The Project Gutenberg EBook of Contes Francais, by Douglas Labaree Buffum This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net Title: Contes Francais Author: Douglas Labaree Buffum Release Date: July 19, 2004 [EBook #12949] Language: English and French Character set encoding: ASCII *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CONTES FRANCAIS *** Produced by Renald Levesque CONTES FRANCAIS EDITED WITH NOTES AND VOCABULARY BY DOUGLAS LABAREE BUFFUM, PH. D. Professor of Romance Languages in Princeton University. PREFACE. This edition of _Contes Francais_ follows the lines of my edition of _French Short Stories_, published in 1907. The stories have been chosen from representative authors of the nineteenth century with a view to: (1) literary worth, (2) varied style and subject-matter, (3) large vocabulary, (4) interest for the student. The vocabulary is large (between 6000 and 7000 words); it is hoped that it will be found to be complete, with the exception of merely personal names, having no English equivalent and of no signification beyond the story in which they occur. In a few instances words will be found in the text with special meanings; in these cases the vocabulary contains the usual signification as well as the special. Irregularities in pronunciation are indicated in the vocabulary. A knowledge of the elementary principles of French grammar on the part of the student is presupposed. Consequently the notes contain few grammatical explanations. Repetition of rules that may be found in the ordinary grammars would be unnecessary, and the individual instructor will probably prefer to adapt this side of the work to the needs of each class, Or better still to the needs of each student. Mere translations have also been avoided in the notes; the complete vocabulary will enable the student to do this work himself. The body of the notes is devoted to the explanation of historical and literary references and to the explanation of difficult or exceptional grammatical constructions. A few general remarks have been made in connection with each author in order to point out his place in French literature; bibliographical material for more detailed information has been indicated and the principal works of each author have been mentioned, together with one or more editions of his works. No alteration of any kind has been made in the French Text. CONTENTS PREFACE MERIMEE L'ENLEVEMENT DE LA REDOUTE LE COUP DE PISTOLET MAUPASSANT LA MAIN UNE VENDETTA L'AVENTURE DE WALTER SCHNAFFS TOMBOUCTOU EN MER LES PRISONNIERS LE BAPTEME TOINE LE PERE MILON DAUDET LE CURE DE CUCUGNAN LE SOUS-PREFET AUX CHAMPS LE PAPE EST MORT UN REVEILLON DANS LE MARAIS LA VISION DU JUGE DE COLMAR ERCKMANN-CHATRIAN LA MONTRE DU DOYEN COPPEE LE LOUIS D'OR L'ENFANT PERDU GAUTIER LA MILLE ET DEUXIEME NUIT BALZAC UN DRAME AU BORD DE LA MER. MUSSET CROISILLES NOTES. VOCABULARY. [Transcriber's note: Page numbers and line numbers have been retained to facilitate the location of the topics pointed to, in the "Nldquo;Notes" section.] CONTES FRANCAIS Page 1 MERIMEE L'ENLEVEMENT DE LA REDOUTE Un militaire de mes amis, qui est mort de la fievre en Grece il y a quelques annees, me conta un jour la premiere affaire a laquelle il avait assiste. Son recit me frappa tellement, que je l'ecrivis de memoire aussitot que j'en [5]eus le loisir. Le voici: Je rejoignis le regiment le 4 septembre au soir. Je trouvai le colonel au bivac. Il me recut d'abord assez brusquement; mais, apres avoir lu la lettre de recommandation du general B * * *, il changea de manieres, et [10]m'adressa quelques paroles obligeantes. Je fus presente par lui a mon capitaine, qui revenait a l'instant meme d'une reconnaissance. Ce capitaine, que je n'eus guere le temps de connaitre, etait un grand homme brun, d'une physionomie dure et repoussante. Il avait ete simple soldat, et avait gagne ses epaulettes et sa croix [15]sur les champs de bataille. Sa voix, qui etait enrouee et faible, contrastait singulierement avec sa stature presque gigantesque. On me dit qu'il devait cette voix etrange a une balle qui l'avait perce de part en part a la bataille [20]d'Iena. En apprenant que je sortais de l'ecole de Fontainebleau, il fit la grimace et dit: Page 2 --Mon lieutenant est mort hier... Je compris qu'il voulait dire: "C'est vous qui devez le remplacer, et vous n'en etes pas capable." Un mot piquant me vint sur les levres, mais je me contins. [5]La lune se leva derriere la redoute de Cheverino, situee a deux portees de canon de notre bivac. Elle etait large et rouge comme cela est ordinaire a son lever. Mais, ce soir-la elle me parut d'une grandeur extraordinaire. Pendant un instant, la redoute se detacha en noir sur le disque [10]eclatant de la lune. Elle ressemblait au cone d'un volcan au moment de l'eruption. Un vieux soldat, aupres duquel je me trouvais, remarqua la couleur de la lune. --Elle est bien rouge, dit-il; c'est signe qu'il en coutera [15]bon pour l'avoir, cette fameuse redoute! J'ai toujours ete superstitieux, et cet augure, dans ce moment surtout, m'affecta. Je me couchai, mais je ne pus dormir. Je me levai, et je marchai quelque temps, regardant l'immense ligne de feux qui couvrait les hauteurs au dela du village [20]de Cheverino. Lorsque je crus que l'air frais et piquant de la nuit avait assez rafraichi mon sang, je revins aupres du feu; je m'enveloppai soigneusement dans mon manteau, et je fermai les yeux, esperant ne pas les ouvrir avant le jour. [25]Mais le sommeil me tint rigueur. Insensiblement mes pensees prenaient une teinte lugubre. Je me disais que je n'avais pas un ami parmi les cent mille hommes qui couvraient cette plaine. Si j'etais blesse, je serais dans un hopital, traite sans egards par des chirurgiens ignorants. Ce que [30]j'avais entendu dire des operations chirurgicales me revint a la memoire. Mon coeur battait avec violence, et machinalement je disposais, comme une espece de cuirasse, Page 3 le mouchoir et le portefeuille que j'avais sur la poitrine. La fatigue m'accablait, je m'assoupissais a chaque instant, et a chaque instant quelque pensee sinistre se reproduisait avec plus de force et me reveillait en sursaut. [5]Cependant la fatigue l'avait emporte, et, quand on battit la diane, j'etais tout a fait endormi. Nous nous mimes en bataille, on fit l'appel, puis on remit les armes en faisceaux, et tout annoncait que nous allions passer une journee tranquille. [10]Vers trois heures, un aide de camp arriva, apportant un ordre. On nous fit reprendre les armes; nos tirailleurs se repandirent dans la plaine; nous les suivimes lentement, et, au bout de vingt minutes, nous vimes tous les avant-postes des Russes se replier et rentrer dans la redoute. [15]Une batterie d'artillerie vint s'etablir a notre droite, une autre a notre gauche, mais toutes les deux bien en avant de nous. Elles commencerent un feu tres vif sur l'ennemi, qui riposta energiquement, et bientot la redoute de Cheverino disparut sous des nuages epais de fumee. [20]Notre regiment etait presque a couvert du feu des Russes par un pli de terrain. Leurs boulets, rares d'ailleurs pour nous (car ils tiraient de preference sur nos canonniers), passaient au-dessus de nos tetes, ou tout au plus nous envoyaient de la terre et de petites pierres. [25]Aussitot que l'ordre de marcher en avant nous eut ete donne, mon capitaine me regarda avec une attention qui m'obligea a passer deux ou trois fois la main sur ma jeune moustache d'un air aussi degage qu'il me fut possible. Au reste, je n'avais pas peur, et la seule crainte que [30]j'eprouvasse, c'etait que l'on ne s'imaginat que j'avais peur. Ces boulets inoffensifs contribuerent encore a me maintenir dans mon calme heroique. Mon amour-propre Page 4 me disait que je courais un danger reel, puisque enfin j'etais sous le feu d'une batterie. J'etais enchante d'etre si a mon aise, et je songeai au plaisir de raconter la prise de la redoute de Cheverino, dans le salon de madame de [5]B * * *, rue de Provence. Le colonel passa devant notre compagnie; il m'adressa la parole: "Eh bien, vous allez en voir de grises pour votre debut." Je souris d'un air tout a fait martial en brossant la [10]manche de mon habit, sur laquelle un boulet, tombe a trente pas de moi, avait envoye un peu de poussiere. Il parut que les Russes s'apercurent du mauvais succes de leurs boulets; car ils les remplacerent par des obus qui pouvaient plus facilement nous atteindre dans le creux ou [15]nous etions postes. Un assez gros eclat m'enleva mon schako et tua un homme aupres de moi. --Je vous fais mon compliment, me dit le capitaine, comme je venais de ramasser mon schako, vous en voila quitte pour la journee. Je connaissais cette superstition [20]militaire qui croit que l'axiome _non bis in idem_ trouve son application aussi bien sur un champ de bataille que dans une cour de justice. Je remis fierement mon schako. --C'est faire saluer les gens sans ceremonie, dis-je aussi gaiement que je pus. Cette mauvaise plaisanterie, vu la [25]circonstance, parut excellente. --Je vous felicite, reprit le capitaine, vous n'aurez rien de plus, et vous commanderez une compagnie ce soir; car je sens bien que le four chauffe pour moi. Toutes les fois que j'ai ete blesse, l'officier aupres de moi a recu quelque [30]balle morte, et, ajouta-t-il d'un ton plus bas et presque honteux, leurs noms commencaient toujours par un P. Je fis l'esprit fort; bien des gens auraient fait comme moi; Page 5 bien des gens auraient ete aussi bien que moi frappes de ces paroles prophetiques. Conscrit comme je l'etais, je sentais que je ne pouvais confier mes sentiments a personne, et que je devais toujours paraitre froidement [5]intrepide. Au bout d'une demi-heure, le feu des Russes diminua sensiblement; alors nous sortimes de notre couvert pour marcher sur la redoute. Notre regiment etait compose de trois bataillons. Le [10]deuxieme fut charge de tourner la redoute du cote de la gorge; les deux autres devaient donner l'assaut. J'etais dans le troisieme bataillon. En sortant de derriere l'espece d'epaulement qui nous avait proteges, nous fumes recus par plusieurs decharges [15]de mousqueterie qui ne firent que peu de mal dans nos rangs. Le sifflement des balles me surprit: souvent je tournais la tete, et je m'attirai ainsi quelques plaisanteries de la part de mes camarades plus familiarises avec ce bruit. --A tout prendre, me dis-je, une bataille n'est pas une [20]chose si terrible. Nous avancions au pas de course, precedes de tirailleurs: tout a coup les Russes pousserent trois hourras, trois hourras distincts, puis demeurerent silencieux et sans tirer. [25]--Je n'aime pas ce silence, dit mon capitaine; cela ne nous presage rien de bon. Je trouvai que nos gens etaient un peu trop bruyants, et je ne pus m'empecher de faire interieurement la comparaison de leurs clameurs tumultueuses avec le silence imposant [30]de l'ennemi. Nous parvinmes rapidement au pied de la redoute, les palissades avaient ete brisees et la terre bouleversee par Page 6 nos boulets. Les soldats s'elancerent sur ces ruines nouvelles avec des cris de _Vive l'empereur!_ plus fort qu'on ne l'aurait attendu de gens qui avaient deja tant crie. Je levai les yeux, et jamais je n'oublierai le spectacle que [5]je vis. La plus grande partie de la fumee s'etait elevee et restait suspendue comme un dais a vingt pieds au-dessus de la redoute. Au travers d'une vapeur bleuatre, on apercevait derriere leur parapet a demi detruit les grenadiers russes, l'arme haute, immobiles comme des statues. Je [10]crois voir encore chaque soldat, l'oeil gauche attache sur nous, le droit cache par son fusil eleve. Dans une embrasure, a quelques pieds de nous, un homme tenant une lance a feu etait aupres d'un canon. Je frissonnai, et je crus que ma derniere heure etait [15]venue. --Voila la danse qui va commencer! s'ecria mon capitaine. Bonsoir! Ce furent les dernieres paroles que je l'entendis prononcer. [20]Un roulement de tambours retentit dans la redoute. Je vis se baisser tous les fusils. Je fermai les yeux; et j'entendis un fracas epouvantable, suivi de cris et de gemissements. J'ouvris les yeux, surpris de me trouver encore au monde. La redoute etait de nouveau enveloppee [25]de fumee. J'etais entoure de blesses et de morts. Mon capitaine etait etendu a mes pieds: sa tete avait ete broyee par un boulet, et j'etais couvert de sa cervelle et de son sang. De toute ma compagnie, il ne restait debout que six hommes et moi. [30]A ce carnage succeda un moment de stupeur. Le colonel, mettant son chapeau au bout de son epee, gravit le premier le parapet en criant: _Vive l'empereur!_ il fut suivi aussitot Page 7 de tous les survivants. Je n'ai presque plus de souvenir net de ce qui suivit. Nous entrames dans la redoute, je ne sais comment. On se battit corps a corps au milieu d'une fumee si epaisse, que l'on ne pouvait se voir. Je crois que [5]je frappai, car mon sabre se trouva tout sanglant. Enfin j'entendis crier: "Victoire!" et la fumee diminuant, j'apercus du sang et des morts sous lesquels disparaissait la terre de la redoute. Les canons surtout etaient enterres sous des tas de cadavres. Environ deux cents hommes [10]debout, en uniforme francais, etaient groupes sans ordre, les uns chargeant leurs fusils, les autres essuyant leurs baionnettes. Onze prisonniers russes etaient avec eux. Le colonel etait renverse tout sanglant sur un caisson brise, pres de la gorge. Quelques soldats s'empressaient [15]autour de lui: je m'approchai. --Ou est le plus ancien capitaine? demandait-il a un sergent. Le sergent haussa les epaules d'une maniere tres expressive. [20]--Et le plus ancien lieutenant? --Voici monsieur qui est arrive d'hier, dit le sergent d'un ton tout a fait calme. Le colonel sourit amerement. --Allons; monsieur, me dit-il, vous commandez en chef; [25]faites promptement fortifier la gorge de la redoute avec ces chariots, car l'ennemi est en force; mais le general C ...va vous faire soutenir. --Colonel, lui dis-je, vous etes grievement blesse? --F..., mon cher, mais la redoute est prise! Page 8 LE COUP DE PISTOLET TRADUIT DE POUCHKINE I "Nous fimes feu l'un sur l'autre." Bariatynski "J'ai jure de le tuer selon le code du duel, et j'ai encore mon coup tirer." (Un soir au bivac.) [5]Nous etions en cantonnement dans le village de * * *. On sait ce qu'est la vie d'un officier dans la ligne: le matin, l'exercice, le manege; puis le diner chez le commandant du regiment ou bien au restaurant juif; le soir, le punch et les cartes. A * * *, il n'y avait pas une maison qui recut, [10]pas une demoiselle a marier. Nous passions notre temps les uns chez les autres, et, dans nos reunions, on ne voyait que nos uniformes. Il y avait pourtant dans notre petite societe un homme qui n'etait pas militaire. On pouvait lui donner environ [15]trente-cinq ans; aussi nous le regardions comme un vieillard. Parmi nous, son experience lui donnait une importance considerable; en outre, sa taciturnite, son caractere altier et difficile, son ton sarcastique faisaient une grande impression sur nous autres jeunes gens. Je ne sais quel [20]mystere semblait entourer sa destinee. Il paraissait etre Russe, mais il avait un nom etranger. Autrefois, il avait servi dans un regiment de hussards et meme y avait fait figure; tout a coup, donnant sa demission, on ne savait Page 9 pour quel motif, il s'etait etabli dans un pauvre village ou il vivait tres mal tout en faisant grande depense. Il sortait toujours a pied avec une vieille redingote noire, et cependant tenait table ouverte pour tous les officiers de [5]notre regiment. A la verite, son diner ne se composait que de deux ou trois plats appretes par un soldat reforme, mais le champagne y coulait par torrents. Personne ne savait sa fortune, sa condition, et personne n'osait le questionner a cet egard. On trouvait chez lui des livres, [10]--des livres militaires surtout,--et aussi des romans. Il les donnait volontiers a lire et ne les redemandait jamais par contre, il ne rendait jamais ceux qu'on lui avait pretes. Sa grande occupation etait de tirer le pistolet; les murs de sa chambre, cribles de balles, ressemblaient a des [15]rayons de miel. Une riche collection de pistolets, voila le seul luxe de la miserable baraque qu'il habitait. L'adresse qu'il avait acquise etait incroyable, et, s'il avait parie d'abattre le pompon d'une casquette, personne dans notre regiment n'eut fait difficulte de mettre la casquette sur [20]sa tete. Quelquefois, la conversation roulait parmi nous sur les duels. Silvio (c'est ainsi que je l'appellerai) n'y prenait jamais part. Lui demandait-on s'il s'etait battu, il repondait sechement que oui, mais pas le moindre detail, et il etait evident que de semblables questions ne [25]lui plaisaient point. Nous supposions que quelque victime de sa terrible adresse avait laisse un poids sur sa conscience. D'ailleurs, personne d'entre nous ne se fut jamais avise de soupconner en lui quelque chose de semblable a de la faiblesse. Il y a des gens dont l'exterieur [30]seul eloigne de pareilles idees. Une occasion imprevue nous surprit tous etrangement. Un jour, une dizaine de nos officiers dinaient chez Page 10 Silvio. On but comme de coutume, c'est-a-dire enormement. Le diner fini, nous priames le maitre de la maison de nous faire une banque de pharaon. Apres s'y etre longtemps refuse, car il ne jouait presque jamais, il fit apporter des [5]cartes, mit devant lui sur la table une cinquantaine de ducats et s'assit pour tailler. On fit cercle autour de lui et le jeu commenca. Lorsqu'il jouait, Silvio avait l'habitude d'observer le silence le plus absolu; jamais de reclamations, jamais d'explications. Si un ponte faisait une [10]erreur, il lui payait juste ce qui lui revenait, ou bien marquait a son propre compte ce qu'il avait gagne. Nous savions tout cela, et nous le laissions faire son petit menage a sa guise; mais il y avait avec nous un officier nouvellement arrive au corps, qui, par distraction, fit un faux [15]paroli. Silvio prit la craie et fit son compte a son ordinaire. L'officier, persuade qu'il se trompait, se mit a reclamer. Silvio, toujours muet, continua de tailler. L'officier, perdant patience, prit la brosse et effaca ce qui lui semblait marque a tort. Silvio prit la craie et le marqua de [20]nouveau. Sur quoi, l'officier, echauffe par le vin, par le jeu et par les rires de ses camarades, se crut gravement offense, et, saisissant, de fureur, un chandelier de cuivre, le jeta a la tete de Silvio, qui, par un mouvement rapide, eut le bonheur d'eviter le coup. Grand tapage! Silvio [25]se leva, pale de fureur et les yeux etincelants: --Mon cher monsieur, dit-il, veuillez sortir, et remerciez Dieu que cela se soit passe chez moi. Personne d'entre nous ne douta des suites de l'affaire, et deja nous regardions notre nouveau camarade comme [30]un homme mort. L'officier sortit en disant qu'il etait pret a rendre raison a M. le banquier, aussitot qu'il lui conviendrait. Le pharaon continua encore quelques minutes, Page 11 mais on s'apercut que le maitre de la maison n'etait plus au jeu; nous nous eloignames l'un apres l'autre, et nous regagnames nos quartiers en causant de la vacance qui allait arriver. [5]Le lendemain, au manege, nous demandions si le pauvre lieutenant etait mort ou vivant, quand nous le vimes paraitre en personne. On le questionna, Il repondit qu'il n'avait pas eu de nouvelles de Silvio. Cela nous surprit. Nous allames voir Silvio, et nous le trouvames dans sa [10]cour, faisant passer balle sur balle dans un as cloue sur la porte. Il nous recut a son ordinaire, et sans dire un mot de la scene de la veille. Trois jours se passerent et le lieutenant vivait toujours. Nous nous disions, tout ebahis: "Est-ce que Silvio ne se battra pas?" Silvio ne se battit [15]pas. Il se contenta d'une explication tres legere et tout fut dit. Cette longanimite lui fit beaucoup de tort parmi nos jeunes gens. Le manque de hardiesse est ce que la jeunesse pardonne le moins, et, pour elle, le courage est le [20]premier de tous les merites, l'excuse de tous les defauts. Pourtant, petit a petit, tout fut oublie, et Silvio reprit parmi nous son ancienne influence. Seul, je ne pus me rapprocher de lui. Grace a mon imagination romanesque, je m'etais attache plus que personne [25]a cet homme dont la vie etait une enigme, et j'en avais fait le heros d'un drame mysterieux. Il m'aimait; du moins, avec moi seul, quittant son ton tranchant et son langage caustique, il causait de differents sujets avec abandon et quelquefois avec une grace extraordinaire. [30]Depuis cette malheureuse soiree, la pensee que son honneur etait souille d'une tache, et que volontairement il ne l'avait pas essuyee, me tourmentait sans cesse et Page 12 m'empechait d'etre a mon aise avec lui comme autrefois. Je me faisais conscience de le regarder. Silvio avait trop d'esprit et de penetration pour ne pas s'en apercevoir et deviner la cause de ma conduite. Il m'en sembla peine. Deux [5]fois, du moins, je crus remarquer en lui le desir d'avoir une explication avec moi, mais je l'evitai, et Silvio m'abandonna. Depuis lors, je ne le vis qu'avec nos camarades, et nos causeries intimes ne se renouvelerent plus. Les heureux habitants de la capitale, entoures de [10]distractions, ne connaissent pas maintes impressions Familieres aux habitants des villages ou des petites villes, par exemple, l'attente du jour de poste. Le mardi et le vendredi, le bureau de notre regiment etait plein d'officiers. L'un attendait de l'argent, un autre des lettres, celui-la [15]les gazettes. D'ordinaire, on decachetait sur place tous les paquets; on se communiquait les nouvelles, et le bureau presentait le tableau le plus anime. Les lettres de Silvio lui etaient adressees a notre regiment, et il venait les chercher avec nous autres. Un jour, on lui remit une [20]lettre dont il rompit le cachet avec precipitation. En la parcourant, ses yeux brillaient d'un feu extraordinaire. Nos officiers, occupes de leurs lettres, ne s'etaient apercus de rien. --Messieurs, dit Silvio, des affaires m'obligent a partir [25]precipitamment. Je me mets en route cette nuit; j'espere que vous ne refuserez pas de diner avec moi pour la derniere fois.