlemil succombat!
Foi de diable et de capitaine!
Tu feras comme lui.
Je veux que Giulietta t’ensorcelle au jourd’hui.
(Tirant de son doigt une bague ou brille un gros diamant.)
Tourne, tourne, miroir où se prend l’alouette,
Scintille, diamant, fascine, attire la...
L’alouette ou la femme
A cet appât vainqueur
Vont de l’aile ou du coeur;
L’une y laisse sa vie l’autre y perd son âme,
Tourne tourne miroir ou se prend l’alouette.
Scintille diamant, fascine, attire-la.
(Giulietta parait et s’avance, fascinée vers le diamant que Dapertutto tend vers elle.)
Dapertutto (passant la bagne au doit Giulietta.)
Cher ange.
Giulietta.
Q’attendez-vous de votre servante?
Dapertutto.
Bien, tu m’as deviné,
A séduire les coeurs entre toutes savante,
Tu m’as déjà donné
L’ombre de Schlemil! Je varie
Mes plaisirs et te prie
De m’avoir aujourd hui
Le reflet d’Hoffman!
Giuletta.
Quoi! son reflet!
Dapertutto.
Oui!
Son reflet... tu doutes
De la puissance de tes yeux?
Giuletta.
Non.
Dapertutto.
Qui sait? Ton Hoffman rêve peut être mieux.
(avec dureté).
Oui, j’étais la, tout a l’heure, aux écoutes,
Il te défie...
Giuletta.
Hoffman?... c’est bien!... dés aujourd’hui
J’en ferai mon jouet.
(Hoffman entre.)
Dapertutto.
C’est lui!
(Dapertutto sort. Hoffman fait mine de s’eloigner.)
Giulietta (à Hoffman).
Vous me quittez?
Hoffman (railleur).
J’ai tout perdu.
Giulietta.
Quoi... vous aussi!...
Ah! vous me faites injure
Sans pitié, ni merci
Partez... partez!...
Hoffman.
Tes larmes t’ont trahie.
Ah je t’aime... fut-ce au prix de ma vie.
Giulietta.
Ah malheureux, mais tu ne sais donc pas
Qu’une heure, qu’un moment, peuvent t’être funestes?
Que mon amour te perd a jamais si tu restes?
Ne repousse pas ma prière
Ma vie est à toi toute entière.
Partont je te promets d’accompagner tes pas.
Hoffman.
O Dieu de quelle ivresses embrases tu mon âme?
Comme un concert divin ta voix me pénêtre;
D’un feu doux et brulant mon être est dévoré;
Tes regards dans les miens ont épanché leur flamme
Comme des astres radieux
Et je seus, ô mon bien aimée,
Passer ton haleine embaumée
Sur mes lèvres et sur mes yeux.
Giulietta.
Aujourd’hui cependant affermis mon courage.
En me laissant quelque chose de toi!
Hoffman.
Que veux tu dire?
Giulietta.
Ecoute et ne ris pas de moi.
(Elle enlace Hoffman et prend un miroir.)
Ce que je veux c’est ta fidèle image
Qui reproduit tes traits ton regard ton visage,
Le reflet que tu vois sur le mien se pencher.
Hoffman.
Quoi! mon reflet? quelle folie!
Giulietta.
Non! car il peut se détacher,
Le la glace polie.
Pour venir tout entier dans mon coeur se cacher.
Hoffman.
Dans ton coeur?
Giulietta.
Dans mon coeur. C’est moi qui t’en supplies,
Hoffman, comble mes voeux!
Hoffman.
Mon reflet?
Giulietta.
Ton reflet. Oui sagesse on folie,
Je l’attends, je le veux!
Hoffman.
Extase, ivresse, inassouvie,
Mon reflet, mon âme et ma vie à toi, toujours à toi!
Giulietta.
Si ta présence m’est ravie,
Je veux garder de toi
Ton reflet, ton âme et ta vie
Ami, donne les moi!
Giulietta (vivement).
Schlemil!
(Schlemil entre suivi de Nicklausse. Dappertutto, Pittichinaccio et autres.)
Schlemil.
J’en étais sûr! Ensemble!
Venez, messieurs, venez,
C’est pour Hoffman à ce qu’il semble,
Que nous sommes abandonnés.
(Rires ironiques.)
Hoffman (presque parlé).
Monsieur!
Giulietta (à Hoffman).
Silence!
(bas) Je t’aime, il a ma clef.
Pittichinaccio (a Schlemil).
Tuons le.
Schlemil.
Patience!
Dappertutto (à Hoffman).
Comme vous êtes pâle.
Hoffman.
Moi!
Dapertutto (lui présentant le miroir.)
Voyez plutôt!
Hoffman (stupéfait, se regardant).
Ciel!
Giulietta.
Ecoutez, messieurs,
Voici les gondoles,
L’heure des barcarolles
Et celle des adieux!
(Schlemil reconduit les invités. Giulietta sort, jetant un regard à Hoffman. Dapertutto reste au fond de la scène. Nicklausse revient à Hoffman.)
Nicklausse.
Viens tu?
Hoffman.
Pas encore.
Nicklausse.
Pourquoi? Bien, je comprends, adieu!
(a part.) Mais je veille sur toi.
(Il sort.)
Schlemil.
Qu’attendez vous, monsieur?
Hoffman.
Que vous me donniez certaine clef que j’ai juré d’avoir.
Schlemil.
Vous n’aurez cette clef monsieur qu’avec ma vie.
Hoffman.
J’aurai donc l’une ou l’autre.
Schlemil.
C’est ce qu’il faut voir! En garde!
Dapertutto.
Vous n’avez pas d’épée (lui présentant le sien).
Prenez la mienne!
Hoffman.
Merci!
Choeur (dans la coulisse).
Belle nuit, o nuit d’amour!
Souris a nos ivresses
Nuit plus douce que le jour,
O belle nuit d’amour!
(Hoffman et Schlemil se battent. Schlemil est blessé à mort et tombe. Hoffman se penche et lui prend la clef pendue à son cou et s’élance dans l’appartment de Giulietta qui parait dans une gondole.)
Hoffman.
Personne!
Giulietta (riant).
Ha, ha, ha!
(Hoffman regarde Giulietta avec stupeur.)
Dapertutto (a Giulietta).
Qu’en fais tu maintenant?
Giulietta.
Je te l’abandonne.
Pitichinaccio (entre dans la gondole).
Cher ange.
(Giulietta le prend lans ses bras.)
Hoffman (comprenant l’infamie de Giulietta).
Misérable!
Nicklausse.
Hoffman! Hoffman! les sbires!
(Nicklausse entraine Hoffman. Giulietta et Dapertutto rient.)

Acte IV.

(A Munich chez Crespel. Une chambre bizarrement meublee.)
Antonia (seule. Elle est devant le clavecin et chante).
Elle à fui, la tourterelle,
Elle à fui loin de toi!
(Elle s’arrête et se lève.)
Ah souvenir trop doux! image trop cruelle!
Hélas à mes genoux, je l’entends, je le vois,
Elle à fui, la tourterelle,
Elle à fui loin de toi!
Mais elle est toujours fidèle
Et te garde sa foi.
Bien aime, ma voix t’appelle,
Tout mon coeur est à toi.
(Elle se rapproche du clavecin.)
Chère fleur qui vient d’eclore
Par pitié reponds moi,
Toi qui sais s’il m’aime encore,
S’il me garde sa foi!...
Bien aime ma voix t’implore,
Que ton coeur vienne à moi!
(Elle se laisse tomber sur une chaise.)
Crespel (entrant brusquement).
Malheureuse enfant, fille bien aimèe
Tu m’avis promis de ne plus chanter.
Antonia.
Ma mère s’était en moi ranimée;
Mon coeur en chantant croyait l’écouter.
Crespel.
C’est la mon tourment. Ta mère chérie
T’a légué sa voix, regrets superflus!
Par toi je l’entends. Non...non...je t’en prie.
Antonia (tristement).
Votre Antonia ne chantera plus!
(Elle sort lentement.)
Crespel (seul).
Désespoir! Tout a l’heure encore
Je voyais ces taches de feu
Colorer son visage, Dieu!