--Je compte sur vous aussi, continua-t-il en se tournant vers moi. J'y compte absolument. La-dessus, il se retira a la hate, et, apres etre convenus [30]de nous retrouver tous chez lui, nous nous en allames chacun de son cote. J'arrivai chez Silvio a l'heure indiquee, et j'y trouvai Page 13 presque tout le regiment. Deja tout ce qui lui appartenait etait emballe. On ne voyait plus que les murs nus et mouchetes de balles. Nous nous mimes a table. Notre hote etait en belle humeur, et bientot il la fit partager a [5]toute la compagnie. Les bouchons sautaient rapidement; la mousse montait dans les verres, vides et remplis sans interruption; et nous, pleins d'une belle tendresse, nous souhaitions au partant heureux voyage, joie et prosperite. Il etait tard quand on quitta la table. Lorsqu'on [10]en fut a se partager les casquettes, Silvio dit adieu a chacun de nous, mais il me prit la main et me retint au moment meme ou j'allais sortir. --J'ai besoin de causer un peu avec vous, me dit-il tout bas. [15]Je restai. Les autres partirent et nous demeurames seuls, assis l'un en face de l'autre, fumant nos pipes en silence. Silvio semblait soucieux et il ne restait plus sur son front la moindre trace de sa gaiete convulsive. Sa paleur sinistre, [20]ses yeux ardents, les longues bouffees de fumee qui sortaient de sa bouche, lui donnaient l'air d'un vrai demon. Au bout de quelques minutes, il rompit le silence. --Il se peut, me dit-il, que nous ne nous revoyions jamais: avant de nous separer, j'ai voulu avoir une [25]explication avec nous. Vous avez pu remarquer que je me soucie peu de l'opinion des indifferents; mais je vous aime, et je sens qu'il me serait penible de vous laisser de moi une opinion defavorable. Il s'interrompit pour faire tomber la cendre de sa pipe. [30]Je gardai le silence et je baissai les yeux. --Il a pu vous paraitre singulier, poursuivit-il, que je n'aie pas exige une satisfaction complete de cet ivrogne, Page 14 de ce fou de R... Vous conviendrez qu'ayant le droit de choisir les armes, sa vie etait entre mes mains, et que je n'avais pas grand risque a courir. Je pourrais appeler ma moderation de la generosite, mais je ne veux pas mentir. [5]Si j'avais pu donner une correction a R... sans risquer ma vie, sans la risquer en aucune facon, il n'aurait pas ete si facilement quitte avec moi. Je regardai Silvio avec surprise. Un pareil aveu me troubla au dernier point. Il continua. [10]--Eh bien, malheureusement, je n'ai pas le droit de m'exposer a la mort. Il y a six ans, j'ai recu un soufflet, et mon ennemi est encore vivant. Ma curiosite etait vivement excitee. --Vous ne vous etes pas battu avec lui? lui demandai-je. [15]Assurement, quelques circonstances particulieres vous ont empeche de le joindre? --Je me suis battu avec lui, repondit Silvio, et voici un souvenir de notre rencontre. Il se leva et tira d'une boite un bonnet de drap rouge [20]avec un galon et un gland d'or, comme ce que les Francais appellent bonnet de police; il le posa sur sa tete; il etait perce d'une balle a un pouce au-dessus du front. --Vous savez, dit Silvio, que j'ai servi dans les hussards de... Vous connaissez mon caractere. J'ai l'habitude [25]de la domination; mais, dans ma jeunesse, c'etait chez moi une passion furieuse. De mon temps, les tapageurs etaient a la mode: j'etais le premier tapageur de l'armee. On faisait gloire de s'enivrer: j'ai mis sous la table le fameux B..., chante par D. D... Tous les [30]jours, il y avait des duels dans notre regiment: tous les jours, j'y jouais mon role comme second ou principal. Mes camarades m'avaient en veneration, et nos officiers Page 15 superieurs, qui changeaient sans cesse, me regardaient comme un fleau dont on ne pouvait se delivrer. "Pour moi, je suivais tranquillement (ou plutot fort tumultueusement) ma carriere de gloire, lorsqu'on nous [5]envoya au regiment un jeune homme riche et d'une famille distinguee. Je ne vous le nommerai pas. Jamais il ne s'est rencontre un gaillard doue d'un bonheur plus insolent. Figurez-vous jeunesse, esprit, jolie figure, gaiete enragee, bravoure insouciante du danger, un beau nom, [10]de l'argent tant qu'il en voulait, et qu'il ne pouvait venir a bout de perdre; et, maintenant, representez-vous quel effet il dut produire parmi nous. Ma domination fut ebranlee. D'abord, ebloui de ma reputation, il rechercha mon amitie. Mais je recus froidement ses avances, et lui, [15]sans en paraitre le moins du monde mortifie, me laissa la. Je le pris en grippe. Ses succes dans le regiment et parmi les dames me mettaient au desespoir. Je voulus lui chercher querelle. A mes epigrammes, il repondit par des epigrammes qui, toujours, me paraissaient plus piquantes [20]et plus inattendues que les miennes, et qui, pour le moins, etaient beaucoup plus gaies. Il plaisantait; moi, je haissais. Enfin, certain jour, a un bal chez un proprietaire polonais, voyant qu'il etait l'objet de l'attention de plusieurs dames, et notamment de la maitresse de la [25]maison, avec laquelle j'etais fort bien, je lui dis a l'oreille je ne sais quelle plate grossierete. Il prit feu et me donna un soufflet. Nous sautions sur nos sabres, les dames s'evanouissaient; on nous separa, et, sur-le-champ, nous sortimes pour nous battre. [30]"Le jour paraissait. J'etais au rendez-vous avec mes trois temoins, attendant mon adversaire avec une impatience indicible. Un soleil d'ete se leva, et deja la Page 16 chaleur commencait a nous griller. Je l'apercus de loin. Il s'en venait a pied en manches de chemise, son uniforme sur son sabre, accompagne d'un seul temoin. Nous allames a sa rencontre. Il s'approcha, tenant sa casquette [5]pleine de guignes. Nos temoins nous placerent a douze pas. C'etait a moi de tirer le premier; mais la passion et la haine me dominaient tellement, que je craignis de n'avoir pas la main sure, et, pour me donner le temps de me calmer, je lui cedai le premier feu. Il refusa. On convint de s'en [10]rapporter au sort. Ce fut a lui de tirer le premier, a lui, cet eternel enfant gate de la fortune. Il fit feu et perca ma casquette. C'etait a mon tour. Enfin, j'etais maitre de sa vie. Je le regardais avec avidite, m'efforcant de surprendre sur ses traits au moins une ombre d'emotion. [15]Non, il etait sous mon pistolet, choisissant dans sa casquette les guignes les plus mures et soufflant les noyaux, qui allaient tomber a mes pieds. Son sang-froid me faisait endiabler. "--Que gagnerai-je, me dis-je, a lui oter la vie, quand [20]il en fait si peu de cas? "Une pensee atroce me traversa l'esprit. Je desarmai mon pistolet: "--Il parait, lui dis-je, que vous n'etes pas d'humeur de mourir pour le moment. Vous preferez dejeuner. A [25]votre aise, je n'ai pas envie de vous deranger. "--Ne vous melez pas de mes affaires, repondit-il, et donnez-vous la peine de faire feu... Au surplus, comme il vous plaira: vous avez toujours votre coup a tirer, et, en tout temps, je serai a votre service. [30]"Je m'eloignai avec les temoins, a qui je dis que, pour le moment, je n'avais pas l'intention de tirer; et ainsi se termina l'affaire. Page 17 "Je donnai ma demission et me retirai dans ce village. Depuis ce moment, il ne s'est pas passe un jour sans que je songeasse a la vengeance. Maintenant, mon heure est venue!... [5]Silvio tira de sa poche la lettre qu'il avait recue le matin et me la donna a lire. Quelqu'un, son homme d'affaires comme il semblait, lui ecrivait de Moscou que la personne en question allait bientot se marier avec une jeune et belle demoiselle. [10]--Vous devinez, dit Silvio, quelle est la personne en question. Je pars pour Moscou. Nous verrons s'il regardera la mort, au milieu d'une noce, avec autant de sang-froid qu'en face d'une livre de guignes! A ces mots, il se leva, jeta sa casquette sur le plancher, [15]et se mit a marcher par la chambre de long en large, comme un tigre dans sa cage. Je l'avais ecoute, immobile et tourmente par mille sentiments contraires. Un domestique entra et annonca que les chevaux etaient arrives. Silvio me serra fortement la main; nous nous [20]embrassames. Il monta dans une petite caleche ou il y avait deux coffres contenant, l'un ses pistolets, l'autre son bagage. Nous nous dimes adieu encore une fois, et les chevaux partirent. II Quelques annees se passerent, et des affaires de famille [25]m'obligerent a m'exiler dans un miserable petit village du district de * * *. Occupe de mon bien, je ne cessais de soupirer en pensant a la vie de bruit et d'insouciance que j'avais menee jusqu'alors. Ce que je trouvai de plus penible, ce fut de m'habituer a passer les soirees de [30]printemps et d'hiver dans une solitude complete. Jusqu'au Page 18 diner, je parvenais tant bien que mal a tuer le temps, causant avec le staroste, visitant mes ouvriers, examinant mes constructions nouvelles. Mais, aussitot qu'il commencait a faire sombre, je ne savais plus que devenir. Je [5]connaissais par coeur le petit nombre de livres que j'avais trouves dans les armoires et dans le grenier. Toutes les histoires que se rappelait ma menagere, la Kirilovna, je me les etais fait conter et reconter. Les chansons des paysannes m'attristaient. Je me mis a boire des liqueurs [10]fraiches et autres, et cela me faisait mal a la tete. Oui, je l'avouerai, j'eus peur un instant de devenir ivrogne par depit, autrement dit un des pires ivrognes, tel que notre district m'en offrait quantite de modeles. De proches voisins, il n'y avait pres de moi que deux [15]ou trois de ces ivrognes emerites dont la conversation ne consistait guere qu'en soupirs et en hoquets. Mieux valait la solitude. Enfin, je pris le parti de me coucher d'aussi bonne heure que possible, de diner le plus tard possible, en sorte que je resolus le probleme d'accourcir [20]les soirees et d'allonger les jours, _et je vis que cela etait bon_. A quatre verstes de chez moi se trouvait une belle propriete appartenant a la comtesse B * * *, mais il n'y avait la que son homme d'affaires; la comtesse n'avait habite son chateau qu'une fois, la premiere annee de son [25]mariage, et n'y etait demeuree guere qu'un mois. Un jour, le second printemps de ma vie d'ermite, j'appris que la comtesse viendrait passer l'ete avec son mari dans son chateau. En effet, ils s'y installerent au commencement du mois de juin. [30]L'arrivee d'un voisin riche fait epoque dans la vie des campagnards. Les proprietaires et leurs gens en parlent deux mois a l'avance et trois ans apres. Pour moi, je Page 19 l'avoue, l'annonce de l'arrivee prochaine d'une voisine jeune et jolie m'agita considerablement. Je mourais d'impatience de la voir, et, le premier dimanche qui suivit son etablissement, je me rendis apres diner au chateau [5]de * * * pour presenter mes hommages a madame la comtesse en qualite de son plus proche voisin et son plus humble serviteur. Un laquais me conduisit dans le cabinet du comte et sortit pour m'annoncer. Ce cabinet etait vaste et meuble [10]avec tout le luxe possible. Le long des murailles, on voyait des armoires remplies de livres, et sur chacune un buste en bronze; au-dessus d'une cheminee de marbre, une large glace. Le plancher etait couvert de drap vert, par-dessus lequel etaient etendus des tapis de Perse. [15]Deshabitue du luxe dans mon taudis, il y avait si longtemps que je n'avais vu le spectacle de la richesse, que je me sentis pris par la timidite, et j'attendis le comte avec un certain tremblement, comme un solliciteur de province qui va se presenter a l'audience d'un ministre. La porte [20]s'ouvrit, et je vis entrer un jeune homme de trente-deux ans, d'une charmante figure. Le comte m'accueillit de la maniere la plus ouverte et la plus aimable. Je fis un effort pour me remettre, et j'allais commencer mon compliment de voisinage, lorsqu'il me prevint en m'offrant sa maison [25]de la meilleure grace. Nous nous assimes. La conversation, pleine de naturel et d'affabilite, dissipa bientot ma timide sauvagerie, et je commencais a me trouver dans mon assiette ordinaire, lorsque tout a coup parut la comtesse, qui me rejeta dans un trouble pire que le [30]premier. C'etait vraiment une beaute. Le comte me presenta. Je voulus prendre un air degage, mais plus je m'efforcais de paraitre a mon aise, plus je me sentais Page 20 gauche et embarrasse. Mes hotes, pour me donner le temps de me rassurer et de me faire a mes nouvelles connaissances, se mirent a parler entre eux, comme pour me montrer qu'ils me traitaient en bon voisin et sans ceremonie. [5]Cependant, j'allais et je venais dans le cabinet, regardant les livres et les tableaux. En matiere de tableaux, je ne suis pas connaisseur, mais il y en eut un qui attira mon attention. C'etait je ne sais quelle vue de Suisse, et le merite du paysage ne fut pas ce qui me frappa [10]le plus. Je remarquai que la toile etait percee de deux balles evidemment tirees l'une sur l'autre. --Voila un joli coup! m'ecriai-je en me tournant vers le comte. --Oui, dit-il, un coup assez singulier. Vous tirez le [15]pistolet, monsieur? ajouta-t-il. --Mon Dieu, oui, passablement, repondis-je, enchante de trouver une occasion de parler de quelque chose de ma competence. A trente pas, je ne manquerais pas une carte, bien entendu avec des pistolets que je connaitrais. [20]--Vraiment? dit la comtesse avec un air de grand interet. Et toi, mon ami, est-ce que tu mettrais a trente pas dans une carte? --Nous verrons cela, repondit le comte. De mon temps, je ne tirais pas mal, mais il y a bien quatre ans que je [25]n'ai touche un pistolet. --Alors, monsieur le comte, repris-je, je parierais que, meme a vingt pas, vous ne feriez pas mouche. Pour le pistolet, il faut une pratique continuelle. Je le sais par experience. Chez nous, dans notre regiment, je passais [30]pour un des meilleurs tireurs. Une fois, le hasard fit que je passai un mois sans prendre un pistolet; les miens etaient chez l'armurier. Nous allames au tir. Que Page 21 pensez-vous qu'il m'arriva, monsieur le comte? La premiere fois que je m'y remis, je manquai quatre fois de suite une bouteille a vingt-cinq pas. Il y avait chez nous un chef d'escadron, bon enfant, grand farceur: "Parbleu! [5]mon camarade, me dit-il, c'est trop de sobriete! tu respectes trop les bouteilles." Croyez-moi, monsieur le comte, il ne faut pas cesser de pratiquer: on se rouille. Le meilleur tireur que j'aie rencontre tirait le pistolet tous les jours, au moins trois coups avant son diner; il n'y manquait [10]pas plus qu'a prendre son verre d'eau-de-vie avant la soupe. Le comte et la comtesse semblaient contents de m'entendre causer. --Et comment faisait-il? demanda le comte. [15]--Comment? vous allez voir. Il apercevait une mouche posee sur le mur... Vous riez? madame la comtesse... Je vous jure que c'est vrai. "Eh! Kouzka! un pistolet!" Kouzka lui apporte un pistolet charge.--Pan! voila la mouche aplatie sur le mur. [20]--Quelle adresse! s'ecria le comte; et comment le nommez-vous? --Silvio, monsieur le comte. --Silvio! s'ecria le comte sautant sur ses pieds; vous avez connu Silvio? [25]--Si je l'ai connu, monsieur le comte! nous etions les meilleurs amis; il etait avec nous autres, au regiment, comme un camarade. Mais voila cinq ans que je n'en ai pas eu la moindre nouvelle. Ainsi, il a l'honneur d'etre connu de vous, monsieur le comte? [30]--Oui, connu, parfaitement connu. --Vous a-t-il, par hasard, raconte une histoire assez drole qui lui est arrivee? Page 22 --Un soufflet que, dans une soiree, il recut d'un certain animal... --Et vous a-t-il dit le nom de cet animal? --Non, monsieur le comte, il ne m'a pas dit... [5]Ah! monsieur le comte, m'ecriai-je devinant la verite, pardonnez-moi... Je ne savais pas... Serait-ce vous?... --Moi-meme, repondit le comte d'un air de confusion, et ce tableau troue est un souvenir de notre derniere [10]entrevue. --Ah! cher ami, dit la comtesse, pour l'amour de Dieu, ne parle pas de cela! cela me fait encore peur. --Non, dit le comte; il faut dire la chose a monsieur; il sait comment j'eus le malheur d'offenser son ami, il [15]est juste qu'il apprenne comment il s'est venge. Le comte m'avanca un fauteuil, et j'ecoutai avec la plus vive curiosite le recit suivant: --Il y a cinq ans que je me mariai. Le premier mois, _the honeymoon_, je le passai ici, dans ce chateau. A ce [20]chateau se rattache le souvenir des moments les plus heureux de ma vie, et aussi d'un des plus penibles. "Un soir, nous etions sortis tous les deux a cheval; le cheval de ma femme se defendait; elle eut peur; elle mit pied a terre et me pria de le ramener en main, tandis qu'elle [25]regagnerait le chateau a pied. A la porte, je trouvai une caleche de voyage. On m'annonca que, dans mon cabinet, il y avait un homme qui n'avait pas voulu decliner son nom, et qui avait dit seulement qu'il avait a me parler d'affaires. J'entrai dans cette chambre-ci, et, dans le [30]demi-jour, je vis un homme a longue barbe et couvert de poussiere, debout devant la cheminee. Je m'approchai, cherchant a me rappeler ses traits. Page 23 "-- Tu ne me reconnais pas, comte? me dit-il d'une voix Tremblante. "-- Silvio! m'ecriai-je. "Et, je vous l'avouerai, je crus sentir mes cheveux se [5]dresser sur mon front. "-- Precisement, continua-t-il, et c'est a moi de tirer. Je suis venu decharger mon pistolet. Es-tu pret? "J'apercus un pistolet qui sortait de sa poche de cote. Je mesurai douze pas, et j'allai me placer la, dans cet angle, [10]en le priant de se depecher de tirer avant que ma femme rentrat. Il ne voulut pas et demanda de la lumiere. On apporta des bougies. "Je fermai la porte, je dis qu'on ne laissat entrer personne, et, de nouveau, je le sommai de tirer. Il leva son [15]pistolet et m'ajusta... Je comptais les secondes... Je pensais a elle... Cela dura une effroyable minute. Silvio baissa son arme. "-- J'en suis bien fache, dit-il, mais mon pistolet n'est pas charge de noyaux de guignes;... une balle est dure [20]...Mais je fais une reflexion: ce que nous faisons ne ressemble pas trop a un duel, c'est un meurtre. Je ne suis pas accoutume a tirer sur un homme desarme. Recommencons tout cela; tirons au sort a qui le premier feu. [25]"La tete me tournait. Il parait que je refusai... Enfin, nous chargeames un autre pistolet; nous fimes deux billets qu'il jeta dans cette meme casquette qu'autrefois ma balle avait traversee. Je pris un billet, et j'eus encore le numero 1. [30]"-- Tu es diablement heureux, comte! me dit-il avec un sourire que je n'oublierai jamais. "Je ne comprends pas ce qui se passait en moi, et comment Page 24 il parvint a me contraindre,... mais je fis feu, et ma balle alla frapper ce tableau. Le comte me montrait du doigt la toile trouee par le coup de pistolet. Son visage etait rouge comme le feu. [5]La comtesse etait plus pale que son mouchoir, et, moi, j'eus peine a retenir un cri. --Je tirai donc, poursuivit le comte, et, grace a Dieu, je le manquai... Alors, Silvio... dans ce moment, il etait vraiment effroyable! se mit a m'ajuster. Tout a coup la [10]porte s'ouvrit. Macha se precipite dans le cabinet et s'elance a mon cou. Sa presence me rendit ma fermete. "-- Ma chere, lui dis-je, est-ce que tu ne vois pas que nous plaisantons? Comme te voila effrayee!... Va, va boire un verre d'eau, et reviens-nous. Je te presenterai [15]un ancien ami et un camarade. "Macha n'avait garde de me croire. "-- Dites-moi, est-ce vrai, ce que dit mon mari? demanda-t~elle au terrible Silvio. Est-il vrai que vous plaisantez? [20]"-- Il plaisante toujours, comtesse, repondit Silvio. Une fois, par plaisanterie, il m'a donne un soufflet; par plaisanterie, il m'a envoye une balle dans ma casquette; par plaisanterie, il vient tout a l'heure de me manquer d'un coup de pistolet. Maintenant, c'est a mon tour de [25]rire un peu... "A ces mots, il se remit a me viser... sous les yeux de ma femme. Macha etait tombee a ses pieds. "-- Leve-toi, Macha! n'as-tu point de honte! m'ecriai-je avec rage. --Et vous, monsieur, voulez-vous rendre folle [30]une malheureuse femme? Voulez-vous tirer, oui ou non? "-- Je ne veux pas, repondit Silvio. Je suis content. J'ai vu ton trouble, ta faiblesse; je t'ai force de tirer sur Page 25 moi, je suis satisfait; tu te souviendras de moi, je t'abandonne a ta conscience. "Il fit un pas vers la porte, et, s'arretant sur le seuil, il jeta un coup d'oeil sur le tableau troue, et, presque sans [5]ajuster, il fit feu et doubla ma balle, puis il sortit. Ma femme s'evanouit. Mes gens n'oserent l'arreter et s'ouvrirent devant lui avec effroi. Il alla sur le perron, appela son postillon, et il etait deja loin avant que j'eusse recouvre ma presence d'esprit... [10]Le comte se tut. C'est ainsi que j'appris la fin d'une histoire dont le commencement m'avait tant intrigue. Je n'en ai jamais revu le heros. On dit que Silvio, au moment de l'insurrection d'Alexandre Ypsilanti, etait a la tete d'un corps [15]d'hetairismes, et qu'il fut tue dans la deroute de Skouliani. Page 26 MAUPASSANT LA MAIN On faisait cercle autour de M. Bermutier, juge d'instruction, qui donnait son avis sur l'affaire mysterieuse de Saint-Cloud. Depuis un mois, cet inexplicable crime affolait Paris. Personne n'y comprenait rien. [5]M. Bermutier, debout, le dos a la cheminee, parlait, assemblait les preuves, discutait les diverses opinions, mais ne concluait pas. Plusieurs femmes s'etaient levees pour s'approcher et demeuraient debout, l'oeil fixe sur la bouche rasee du [10]magistrat d'ou sortaient les paroles graves. Elles frissonnaient, vibraient, crispees par leur peur curieuse, par l'avide et insatiable besoin d'epouvante qui hante leur ame, les torture comme une faim. Une d'elles, plus pale que les autres, prononca pendant [15]un silence: --C'est affreux. Cela touche au "surnaturel." On ne saura jamais rien. Le magistrat se tourna vers elle: --Oui, madame, il est probable qu'on ne saura jamais [20]rien. Quant au mot surnaturel que vous venez d'employer, il n'a rien a faire ici. Nous sommes en presence d'un crime fort habilement concu, fort habilement execute, si bien enveloppe de mystere que nous ne pouvons le degager des circonstances impenetrables qui l'entourent. [25]Mais j'ai eu, moi, autrefois, a suivre une affaire ou Page 27 vraiment semblait se meler quelque chose de fantastique. Il a fallu l'abandonner d'ailleurs, faute de moyens de l'eclaircir. Plusieurs femmes prononcerent en meme temps, si vite [5]que leurs voix n'en firent qu'une: --Oh! dites-nous cela. M. Bermutier sourit gravement, comme doit sourire un juge d'instruction. Il reprit: --N'allez pas croire, au moins, que j'aie pu, meme un [10]instant, supposer en cette aventure quelque chose de surhumain. Je ne crois qu'aux causes normales. Mais si, au lieu d'employer le mot "surnaturel" pour exprimer ce que nous ne comprenons pas, nous nous servions simplement du mot "inexplicable," cela vaudrait beaucoup mieux. [15]En tout cas, dans l'affaire que je vais vous dire, ce sont surtout les circonstances environnantes, les circonstances preparatoires qui m'ont emu. Enfin, voici les faits: J'etais alors juge d'instruction a Ajaccio, une petite ville blanche, couchee au bord d'un admirable golfe [20]qu'entourent partout de hautes montagnes. Ce que j'avais surtout a poursuivre la-bas, c'etaient les affaires de vendetta. Il y en a de superbes, de dramatiques au possible, de feroces, d'heroiques. Nous retrouvons la les plus beaux sujets de vengeance qu'on puisse rever, les [25]haines seculaires, apaisees un moment, jamais eteintes, les ruses abominables, les assassinats devenant des massacres et presque des actions glorieuses. Depuis deux ans, je n'entendais parler que du prix du sang, que de ce terrible prejuge corse qui force a venger toute injure sur la personne qui l'a faite, sur ses descendants et ses proches. J'avais vu egorger des vieillards, des enfants, des cousins, j'avais la tete pleine de ces histoires. Page 28 Or, j'appris un jour qu'un Anglais venait de louer pour plusieurs annees une petite villa au fond du golfe. Il avait amene avec lui un domestique francais, pris a Marseille en passant. [5]Bientot tout le monde s'occupa de ce personnage singulier, qui vivait seul dans sa demeure, ne sortant que pour chasser et pour pecher. Il ne parlait a personne, ne venait jamais a la ville, et, chaque matin, s'exercait pendant une heure ou deux, a tirer au pistolet et a la carabine. [10]Des legendes se firent autour de lui. On pretendit que c'etait un haut personnage fuyant sa patrie pour des raisons politiques; puis on affirma qu'il se cachait apres avoir commis un crime epouvantable. On citait meme des circonstances particulierement horribles. [15]Je voulus, en ma qualite de juge d'instruction, prendre quelques renseignements sur cet homme; mais il me fut impossible de rien apprendre. Il se faisait appeler sir John Rowell. Je me contentai donc de le surveiller de pres; mais on [20]ne me signalait, en realite, rien de suspect a son egard. Cependant, comme les rumeurs sur son compte continuaient, grossissaient, devenaient generales, je resolus d'essayer de voir moi-meme cet etranger, et je me mis a chasser regulierement dans les environs de sa propriete. [25]J'attendis longtemps une occasion. Elle se presenta enfin sous la forme d'une perdrix que je tirai et que je tuai devant le nez de l'Anglais. Mon chien me la rapporta; mais, prenant aussitot le gibier, j'allai m'excuser de mon inconvenance et prier sir John Rowell d'accepter l'oiseau [30]mort. C'etait un grand homme a cheveux rouges, a barbe rouge, tres haut, tres large, une sorte d'hercule placide et Page 29 poli. Il n'avait rien de la raideur dite britannique et il me remercia vivement de ma delicatesse en un francais accentue d' outre-Manche. Au bout d'un mois, nous avions cause ensemble cinq ou six fois. [5]Un soir enfin, comme je passais devant sa porte, je l'apercus qui fumait sa pipe, a cheval sur une chaise dans son jardin. Je le saluai, et il m'invita a entrer pour boire un verre de biere. Je ne me le fis pas repeter. Il me recut avec toute la meticuleuse courtoisie anglaise, [10]parla avec eloge de la France, de la Corse, declara qu'il aimait beaucoup cette pays, et cette rivage. Alors je lui posai, avec de grandes precautions et sous la forme d'un interet tres vif, quelques questions sur sa vie, sur ses projets. Il repondit sans embarras, me raconta [15]qu'il avait beaucoup voyage, en Afrique, dans les Indes, en Amerique. Il ajouta en riant: --J'ave eu bocoup d'aventures, oh! yes. Puis je me remis a parler chasse, et il me donna des details les plus curieux sur la chasse a l'hippopotame, au [20]tigre, a l'elephant et meme la chasse au gorille. Je dis: --Tous ces animaux sont redoutables. Il sourit: --Oh! no, le plus mauvais c'ete l'homme. [25]Il se mit a rire tout a fait, d'un bon rire de gros Anglais content: --J'ave beaucoup chasse l'homme aussi. Puis il parla d'armes, et il m'offrit d'entrer chez lui pour me montrer des fusils de divers systemes. [30]Son salon etait tendu de noir, de soie noire brodee d'or. De grandes fleurs jaunes couraient sur l'etoffe sombre, brillaient comme du feu. Page 30 Il annonca: --C'ete une drap japonaise. Mais, au milieu du plus large panneau, une chose etrange me tira l'oeil. Sur un carre de velours rouge, un objet [5]noir se detachait. Je m'approchai: c'etait une main, une main d'homme. Non pas une main de squelette, blanche et propre, mais une main noire dessechee, avec les ongles jaunes, les muscles a nu et des traces de sang ancien, de sang pareil a une crasse, sur les os coupes net, comme [10]d'un coup de hache, vers le milieu de l'avant-bras. Autour du poignet, une enorme chaine de fer, rivee, soudee a ce membre malpropre, l'attachait au mur par un anneau assez fort pour tenir un elephant en laisse. Je demandai: --Qu'est-ce que cela? L'Anglais repondit tranquillement: --C'ete ma meilleur ennemi. Il vene d'Amerique. Il ave ete fendu avec le sabre et arrache la peau avec une caillou coupante, et seche dans le soleil pendant huit [20]jours. Aoh, tres bonne pour moi, cette. Je touchai ce debris humain qui avait du appartenir a un colosse. Les doigts, demesurement longs, etaient attaches par des tendons enormes que retenaient des lanieres de peau par places. Cette main etait affreuse a [25]voir, ecorchee ainsi, elle faisait penser naturellement a quelque vengeance de sauvage. Je dis: --Cet homme devait etre tres fort. L'Anglais prononca avec douceur: 30 --Aoh yes; mais je ete plus fort que lui. J'ave mis cette chaine pour le tenir. Je crus qu'il plaisantait. Je dis: Page 31 --Cette chaine maintenant est bien inutile, la main ne se sauvera pas. Sir John Rowell reprit gravement: --Elle voule toujours s'en aller. Cette chaine ete [5]necessaire. D'un coup d'oeil rapide j'interrogeai son visage, me demandant: --Est-ce un fou, ou un mauvais plaisant? Mais la figure demeurait impenetrable, tranquille et [10]bienveillante. Je parlai d'autre chose et j'admirai les fusils. Je remarquai cependant que trois revolvers charges etaient poses sur les meubles, comme si cet homme eut vecu dans la crainte constante d'une attaque. Je revins [15]plusieurs fois chez lui. Puis je n'y allai plus. On s'etait accoutume a sa presence; il etait devenu indifferent a tous. Une annee entiere s'ecoula. Or un matin, vers la fin de novembre, mon domestique me reveilla en m'annoncant que sir John Rowell avait ete assassine dans la nuit. [20]Une demi-heure plus tard, je penetrais dans la maison de l'Anglais avec le commissaire central et le capitaine de gendarmerie. Le valet, eperdu et desespere, pleurait devant la porte. Je soupconnai d'abord cet homme, mais il etait innocent. [25]On ne put jamais trouver le coupable. En entrant dans le salon de sir John, j'apercus du premier coup d'oeil le cadavre etendu sur le dos, au milieu de la piece. Le gilet etait dechire, une manche arrachee pendait, tout annoncait qu'une lutte terrible avait eu lieu. Page 32 L'Anglais etait mort etrangle! Sa figure noire et gonflee, effrayante, semblait exprimer une epouvante abominable; il tenait entre ses dents serrees quelque chose; et le cou, perce de cinq trous qu'on aurait dit faits avec des [5]pointes de fer, etait couvert de sang. Un medecin nous rejoignit. Il examina longtemps les traces des doigts dans la chair et prononca ces etranges paroles: --On dirait qu'il a ete etrangle par un squelette. [10]Un frisson me passa dans le dos, et je jetai les yeux sur le mur, a la place ou j'avais vu jadis l'horrible main d'ecorche. Elle n'y etait plus. La chaine, brisee, pendait. Alors je me baissai vers le mort, et je trouvai dans [15]sa bouche crispee un des doigts de cette main disparue, coupe ou plutot scie par les dents juste a la deuxieme phalange. Puis on proceda aux constatations. On ne decouvrit rien. Aucune porte n'avait ete forcee, aucune fenetre, [20]aucun meuble. Les deux chiens de garde ne s'etaient pas reveilles. Voici, en quelques mots, la deposition du domestique: Depuis un mois, son maitre semblait agite. Il avait recu beaucoup de lettres, brulees a mesure. [25]Souvent, prenant une cravache, dans une colere qui semblait de la demence, il avait frappe avec fureur cette main sechee, scellee au mur et enlevee, on ne sait comment, a l'heure meme du crime. Il se couchait fort tard et s'enfermait avec soin. Il [30]avait toujours des armes a portee du bras. Souvent, la nuit, il parlait haut, comme s'il se fut querelle avec quelqu'un. Page 33 Cette nuit-la, par hasard, il n'avait fait aucun bruit, et c'est seulement en venant ouvrir les fenetres que le serviteur avait trouve sir John assassine. Il ne soupconnait personne. [5]Je communiquai ce que je savais du mort aux magistrats et aux officiers de la force publique, et on fit dans toute l'ile une enquete minutieuse. On ne decouvrit rien. Or, une nuit, trois mois apres le crime, j'eus un affreux cauchemar. Il me sembla que je voyais la main, l'horrible [10]main, courir comme un scorpion ou comme une araignee le long de mes rideaux et de mes murs. Trois fois, je me reveillai, trois fois je me rendormis, trois fois je revis le hideux debris galoper autour de ma chambre en remuant les doigts comme des pattes. [15]Le lendemain, on me l'apporta, trouve dans le cimetiere, sur la tombe de sir John Rowell, enterre la; car on n'avait pu decouvrir sa famille. L'index manquait. Voila, mesdames, mon histoire.. Je ne sais rien de plus. Les femmes, eperdues, etaient pales, frissonnantes. [20]Une d'elles s'ecria: --Mais ce n'est pas un denouement cela, ni une explication! Nous n'allons pas dormir si vous ne nous dites pas ce qui s'etait passe, selon vous. Le magistrat sourit avec severite: [25]--Oh! moi, mesdames, je vais gater, certes, vos reves terribles. Je pense tout simplement que le legitime proprietaire de la main n'etait pas mort, qu'il est venu la chercher avec celle qui lui restait. Mais je n'ai pu savoir comment il a fait, par exemple. C'est la une sorte de [30]vendetta. Page 34 Une des femmes murmura: --Non, ca ne doit pas etre ainsi. Et le juge d'instruction, souriant toujours, conclut: --Je vous avais bien dit que mon explication ne vous [5]irait pas. Page 35 UNE VENDETTA La veuve de Paolo Saverini habitait seule avec son fils une petite maison pauvre sur les remparts de Bonifacio. La ville, batie sur une avancee de la montagne, suspendue meme par places au-dessus de la mer, regarde, par-dessus [5]le detroit herisse d'ecueils, la cote plus basse de la Sardaigne. A ses pieds, de l'autre cote, la contournant presque entierement, une coupure de la falaise, qui ressemble a un gigantesque corridor, lui sert de port, amene jusqu'aux premieres maisons, apres un long circuit entre deux [10]murailles abruptes, les petits bateaux pecheurs italiens ou sardes, et, chaque quinzaine, le vieux vapeur poussif qui fait le service d'Ajaccio. Sur la montagne blanche, le tas de maisons pose une tache plus blanche encore. Elles ont l'air de nids d'oiseaux [15]sauvages, accrochees ainsi sur ce roc, dominant sur ce passage terrible ou ne s'aventurent guere les navires. Le vent, sans repos, fatigue la cote nue, rongee par lui, a peine vetue d'herbe; il s'engouffre dans le detroit, dont il ravage les deux bords. Les trainees d'ecume pale, [20]accrochees aux pointes noires des innombrables rocs qui percent partout les vagues, ont l'air de lambeaux de toiles flottant et palpitant a la surface de l'eau. La maison de la veuve Saverini, soudee au bord meme de la falaise, ouvrait ses trois fenetres sur cet horizon sauvage [25]et desole. Elle vivait la, seule, avec son fils Antoine et leur chienne "Semillante," grande bete maigre, aux poils longs et rudes, Page 36 de la race des gardeurs de troupeaux. Elle servait au jeune homme pour chasser. Un soir, apres une dispute, Antoine Saverini fut tue traitreusement, d'un coup de couteau, par Nicolas [5]Ravolati, qui, la nuit meme, gagna la Sardaigne. Quand la vieille mere recut le corps de son enfant, que des passants lui rapporterent, elle ne pleura pas, mais elle demeura longtemps immobile a le regarder; puis, etendant sa main ridee sur le cadavre, elle lui promit la vendetta. [10]Elle ne voulut point qu'on restat avec elle, et elle s'enferma aupres du corps avec la chienne, qui hurlait. Elle hurlait, cette bete, d'une facon continue, debout au pied du lit, la tete tendue vers son maitre, et la queue serree entre les pattes. Elle ne bougeait pas plus que la mere, [15]qui penchee maintenant sur le corps, l'oeil fixe, pleurait de grosses larmes muettes en le contemplant. Le jeune homme, sur le dos, vetu de sa veste de gros drap, trouee et dechiree a la poitrine, semblait dormir; mais il avait du sang partout: sur la chemise arrachee [20]pour les premiers soins; sur son gilet, sur sa culotte, sur la face, sur les mains. Des caillots de sang s'etaient figes dans la barbe et dans les cheveux. La vieille mere se mit a lui parler. Au bruit de cette voix, la chienne se tut. --Va, va, tu seras venge, mon petit, mon garcon, mon pauvre enfant. Dors, dors, tu seras venge, entends-tu? C'est la mere qui le promet! Et elle tient toujours sa parole, la mere, tu le sais bien. Et lentement elle se pencha vers lui, collant ses levres [30]froides sur les levres mortes. Alors, Semillante se remit a gemir. Elle poussait une longue plainte monotone, dechirante, horrible. Page 37 Elles resterent la, toutes les deux, la femme et la bete, jusqu'au matin. Antoine Saverini fut enterre le lendemain, et bientot on ne parla plus de lui dans Bonifacio. [5]Il n'avait laisse ni frere, ni proches cousins. Aucun homme n'etait la pour poursuivre la vendetta. Seule, la mere y pensait, la vieille: De l'autre cote du detroit, elle voyait du matin au soir un point blanc sur la cote. C'est un petit village sarde, [10]Longosardo, ou se refugient les bandits corses traques de trop pres. Ils peuplent presque seuls ce hameau, en face des cotes de leur patrie, et ils attendent la le moment de revenir, de retourner au maquis. C'est dans ce village, elle le savait, que s'etait refugie Nicolas Ravolati. [15]Toute seule, tout le long du jour, assise a sa fenetre, elle regardait la-bas en songeant a la vengeance. Comment ferait-elle sans personne, infirme, si pres de la mort? Mais elle avait promis, elle avait jure sur le cadavre. Elle ne pouvait oublier, elle ne pouvait attendre. Que ferait-elle? [20]Elle ne dormait plus la nuit; elle n'avait plus ni repos ni apaisement; elle cherchait, obstinee. La chienne, a ses pieds, sommeillait, et, parfois, levant la tete, hurlait au loin. Depuis que son maitre n'etait plus la, elle hurlait souvent ainsi, comme si elle l'eut appele, comme si [25]son ame de bete, inconsolable, eut aussi garde le souvenir que rien n'efface. Or, une nuit, comme Semillante se remettait a gemir, la mere, tout a coup, eut une idee, une idee de sauvage vindicatif et feroce. Elle la medita jusqu'au matin; puis, [30]levee des les approches du jour, elle se rendit a l'eglise. Elle pria, prosternee sur le pave, abattue devant Dieu, le Page 38 suppliant de l'aider, de la soutenir, de donner a son pauvre corps use la force qu'il lui fallait pour venger le fils. Puis elle rentra. Elle avait dans sa cour un ancien baril defonce, qui recueillait l'eau des gouttieres; elle le [5]renversa, le vida, l'assujettit contre le sol avec des pieux et des pierres; puis elle enchaina Semillante a cette niche, et elle rentra. Elle marchait maintenant, sans repos, dans sa chambre, l'oeil fixe toujours sur la cote de Sardaigne. Il etait [10]la-bas, l'assassin. La chienne, tout le jour et toute la nuit, hurla. La vieille, au matin, lui porta de l'eau dans une jatte; mais rien de plus: pas de soupe, pas de pain. La journee encore s'ecoula. Semillante, extenuee, dormait. [15]Le lendemain, elle avait les yeux luisants, le poil herisse, et elle tirait eperdument sur sa chaine. La vieille ne lui donna encore rien a manger. La bete, devenue furieuse, aboyait d'une voix rauque. La nuit encore se passa. [20]Alors, au jour leve, la mere Saverini alla chez le voisin, prier qu'on lui donnat deux bottes de paille. Elle prit de vieilles hardes qu'avait portees autrefois son mari, et les bourra de fourrage, pour simuler un corps humain. Ayant pique un baton dans le sol, devant la niche de [25]Semillante, elle noua dessus ce mannequin, qui semblait ainsi se tenir debout. Puis elle figura la tete au moyen d'un paquet de vieux linge. La chienne, surprise, regardait cet homme de paille, et se taisait bien que devoree de faim. [30]Alors la vieille alla acheter chez le charcutier un long morceau de boudin noir. Rentree chez elle, elle alluma un feu de bois dans sa cour, aupres de la niche, et fit griller Page 39 son boudin. Semillante, affolee, bondissait, ecumait, les yeux fixes sur le gril, dont le fumet lui entrait au ventre. Puis la mere fit de cette bouillie fumante une cravate a l'homme de paille. Elle la lui ficela longtemps autour [5]du cou, comme pour la lui entrer dedans. Quand ce fu fini, elle dechaina la chienne. D'un saut formidable, la bete atteignit la gorge du mannequin, et, les pattes sur les epaules, se mit a la dechirer. Elle retombait, un morceau de sa proie a la gueule, puis [10]s'elancait de nouveau, enfoncait ses crocs dans les cordes, arrachait quelques parcelles de nourriture, retombait encore, et rebondissait, acharnee. Elle enlevait le visage par grands coups de dents, mettait en lambeaux le col entier. [15]La vieille, immobile et muette, regardait, l'oeil allume. Puis elle renchaina sa bete, la fit encore jeuner deux jours, et recommenca cet etrange exercice. Pendant trois mois, elle l'habitua a cette sorte de lutte, a ce repas conquis a coups de crocs. Elle ne l'enchainait [20]plus maintenant, mais elle la lancait d'un geste sur le mannequin. Elle lui avait appris a le dechirer, a le devorer, sans meme qu'aucune nourriture fut cachee en sa gorge. Elle lui donnait ensuite, comme recompense, le boudin grille [25]pour elle. Des qu'elle apercevait l'homme, Semillante fremissait, puis tournait