Perdrai-je l’enfant que j’adore?
Ah, c’est Hoffman, c’est lui
Qui jeta dans son coeur ces ivresses...
J’ai fui.
Jusqu’à Munich...
(Entre Frantz.)
Crespel.
Toi Frantz n’ouvre a personne.
Frantz.
Vous croyez...
Crespel.
Où vas tu?
Frantz.
Je vais voir si l’on sonne
Comme vous avez dit...
Crespel.
J’ai dit n’ouvre a personne!
(criant.) A personne! entends tu, cette fois?
Frantz.
Eh, mon Dieu, je ne suis pas sourd!
Crespel.
Bien! que le diable t’emporte!...
Frantz.
Oui monsieur, la clef est sur la porte.
Crespel.
Bêlitre! Ane bâté!
Frantz.
C’est convenu.
Crespel.
Morbleu!
(Il sort. Frantz descend.)
Frantz (seul).
Eh bien! Quoi, toujours en colère!
Bizarre, quinteux, exigeant!
Ah, l’on a du mal a lui plaire
Pour son argent...
Jour et nuit je me mets en quatre,
Au moindre signe je me tais
C’est tout comme si je chantais!...
Encore non, si je chantais,
De ses mépris il lui faudrait rabattre.
Je chante seul quelque fois;
Mais chanter n’est pas commode!
Tra la la! tra la la!
Ce n’est pourtant pas la voix,
Qui me fait défaut, je crois...
Tra la la! Tra la la!
Non c’est la méthode.
Dame! on a pas tout en partage.
Je chante pitoyablement;
Mais je danse agréablement,
Je me le dis sans compliment,
Corbleu la danse est à mon avantage,
C’est là mon plus grand attrait,
Et danser n’est pas commode.
Tra la la! Tra la la!
(Il danse. Il s’arrête.)
Près des femmes le jarret
N’est pas ce qui me nuirait,
Tra la la! Tra la la!
(Hoffman entre suivi de Nicklausse.)
Hoffman.
Frantz! C’est lui...
(Touchant l’épaule de Frantz.)
Debout l’ami.
Frantz.
Hein qui va la (il se relève) Monsieur Hoffman!
Hoffman.
Moi-même! Eh bien, Antonia?
Frantz.
Il est sorti, monsieur.
Hoffman (riant).
Ha, ha, plus sourd encore que l’au passe?
Frantz.
Monsieur m’honore. Je me porte bien, grâce au ciel.
Hoffman.
Antonia! Va, fais que je la voie!
Frantz.
Très bien... Quel joie
Pour Monsieur Crespel (Il sort.)
Hoffman (s’asseyant devant le clavecin).
C’est une chanson d’amour
Qui s’envole,
Triste ou folle
Tour à tour!...
Antonia (entrant précipitamment).
Hoffman!
Hoffman (recevant Antonia dans ses bras).
Antonia.
Nicklausse (à part).
Je suis de trop; bonsoir.
(Il sort.)
Antonia.
Ah! Je savais bien que tu m’aimais encore.
Hoffman.
Mon coeur m’avait bien dit que j’étais regretté
Mais pour quoi nous a-t-on séparés?
Antonia.
Je l’ignore.
Hoffman.
Ah j’ai le bonheur dans l’âme!
Demain tu seras ma femme.
Heureux epoux
L’avenir est à nous!
A l’amour soyons fidèles
Que ses chaines éternelles
Gardent nos coeurs,
Du temps même vanqueurs!
Antonia.
Ah j’ai le bonheur dans l’âme!
Demain je serai ta femme.
Heureux époux,
L’avenir est a nous!
Chaque jour, chansons nouvelles!
Ton génie ouvre ses ailes!
Mon chant vaniqueur
Est l’echo de ton coeur!
Hoffman (souriant).
Pourtant, ô ma fiancée,
Te dirai-je une pensée
Qui me trouble malgre moi?
La musique m’inspire un peu de jalousie,
Tu l’aimes trop!
Antonia (souriant).
Voyez l’étrange fantaisie!
T’aimé-je donc pour elle, ou elle pour toi?