les yeux vers sa maitresse, qui lui criait: "Va!" d'une voix sifflante, en levant le doigt. Quand elle jugea le temps venu, la mere Saverini alla [30]se confesser et communia un dimanche matin, avec une ferveur extatique, puis, ayant revetu des habits de male, Page 40 semblable a un vieux pauvre deguenille, elle fit marche avec un pecheur sarde, qui la conduisit, accompagnee de sa chienne, de l'autre cote du detroit. Elle avait, dans un sac de toile, un grand morceau de [5]boudin. Semillante jeunait depuis deux jours. La vieille femme, a tout moment, lui faisait sentir la nourriture odorante, et l'excitait. Elles entrerent dans Longosardo. La Corse allait en boitillant. Elle se presenta chez un boulanger et demanda [10]la demeure de Nicolas Ravolati. Il avait repris son ancien metier, celui de menuisier. Il travaillait seul au fond de sa boutique. La vieille poussa la porte et l'appela: --He! Nicolas! [15]Il se tourna; alors, lachant sa chienne, elle cria: --Va, va, devore, devore! L'animal, affole, s'elanca, saisit la gorge. L'homme etendit les bras, l'etreignit, roula par terre. Pendant quelques secondes, il se tordit, battant le sol de ses pieds; [10]puis il demeura immobile, pendant que Semillante lui fouillait le cou, qu'elle arrachait par lambeaux. Deux voisins, assis sur leur porte, se rappelerent parfaitement avoir vu sortir un vieux pauvre avec un chien noir efflanque qui mangeait, tout en marchant, quelque chose de [25]brun que lui donnait son maitre. La vieille, le soir, etait rentree chez elle. Elle dormit bien, cette nuit-la. Page 41 L'AVENTURE DE WALTER SCHNAFFS _A Robert Pinchon_ Depuis son entree en France avec l'armee d'invasion, Walter Schnaffs se jugeait le plus malheureux des hommes. Il etait gros, marchait avec peine, soufflait beaucoup et souffrait affreusement des pieds qu'il avait fort plats et [5]fort gras. Il etait en outre pacifique et bienveillant, nullement magnanime ou sanguinaire, pere de quatre enfants qu'il adorait et marie avec une jeune femme blonde, dont il regrettait desesperement chaque soir les tendresses, les petits soins et les baisers. Il aimait se lever tard et se [10]coucher tot, manger lentement de bonnes choses et boire de la biere dans les brasseries. Il songeait en outre que tout ce qui est doux dans l'existence disparait avec la vie; et il gardait au coeur une haine epouvantable, instinctive et raisonnee en meme temps, pour les canons, les fusils, les revolvers et les sabres, mais surtout pour les baionnettes, [15]se sentant incapable de manoeuvrer assez vivement cette arme rapide pour defendre son gros ventre. Et, quand il se couchait sur la terre, la nuit venue, roule dans son manteau a cote des camarades qui ronflaient, il [20]pensait longuement aux siens laisses la-bas et aux dangers semes sur sa route: S'il etait tue, que deviendraient les petits? Qui donc les nourrirait et les eleverait? A l'heure meme, ils n'etaient pas riches, malgre les dettes qu'il avait contractees en partant pour leur laisser quelque [25]argent. Et Walter Schnaffs pleurait quelquefois. Au commencement des batailles il se sentait dans les Page 42 jambes de telles faiblesses qu'il se serait laisse tomber, s'il n'avait songe que toute l'armee lui passerait sur le corps. Le sifflement des balles herissait le poil sur sa peau. Depuis des mois il vivait ainsi dans la terreur et dans [5]l'angoisse. Son corps d'armee s'avancait vers la Normandie, et il fut un jour envoye en reconnaissance avec un faible detachement qui devait simplement explorer une partie du pays et se replier ensuite. Tout semblait calme dans la [10]campagne; rien n'indiquait une resistance preparee. Or, les Prussiens descendaient avec tranquillite dans une petite vallee que coupaient des ravins profonds, quand une fusillade violente les arreta net, jetant bas une vingtaine des leurs; et une troupe de francs-tireurs, [15]sortant brusquement d'un petit bois grand comme la main, s'elanca en avant, la baionnette au fusil. Walter Schnaffs demeura d'abord immobile, tellement surpris et eperdu qu'il ne pensait meme pas a fuir. Puis un desir fou de detaler le saisit; mais il songea aussitot [20]qu'il courait comme une tortue en comparaison des maigres Francais qui arrivaient en bondissant comme un troupeau de chevres. Alors, apercevant a six pas devant lui un large fosse plein de broussailles couvertes de feuilles seches, il y sauta a pieds joints, sans songer meme a la [25]profondeur, comme on saute d'un pont dans une riviere. Il passa, a la facon d'une fleche, a travers une couche epaisse de lianes et de ronces aigues qui lui dechirerent la face et les mains, et il tomba lourdement assis sur un lit de pierres. [30]Levant aussitot les yeux, il vit le ciel par le trou qu'il avait fait. Ce trou revelateur le pouvait denoncer, et il se traina avec precaution, a quatre pattes, au fond de Page 43 cette orniere, sous le toit de branchages enlaces, allant le plus vite possible, en s'eloignant du lieu de combat. Puis il s'arreta et s'assit de nouveau, tapi comme un lievre au milieu des hautes herbes seches. Il entendit pendant quelque temps encore des detonations, [5]des cris et des plaintes. Puis les clameurs de la lutte s'affaiblirent, cesserent. Tout redevint muet et calme. Soudain quelque chose remua: contre lui. Il eut un [10]sursaut epouvantable. C'etait un petit oiseau qui, s'etant pose sur une branche, agitait des feuilles mortes. Pendant pres d'une heure, le coeur de Walter Schnaffs en battit a grands coups presses. La nuit venait, emplissant d'ombre le ravin. Et le [15]soldat se mit a songer. Qu'allait-il faire? Qu'allait-il devenir? Rejoindre son armee?... Mais comment? Mais par ou? Et il lui faudrait recommencer l'horrible vie d'angoisses, d'epouvantes, de fatigues et de souffrances qu'il menait depuis le commencement de la guerre! Non! [20]Il ne se sentait plus ce courage. Il n'aurait plus l'energie qu'il fallait pour supporter les marches et affronter les dangers de toutes les minutes. Mais que faire? Il ne pouvait rester dans ce ravin et s'y cacher jusqu'a la fin des hostilites. Non, certes. S'il [25]n'avait pas fallu manger, cette perspective ne l'aurait pas trop atterre; mais il fallait manger, manger tous les jours. Et il se trouvait ainsi tout seul, en armes, en uniforme, sur le territoire ennemi, loin de ceux qui le pouvaient [30]defendre. Des frissons lui couraient sur la peau. Soudain il pensa: "Si seulement j'etais prisonnier!" Et son coeur fremit de desir, d'un desir violent, immodere, Page 44 d'etre prisonnier des Francais. Prisonnier! Il serait sauve, nourri, loge, a l'abri des balles et des sabres, sans apprehension possible, dans une bonne prison bien gardee. Prisonnier! Quel reve! [5]Et sa resolution fut prise immediatement: --Je vais me constituer prisonnier. Il se leva, resolu a executer ce projet sans tarder d'une minute. Mais il demeura immobile, assailli soudain par des reflexions facheuses et par des terreurs nouvelles. [10]Ou allait-il se constituer prisonnier? Comment? De quel cote? Et des images affreuses, des images de mort, se precipiterent dans son ame. Il allait courir des dangers terribles en s'aventurant seul, avec son casque a pointe, par la campagne. [15]S'il rencontrait des paysans? Ces paysans, voyant un Prussien perdu, un Prussien sans defense, le tueraient comme un chien errant! Ils le massacreraient avec leurs fourches, leurs pioches, leurs faux, leurs pelles! Ils en feraient une bouillie, une patee, avec l'acharnement des [20]vaincus exasperes. S'il rencontrait des francs-tireurs? Ces francs-tireurs, des enrages sans loi ni discipline, le fusilleraient pour s'amuser, pour passer une heure, histoire de rire en voyant sa tete. Et il se croyait deja appuye contre un mur en [25]face de douze canons de fusils, dont les petits trous ronds et noirs semblaient le regarder. S'il rencontrait l'armee francaise elle-meme? Les hommes d'avant-garde le prendraient pour un eclaireur, pour quelque hardi et malin troupier parti seul en reconnaissance, [30]et ils lui tireraient dessus. Et il entendait deja les detonations irregulieres des soldats couches dans les broussailles, tandis que lui, debout au milieu d'un champ, Page 45 affaissait, troue comme une ecumoire par les balles qu'il sentait entrer dans sa chair. Il se rassit, desespere. Sa situation lui paraissait sans issue. [5]La nuit etait tout a fait venue, la nuit muette et noire. Il ne bougeait plus. Tressaillant a tous les bruits inconnus et legers qui passent dans les tenebres. Un lapin, tapant du cul au bord d'un terrier, faillit faire s'enfuir Walter Schnaffs. Les cris des chouettes lui dechiraient l'ame, le [10]traversant de peurs soudaines, douloureuses comme des blessures. Il ecarquillait ses gros yeux pour tacher de voir dans l'ombre; et il s'imaginait a tout moment entendre marcher pres de lui. Apres d'interminables heures et des angoisses de damne, [15]il apercut, a travers son plafond de branchages, le ciel qui devenait clair. Alors, un soulagement immense le penetra; ses membres se detendirent, reposes soudain; son coeur s'apaisa; ses yeux se fermerent. Il s'endormit. Quand il se reveilla, le soleil lui parut arrive a peu pres [20]au milieu du ciel; il devait etre midi. Aucun bruit ne troublait la paix morne des champs; et Walter Schnaffs s'apercut qu'il etait atteint d'une faim aigue. Il baillait, la bouche humide a la pensee du saucisson des soldats; et son estomac lui faisait mal. [25]Il se leva, fit quelques pas, sentit que ses jambes etaient faibles, et se rassit pour reflechir. Pendant deux ou trois heures encore, il etablit le pour et le contre, changeant a tout moment de resolution, combattu, malheureux, tiraille par les raisons les plus contraires. [30]Une idee lui parut enfin logique et pratique, c'etait de guetter le passage d'un villageois seul, sans armes, et sans outils de travail dangereux, de courir au-devant de lui et Page 46 de se remettre en ses mains en lui faisant bien comprendre qu'il se rendait. Alors il ota son casque, dont la pointe le pouvait trahir, et il sortit sa tete au bord de son trou, avec des precautions [5]infinies. Aucun etre isole ne se montrait a l'horizon. La-bas, a droite, un petit village envoyait au ciel la fumee de ses toits, la fumee de ses cuisines! La-bas, a gauche; il apercevait, au bout des arbres d'une avenue, un grand [10]chateau flanque de tourelles. Il attendit jusqu'au soir, souffrant affreusement, ne voyant rien que des vols de corbeaux, n'entendant rien que les plaintes sourdes de ses entrailles. Et la nuit encore tomba sur lui. [15]Il s'allongea au fond de sa retraite et il s'endormit d'un sommeil fievreux, hante de cauchemars, d'un sommeil d'homme affame. L'aurore se leva de nouveau sur sa tete. Il se remit en observation. Mais la campagne restait vide comme la [20]veille; et une peur nouvelle entrait dans l'esprit de Walter Schnaffs, la peur de mourir de faim! Il se voyait etendu au fond de son trou, sur le dos, les deux yeux fermes. Puis des betes, des petites betes de toute sorte s'approchaient de son cadavre et se mettaient a le manger, l'attaquant [25]partout a la fois, se glissant sous ses vetements pour mordre sa peau froide. Et un grand corbeau lui piquait les yeux de son bec effile. Alors, il devint fou, s'imaginant qu'il allait s'evanouir de faiblesse et ne plus pouvoir marcher. Et deja, il [30]s'appretait a s'elancer vers le village, resolu a tout oser, a tout braver, quand il apercut trois paysans qui s'en allaient aux champs avec leurs fourches sur l'epaule, et il se replongea dans sa cachette. Page 47 Mais, des que le soir obscurcit la plaine, il sortit lentement du fosse, et se mit en route, courbe, craintif, le coeur battant, vers le chateau lointain, preferant entrer la-dedans plutot qu'au village qui lui semblait redoutable [5]comme une taniere pleine de tigres. Les fenetres d'en bas brillaient. Une d'elles etait meme ouverte; et une forte odeur de viande cuite s'en echappait, une odeur qui penetra brusquement dans le nez et jusqu'au fond du ventre de Walter Schnaffs, qui le crispa, le fit [10]haleter, l'attirant irresistiblement, lui jetant au coeur une audace desesperee. Et brusquement, sans reflechir, il apparut, casque, dans le cadre de la fenetre. Huit domestiques dinaient autour d'une grande table. [15]Mais soudain une bonne demeura beante, laissant tomber son verre, les yeux fixes. Tous les regards suivirent le sien! On apercut l'ennemi! Seigneur! les Prussiens attaquaient le chateau! ... Ce fut d'abord un cri, un seul cri, fait de huit cris pousses [20]sur huit tons differents, un cri d'epouvante horrible, puis une levee tumultueuse, une bousculade melee, une fuite eperdue vers la porte du fond. Les chaises tombaient, les hommes renversaient les femmes et passaient dessus. En deux secondes, la piece fut vide, abandonnee, avec la table [25]couverte de mangeaille en face de Walter Schnaffs stupefait, toujours debout dans sa fenetre. Apres quelques instants d'hesitation, il enjamba le mur d'appui et s'avanca vers les assiettes. Sa faim exasperee le faisait trembler comme un fievreux: mais une terreur le [30]retenait, le paralysait encore. Il ecouta. Toute la maison semblait fremir; des portes se fermaient, des pas rapides couraient sur le plancher de dessus. Le Prussien inquiet tendait l'oreille a ces confuses rumeurs; puis il entendit Page 48 des bruits sourds comme si des corps fussent tombes dans la terre molle, au pied des murs, des corps humains sautant du premier etage. Puis tout mouvement, toute agitation cesserent, et le [5]grand chateau devint silencieux comme un tombeau. Walter Schnaffs s'assit devant une assiette restee intacte, et il se mit a manger. Il mangeait par grandes bouchees comme s'il eut craint d'etre interrompu trop tot, de ne pouvoir engloutir assez. Il jetait a deux mains les [10]morceaux dans sa bouche ouverte comme une trappe; et des paquets de nourriture lui descendaient coup sur coup dans l'estomac, gonflant sa gorge en passant. Parfois, il s'interrompait, pret a crever a la facon d'un tuyau trop plein. Il prenait a la cruche au cidre et se deblayait [15]l'oesophage comme on lave un conduit bouche. Il vida toutes les assiettes, tous les plats et toutes les bouteilles; puis, saoul de liquide et de mangeaille, abruti, rouge, secoue par des hoquets, l'esprit trouble et la bouche grasse, il deboutonna son uniforme pour souffler, incapable [20]d'ailleurs de faire un pas. Ses yeux se fermaient, ses idees s'engourdissaient; il posa son front pesant dans ses bras croises sur la table, et il perdit doucement la notion des choses et des faits. Le dernier croissant eclairait vaguement l'horizon au-dessus [25]des arbres du parc. C'etait l'heure froide qui precede le jour. Des ombres glissaient dans les fourres, nombreuses et muettes; et parfois, un rayon de lune faisait reluire dans l'ombre une pointe d'acier. [30]Le chateau tranquille dressait sa grande silhouette noire. Deux fenetres seules brillaient encore au rez-de-chaussee. Page 49 Soudain, une voix tonnante hurla: --En avant! nom d'un nom! a l'assaut! mes enfants! Alors, en un instant, les portes, les contrevents et les vitres s'enfoncerent sous un flot d'hommes qui s'elanca, [5]brisa, creva tout, envahit la maison. En un instant cinquante soldats armes jusqu'aux cheveux, bondirent dans la cuisine ou reposait pacifiquement Walter Schnaffs, et, lui posant sur la poitrine cinquante fusils charges, le culbuterent, le roulerent, le saisirent, le lierent des pieds a la [10]tete. Il haletait d'ahurissement, trop abruti pour comprendre, battu, crosse et fou de peur. Et tout d'un coup, un gros militaire chamarre d'or lui planta son pied sur le ventre en vociferant: [15]--Vous etes mon prisonnier, rendez-vous! Le Prussien n'entendit que ce seul mot "prisonnier," et il gemit: "_ya, ya, ya_." Il fut releve, ficele sur une chaise, et examine avec une vive curiosite par ses vainqueurs qui soufflaient comme des [20]baleines. Plusieurs s'assirent, n'en pouvant plus d'emotion et de fatigue. Il souriait, lui, il souriait maintenant, sur d'etre enfin prisonnier! Un autre officier entra et prononca: [25]--Mon colonel, les ennemis se sont enfuis; plusieurs semblent avoir ete blesses. Nous restons maitres de la place. Le gros militaire qui s'essuyait le front vocifera: "Victoire!" Et il ecrivit sur un petit agenda de commerce tire de sa [30]poche: "Apres une lutte acharnee, les Prussiens ont du battre Page 50 en retraite, emportant leurs morts et leurs blesses, qu'on evalue a cinquante hommes hors" Le jeune officier reprit: [5]--Quelles dispositions dois-je prendre, mon colonel? Le colonel repondit: --Nous allons nous replier pour eviter un retour offensif avec de l'artillerie et des forces superieures. Et il donna l'ordre de repartir. [10]La colonne se reforma dans l'ombre, sous les murs du chateau, et se mit en mouvement, enveloppant de partout Walter Schnaffs garrotte, tenu par six guerriers le revolver au poing. Des reconnaissances furent envoyees pour eclairer la [15]route. On avancait avec prudence, faisant halte de temps en temps. Au jour levant, on arrivait a la sous-prefecture de la Roche-Oysel, dont la garde nationale avait accompli ce fait d'armes. [20]La population anxieuse et surexcitee attendait. Quand on apercut le casque du prisonnier, des clameurs formidables eclaterent. Les femmes levaient les bras; des vieilles pleuraient; un aieul lanca sa bequille au Prussien et blessa le nez d'un de ses gardiens. [25]Le colonel hurlait. --Veillez a la surete du captif. On parvint enfin a la maison de ville. La prison fut ouverte, et Walter Schnaffs jete dedans, libre de liens. Deux cents hommes en armes monterent la garde autour [30]du batiment. Alors, malgre des symptomes d'indigestion qui le tourmentaient depuis quelque temps, le Prussien, fou de joie, Page 51 se mit a danser, a danser eperdument, en levant les bras et les jambes, a danser en poussant des cris frenetiques, jusqu'au moment ou il tomba, epuise au pied d'un mur. Il etait prisonnier! Sauve! [5]C'est ainsi que le chateau de Champignet fut repris a l'ennemi apres six heures seulement d'occupation. Le colonel Ratier, marchand de drap, qui enleva cette affaire a la tete des gardes nationaux de la Roche-Oysel, fut decore. Page 52 TOMBOUCTOU Le boulevard, ce fleuve de vie, grouillait dans la poudre d'or du soleil couchant. Tout le ciel etait rouge, aveuglant; et, derriere la Madeleine, une immense nuee flamboyante jetait dans toute la longue avenue une [5]oblique averse de feu, vibrante comme une vapeur de brasier. La foule gaie, palpitante, allait sous cette brume enflammee et semblait dans une apotheose. Les visages etaient dores; les chapeaux noirs et les habits avaient des [10]reflets de pourpre; le vernis des chaussures jetait des flammes sur l'asphalte des trottoirs. Devant les cafes, un peuple d'hommes buvait les boissons brillantes et colorees qu'on aurait prises pour des pierres precieuses fondues dans le cristal. [15]Au milieu des consommateurs aux legers vetements plus fonces, deux officiers en grande tenue faisaient baisser tous les yeux par l'eblouissement de leurs dorures. Ils causaient, joyeux sans motif, dans cette gloire de vie, dans ce rayonnement radieux du soir; et ils regardaient la foule, [20]les hommes lents et les femmes pressees qui laissaient derriere elles une odeur savoureuse et troublante. Tout a coup un negre enorme, vetu de noir, ventru, chamarre de breloques sur un gilet de coutil, la face luisante comme si elle eut ete ciree, passa devant eux avec [25]un air de triomphe. Il riait aux passants, il riait aux vendeurs de journaux, il riait au ciel eclatant, il riait a Paris Page 53 entier. Il etait si grand qu'il depassait toutes les tetes; et, derriere lui, tous les badauds se retournaient pour le contempler de dos. Mais soudain il apercut les officiers, et, culbutant les [5]buveurs, il s'elanca. Des qu'il fut devant leur table, il planta sur eux ses yeux luisants et ravis, et les coins de sa bouche lui monterent jusqu'aux oreilles, decouvrant ses dents blanches, claires comme un croissant de lune dans un ciel noir. Les deux hommes, stupefaits, contemplaient [10]ce geant d'ebene, sans rien comprendre a sa gaiete. Et il s'ecria, d'une voix qui fit rire toutes les tables: --Bonjou, mon lieutenant. Un des officiers etait chef de bataillon, l'autre colonel. Le premier dit: [15]--Je ne vous connais pas, monsieur; j'ignore ce que vous voulez. Le negre reprit: --Moi aime beaucoup toi, lieutenant Vedie, siege Bezi, beaucoup raisin, cherche moi. [20]L'officier, tout a fait eperdu, regardait fixement l'homme, cherchant au fond de ses souvenirs; mais brusquement il s'ecria: --Tombouctou? Le negre, radieux, tapa sur sa cuisse en poussant un [25]rire d'une invraisemblable violence et beuglant: --Si, si, ya, mon lieutenant, reconne Tombouctou. ya, bonjou. Le commandant lui tendit la main en riant lui-meme de tout son coeur. Alors Tombouctou redevint grave. Il [30]saisit la main de l'officier, et, si vite que l'autre ne put l'empecher, il la baisa, selon la coutume negre et arabe. Confus, le militaire lui dit d'une voix severe: Page 54 --Allons, Tombouctou, nous ne sommes pas en Afrique. Assieds-toi la et dis-moi comment je te trouve ici. Tombouctou tendit son ventre, et, bredouillant, tant il parlait vite: [5]--Gagne beaucoup d'agent, beaucoup, grand'estaurant, bon mange, Prussiens, moi, beaucoup vole, beaucoup, cuisine francaise, Tombouctou, cuisinie de l'Empeeu, deux cent mille francs a moi. Ah! ah! ah! ah! Et il riait, tordu, hurlant avec une folie de joie dans le [10]regard. Quand l'officier, qui comprenait son etrange langage, l'eut interroge quelque temps, il lui dit: --Eh bien, au revoir, Tombouctou; a bientot. Le negre aussitot se leva, serra, cette fois, la main qu'on [15]lui tendait, et riant toujours, cria: --Bonjou, bonjou, mon lieutenant! Il s'en alla, si content, qu'il gesticulait en marchant, et qu'on le prenait pour un fou. Le colonel demanda: [20]-Qu'est-ce que cette brute? --Un brave garcon et un brave soldat. Je vais vous dire ce que je sais de lui; c'est assez drole. Vous savez qu'au commencement de la guerre de 1870 je fus enferme dans Bezieres, que ce negre appelle Bezi. [25]Nous n'etions point assieges, mais bloques. Les lignes prussiennes nous entouraient de partout, hors de portee des canons, ne tirant pas non plus sur nous, mais nous affamant peu a peu. J'etais alors lieutenant. Notre garnison se trouvait Page 55 composee de troupes de toute nature, debris de regiments echarpes, fuyards, maraudeurs, separes des corps d'armee. Nous avions de tout enfin, meme onze turcos arrives un soir on ne sait comment, on ne sait par ou. Ils s'etaient [5]presentes aux portes de la ville, harasses, deguenilles, affames et saouls. On me les donna. Je reconnus bientot qu'ils etaient rebelles a toute discipline, toujours dehors et toujours gris. J'essayai de la salle de police, meme de la prison, rien n'y fit. Mes [10]hommes disparaissaient des jours entiers, comme s'ils se fussent enfonces sous terre, puis reparaissaient ivres a tomber. Ils n'avaient pas d'argent. Ou buvaient-ils? Et comment, et avec quoi? Cela commencait a m'intriguer vivement, d'autant plus [15]que ces sauvages m'interessaient avec leur rire eternel et leur caractere de grands enfants espiegles. Je m'apercus alors qu'ils obeissaient aveuglement au plus grand d'eux tous, celui que vous venez de voir. Il les gouvernait a son gre, preparait leurs mysterieuses [20]entreprises en chef tout-puissant et inconteste. Je le fis venir chez moi et je l'interrogeai. Notre conversation dura bien trois heures, tant j'avais de peine a penetrer son surprenant charabia. Quant a lui, le pauvre diable, il faisait des efforts inouis pour etre compris, inventait des mots, [25]gesticulait, suait de peine, s'essuyait le front, soufflait, s'arretait et repartait brusquement, quand il croyait avoir trouve un nouveau moyen de s'expliquer. Je devinai enfin qu'il etait fils d'un grand chef, d'une sorte de roi negre des environs de Tombouctou. Je lui [30]demandai son nom. Il repondit quelque chose comme Chavaharibouhalikhranafotapolara. Il me parut plus simple de lui donner le nom de son pays: "Tombouctou." Page 56 Et, huit jours plus tard, toute la garnison ne le nommait plus autrement. Mais une envie folle nous tenait de savoir ou cet ex-prince africain trouvait a boire. Je le decouvris d'une [5]singuliere facon. J'etais un matin sur les remparts, etudiant l'horizon, quand j'apercus dans une vigne quelque chose qui remuait. On arrivait au temps des vendanges, les raisins etaient murs, mais je ne songeais guere a cela. Je pensai [10]qu'un espion s'approchait de la ville, et j'organisai une expedition complete pour saisir le rodeur. Je pris moi-meme le commandement, apres avoir obtenu l'autorisation du general. J'avais fait sortir, par trois portes differentes, trois [15]petites troupes qui devaient se rejoindre aupres de la vigne suspecte et la cerner. Pour couper la retraite a l'espion, un de ces detachements avait a taire une marche d'une heure au moins. Un homme reste en observation sur les murs m'indiqua par signe que l'etre apercu n'avait point [20]quitte le champ. Nous allions en grand silence, rampant, presque couches dans les ornieres. Enfin, nous touchons au point designe; je deploie brusquement mes soldats, qui s'elancent dans la vigne, et trouvent.... Tombouctou voyageant a quatre pattes au milieu des ceps et mangeant [25]du raisin, ou plutot happant du raisin comme un chien qui mange sa soupe, a pleine bouche, a la plante meme, en arrachant la grappe d'un coup de dent. Je voulus le faire relever; il n'y fallait pas songer, et je compris alors pourquoi il se trainait ainsi sur les mains [30]et sur les genoux. Des qu'on l'eut plante sur ses jambes il oscilla quelques secondes, tendit les bras et s'abattit sur le nez. Il etait gris comme je n'ai jamais vu un homme etre gris. Page 57 On le rapporta sur deux echalas, il ne cessa de rire tout le long de la route en gesticulant des bras et des jambes. C'etait la tout le mystere. Mes gaillards buvaient au [5]raisin lui-meme. Puis, lorsqu'ils etaient saouls a ne plus bouger, ils dormaient sur place. Quant a Tombouctou, son amour de la vigne passait toute croyance et toute mesure. Il vivait la-dedans a la facon des grives, qu'il haissait d'ailleurs d'une haine de [10]rival jaloux. Il repetait sans cesse: --Les gives mange tout le raisin, capules! Un soir on vint me chercher. On apercevait par la plaine quelque chose arrivant vers nous. Je n'avais point pris ma lunette, et je distinguais fort mal. On eut dit un [15]grand serpent qui se deroulait, un convoi, que sais-je? J'envoyai quelques hommes au-devant de cette etrange caravane qui fit bientot son entree triomphale. Tombouctou et neuf de ses compagnons portaient sur une sorte d'autel, fait avec des chaises de campagne, huit tetes [20]coupees, sanglantes et grimacantes. Le dixieme turco trainait un cheval a la queue duquel un autre etait attache, et six autres betes suivaient encore, retenues de la meme facon. Voici ce que j'appris. Etant partis aux vignes, mes [25]Africains avaient apercu tout a coup un detachement prussien s'approchant d'un village. Au lieu de fuir, ils s'etaient caches; puis, lorsque les officiers eurent mis pied a terre devant une auberge pour se rafraichir, les onze gaillards s'elancerent, mirent en fuite les uhlans qui se [30]crurent attaques, tuerent les deux sentinelles, plus le colonel et les cinq officiers de son escorte. Ce jour-la, j'embrassai Tombouctou. Mais je m'apercus Page 58 qu'il marchait avec peine. Je le crus blesse; il se mit a rire et me dit: --Moi, povisions pou pays. C'est que Tombouctou ne faisait point la guerre pour [5]l'honneur, mais bien pour le gain. Tout ce qu'il trouvait, tout ce qui lui paraissait avoir une valeur quelconque, tout ce qui brillait surtout, il le plongeait dans sa poche! Quelle poche! un gouffre qui commencait a la hanche et finissait aux chevilles. Ayant retenu un terme de troupier, [10]il l'appelait sa "profonde," et c'etait sa profonde, en effet! Donc il avait detache l'or des uniformes prussiens, le cuivre des casques, les boutons, etc., et jete le tout dans sa "profonde" qui etait pleine a deborder. Chaque jour, il precipitait la-dedans tout objet luisant [15]qui lui tombait sous les yeux, morceaux d'etain ou pieces d'argent, ce qui lui donnait parfois une tournure infiniment drole. Il comptait remporter cela au pays des autruches, dont il semblait bien frere, ce fils de roi, torture par le besoin [20]d'engloutir les corps brillants. S'il n'avait pas eu sa profonde, qu'aurait-il fait? Il les aurait sans doute avales. Chaque matin sa poche etait vide. Il avait donc un magasin general ou s'entassaient ses richesses. Mais ou? [25]Je ne l'ai pu decouvrir. Le general, prevenu du haut fait de Tombouctou, fit bien vite enterrer les corps demeures au village voisin, pour qu'on ne decouvrit point qu'ils avaient ete decapites. Les Prussiens y revinrent le lendemain. Le maire et sept [30]habitants notables furent fusilles sur-le-champ, par represailles, comme ayant denonce la presence des Allemands. Page 59 L'hiver etait venu. Nous etions harasses et desesperes. On se battait maintenant tous les jours. Les hommes affames ne marchaient plus. Seuls les huit turcos (trois avaient ete tues) demeuraient gras et luisants, et vigoureux, [5]toujours prets a se battre. Tombouctou engraissait meme. Il me dit un jour: --Toi beaucoup faim, moi bon viande. Et il m'apporta en effet un excellent filet. Mais de quoi? Nous n'avions plus ni boeufs, ni moutons, ni chevres, [10]ni anes, ni porcs. Il etait impossible de se procurer du cheval. Je reflechis a tout cela apres avoir devore ma viande. Alors une pensee horrible me vint. Ces negres etaient nes bien pres du pays ou l'on mange des hommes! Et chaque jour tant de soldats tombaient [15]autour de la ville! J'interrogeai Tombouctou. Il ne voulut pas repondre. Je n'insistai point, mais je refusai desormais ses presents. Il m'adorait. Une nuit, la neige nous surprit aux avant-postes. Nous etions assis par terre. Je regardais [20]avec pitie les pauvres negres grelottant sous cette poussiere blanche et glacee. Comme j'avais grand froid, je me mis a tousser. Je sentis aussitot quelque chose s'abattre sur moi, comme une grande et chaude couverture. C'etait le manteau de Tombouctou qu'il me jetait sur les [25]epaules. Je me levai et, lui rendant son vetement: --Garde ca, mon garcon; tu en as plus besoin que moi. Il repondit: --Non, mon lieutenant, pou toi, moi pas besoin, moi [30]chaud, chaud. Et il me contemplait avec des yeux suppliants. Je repris: Page 60 --Allons, obeis, garde ton manteau, je le veux. Le negre alors se leva, tira son sabre qu'il savait rendre coupant comme une faulx, et tenant de l'autre main sa large capote que je refusais: 5--Si toi pas gade manteau, moi coupe; pesonne manteau. Il l'aurait fait. Je cedai. Huit jours plus tard, nous avions capitule. Quelques-uns d'entre nous avaient pu s'enfuir. Les autres allaient [10]sortir de la ville et se rendre aux vainqueurs. Je me dirigeais vers la place d'Armes ou nous devions nous reunir quand je demeurai stupide d'etonnement devant un negre geant vetu de coutil blanc et coiffe d'un chapeau de paille. C'etait Tombouctou. Il semblait [15]radieux et se promenait, les mains dans ses poches, devant une petite boutique ou l'on voyait en montre deux assiettes et deux verres. Je lui dis: --Qu'est-ce que tu fais? [20]Il repondit: --Moi pas pati, moi bon cuisine, moi fait mange colonel, Algeie; moi mange Pussiens, beaucoup vole, beaucoup. Il gelait a dix degres. Je grelottais devant ce negre en coutil. Alors il me prit par le bras et me fit entrer. [25]J'apercus une enseigne demesuree qu'il allait pendre devant sa porte sitot que nous serions partis, car il avait quelque pudeur. Et je lus, trace par la main de quelque complice, cet appel: Page 61 CUISINE MILITAIRE DE M. TOMBOUCTOU ANCIEN CUISINER DE S. M. L'EMPEREUR. _Artiste de Paris.--Prix moderes._ Malgre le desespoir qui me rongeait le coeur, je ne pus [5]m'empecher de rire, et je laissai mon negre a son nouveau commerce. Cela ne valait-il pas mieux que de le faire emmener prisonnier? Vous venez de voir qu'il a reussi, le gaillard. [10]Bezieres, aujourd'hui, appartient a l'Allemagne. Le restaurant Tombouctou est un commencement de Revanche. Page 62 EN MER A Henry Ceard On lisait dernierement dans les journaux les lignes suivantes: Boulogne-sur-Mer, 22 janvier.--On nous ecrit: "Un affreux malheur vient de jeter la consternation [5]parmi notre population maritime deja si eprouvee depuis deux annees. Le bateau de peche commande par le patron Javel, entrant dans le port, a ete jete a l'Ouest et est venu se briser sur les roches du brise-lames de la jetee. "Malgre les efforts du bateau de sauvetage et des lignes [10]envoyees au moyen du fusil porte-amarre, quatre hommes et le mousse ont peri. "Le mauvais temps continue. On craint de nouveaux sinistres." Quel est ce patron Javel? Est-il le frere du manchot? [15]Si le pauvre homme roule par la vague, et mort peut-etre sous les debris de son bateau mis en pieces, est celui auquel je pense, il avait assiste, voici dix-huit ans maintenant, a un autre drame, terrible et simple comme sont toujours ces drames formidables des flots. [20]Javel aine etait alors patron d'un chalutier. Le chalutier est le bateau de peche par excellence. Solide a ne craindre aucun temps, le ventre rond, roule sans cesse par les lames comme un bouchon, toujours dehors, toujours fouette par les vents durs et sales de la [25]Manche, il travaille la mer, infatigable, la voile gonflee, Page 63 trainant par le flanc un grand filet qui racle le fond de l'Ocean, et detache et cueille toutes les betes endormies dans les roches, les poissons plats colles au sable, les crabes lourds aux pattes crochues, les homards aux moustaches [5]pointues. Quand la brise est fraiche et la vague courte, le bateau se met a pecher. Son filet est fixe tout le long d'une grande tige de bois garnie de fer qu'il laisse descendre au moyen de deux cables glissant sur deux rouleaux aux deux bouts [10]de l'embarcation. Et le bateau, derivant sous le vent et le courant, tire avec lui cet appareil qui ravage et devaste le sol de la mer. Javel avait a son bord son frere cadet, quatre hommes et un mousse. Il etait sorti de Boulogne par un beau [15]temps clair pour jeter le chalut. Or, bientot le vent s'eleva, et une bourrasque survenant forca le chalutier a fuir. Il gagna les cotes d'Angleterre; mais la mer demontee battait les falaises, se ruait contre la terre, rendait impossible l'entree des ports. Le [20]petit bateau reprit le large et revint sur les cotes de France. La tempete continuait a faire infranchissables les jetees, enveloppant d'ecume, de bruit et de danger tous les abords des refuges. Le chalutier repartit encore, courant sur le dos des flots, [25]ballotte, secoue, ruisselant, soufflete par des paquets d'eau, mais gaillard, malgre tout, accoutume a ces gros temps qui le tenaient parfois cinq ou six jours errant entre les deux pays voisins sans pouvoir aborder l'un ou l'autre. Puis enfin l'ouragan se calma comme il se trouvait en [30]pleine mer, et, bien que la vague fut encore forte, le patron commanda de jeter le chalut. Donc le grand engin de peche fut passe par-dessus bord, Page 64 et deux hommes a l'avant, deux hommes a l'arriere, commencerent a filer sur les rouleaux les amarres qui le tenaient. Soudain il toucha le fond, mais une haute lame inclinant le bateau, Javel cadet, qui se trouvait a l'avant [5]et dirigeait la descente du filet, chancela, et son bras se trouva saisi entre la corde un instant detendue par la secousse et le bois ou elle glissait. Il fit un effort desespere, tachant de l'autre main de soulever l'amarre, mais le chalut trainait deja et le cable roidi ne ceda point. [10]L'homme crispe par la douleur appela. Tous accoururent. Son frere quitta la barre. Ils se jeterent sur la corde, s'efforcant de degager le membre qu'elle broyait. Ce fut en vain. "Faut couper", dit un matelot, et il tira de sa poche un large couteau, qui pouvait, en deux coups, [15]sauver le bras de Javel cadet. Mais couper, c'etait perdre le chalut, et ce chalut valait de l'argent, beaucoup d'argent, quinze cents francs; et il appartenait a Javel aine, qui tenait a son avoir. Il cria, le coeur torture: "Non, coupe pas, attends, je [20]vas lofer." Et il courut au gouvernail, mettant toute la barre dessous. Le bateau n'obeit qu'a peine, paralyse par ce filet qui immobilisait son impulsion, et entraine d'ailleurs par la force de la derive et du vent. [25]Javel cadet s'etait laisse tomber sur les genoux, les dents serrees, les yeux hagards. Il ne disait rien. Son frere revint, craignant toujours le couteau d'un marin: "Attends, attends, coupe pas, faut mouiller l'ancre." L'ancre fut mouillee, toute la chaine filee, puis on se [30]mit a virer au cabestan pour detendre les amarres du chalut. Elles s'amollirent, enfin, et on degagea le bras inerte, sous la manche de laine ensanglantee. Page 65 Javel cadet semblait idiot. On lui retira la vareuse et on vit une chose horrible, une bouillie de chair dont le sang jaillissait a flots qu'on eut dit pousses par une pompe. Alors l'homme regarda son bras et murmura: "Foutu." Puis, comme l'hemorragie faisait une mare sur le pont du bateau, un des matelots cria: "Il va se vider, faut nouer la veine." Alors ils prirent une ficelle, une grosse ficelle brune et goudronnee, et, enlacant le membre au-dessus de la [10]blessure, ils serrerent de toute leur force. Les jets de sang s'arretaient peu a peu; et finirent par cesser tout a fait. Javel cadet se leva, son bras pendait a son cote. Il le prit de l'autre main, le souleva, le tourna, le secoua. Tout etait rompu, les os casses; les muscles seuls retenaient ce [15]morceau de son corps. Il le considerait d'un oeil morne, reflechissant.. Puis il s'assit sur une voile pliee, et les camarades lui conseillerent de mouiller sans cesse la blessure pour empecher le mal noir. On mit un seau aupres de lui, et, de minute en minute, il [20]puisait dedans au moyen d'un verre, et baignait l'horrible plaie en laissant couler dessus un petit filet d'eau claire. --Tu serais mieux en bas, lui dit son frere. Il descendit, mais au bout d'une heure il remonta, ne se sentant pas bien tout seul. Et puis, il preferait le grand air. Il [25]se rassit sur sa voile et recommenca a bassiner son bras. La peche etait bonne. Les larges poissons a ventre blanc gisaient a cote de lui, secoues par des spasmes de mort; il les regardait sans cesser d'arroser ses chairs ecrasees. [30]Comme on allait regagner Boulogne, un nouveau coup de vent se dechaina; et le petit bateau recommenca sa Page 66 course folle, bondissant et culbutant, secouant le triste blesse. La nuit vint. Le temps fut gros jusqu'a l'aurore. Au soleil levant on apercevait de nouveau l'Angleterre, mais, [5]comme la mer etait moins dure, on repartit pour la France en louvoyant. Vers le soir, Javel cadet appela ses camarades et leur montra des traces noires, toute une vilaine apparence de pourriture sur la partie du membre qui ne tenait plus a [10]lui. Les matelots regardaient, disant leur avis. --Ca pourrait bien etre le Noir, pensait l'un. --Faudrait de l'eau salee la-dessus, declarait un autre. On apporta donc de l'eau salee et on en versa sur le [15]mal. Le blesse devint livide, grinca des dents, se tordit un peu; mais il ne cria pas. Puis, quand la brulure se fut calmee: "Donne-moi ton couteau", dit-il a son frere. Le frere tendit son couteau. --"Tiens-moi le bras en l'air, tout drait, tire dessus." [20]On fit ce qu'il demandait. Alors il se mit a couper lui-meme. Il coupait doucement, avec reflexion, tranchant les derniers tendons avec cette lame aigue, comme un fil de rasoir; et bientot il n'eut plus qu'un moignon. Il poussa un profond soupir et declara: [25]"Fallait ca. J'etais foutu." Il semblait soulage et respirait avec force. Il recommenca a verser de l'eau sur le troncon de membre qui lui restait. La nuit fut mauvaise encore et on ne put atterrir. [30]Quand le jour parut, Javel cadet prit son bras detache et l'examina longuement. La putrefaction se declarait. Les camarades vinrent aussi l'examiner, et ils se le Page 67 passaient de main en main, le tataient, le retournaient, le flairaient. Son frere dit: "Faut jeter ca a la mer a c't'-heure." Mais Javel cadet se facha: "Ah! mais non, ah! mais non. [5]J'veux point. C'est a moi, pas vrai, puisque c'est mon bras." Il le reprit et le posa entre ses jambes. --Il va pas moins pourrir, dit l'aine. Alors une idee vint au blesse. Pour conserver le poisson quand on tenait [10]longtemps la mer, on l'empilait en des barils de sel. Il demanda: "J'pourrions t'y point l'mettre dans la saumure?" --Ca, c'est vrai, declarerent les autres. Alors on vida un des barils, plein deja de la peche des [15]jours derniers; et, tout au fond, on deposa le bras. On versa du sel dessus, puis on replaca, un a un, les poissons. Un des matelots fit cette plaisanterie: "Pourvu que je l'vendions point a la criee." Et tout le monde rit, hormis les deux Javel. [20]Le vent soufflait toujours. On louvoya encore en vue de Boulogne jusqu'au lendemain dix heures. Le blesse continuait sans cesse a jeter de l'eau sur sa plaie. De temps en temps il se levait et marchait d'un bout a l'autre du bateau. [25]Son frere, qui tenait la barre, le suivait de l'oeil en hochant la tete. On finit par rentrer au port. Le medecin examina la blessure et la declara en bonne voie. Il fit un pansement complet et ordonna le repos. [30]Mais Javel ne voulut pas se coucher sans avoir repris son bras, et il retourna bien vite au port pour retrouver le baril qu'il avait marque d'une croix. Page 68 On le vida devant lui et il ressaisit son membre, bien conserve dans la saumure, ride, rafraichi. Il l'enveloppa dans une serviette emportee a cette intention et rentra chez lui. [5]Sa femme et ses enfants examinerent longuement ce debris du pere, tatant