Car toi, tu ne vas pas sans doute me défendre
De chanter, comme a fait mon père?
Hoffman.
Que dis tu?
Antonia.
Qui, mon père à présent, m’impose la vertu
Du silence (vivement) Veux tu m’entendre?
Hoffman (a part).
C’est étrange!... Est-ce que...
Antonia (l’entrainant).
Viens là comme autrefois.
Ecoute, et tu verras si j’ai perdu ma voix.
Hoffman.
Comme ton œil s’anime et comme ta main tremble.
Antonia (le faisant s’asseoir devant le clavecin).
Tiens ce doux chant d’amour que nous chantions ensemble.
(Elle Chante.)
C’est une chanson d’amour
Qui s’envole
Triste ou folle
Tour a tour;
C’est une chanson d’amour.
La rose nouvelle,
Sourit au printemps.
Las! combien de temps
Vivra-t-elle?
Ensemble.
C’est une chanson d’amour,
Qui s’envole,
Triste ou folle,
Tour a tour,
C’est une chanson d’amour.
Hoffman.
Un rayon de flamme
Pare ta beauté,
Verras tu l’été,
Fleur de l’âme?
Ensemble.
C’est une chanson d’amour,
etc.
(Antonia, porte la main à son coeur et semble défaillir.)
Hoffman.
Qu’as tu donc?
Antonia.
Rien.
Hoffman (écoutant).
Chut!
Antonia.
Ciel mon père, Viens, viens!
(Elle sort.)
Hoffman.
Non, je saurai le mot de ce mystère.
(Il se cache. Crespel parait.)
Crespel (regardant autour de lui).
Non, rien. J’ai cru qu’Hoffman était ici.
Puisse-t-il être au diable!
Hoffman (a part).
Grand merci!
Frantz (entrant, a Crespel).
Monsieur!
Crespel.
Quoi?
Frantz.
Le docteur Miracle.
Crespel.
Drôle infâme, ferme vite la porte.
Frantz.
Oui, Monsieur, medicin.
Crespel.
Lui, medicin? Non, sur mon âme,
Un fossoyeur, un assassin!
Qui me tuerait ma fille après ma femme,
J’entends le cliquetis de ses flacons dans l’air.
Loin de moi qu’on le chasse.
(Miracle parait subitement. Frantz se sauve.)
Miracle.
Ha, ha, ha, ha!
Crespel.
Enfin!
Miracle.
Eh bien, me voilà, c’est moi-même.
Ce bon monsieur Crespel, je l’aime!
Ou donc est-il?
Crespel (l’arrêtant).
Morbleu!
Miracle.
Ha, ha, ha, ha!
Je cherchais votre Antonia!
Eh bien! ce mal qu’elle hérita,
De sa mère toujours en progrès? chère belle,
Nous la guérirons. Menez moi chez elle.
Crespel.
Pour l’assassiner? Si tu fais un pas,
Je te jette par la fenetre.
Miracle.
Eh la! tout doux. Je ne veux pas
Vous desplaire.
(Il avance un fanteuil.)
Crespel.
Que fais tu, traitre?
Miracle.
Pour conjurer le danger,
Il faut le connaître,
Laissez moi l’interroger.
Crespel et Hoffman.
L’effroi me pénètre.
(Miracle la main tendue vers la chambre d’Antonia.)
A mon pouvoir vainqueur.
Cède de bonne grâce!...
Près de moi sans terreur,
Viens ici prendre place,
Viens.
Crespel et Hoffman.
D’epouvante et d’horreur
Tout mon être se glace,
Une étrange terreur
M’enchaîne à cete place.
J’ai peur.
Crespel (s’asseyant).
Allons, parle et sois bref.
(Miracle continue ses gestes magnétiques. La porte de la chambre d’Antonia s’ouvre lentement. Miracle indique qu’il prend la main d’Antonia invisible, et qu’il la fait asseoir.)
Miracle (s’asseyant).
Voulez vous vous asseoir là.
Crespel.
Je suis assis.
Miracle (sans répoudre).
Quel age avez vous, je vous prie?
Crespel.
Qui, moi?
Miracle.
Je parle à votre enfant.