les doigts, enlevant les brins de sel restes sous les ongles; puis on fit venir le menuisier pour un petit cercueil. Le lendemain l'equipage complet du chalutier suivit [10]l'enterrement du bras detache. Les deux freres, cote a cote, conduisaient le deuil. Le sacristain de paroisse tenait son cadavre sous son aisselle. Javel cadet cessa de naviguer. Il obtint un petit emploi dans le port, et, quand il parlait plus tard de son [15]accident, il confiait tout bas a son auditeur: "Si le frere avait voulu couper le chalut, j'aurais encore mon bras, pour sur. Mais il etait regardant a son bien." Page 69 LES PRISONNIERS Aucun bruit dans la foret que le fremissement leger de la neige tombant sur les arbres. Elle tombait depuis midi, une petite neige fine qui poudrait les branches d'une mousse glacee qui jetait sur les feuilles mortes des fourres [5]un leger toit d'argent, etendait par les chemins un immense tapis moelleux et blanc, et qui epaississait le silence illimite de cet ocean d'arbres. Devant la porte de la maison forestiere, une jeune femme, les bras nus, cassait du bois a coups de hache sur [10]une pierre. Elle etait grande, mince et forte, une fille des forets, fille et femme de forestiers. Une voix cria de l'interieur de la maison: --Nous sommes seules, ce soir, Berthine, faut rentrer, v'la la nuit, y a p't-etre bien des Prussiens et des loups qui [15]rodent. La bucheronne repondit en fendant une souche a grands coups qui redressaient sa poitrine a chaque mouvement pour lever les bras. --J'ai fini, m'man. Me v'la, me v'la, y a pas de crainte; [20]il fait encore jour. Puis elle rapporta ses fagots et ses buches et les entassa le long de la cheminee, ressortit pour fermer les auvents, d'enormes auvents en coeur de chene, et rentree enfin, elle poussa les lourds verrous de la porte. [25]Sa mere filait aupres du feu, une vieille ridee que l'age avait rendue craintive: --J'aime pas, dit-elle, quand le pere est dehors. Deux femmes ca n'est pas fort. Page 70 La jeune repondit: --Oh! je tuerais ben un loup ou un Prussien tout de meme. Et elle montrait de l'oeil un gros revolver suspendu [5]au-dessus de l'atre. Son homme avait ete incorpore dans l'armee au commencement de l'invasion prussienne; et les deux femmes etaient demeurees seules avec le pere, le vieux garde Nicolas Pichon, dit l'Echasse, qui avait refuse obstinement [10]de quitter sa demeure pour rentrer a la ville. La ville prochaine, c'etait Rethel, ancienne place forte perchee sur un rocher. On y etait patriote, et les bourgeois avaient decide de resister aux envahisseurs, de s'enfermer chez eux et de soutenir un siege selon la tradition de la [15]cite. Deux fois deja, sous Henri IV et Louis XIV, les habitants de Rethel s'etaient illustres par des defenses heroiques. Ils en feraient autant cette fois, ventrebleu! ou bien on les brulerait dans leurs murs. Donc, ils avaient achete des canons et des fusils, equipe [20]une milice, forme des bataillons et des compagnies, et ils s'exercaient tout le jour sur la place d'Armes. Tous, boulangers, epiciers, bouchers, notaires, avoues, menuisiers, libraires, pharmaciens eux-memes manoeuvraient a tour de role, a des heures regulieres, sous les ordres de M. [25]Lavigne, ancien sous-officier de dragons, aujourd'hui mercier, ayant epouse la fille et herite de la boutique de M. Ravaudan, l'aine. Il avait pris le grade de commandant-major de la place, et tous les jeunes hommes etant partis a l'armee, il avait [30]enregimente tous les autres qui s'entrainaient pour la resistance. Les gros n'allaient plus par les rues qu'au pas gymnastique pour fondre leur graisse et prolonger leur Page 71 haleine, les faibles portaient des fardeaux pour fortifier leurs muscles. Et on attendait les Prussiens. Mais les Prussiens ne paraissaient pas. Ils n'etaient pas loin, cependant; car [5]deux fois deja leurs eclaireurs avaient pousse a travers bois jusqu'a la maison forestiere de Nicolas Pichon, dit l'Echasse. Le vieux garde, qui courait comme un renard, etait venu prevenir la ville. On avait pointe les canons, mais [10]l'ennemi ne s'etait point montre. Le logis de l'Echasse servait de poste avance dans la foret d'Aveline. L'homme, deux fois par semaine, allait aux provisions et apportait aux bourgeois citadins des nouvelles de la campagne. [15]Il etait parti ce jour-la pour annoncer qu'un petit detachement d'infanterie allemande s'etait arrete chez lui l'avant-veille, vers deux heures de l'apres-midi, puis etait reparti presque aussitot. Le sous-officier qui commandait parlait francais. [20]Quand il s'en allait ainsi, le vieux, il emmenait ses deux chiens, deux molosses a gueule de lion, par crainte des loups qui commencaient a devenir feroces, et il laissait ses deux femmes en leur recommandant de se barricader dans la maison des que la nuit approcherait. [25]La jeune n'avait peur de rien, mais la vieille tremblait toujours et repetait: --Ca finira mal, tout ca, vous verrez que ca finira mal. Ce soir-la, elle etait encore plus inquiete que de coutume: --Sais-tu a quelle heure rentrera le pere? dit-elle. [30]--Oh! pas avant onze heures, pour sur. Quand il dine chez le commandant, il rentre toujours tard. Page 72 Et elle accrochait sa marmite sur le feu pour faire la soupe, quand elle cessa de remuer, ecoutant un bruit vague qui lui etait venu par le tuyau de la cheminee. Elle murmura: [5]--V'la qu'on marche dans le bois, il y a ben sept-huit hommes, au moins. La mere, effaree, arreta son rouet en balbutiant: --Oh! mon Dieu! et le pere qu'est pas la! Elle n'avait point fini de parler que des coups violents [10]firent trembler la porte. Comme les femmes ne repondaient point, une voix forte et gutturale cria: --Oufrez! Puis, apres un silence, la meme voix reprit: [15]--Oufrez ou che gasse la borte! Alors Berthine glissa dans la poche de sa jupe le gros revolver de la cheminee, puis, etant venue coller son oreille contre l'huis, elle demanda: --Qui etes-vous? [20]La voix repondit: --Che suis le tetachement de l'autre chour. La jeune femme reprit: --Qu'est-ce que vous voulez? --Che suis berdu tepuis ce matin, tans le pois, avec mon [25]tetachement. Oufrez ou che gasse la borte. La forestiere n'avait pas le choix; elle fit glisser vivement le gros verrou, puis tirant le lourd battant, elle apercut dans l'ombre pale des neiges, six hommes, six soldats prussiens, les memes qui etaient venus la veille. [30]Elle prononca d'un ton resolu: --Qu'est-ce que vous venez faire a cette heure-ci? Le sous-officier repeta: Page 73 --Che suis berdu, tout a fait berdu, che regonnu la maison. Che n'ai rien manche tepuis ce matin, mon tetachement non blus. Berthine declara: [5]--C'est que je suis toute seule avec maman, ce soir. Le soldat, qui paraissait un brave homme, repondit: --Ca ne fait rien. Che ne ferai bas de mal, mais fous nous ferez a mancher. Nous dombons te faim et te fatigue. [10]La forestiere se recula: --Entrez, dit-elle. Ils entrerent, poudres de neige, portant sur leurs casques une sorte de creme mousseuse qui les faisait ressembler a des meringues, et ils paraissaient las, extenues. [15]La jeune femme montra les bancs de bois des deux cotes de la grande table. --Asseyez-vous, dit-elle, je vais vous faire de la soupe. C'est vrai que vous avez l'air rendus. Puis elle referma les verrous de la porte. [20]Elle remit de l'eau dans la marmite, y jeta de nouveau du beurre et des pommes de terre, puis decrochant un morceau de lard pendu dans la cheminee, elle en coupa la moitie qu'elle plongea dans le bouillon. Les six hommes suivaient de l'oeil tous ses mouvements [25]avec une faim eveillee dans leurs yeux. Ils avaient pose leurs fusils et leurs casques dans un coin, et ils attendaient, sages comme des enfants sur les bancs d'une ecole. La mere s'etait remise a filer en jetant a tout moment des regards eperdus sur les soldats envahisseurs. On n'entendait [30]rien autre chose que le ronflement leger du rouet et le crepitement du feu et le murmure de l'eau qui S'echauffait. Page 74 Mais soudain un bruit etrange les fit tous tressaillir, quelque chose comme un souffle rauque pousse sous la porte, un souffle de bete, fort et ronflant. Le sous-officier allemand avait fait un bond vers les [5]fusils. La forestiere l'arreta d'un geste, et souriante: --C'est les loups, dit-elle. Ils sont comme vous, ils rodent et ils ont faim. L'homme incredule voulut voir, et sitot que le battant fut ouvert, il apercut deux grandes betes grises qui [10]s'enfuyaient d'un trot rapide et allonge. Il revint s'asseoir, en murmurant: --Che n'aurais pas gru: Et il attendit que sa patee fut prete. Ils la mangerent voracement, avec des bouches fendues [15]jusqu'aux oreilles pour en avaler davantage, des yeux ronds s'ouvrant en meme temps que les machoires, et des bruits de gorge pareils a des glouglous de gouttieres. Les deux femmes, muettes, regardaient les rapides mouvements des grandes barbes rouges; et les pommes de [20]terre avaient l'air de s'enfoncer dans ces toisons mouvantes, Mais comme ils avaient soif, la forestiere descendit a la cave leur tirer du cidre. Elle y resta longtemps; c'etait un petit caveau voute qui, pendant la revolution, avait [25]servi de prison et de cachette, disait-on. On y parvenait au moyen d'un etroit escalier tournant ferme par une trappe au fond de la cuisine. Quand Berthine reparut, elle riait, elle riait toute seule, d'un air sournois. Et elle donna aux Allemands sa cruche [30]de boisson. Puis elle soupa aussi, avec sa mere, a l'autre bout de la Cuisine. Page 75 Les soldats avaient fini de manger, et ils s'endormaient tous les six, autour de la table. De temps en temps un front tombait sur la planche avec un bruit sourd, puis l'homme, reveille brusquement, se redressait. [5]Berthine dit au sous-officier: --Couchez-vous devant le feu, pardi, il y a bien d'la place pour six. Moi je grimpe a ma chambre avec maman. Et les deux femmes monterent au premier etage. On [10]les entendit fermer leur porte a clef, marcher quelque temps; puis elles ne firent plus aucun bruit. Les Prussiens s'etendirent sur le pave, les pieds au feu, la tete supportee par leurs manteaux roules, et ils ronflerent bientot tous les six sur six tons divers, aigus ou [15]sonores, mais continus et formidables. Ils dormaient certes depuis longtemps deja quand un coup de feu retentit, si fort, qu'on l'aurait cru tire contre les murs de la maison. Les soldats se dresserent aussitot. Mais deux nouvelles detonations eclaterent, suivies de [20]trois autres encore. La porte du premier s'ouvrit brusquement, et la forestiere parut, nu-pieds, en chemise, en jupon court, une chandelle a la main, l'air affole. Elle balbutia: --V'la les Francais, ils sont au moins deux cents. S'ils [25]vous trouvent ici, ils vont bruler la maison. Descendez dans la cave bien vite, et faites pas de bruit. Si vous faites du bruit, nous sommes perdus. Le sous-officier, effare, murmura: --Che feux pien, che feux pien. Par ou faut-il [30]tescendre? La jeune femme souleva avec precipitation la trappe Page 76 etroite et carree, et les six hommes disparurent par le petit escalier tournant, s'enfoncant dans le sol l'un apres l'autre, a reculons, pour bien tater les marches du pied. Mais quand la pointe du dernier casque eut disparu, [5]Berthine rabattant la lourde planche de chene, epaisse comme un mur, dure comme de l'acier, maintenue par des charnieres et une serrure de cachot, donna deux longs tours de clef, puis elle se mit a rire, d'un rire muet et ravi, avec une envie folle de danser sur la tete de ses prisonniers. [10]Ils ne faisaient aucun bruit, enfermes la-dedans comme dans une boite solide, une boite de pierre, ne recevant que l'air d'un soupirail garni de barres de fer. ~-Berthine aussitot ralluma son feu, remit dessus sa marmite, et refit de la soupe en murmurant: [15]--Le pere s'ra fatigue cette nuit. Puis elle s'assit et attendit. Seul, le balancier sonore de l'horloge promenait dans le silence son tic-tac regulier. De temps en temps la jeune femme jetait un regard sur le cadran, un regard impatient qui semblait dire: [20]--Ca ne va pas vite. Mais bientot il lui sembla qu'on murmurait sous ses pieds. Des paroles basses, confuses, lui parvenaient a travers la voute maconnee de la cave. Les Prussiens commencaient a deviner sa ruse, et bientot le sous-officier [25]remonta le petit escalier et vint heurter du poing la trappe. Il cria de nouveau: --Oufrez. Elle se leva, s'approcha et, imitant son accent: --Qu'est-ce que fous foulez? [30]--Oufrez. --Che n'oufre pas. L'homme se fachait. Page 77 --Oufrez ou che gasse la borte. Elle se mit a rire: --Casse, mon bonhomme, casse, mon bonhomme! Et il commenca a frapper avec la crosse de son fusil [5]contre la trappe de chene, fermee sur sa tete. Mais elle aurait resiste a des coups de catapulte. La forestiere l'entendit redescendre. Puis les soldats vinrent, l'un apres l'autre, essayer leur force, et inspecter la fermeture. Mais, jugeant sans doute leurs tentatives [10]inutiles, ils redescendirent tous dans la cave et recommencerent a parler entre eux. La jeune femme les ecoutait, puis elle alla ouvrir la porte du dehors et elle tendit l'oreille dans la nuit. Un aboiement lointain lui parvint. Elle se mit a siffler [15]comme aurait fait un chasseur, et, presque aussitot, deux enormes chiens surgirent dans l'ombre et bondirent sur elle en gambadant. Elle les saisit par le cou et les maintint pour les empecher de courir. Puis elle cria de toute sa force: --Ohe pere! [20]Une voix repondit, tres eloignee encore: ~-Ohe Berthine! Elle attendit quelques secondes, puis reprit: --Ohe pere! La voix plus proche repeta: [25]--Ohe Berthine! La forestiere reprit: --Passe pas devant le soupirail. Y a des Prussiens dans la cave. Et brusquement la grande silhouette de l'homme se [30]dessina sur la gauche, arretee entre deux troncs d'arbres. Il demanda, inquiet: --Des Prussiens dans la cave. Que qui font? Page 78 La jeune femme se mit a rire: --C'est ceux d'hier. Ils s'etaient perdus dans la foret, je les ai mis au frais dans la cave. Et elle conta l'aventure, comment elle les avait effrayes [5]avec des coups de revolver et enfermes dans le caveau. Le vieux toujours grave demanda: --Que que tu veux que j'en fassions a c't'heure? Elle repondit: --Va querir M. Lavigne avec sa troupe. Il les fera [10]prisonniers. C'est lui qui sera content. Et le pere Pichon sourit: --C'est vrai qu'i sera content. Sa fille reprit: ~-T'as de la soupe, mange-la vite et pi repars. [15]Le vieux garde s'attabla, et se mit a manger la soupe apres avoir pose par terre deux assiettes pleines pour ses chiens. Les Prussiens, entendant parler, s'etaient tus. L'Echasse repartit un quart d'heure plus tard. Et [20]Berthine, la tete dans ses mains, attendit. Les prisonniers recommencaient a s'agiter. Ils criaient maintenant, appelaient, battaient sans cesse de coups de crosse furieux la trappe inebranlable. Puis ils se mirent a tirer des coups de fusil par le soupirail, [25]esperant sans doute etre entendus si quelque detachement allemand passait dans les environs. La forestiere ne remuait plus; mais tout ce bruit l'enervait, l'irritait. Une colere mechante s'eveillait en elle; elle eut voulu les assassiner, les gueux, pour les faire taire. [30]Puis son impatience grandissant, elle se mit a regarder l'horloge, a compter les minutes. Page 79 Le pere etait parti depuis une heure et demie. Il avait atteint la ville maintenant. Elle croyait le voir. Il racontait la chose a M. Lavigne, qui palissait d'emotion et sonnait sa bonne pour avoir on uniforme et ses armes; [5]Elle entendait, lui semblait-il, le tambour courant par les rues. Les tetes effarees apparaissaient aux fenetres. Les soldats citoyens sortaient de leurs maisons, a peine vetus, essouffles, bouclant leurs ceinturons, et partaient, au pas gymnastique, vers la maison du commandant. [10]Puis la troupe, l'Echasse en tete, se mettait en marche, dans la nuit, dans la neige, vers la foret. Elle regardait l'horloge. "Ils peuvent etre ici dans une heure." Une impatience nerveuse l'envahissait. Les minutes [15]lui paraissaient interminables. Comme c'etait long! Enfin, le temps qu'elle avait fixe pour leur arrivee fut marque par l'aiguille. Et elle ouvrit de nouveau la porte, pour les ecouter venir. Elle apercut une ombre marchant avec [20]precaution. Elle eut peur, poussa un cri. C'etait son pere. Il dit: --Ils m'envoient pour voir s'il n'y a rien de change. --Non, rien. [25]Alors, il lanca a son tour, dans la nuit, un coup de sifflet strident et prolonge. Et, bientot, on vit une chose brune qui s'en venait, sous les arbres, lentement: l'avant-garde composee de dix hommes. L'Echasse repetait a tout instant: [30]--Passez pas devant le soupirail. Et les premiers arrives montraient aux nouveaux venus le soupirail redoute. Page 80 Enfin le gros de la troupe se montra, en tout deux cents hommes, portant chacun deux cents cartouches. M. Lavigne, agite, fremissant, les disposa de facon a cerner de partout la maison en laissant un large espace libre [5]devant le petit trou noir, au ras du sol, par ou la cave prenait de l'air. Puis il entra dans l'habitation et s'informa de la force et de l'attitude de l'ennemi, devenu tellement muet qu'on aurait pu le croire disparu, evanoui, envole par le soupirail. [10]M. Lavigne frappa du pied la trappe et appela: --Monsieur l'officier prussien? L'Allemand ne repondit pas. Le commandant reprit: --Monsieur l'officier prussien? [15]Ce fut en vain. Pendant vingt minutes il somma cet officier silencieux de se rendre avec armes et bagages, en lui promettant la vie sauve et les honneurs militaires pour lui et ses soldats. Mais il n'obtint aucun signe de consentement ou d'hostilite. La situation devenait difficile. [20]Les soldats-citoyens battaient la semelle dans la neige, se frappaient les epaules a grands coups de bras, comme font les cochers pour s'echauffer, et ils regardaient le soupirail avec une envie grandissante et puerile de passer devant. [25]Un d'eux, enfin, se hasarda, un nomme Potdevin qui etait tres souple. Il prit son elan et passa en courant comme un cerf. La tentative reussit. Les prisonniers semblaient morts. 