Hoffman (a part).
Antonia?
Miracle.
Quel âge?... il écoute Vingt ans.
Crespel.
Hein?
Miracle.
Le printemps de la vie.
(Il fait le geste de tâter le pouls.)
Voyons la main!...
Crespel.
La main.
Miracle (tirant sa montre).
Chut, laissez moi compter.
Hoffman (à part).
Dieu! suis-je jouet d’un rêve? Est-ce un fantôme?
Miracle.
Le pouls est inégal et vif, mauvais symptôme.
Chantez!...
Crespel (se levant).
Non, non, tais-toi!... ne la fais pas chanter!
(La voix d’Antonia se fait entendre.)
Miracle.
Voyez, son front s’anime, et son regard flamboie,
Elle porte la main à son coeur agité.
(Il semble suivre Antonia du geste. La porte de la chambre se referme brusquement.)
Crespel.
Que dit il?
Miracle (se levant).
Il serait dommage en vérité,
De laisser à la mort si belle proie!
Crespel.
Tais-toi!
Miracle.
Si vous voulez accepter mon secours,
Si vous voulez sauver ses jours,
J’ai la certains flacons que je tiens en réserve.
(Il tire plusieurs flacons de sa poche et les fait sonner comme des castagnettes.)
Crespel.
Tais toi!
Miracle.
Dont il faudrait...
Crespel.
Tais-toi! Dieu me préserve
D’écouter tes conseils misérable assassin!...
Miracle.
Dont il faudrait chaque matin...
Eh! oui, je vous entends,
Tout a l’heure, a l’instant!
Des flacons, pauvre père,
Vous en serez, j’espère.
Content!
Crespel.
Va-t-en, va-t-en, va-t-en!
Hors de chez moi, Satan!
Redoute la colère,
Et la douleur d’un père,
Va-t-en!
Hoffman (à part).
A la mort qui t’attend,
Je saurai, pauvre enfant,
T’arracher, je l'espère!
Tu ris en vain d’un père,
Satan!
Miracle (avec le même flegme.)
Dont il faudrait...
Crespel.
Va-t-en!
Miracle.
Chaque matin...
Crespel.
Va-t-en!
(Il pousse Miracle dehors et la reforme la porte sur lui.)
Ah! le voilà dehors et ma porte est fermée!
Nous sommes seuls enfin,
Ma fille bien aimée!
Miracle (rentrant par la muraille).
Dont il faudrait chaque matin...
Crespel.
Ah misérable,
Viens, viens!... les flots puissent—ils t’engloutir.
Nous verrons si le diable.
T’en fera sortir!...
Crespel.
Va-t-en, va-t-en, va-t-en!
Hors de, etc, etc.
Hoffman.
A la mort qui t’attend,
Je saurai, etc., etc.
Miracle.
Dont il faudrait...
Crespel.
Va-t-en!...
Miracle.
Chaque matin...
Crespel.
Va-t’en.
(Ils disparaissent ensemble.)
Hoffman (seul).
Ne plus chanter! hélas. Comment obtenir d’elle
Un pareil sacrifice?
Antonia (parait).
Eh bien, mon père qu’a-t-il dit?
Hoffman.
Ne me demand rien,
Plus tard tu sauras tout; une route nouvelle
S’auvre à nous, mon Antonia!...
Pour y suivre mes pas, chasse de ta mémoire,
C’est rêves d’avenir, de succés et de gloire,
Que ton coeur au mien confia.
Antonia.
Mais toi même?
Hoffman.
L’amour tous les deux nous convie,
Tout ce qui n’est pas toi n’est plus rien dans ma vie.
Antonia.
Tiens donc! voici ma main!
Hoffman.
Ah, chère Antonia! Pourrai-je reconnaître?
Ce que tu fais pour moi?
(Il lui baise les mains.)
Ton père va peut-être
Revenir, je te quitte... à demain!
Antonia.
A demain!
(Hoffman sort.)
Antonia (allant ouvrir une porte.)
De mon père aisément il s’est fait le complice!
Allons, les pleurs sont superflus,
Je l’ai promis, je ne chanterai plus.