30 ~~Y a personne. Et un autre soldat traversa l'espace libre devant le trou dangereux. Alors ce fut un jeu. De minute en minute, un Page 81 homme se lancant, passait d'une troupe dans l'autre comme font les enfants en jouant aux barres, et il lancait derriere lui des eclaboussures de neige tant il agitait vivement les pieds. On avait allume, pour se chauffer, de [5]grands feux de bois mort, et ce profil courant du garde national apparaissait illumine dans un rapide voyage du camp de droite au camp de gauche. Quelqu'un cria: --A toi, Maloison. [10]Maloison etait un gros boulanger dont le ventre donnait a rire aux camarades. Il hesitait. On le blagua. Alors, prenant son parti il se mit en route, d'un petit pas gymnastique regulier et essouffle, qui secouait sa forte bedaine. [15]Tout le detachement riait aux larmes. On criait pour l'encourager: --Bravo, bravo, Maloison! Il arrivait environ aux deux tiers de son trajet quand une flamme longue, rapide et rouge, jaillit du soupirail. [20]Une detonation retentit, et le vaste boulanger s'abattit sur le nez avec un cri epouvantable. Personne ne s'elanca pour le secourir. Alors on le vit se trainer a quatre pattes dans la neige en gemissant, et, quand il fut sorti du terrible passage, il s'evanouit. [25]Il avait une balle dans le gras de la cuisse, tout en haut. Apres la premiere surprise et la premiere epouvante, un nouveau rire s'eleva. Mais le commandant Lavigne apparut sur le seuil de la maison forestiere. Il venait d'arreter son plan d'attaque. [30]Il commanda d'une voix vibrante: --Le zingueur Planchut et ses ouvriers. Page 82 Trois hommes s'approcherent. ~-Descellez les gouttieres de la maison. Et en un quart d'heure on eut apporte au commandant vingt metres de gouttieres. [5]Alors il fit pratiquer, avec mille precautions de prudence, un petit trou rond dans le bord de la trappe, et, organisant un conduit d'eau de la pompe a cette ouverture, il declara d'un air enchante: --Nous allons offrir a boire a messieurs les Allemands. [10]Un hurrah frenetique d'admiration eclata suivi de hurlements de joie et de rires eperdus. Et le commandant organisa des pelotons de travail qui se relayeraient de cinq minutes en cinq minutes. Puis il commanda: --Pompez. [15]Et le volant de fer ayant ete mis en branle, un petit bruit glissa le long des tuyaux et tomba bientot dans la cave, de marche en marche, avec un murmure de cascade, un murmure de rocher a poissons rouges. On attendit. [20]Une heure s'ecoula, puis deux, puis trois. Le commandant fievreux se promenait dans la cuisine, collant son oreille a terre de temps en temps, cherchant a deviner ce que faisait l'ennemi, se demandant s'il allait bientot capituler. [25]Il s'agitait maintenant, l'ennemi. On l'entendait remuer les barriques, parler, clapoter. Puis, vers huit heures du matin, une voix sortit du soupirail: --Che foule parle a monsieur l'officier francais. [30]Lavigne repondit, de la fenetre, sans avancer trop la tete: --Vous rendez-vous? Page 83 --Che me rends. --Alors passez les fusils dehors. Et on vit aussitot une arme sortir du trou et tomber dans la neige, puis deux, trois, toutes les armes. Et la [5]meme voix declara: --Che n'ai blus. Tepechez-fous. Che suis noye. Le commandant commanda: --Cessez. Le volant de la pompe retomba immobile. [10]Et, ayant empli la cuisine de soldats qui attendaient, l'arme au pied, il souleva lentement la trappe de chene. Quatre tetes apparurent trempees, quatre tetes blondes aux longs cheveux pales, et on vit sortir, l'un apres l'autre, les six Allemands grelottants, ruisselants, effares. [15]Ils furent saisis et garrottes. Puis, comme on craignait une surprise, on repartit tout de suite, en deux convois, l'un conduisant les prisonniers et l'autre conduisant Maloison sur un matelas pose sur des perches. Ils rentrerent triomphalement dans Rethel. [20]M. Lavigne fut decore pour avoir capture une avant-garde prussienne, et le gros boulanger eut la medaille militaire pour blessure recue devant l'ennemi. Page 84 LE BAPTEME A Guillemet Devant la porte de la ferme, les hommes endimanches attendaient. Le soleil de mai versait sa claire lumiere sur les pommiers epanouis, ronds comme d'immenses bouquets blancs, roses et parfumes, et qui mettaient sur la cour [5]entiere un toit de fleurs. Ils semaient sans cesse autour d'eux une neige de petales menus, qui voltigeaient et tournoyaient en tombant dans l'herbe haute, ou les pissenlits brillaient comme des flammes, ou les coquelicots semblaient des gouttes de sang. [10]Une truie somnolait sur le bord du fumier, le ventre enorme, les mamelles gonflees, tandis qu'une troupe de petits porcs tournait autour, avec leur queue roulee comme une corde. Tout a coup, la-bas, derriere les arbres des fermes, [15]la cloche de l'eglise tinta. Sa voix de fer jetait dans le ciel joyeux son appel faible et lointain. Des hirondelles filaient comme des fleches a travers l'espace bleu qu'enfermaient les grands hetres immobiles. Une odeur d'etable passait parfois, melee au souffle doux et sucre des [20]pommiers. Un des hommes debout devant la porte se tourna vera la maison et cria: --Allons, allons, Melina, v'la que ca sonne! Il avait peut-etre trente ans. C'etait un grand paysan, [25]que les longs travaux des champs n'avaient point encore courbe ni deforme. Un vieux, son pere, noueux comme un Page 85 tronc de chene, avec des poignets bossues et des jambes torses, declara: --Les femmes, c'est jamais pret, d'abord. Les deux autres fils du vieux se mirent a rire, et l'un, [5]se tournant vers le frere aine, qui avait appele le premier, lui dit: --Va les querir, Polyte. All' viendront point avant midi. Et le jeune homme entra dans sa demeure. [10]Une bande de canards arretee pres des paysans se mit a crier en battant des ailes; puis ils partirent vers la mare de leur pas lent et balance. Alors, sur la porte demeuree ouverte, une grosse femme parut qui portait un enfant de deux mois, Les brides [15]blanches de son haut bonnet lui pendaient sur le dos, retombant sur un chale rouge, eclatant comme un incendie, et le moutard, enveloppe de linges blancs, reposait sur le ventre en bosse de la garde. Puis la mere, grande et forte, sortit a son tour, a peine [20]agee de dix-huit ans, fraiche et souriante, tenant le bras de son homme. Et les deux grand'meres vinrent ensuite, fanees ainsi que de vieilles pommes, avec une fatigue evidente dans leurs reins forces, tournes depuis longtemps par les patientes et rudes besognes. Une d'elles etait [25]veuve; elle prit le bras du grand-pere, demeure devant la porte, et ils partirent en tete du cortege, derriere l'enfant et la sage-femme. Et le reste de la famille se mit en route a la suite. Les plus jeunes portaient des sacs de papier pleins de dragees. [30]La-bas, la petite cloche sonnait sans repos, appelant de toute sa force le frele marmot attendu. Des gamins montaient sur les fosses; des gens apparaissaient aux Page 86 barrieres; des filles de ferme restaient debout entre deux seaux pleins de lait qu'elles posaient a terre pour regarder le bapteme. Et la garde, triomphante, portait son fardeau vivant, [5]evitait les flaques d'eau dans les chemins creux, entre les talus plantes d'arbres. Et les vieux venaient avec ceremonie, marchant un peu de travers, vu l'age et les douleurs; et les jeunes avaient envie de danser, et ils regardaient les filles qui venaient les voir passer; et le pere et la mere [10]allaient gravement, plus serieux, suivant cet enfant qui les remplacerait, plus tard, dans la vie, qui continuerait dans le pays leur nom, le nom des Dentu, bien connu par le canton. Ils deboucherent dans la plaine et prirent a travers les [15]champs pour eviter le long detour de la route. On apercevait l'eglise maintenant, avec son clocher pointu. Une ouverture le traversait juste au-dessous du toit d'ardoises; et quelque chose, remuait la-dedans, allant et venant d'un mouvement vif, passant et repassant [20]derriere l'etroite fenetre. C'etait la cloche qui sonnait toujours, criant au nouveau-ne de venir, pour la premiere fois, dans la maison du Bon Dieu. Un chien s'etait mis a suivre. On lui jetait des dragees, il gambadait autour des gens. [25]La porte de l'eglise etait ouverte. Le pretre, un grand garcon a cheveux rouges, maigre et fort, un Dentu aussi, lui, oncle du petit, encore un frere du pere, attendait devant l'autel. Et il baptisa suivant les rites son neveu Prosper-Cesar, qui se mit a pleurer en goutant le sel [30]symbolique. Quand la ceremonie fut achevee, la famille demeura sur le seuil pendant que l'abbe quittait son surplis; puis on se Page 87 remit en route. On allait vite maintenant, car on pensait au diner. Toute la marmaille du pays suivait, et, chaque fois qu'on lui jetait une poignee de bonbons, c'etait une melee furieuse, des luttes corps a corps, des cheveux arraches; [5]et le chien aussi se jetait dans le tas pour ramasser les sucreries, tire par la queue, par les oreilles, par les pattes, mais plus obstine que les gamins. La garde un peu lasse, dit a l'abbe qui marchait aupres d'elle: [10]-Dites donc, m'sieu le cure, si ca ne vous opposait pas de m'tenir un brin vot'neveu pendant que je m'degourdirai. J'ai quasiment une crampe dans les estomacs. Le pretre prit l'enfant, dont la robe blanche faisait une grande tache eclatante sur la soutane noire, et il l'embrassa, [15]gene par ce leger fardeau, ne sachant comment le tenir, comment le poser. Tout le monde se mit a rire. Une des grand'meres demanda de loin: --Ca ne t'fait-il point deuil, dis, l'abbe, qu'tu n'en auras jamais comme ca? [20]Le pretre ne repondit pas. Il allait a grandes enjambees, regardant fixement le moutard aux yeux bleus, dont il avait envie d'embrasser encore les joues rondes. Il n'y tint plus, et, le levant jusqu'a son visage, il le baisa longuement. [25]Le pere cria: --Dis donc, cure, si t'en veux un, t'as qu'a le dire. Et on se mit a plaisanter, comme plaisantent les gens des champs. Des qu'on fut assis a table, la lourde gaiete campagnarde [30]eclata comme une tempete. Les deux autres fils allaient aussi se marier; leurs fiancees etaient la, arrivees seulement pour le repas; et les invites ne cessaient de lancer des Page 88 allusions a toutes les generations futures que promettaient ces unions. C'etaient des gros mots, fortement sales, qui faisaient ricaner les filles rougissantes et se tordre les hommes. Ils [5]tapaient du poing sur la table, poussaient des cris. Le pere et le grand-pere ne tarissaient point en propos polissons. La mere souriait; les vieilles prenaient leur part de joie et lancaient aussi des gaillardises. Le cure, habitue a ces debauches paysannes, restait tranquille, [10]assis a cote de la garde, agacant du doigt la petite bouche de son neveu pour le faire rire. Il semblait surpris par la vue de cet enfant, comme s'il n'en avait jamais apercu. Il le considerait avec une attention reflechie, avec une gravite songeuse, avec une tendresse inconnue, [15]singuliere, vive et un peu triste, pour ce petit etre fragile qui etait le fils de son frere. Il n'entendait rien, il ne voyait rien, il contemplait l'enfant. Il avait envie de le prendre encore sur ses genoux, car il gardait, sur sa poitrine et dans son coeur, la sensation [20]douce de l'avoir porte tout a l'heure, en revenant de l'eglise. Il restait emu devant cette larve d'homme comme devant un mystere ineffable auquel il n'avait jamais pense, un mystere auguste et saint, l'incarnation d'une ame nouvelle, le grand mystere de la vie qui commence, de l'amour [25]qui s'eveille, de la race qui se continue, de l'humanite qui marche toujours. La garde mangeait, la face rouge, les yeux luisants, genee par le petit qui l'ecartait de la table. L'abbe lui dit: [30]--Donnez-le-moi. Je n'ai pas faim. Et il reprit l'enfant. Alors tout disparut autour de lui, tout s'effaca: et il restait les yeux fixes sur cette figure Page 89 rose et bouffie; et peu a peu, la chaleur du petit corps, a travers les langes et le drap de la soutane, lui gagnait les jambes, le penetrait comme une caresse tres legere, tres bonne, tres chaste, une caresse delicieuse qui lui mettait [5]des larmes aux yeux. Le bruit des mangeurs devenait effrayant. L'enfant, agace par ces clameurs, se mit a pleurer. Une voix s'ecria: --Dis donc, l'abbe, donne-lui a teter. [10]Et une explosion de rires secoua la salle. Mais la mere s'etait levee; elle prit son fils et l'emporta dans la chambre voisine. Elle revint au bout de quelques minutes en declarant qu'il dormait tranquillement dans son berceau. Et le repas continua. Hommes et femmes sortaient de [15]temps en temps dans la cour, puis rentraient se mettre a table. Les viandes, les legumes, le cidre et le vin s'engouffraient dans les bouches, gonflaient les ventres, allumaient les yeux, faisaient delirer les esprits. La nuit tombait quand on prit le cafe. Depuis [20]long-temps le pretre avait disparu, sans qu'on s'etonnat de son absence. La jeune mere enfin se leva pour aller voir si le petit dormait toujours. Il faisait sombre a present: Elle penetra dans la chambre a tatons; et elle avancait les bras [25]etendus, pour ne point heurter de meuble. Mais un bruit singulier l'arreta net; et elle ressortit effaree, sure d'avoir entendu remuer quelqu'un. Elle rentra dans la salle, fort pale, tremblante, et raconta la chose. Tous les hommes se leverent en tumulte, gris et menacants; et le pere, une [30]lampe a la main, s'elanca. L'abbe, a genoux pres du berceau, sanglotait, le front sur l'oreiller ou reposait la tete de l'enfant. Page 90 TOlNE I On le connaissait a dix lieues aux environs le pere Toine, le gros Toine, Toine-ma-Fine, Antoine Macheble, dit Brulot, le cabaretier de Tournevent. Il avait rendu celebre le hameau enfonce dans un pli [5]du vallon qui descendait vers la mer, pauvre hameau paysan compose de dix maisons normandes entourees de fosses et d'arbres. Elles etaient la, ces maisons, blotties dans ce ravin couvert d'herbe et d'ajonc, derriere la courbe qui avait fait [10]nommer ce lieu Tournevent. Elles semblaient avoir cherche un abri dans ce trou comme les oiseaux qui se cachent dans les sillons les jours d'ouragan, un abri contre le grand vent de mer, le vent du large, le vent dur et sale, qui ronge et brule comme le feu, desseche et detruit comme [15]les gelees d'hiver. Mais le hameau tout entier semblait etre la propriete d'Antoine Macheble, dit Brulot, qu'on appelait d'ailleurs aussi souvent Toine et Toine-ma-Fine, par suite d'une locution dont il se servait sans cesse: [20]--Ma Fine est la premiere de France. Sa Fine, c'etait son cognac, bien entendu. Depuis vingt ans il abreuvait le pays de sa Fine et de ses Brulots, car chaque fois qu'on lui demandait: --Qu'est-ce que j'allons be, pe Toine? [25]Il repondait invariablement: Page 91 --Un brulot, mon gendre, ca chauffe la tripe et ca nettoie la tete; y a rien de meilleur pour le corps. Il avait aussi cette coutume d'appeler tout le monde "mon gendre," bien qu'il n'eut jamais eu de fille mariee [5]ou a marier. Ah! oui, on le connaissait Toine Brulot, le plus gros homme du canton, et meme de l'arrondissement. Sa petite maison semblait derisoirement trop etroite et trop basse pour le contenir, et quand on le voyait debout sur sa [10]porte ou il passait des journees entieres, on se demandait comment il pourrait entrer dans sa demeure. Il y rentrait chaque fois que se presentait un consommateur, car Toine-ma-Fine etait invite de droit a prelever son petit verre sur tout ce qu'on buvait chez lui. [15]Son cafe avait pour enseigne: "Au rendez-vous des Amis," et il etait bien, le pe Toine, l'ami de toute la contree. On venait de Fecamp et de Montivilliers pour le voir et pour rigoler en l'ecoutant, car il aurait fait rire une pierre de tombe, ce gros homme. Il avait une maniere [20]de blaguer les gens sans les facher, de cligner de l'oeil pour exprimer ce qu'il ne disait pas, de se taper sur la cuisse dans ses acces de gaiete qui vous tirait le rire du ventre malgre vous, a tous les coups. Et puis c'etait une curiosite rien que de le regarder boire. Il buvait tant qu'on lui en [25]offrait, et de tout, avec une joie dans son oeil malin, une joie qui venait de son double plaisir, plaisir de se regaler d'abord et d'amasser des gros sous, ensuite pour sa regalade. Les farceurs du pays lui demandaient: [30]--Pourquoi que tu ne be point la me, pe Toine? Il repondait: --Y a deux choses qui m'opposent, primo qu'al'est Page 92 salee, et deusio qu'i faudrait la mettre en bouteille, vu que mon abdomin n'est point pliable pour be a c'te tasse-la! Et puis il fallait l'entendre se quereller avec sa femme. C'etait une telle comedie qu'on aurait paye sa place de [5]bon coeur. Depuis trente ans qu'ils etaient maries, ils se chamaillaient tous les jours. Seulement Toine rigolait, tandis que sa bourgeoise se fachait. C'etait une grande paysanne, marchant a longs pas d'echassier, et portant une tete de chat-huant en colere. Elle passait son temps. [10]a elever des poules dans une petite cour, derriere le cabaret, et elle etait renommee pour la facon dont elle savait engraisser les volailles. Quand on donnait un repas a Fecamp chez des gens de la haute, il fallait, pour que le diner fut goute, qu'on y [15]mangeat une pensionnaire de la me Toine. Mais elle etait nee de mauvaise humeur et elle avait continue a etre mecontente de tout. Fachee contre le monde entier, elle en voulait principalement a son mari. Elle lui en voulait de sa gaiete, de sa renommee, de sa [20]sante et de son embonpoint. Elle le traitait de propre a rien, parce qu'il gagnait de l'argent sans rien faire, de sapas, paree qu'il mangeait et buvait comme dix hommes ordinaires, et il ne se passait point de jour sans qu'elle declarat d'un air exaspere: [25]--Ca serait-il point mieux dans l'etable a cochons, un quetou comme ca? C'est que d'la graisse, que ca en fait mal au coeur. Et elle lui criait dans la figure: --Espere, espere un brin; j'verrons c'qu'arrivera, [30]j'verrons ben! Ca crevera comme un sac a grain, ce gros bouffi! Toine riait de tout son coeur en se tapant sur le ventre et Repondait: Page 93 --Eh! la me Poule, ma planche, tache d'engraisser comme ca d'la volaille. Tache pour voir. Et relevant sa manche sur son bras enorme: --En v'la un aileron, la me, en v'la un. [5]Et les consommateurs tapaient du poing sur les tables en se tordant de joie, tapaient du pied sur la terre du sol, et crachaient par terre dans un delire de gaiete. La vieille furieuse reprenait: --Espere un brin... espere un brin... j'verrons [10]c'qu'arrivera... ca crevera comme un sac a grain... Et elle s'en allait furieuse, sous les rires des buveurs. Toine, en effet, etait surprenant a voir, tant il etait devenu epais et gros, rouge et soufflant. C'etait un de ces etres enormes sur qui la mort semble s'amuser, avec des [15]ruses, des gaietes et des perfidies bouffonnes, rendant irresistiblement comique son travail lent de destruction. Au lieu de se montrer comme elle fait chez les autres, la gueuse, de se montrer dans les cheveux blancs, dans la maigreur, dans les rides, dans l'affaissement croissant qui [20]fait dire avec un frisson: "Bigre! comme il a change!" elle prenait plaisir a l'engraisser, celui-la, a le faire monstrueux et drole, a l'enluminer de rouge et de bleu, a le souffler, a lui donner l'apparence d'une sante surhumaine; et les deformations qu'elle inflige a tous les etres devenaient [25]chez lui risibles, cocasses, divertissantes, au lieu d'etre sinistres et pitoyables. --Espere un brin, repetait la mere Toine, j'verrons ce qu'arrivera. II Il arriva que Toine eut une attaque et tomba paralyse. [30]On coucha ce colosse dans la petite chambre derriere la Page 94 cloison du cafe, afin qu'il put entendre ce qu'on disait a cote, et causer avec les amis, car sa tete etait demeuree libre, tandis que son corps, un corps enorme, impossible a remuer, a soulever, restait frappe d'immobilite. On [5]esperait, dans les premiers temps, que ses grosses jambes reprendraient quelque energie, mais cet espoir disparut bientot, et Toine-ma-Fine passa ses jours et ses nuits dans son lit qu'on ne retapait qu'une fois par semaine, avec le secours de quatre voisins qui enlevaient le cabaretier par [10]les quatre membres pendant qu'on retournait sa paillasse. Il demeurait gai pourtant, mais d'une gaiete differente, plus timide, plus humble, avec des craintes de petit enfant devant sa femme qui piaillait toute la journee: --Le v'la, le gros sapas, le v'la, le propre a rien, le [15]faigniant, ce gros soulot! C'est du propre, c'est du propre! Il ne repondait plus. Il clignait seulement de l'oeil derriere le dos de la vieille et il se retournait sur sa couche, seul mouvement qui lui demeurat possible. Il appelait cet exercice faire un "va-t-au nord," ou un "va-t-au sud." [20]Sa grande distraction maintenant c'etait d'ecouter les conversations du cafe, et de dialoguer a travers le mur; quand il reconnaissait les voix des amis, il criait: --"He, mon gendre, c'est te Celestin?" Et Celestin Maloisel repondait: [25]--C'est me, pe Toine. C'est-il que tu regalopes, gros lapin? Toine-ma-Fine prononcait: --Pour galoper, point encore. Mais je n'ai point maigri, l'coffre est bon. [30]Bientot, il fit venir les plus intimes dans sa chambre et on lui tenait compagnie, bien qu'il se desolat de voir qu'on buvait sans lui. Il repetait: Page 95 --C'est ca qui me fait deuil, mon gendre, de n'pu gouter d'ma fine, nom d'un nom. L'reste, j'm'en gargarise, mais de ne point be ca me fait deuil. Et la tete de chat-huant de la mere Toine apparaissait [5]dans la fenetre. Elle criait: --Guetez-le, guetez-le, a c't'heure ce gros faigniant, qu'y faut nourrir, qu'i faut laver, qu'i faut nettoyer comme un porc. Et quand la vieille avait disparu, un coq aux plumes [10]rouges sautait parfois sur la fenetre, regardait d'un oeil rond et curieux dans la chambre, puis poussait son cri sonore. Et parfois aussi, une ou deux poules volaient jusqu'aux pieds du lit, cherchant des miettes sur le sol. [15]Les amis de Toine-ma-Fine deserterent bientot la salle du cafe, pour venir, chaque apres-midi, faire la causette autour du lit du gros homme. Tout couche qu'il etait, ce farceur de Toine, il les amusait encore. Il aurait fait rire le diable, ce malin-la. Ils etaient trois qui reparaissait [20]tous les jours: Celestin Maloisel, un grand maigre, un peu tordu comme un tronc de pommier, Prosper Horslaville, un petit sec avec un nez de furet, malicieux, fute comme un renard, et Cesaire Paumelle, qui ne parlait jamais, mais qui s'amusait tout de meme. [25]On apportait une planche de la cour, on la posait au bord du lit et on jouait aux dominos pardi, et on faisait de rudes parties, depuis deux heures jusqu'a six. Mais la mere Toine devint bientot insupportable. Elle ne pouvait point tolerer que son gros faignant d'homme [30]continuat a se distraire, en jouant aux dominos dans son lit; et chaque fois qu'elle voyait une partie commencee, elle s'elancait avec fureur, culbutait la planche, Page 96 saisissait le jeu, le rapportait dans le cafe et declarait que c'etait assez de nourrir ce gros suiffeux a ne rien faire sans le voir encore se divertir comme pour narguer le pauvre monde qui travaillait toute la journee. [5]Celestin Maloisel et Cesaire Paumelle courbaient la tete, mais Prosper Horslaville excitait la vieille, s'amusait de ses coleres. La voyant un jour plus exasperee que de coutume, il lui dit: [10]--He! la me, savez-vous c'que j'f'rais, me, si j'etais de vous? Elle attendit qu'il s'expliquat, fixant sur lui son oeil de chouette. Il reprit: [15]--Il est chaud comme un four, vot'homme, qui n'sort point d'son lit. Eh ben, me, j'li f'rais couver des oeufs. Elle demeura stupefaite, pensant qu'on se moquait d'elle, considerant la figure mince et rusee du paysan qui continua: [20]--J'y en mettrais cinq sous un bras, cinq sous l'autre, l'meme jour que je donnerais la couvee a une poule. Ca naitrait d'meme. Quand ils