(Elle se laisse tomber sur un fauteuil.)
Miracle (surgissant derrière elle.)
Tu ne chanteras plus. Sais tu quel sacrifice,
S’impose ta jeunesse et l’as tu mesuré?
La grâce, le talent, don sacré,
Tous ces biens que le ciel t’a livrés en partage,
Faut il les enfouir dans l’ombre d’un ménage
N’as tu pas entendu, dans un rêve orgueilleux,
Ainsi qu’une forêt par le vent balancée,
Ce doux fremissement de la foule pressée
Qui murmure ton nom et te suit des yeux?
Voilà l’ardente joie et la fête éternelle
Que tes vingt ans en fleur sont près d’abandonner,
Pour les plaisirs bourgeois ou l’ou veut t’enchainer
Et des marmots d’enfants qui te rendront moins belle!
Antonia (sans se retourner).
Ah, qu’elle est cette voix qui me trouble l’esprit?
Est-ce l’enfer qui parle ou Dieu qui m’avertit?
Non non ce n’est pas là le bonheur, voix mandite,
Et contre mon orgeuil, mon amour s’est armé,
La gloire ne vaut pas l’ombre heureuse ou m’invite
La maison de mon bien aimé.
Miracle.
Quels amours sont donc les vôtres?
Hoffman te sacrifie a sa brutalité;
Il n’aime en toi que ta beauté,
Et pour lui, comme pour les autres
Viendra bientôt le temps de l’infidélité.
(Il disparait.)
Antonia (se levant).
Non, ne me tente plus! Va-t-en,
Démon! Je ne veux plus t’entendre.
J’ai juré d’être à lui, mon bien aimé m’attend,
Je ne m’appartiens plus et ne puis me reprendre.
Et tout à l’houre encor, sur son coeur adoré,
Quel amour eternal ne m’a-t-il pas juré...
Ah qui me sauvera du démon, de moi-même?...
Ma mère! ô ma mère, je l’aime!...
Miracle (reparait).
Ta mère! oses tu l’invoquer?...
Ta mère? Mais n’est-ce pas elle
Qui parle par ma voix, ingrate, et te rappelle,
La splendeur de son nom que tu veux abdiquer?
(Le portrait s’éclaire et semble s’animer. C’est le fantôme de la mère.)
Ecoute!
La Voix.
Antonia!
Antonia.
Dieu, ma mère, ma mère!
Le Fantome.
Cher enfant, que j’appelle
Comme autrefois,
C’est ta mère c’est elle,
Entends sa voix!
Antonia.
C’est elle.
Miracle.
Oui, c’est sa voix, l’entends tu?
Sa voix, meilleure conseillère,
Qui te lègue un talent que le monde a perdu!
Le Fantome.
Antonia!
Miracle.
Ecoute elle semble revivre
Et le public lointain de ses bravos l’enivre!
Antonia (se levant).
Ma mère!
Le Fantome.
Antonia!
Miracle.
Reprends donc avec elle!...
(Il saisit un violon et accompagne avec fureur.)
Antonia.
Oui, son âme m’appelle
Comme autrefois!
C’est ma mère c’est elle
J’entends sa voix!
Le Fantome.
Cher enfant, que j’appelle
Comme autrefois!
C’est ta mère c’est elle!
Entends sa voix!
Antonia.
Non! assez... je succombe!
Miracle.
Encore!
Antonia.
Je ne veux plus chanter.
Miracle.
Encore!
Antonia.
Qu’elle ardeur m’entraine et me dévore?
Miracle.
Encore! Pourquoi t’arrêter?
Antonia (haletante).
Je cède au transport qui m’enivre!
Quelle flamme éblouit mes yeux!...
Un seul moment encore a vivre,
Et mon âme s’envole aux cieux!
Le Fantome.
Cher enfant que j’appelle,
etc.
Antonia.
C’est ma mère c’est elle,
etc.
Antonia.
Ah!
(Elle vient, tomber mourante sur le canapé. Miracle s’englontit dans la terre, en poussant un éclat de rire. Le Fantôme disparait.)
Crespel (accourant).
Mon enfant!... ma fille!... Antonia!
Antonia (expirante).
Mon père
Ecoutez c’est ma mère,
Qui m’appelle! Et lui... de retour...
C’est une chanson d’amour...
Qui s’envole
Triste ou folle...
(Elle meurt.)
Crespel.
Non! un seul mot! un seul! ma fille, parle moi.
Mais parle donc! Mort exécrable!
Non! pitié! grâce! Eloigne toi!...
Hoffman (entrant précipitamment).
Pourquoi ces cris?
Crespel.
Hoffman! ah, miserable!
C’est toi qui l’as tuée!...
Hoffman (courant à Antonia).
Antonia!...
Crespel (avec égarement).
Du sang
Pour colorer sa joue!...
Une arme, un couteau!
(Il saisit un coutean et s’élance sur Hoffman.)
Nicklausse (entrant et arrêtant Crespel).
Malheureux!
Hoffman (a Nicklausse).
Vite donne l’alarme, un médecin, un médecin!
Miracle (paraissant).
Présent!
Il tate le pouls d’Antonia.
Morte!
Crespel (éperdu).
Ah, mon Dieu, mon enfant ma fille!
Hoffman (avec desespoir).
Antonia!

Epilogue.

(Même décoration qu’au premier acte.)
(On retrouve tous les personnages dans la situation où on les a laissés à la fin du premier acte.)
Hoffmann.
Voilà quelle fut l’histoire
Des mes amours
Dont la mémoire
En mon coeur restera toujours.
Le Choeur.
Bravo, bravo, Hoffmann.
Hoffmann.
Ah, je suis fou!... A nous le vertige divin
Des esprits de l’alcool, de la bièrre et du vin
A nous l’ivresse et la folie
Le nèant par qui l’on oublie.
Nicklausse.
Ah! je comprends! trois drames dans un drame Olympia?
Hoffmann.
Fracassée!
Nicklausse.
Antonia.
Hoffmann.
Ah pour elle le dernier couplet de la chanson de Klein-Zach!
Quand il avait but de genièvre et de rack
If fallait voir flotter les pans de son frac
Comme des herbes dans un lac
Le monstre faisait flic flac
Flic flac,
Voilà Klein-Zach.
Le Choeur.
Flic flac,
Voilà Klein-Zach.
Le Choeur.
Allumons le punch!... grisons-nous!
Et que les plus fous
Roulent sous la table.
Luther est un brave homme,
Tire lan laire, tire lan la!
etc., etc.
(Les étudiants entrent en tumulte dans la salle voisine. Hoffmann reste comme frappé de stupeur.)
La Muse (paraissant).
Et moi? Moi, la fidèle amie
Dont la main essuya tes yeux?
Par qui la douleur endormie
S’exhale en rêve dans les cieux?
Ne suis-je rien? Que la tempête
Des passions s’apaise entoi!
L’homme n’est plus; renais poète!
Je t’aime, Hoffmann! appartiens-moi!
Des cendres de ton coeur réchauffe ton génie.
Dans la sérénité souris à tes douleurs,
La Muse adoucira ta souffrance bénie,
On est grand par l’amour et plus grand par les pleurs!
(Elle disparaît.)
Hoffmann (seul).
O Dieu! de quelle ivresse embrases-tu mon âme,
Comme un concert divin ta voix m’a pénétré,
D’un feu doux et brûlant mon être est dévoré,
Tes regards dans les miens ont épanché leur flamme,
Comme des astres radieux.
Et je sens, ô Muse aimée,
Passer ton baleine embaumée
Sur mes lèvres et sur mes yeux!
(Il tombe, le visage sur une table.)
(Hoffmann, Stella, Lindorf, Nicklausse, Les Etudiants.)
Stella (allant vers Hoffmann.)
Hoffmann endormi!...
Nicklausse.
Non!... ivre-mort!... Trop tard, madame!
Lindorf.
Corbleu!
Nicklausse.
Tenez, voilà le conseiller Lindorf qui vous attend.
(Stella s’appuie sur le bras de Lindorf, s’arrête pour regarder Hoffmann, détache une fleur de son bouquet et la jette à ses pieds.)
Fin
[Sheet Music]
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