seraient eclos j'porterais a vot' poule les poussins de vot' homme pour qu'a les eleve. Ca vous en f'rait de la volaille, la me! [25]La vieille interdite demanda: --Ca se peut-il? L'homme reprit: --Si ca s'peut! Pourque que ca n'se pourrait point! Pisqu'on fait ben couver des oeufs dans une boite chaude, [30]on peut en mett' couver dans un lit. Elle fut frappee par ce raisonnement et s'en alla, songeuse et calmee. Page 97 Huit jours plus tard elle entra dans la chambre de Toine avec son tablier plein d'oeufs. Et elle dit: --J'viens d'mett' la jaune au nid avec dix oeufs. En v'la dix pour te. Tache de n'point les casser. [5]Toine eperdu, demanda: --Que que tu veux? Elle repondit: --J'veux qu'tu les couves, propre a rien. Il rit d'abord; puis, comme elle insistait, il se facha, il [10]resista, il refusa resolument de laisser mettre sous ses gros bras cette graine de volaille que sa chaleur ferait eclore. Mais la vieille, furieuse, declara: --Tu n'auras point d'fricot tant que tu n'les prendras point. J'verrons ben c'qu'arrivera. [15]Toine, inquiet, ne repondit rien. Quand il entendit sonner midi, il appela: --He! la me, la soupe est-elle cuite? La vieille cria de sa cuisine: --Y a point de soupe pour te, gros faigniant. [20]Il crut qu'elle plaisantait et attendit, puis il pria, supplia, jura, fit des "va-t-au nord et des va-t-au sud" desesperes, tapa la muraille a coups de poing, mais il dut se resigner a laisser introduire dans sa couche cinq oeufs contre son flanc gauche. Apres quoi il eut sa soupe. [25]Quand ses amis arriverent, ils le crurent tout a fait mal, tant il paraissait drole et gene. Puis on fit la partie de tous les jours. Mais Toine semblait n'y prendre aucun plaisir et n'avancait la main qu'avec des lenteurs et des precautions infinies. [30]--T'as donc l'bras noue, demandait Horslaville. Toine repondit: --J'ai quasiment t'une lourdeur dans l'epaule. Page 98 Soudain, on entendit entrer dans le cafe, les joueurs se turent. C'etait le maire avec l'adjoint. Ils demanderent deux verres de fine et se mirent a causer des affaires du pays. [5]Comme ils parlaient a voix basse, Toine Brulot voulut coller son oreille contre le mur, et, oubliant ses oeufs, il fit un brusque "va-t-au nord" qui le coucha sur une omelette. Au juron qu'il poussa, la mere Toine accourut, et [10]devinant le desastre, le decouvrit d'une secousse. Elle demeura d'abord immobile, indignee, trop suffoquee pour parler devant le cataplasme jaune colle sur le flanc de son homme. Puis, fremissant de fureur, elle se rua sur le paralytique [15]et se mit a lui taper de grands coups sur le ventre, comme lorsqu'elle lavait son linge au bord de la mare. Ses mains tombaient l'une apres l'autre avec un bruit sourd, rapides comme les pattes d'un lapin qui bat du tambour. Les trois amis de Toine riaient a suffoquer, toussant, [20]eternuant, poussant des cris, et le gros homme effare parait les attaques de sa femme avec prudence, pour ne point casser encore les cinq oeufs qu'il avait de l'autre cote. III Toine fut vaincu. Il dut couver, il dut renoncer aux parties de domino, renoncer a tout mouvement, car la [25]vieille le privait de nourriture avec ferocite chaque fois qu'il cassait un oeuf. Il demeurait sur le dos, l'oeil au plafond, immobile, les bras souleves comme des ailes, echauffant contre lui les germes de volailles enfermes dans les coques blanches. Page 99 Il ne parlait plus qu'a voix basse comme s'il eut craint le bruit autant que le mouvement, et il s'inquietait de la couveuse jaune qui accomplissait dans le poulailler la meme besogne que lui. [5]Il demandait a sa femme: --La jaune a-t-elle mange la nuit? Et la vieille allait de ses poules a son homme, et de son homme a ses poules, obsedee, possedee par la preoccupation des petits poulets qui murissaient dans le lit et dans [10]le nid. Les gens du pays qui savaient l'histoire s'en venaient, curieux et serieux, prendre des nouvelles de Toine. Ils entraient a pas legers comme on entre chez les malades et demandaient avec interet: [15]-~Eh bien! ca va-t-il? Toine repondait: --Pour aller, ca va, mais j'ai maujeure tant que ca m'echauffe. J'ai des fremis qui me galopent sur la peau. Or, un matin, sa femme entra tres emue et declara: [20]--La jaune en a sept. Y avait trois oeufs de mauvais. Toine sentit battre son coeur. -Combien en aurait-il, lui? Il demanda: --Ce sera tantot?--avec une angoisse de femme qui [25]va devenir mere. La vieille repondit d'un air furieux, torturee par la crainte d'un insucces: --Faut croire! Ils attendirent. Les amis prevenus que les temps [30]etaient proches arriverent bientot inquiets eux-memes. On en jasait dans les maisons. On allait s'informer aux portes voisines. Page 100 Vers trois heures, Toine s'assoupit. Il dormait maintenant la moitie des jours. Il fut reveille soudain par un chatouillement inusite sous le bras droit. Il y porta aussitot la main gauche et saisit une bete couverte de [5]duvet jaune, qui remuait dans ses doigts. Son emotion fut telle, qu'il se mit a pousser des cris, et il lacha le poussin qui courut sur sa poitrine. Le cafe etait plein de monde. Les buveurs se precipiterent, envahirent la chambre, firent cercle comme autour d'un [10]saltimbanque, et la vieille etant arrivee cueillit avec precaution la bestiole blottie sous la barbe de son mari. Personne ne parlait plus. C'etait par un jour chaud d'avril. On entendait par la fenetre ouverte glousser la poule jaune appelant ses nouveau-nes. [15]Toine, qui suait d'emotion, d'angoisse, d'inquietude, murmura: --J'en ai encore un sous le bras gauche, a c't'heure. Sa femme plongea dans le lit sa grande main maigre, et ramena un second poussin, avec des mouvements [20]soigneux de sage-femme. Les voisins voulurent le voir. On se le repassa en le considerant attentivement comme s'il eut ete un phenomene. Pendant vingt minutes, il n'en naquit pas, puis quatre sortirent en meme temps de leurs coquilles. [25]Ce fut une grande rumeur parmi les assistants. Et Toine sourit, content de son succes, commencant a s'enorgueillir de cette paternite singuliere. On n'en avait pas souvent vu comme lui, tout de meme! C'etait un drole d'homme, vraiment! [30]Il declara: --Ca fait six. Nom de nom que bapteme! Et un grand rire s'eleva dans le public. D'autres Page 101 personnes emplissaient le cafe. D'autres encore attendaient devant la porte. On se demandait: --Combien qu'i en a? --Yen a six. [5]--La mere Toine portait a la poule cette famille nouvelle, et la poule gloussait eperdument, herissait ses plumes, ouvrait les ailes toutes grandes pour abriter la troupe grossissante de ses petits. --En v'la encore un! cria Toine. [10]Il s'etait trompe, il y en avait trois! Ce fut un triomphe! Le dernier creva son enveloppe a sept heures du soir. Tous les oeufs etaient bons! Et Toine affole de joie, delivre, glorieux, baisa sur le dos le frele animal, faillit l'etouffer avec ses levres. Il voulut le garder dans [15]son lit, celui-la, jusqu'au lendemain, saisi par une tendresse de mere pour cet etre si petiot qu'il avait donne a la vie; mais la vieille l'emporta comme les autres sans ecouter les supplications de son homme. Les assistants, ravis, s'en allerent en devisant de [20]l'evenement, et Horslaville reste le dernier, demanda: --Dis donc, pe Toine, tu m'invites a fricasser l'premier, pas vrai? A cette idee de fricassee, le visage de Toine s'illumina, et le gros homme repondit: [25]--Pour sur que je t'invite, mon gendre. Page 102 LE PERE MILON Depuis un mois, le large soleil jette aux champs sa flamme cuisante. La vie radieuse eclot sous cette averse de feu; la terre est verte a perte de vue. Jusqu'aux bords de l'horizon, le ciel est bleu. Les fermes normandes [5]semees par la plaine semblent, de loin, de petits bois, enfermees dans leur ceinture de hetres elances. De pres, quand on ouvre la barriere vermoulue, on croit voir un jardin geant, car tous les antiques pommiers, osseux comme les paysans, sont en fleur. Les vieux troncs noirs, [10]crochus, tortus, alignes par la cour, etalent sous le ciel leurs domes eclatants, blancs et roses. Le doux parfum de leur epanouissement se mele aux grasses senteurs des tables ouvertes et aux vapeurs du fumier qui fermente, couvert de poules. [15]Il est midi. La famille dine a l'ombre du poirier plante devant la porte: le pere, la mere; les quatre enfants, les deux servantes et les trois valets. On ne parle guere. On mange la soupe, puis on decouvre le plat de fricot plein de pommes de terre au lard. [20]De temps en temps, une servante se leve et va remplir au cellier la cruche au cidre. L'homme, un grand gars de quarante ans, contemple, contre sa maison, une vigne restee nue, et courant, tordue comme un serpent, sous les volets, tout le long du mur. [25]Il dit enfin: "La vigne au pere bourgeonne de bonne heure c't'annee. P't-etre qu'a donnera." Page 103 La femme aussi se retourne et regarde, sans dire un mot. Cette vigne est plantee juste a la place ou le pere a ete fusille. * * * C'etait pendant la guerre de 1870. Les Prussiens [5]occupaient tout le pays. Le general Faidherbe, avec l'armee du Nord, leur tenait tete. Or l'etat-major prussien s'etait poste dans cette ferme. Le vieux paysan qui la possedait, le pere Milon, Pierre, les avait recus et installes de son mieux. [10]Depuis un mois l'avant-garde allemande restait en observation dans le village. Les Francais demeuraient immobiles, a dix lieues de la; et cependant, chaque nuit, des uhlans disparaissaient. Tous les eclaireurs isoles, ceux qu'on envoyait faire des [15]rondes, alors qu'ils partaient a deux ou trois seulement, ne rentraient jamais. On les ramassait morts, au matin, dans un champ, au bord d'une cour, dans un fosse. Leurs chevaux eux-memes gisaient le long des routes, egorges d'un coup de [20]sabre. Ces meurtres semblaient accomplis par les memes hommes, qu'on ne pouvait decouvrir. Le pays fut terrorise. On fusilla des paysans sur une simple denonciation, on emprisonna des femmes; on voulut [25]obtenir, par la peur, des revelations des enfants. On ne decouvrit rien. Mais voila qu'un matin, on apercut le pere Milon etendu dans son ecurie, la figure coupee d'une balafre. Deux uhlans eventres furent retrouves a trois kilometres [30]de la ferme. Un d'eux tenait encore a la main son arme ensanglantee. Il s'etait battu, defendu. Page 104 Un conseil de guerre ayant ete aussitot constitue, en plein air, devant la ferme, le vieux fut amene. Il avait soixante-huit ans. Il etait petit, maigre, un peu tors, avec de grandes mains pareilles a des pinces de crabe. [5]Ses cheveux ternes, rares et legers comme un duvet de jeune canard, laissaient voir partout la chair du crane. La peau brune et plissee du cou montrait de grosses veines qui s'enfoncaient sous les machoires et reparaissaient aux tempes. Il passait dans la contree pour avare et difficile [10]en affaires. On le placa debout, entre quatre soldats, devant la table de cuisine tiree dehors. Cinq officiers et le colonel s'assirent en face de lui. Le colonel prit la parole en francais. [15]--Pere Milon, depuis que nous sommes ici, nous n'avons eu qu'a nous louer de vous. Vous avez toujours ete complaisant et meme attentionne pour nous. Mais aujourd'hui une accusation terrible pese sur vous, et il faut que la lumiere se fasse. Comment avez-vous recu la blessure que [20]vous portez sur la figure? Le paysan ne repondit rien. Le colonel reprit: --Votre silence vous condamne, pere Milon. Mais je veux que vous me repondiez, entendez-vous? Savez-vous [25]qui a tue les deux uhlans qu'on a trouves ce matin pres du Calvaire? Le vieux articula nettement: --C'est me. Le colonel, surpris, se tut une seconde, regardant [30]fixement le prisonnier. Le pere Milon demeurait impassible, avec son air abruti de paysan, les yeux baisses comme s'il eut parle a son cure. Une seule chose pouvait reveler un Page 105 trouble interieur, c'est qu'il avalait coup sur coup sa salive, avec un effort visible, comme si sa gorge eut ete tout a fait etranglee. La famille du bonhomme, son fils Jean, sa bru et deux [5]petits enfants se tenaient a dix pas en arriere, effares et consternes. Le colonel reprit: --Savez-vous aussi qui a tue tous les eclaireurs de notre armee qu'on retrouve chaque matin, par la campagne, [10]depuis un mois? Le vieux repondit avec la meme impassibilite de brute: --C'est me. ~-C'est vous qui les avez tues tous? --Tretous, oui, c'est me. [15]--Vous seul? --Me seul. --Dites-moi comment vous vous y preniez. Cette fois l'homme parut emu; la necessite de parler longtemps le genait visiblement. Il balbutia: [20]-Je sais-ti, me? J'ai fait ca comme ca s'trouvait. Le colonel reprit: --Je vous previens qu'il faudra que vous me disiez tout. Vous ferez donc bien de vous decider immediatement. Comment avez-vous commence? [25]L'homme jeta un regard inquiet sur sa famille attentive derriere lui. Il hesita un instant encore, puis, tout a coup, se decida. --Je r'venais un soir, qu'il etait p't-etre dix heures, le lend'main que vous etiez ici. Vous, et pi vos soldats, vous m'aviez pris pour pu de chinquante ecus de fourrage avec une vaque et deux moutons. Je me dis: Tant qu'i me prendront de fois vingt ecus, tant que je leur y revaudrai Page 106 ca. Et pi j'avais d'autres choses itou su l'coeur, que j'vous dirai. V'la qu'j'en apercois un d'vos cavaliers qui fumait sa pipe su mon fosse, derriere ma grange. J'allai decrocher ma faux et je r'vins a p'tits pas par derriere, [5]qu'il n'entendit seulement rien. Et j'li coupai la tete d'un coup, d'un seul, comme un epi, qu'il n'a pas seulement dit "ouf!" Vous n'auriez qu'a chercher au fond d'la mare; vous le trouveriez dans un sac a charbon, avec une pierre de la barriere. [10]"J'avais mon idee. J'pris tous ses effets d'puis les bottes jusqu'au bonnet et je les cachai dans le four a platre du bois Martin, derriere la cour." Le vieux se tut. Les officiers, interdits, se regardaient. L'interrogatoire recommenca; et voici ce qu'ils apprirent: * * * [15]Une fois son meurtre accompli, l'homme avait vecu avec cette pensee: "Tuer des Prussiens!" Il les haissait d'une haine sournoise et acharnee de paysan cupide et patriote aussi. Il avait son idee, comme il disait. Il attendit quelques jours. [20]On le laissait libre d'aller et de venir, d'entrer et de sortir a sa guise, tant il s'etait montre humble envers les vainqueurs, soumis et complaisant. Or il voyait, chaque soir, partir les estafettes; et il sortit, une nuit, ayant entendu le nom du village ou se rendaient les cavaliers, et [25]ayant appris, dans la frequentation des soldats, les quelques mots d'allemand qu'il lui fallait. Il sortit de sa cour, se glissa dans le bois, gagna le four a platre, penetra au fond de la longue galerie et, ayant retrouve par terre les vetements du mort, il s'en vetit. [30]Alors il se mit a roder par les champs, rampant, suivant Page 107 les talus pour se cacher, ecoutant les moindres bruits, inquiet comme un braconnier. Lorsqu'il crut l'heure arrivee, il se rapprocha de la route et se cacha dans une broussaille. Il attendit encore. [5]Enfin, vers minuit, un galop de cheval sonna sur la terre dure du chemin. L'homme mit l'oreille a terre pour s'assurer qu'un seul cavalier s'approchait, puis il s'appreta. Le uhlan arrivait au grand trot, rapportant des depeches. [10]Il allait, l'oeil en eveil, l'oreille tendue. Des qu'il ne fut plus qu'a dix pas, le pere Milon se traina en travers de la route en gemissant: "_Hilfe! Hilfe!_ A l'aide, a l'aide!" Le cavalier s'arreta, reconnut un Allemand demonte, le crut blesse, descendit de cheval, s'approcha sans soupconner [15]rien, et, comme il se penchait sur l'inconnu, il recut au milieu du ventre la longue lame courbee du sabre. Il s'abattit, sans agonie, secoue seulement par quelques frissons supremes. Alors le Normand, radieux, d'une joie muette de vieux [20]paysan, se releva, et, pour son plaisir, coupa la gorge du cadavre. Puis, il le traina jusqu'au fosse et l'y jeta. Le cheval, tranquille, attendait son maitre. Le pere Milon se mit en selle, et il partit au galop a travers les plaines. [25]Au bout d'une heure, il apercut encore deux uhlans cote a cote qui rentraient au quartier. Il alla droit sur eux, criant encore: "_Hilfe! Hilfe!_" Les Prussiens le laissaient venir, reconnaissant l'uniforme, sans mefiance. aucune. Et il passa, le vieux, comme un boulet entre les [30]deux, les abattant l'un et l'autre avec son sabre et un revolver. Puis il egorgea les chevaux, des chevaux allemands! Page 108 Puis il rentra doucement au four a platre et cacha un cheval au fond de la sombre galerie. Il y quitta son uniforme, reprit ses hardes de gueux et, regagnant son lit, dormit jusqu'au matin. [5]Pendant quatre jours, il ne sortit pas, attendant la fin de l'enquete ouverte; mais, le cinquieme jour, il repartit, et tua encore deux soldats par le meme stratageme. Des lors, il ne s'arreta plus. Chaque nuit, il errait, il rodait a l'aventure, abattant des Prussiens tantot ici, tantot la, [10]galopant par les champs deserts, sous la lune, uhlan perdu, chasseur d'hommes. Puis, sa tache finie, laissant derriere lui des cadavres couches le long des routes, le vieux cavalier rentrait cacher au fond du tour a platre son cheval et son uniforme. [15]Il allait vers midi, d'un air tranquille, porter de l'avoine et de l'eau a sa monture restee au fond du souterrain, et il la nourrissait a profusion, exigeant d'elle un grand travail. Mais, la veille, un de ceux qu'il avait attaques se tenait [20]sur ses gardes et avait coupe d'un coup de sabre la figure du vieux paysan. Il les avait tues cependant tous les deux! Il etait revenu encore, avait cache le cheval et repris ses humbles habits; mais, en rentrant, une faiblesse l'avait saisi et il [25]s'etait traine jusqu'a l'ecurie, ne pouvant plus gagner la maison. On l'avait trouve la tout sanglant, sur la paille. .. * * * Quand il eut fini son recit, il releva soudain la tete et regarda fierement les officiers prussiens. [30]Le colonel, qui tirait sa moustache, lui demanda: Page 109 --Vous n'avez plus rien a dire? --Non, pu rien; l'compte est juste: j'en ai tue seize, pas un de pus, pas un de moins. --Vous savez que vous allez mourir? [5]--J'vous ai pas d'mande de grace. --Avez-vous ete soldat? --Oui. J'ai fait campagne, dans le temps. Et puis, c'est vous qu'avez tue mon pere, qu'etait soldat de l'Empereur premier. Sans compter que vous avez tue mon [10]fils cadet, Francois, le mois dernier, aupres d'Evreux. Je vous en devais, j'ai paye. Je sommes quittes. Les officiers se regardaient. Le vieux reprit: --Huit pour mon pere, huit pour mon fieu, je sommes [15]quittes. J'ai pas ete vous chercher querelle, me! J'vous connais point! J'sais pas seulement d'ou qu'vous v'nez. Vous v'la chez me, que vous y commandez comme si c'etait chez vous. Je m'suis venge su l's autres. J'm'en r'pens point. [20]Et, redressant son torse ankylose, le vieux croisa ses bras dans une pose d'humble heros. Les Prussiens se parlerent bas longtemps. Un capitaine, qui avait aussi perdu son fils, le mois dernier, defendait ce gueux magnanime. [25]Alors le colonel se leva et, s'approchant du pere Milon, baissant la voix: --Ecoutez, le vieux, il y a peut-etre un moyen de vous sauver la vie, c'est de... Mais le bonhomme n'ecoutait point, et, les yeux plantes [30]droit sur l'officier vainqueur, tandis que le vent agitait les poils follets de son crane, il fit une grimace affreuse qui crispa sa maigre face toute coupee par la balafre, et, Page 110 gonflant sa poitrine, il cracha, de toute sa force, en pleine figure du Prussien. Le colonel, affole, leva la main, et l'homme, pour la seconde fois, lui cracha par la figure. [5]Tous les officiers s'etaient dresses et hurlaient des ordres en meme temps. En moins d'une minute, le bonhomme, toujours impassible, fut colle contre le mur et fusille, alors qu'il envoyait des sourires a Jean, son fils aine; a sa bru et aux deux petits, [10]qui regardaient, eperdus. Page 111 DAUDET LE CURE DE CUCUGNAN Tous les ans, a la Chandeleur, les poetes provencaux publient en Avignon un joyeux petit livre rempli jusqu'aux bords de beaux vers et de jolis contes. Celui de cette annee m'arrive a l'instant, et j'y trouve un adorable [5]fabliau que je vais essayer de vous traduire en l'abregeant un peu... Parisiens, tendez vos mannes. C'est de la fine fleur de farine provencale qu'on va vous servir cette fois... ........................................................ L'abbe Martin etait cure... de Cucugnan. [10]Bon comme le pain, franc comme l'or, il aimait paternellement ses Cucugnanais; pour lui, son Cucugnan aurait ete le paradis sur terre, si les Cucugnanais lui avaient donne un peu plus de satisfaction. Mais, helas! les araignees filaient dans son confessionnal, et, le beau jour [15]de Paques, les hosties restaient au fond de son saint-ciboire. Le bon pretre en avait le coeur meurtri, et toujours il demandait a Dieu la grace de ne pas mourir avant d'avoir ramene au bercail son troupeau disperse. Or, vous allez voir que Dieu l'entendit. [20]Un dimanche, apres l'Evangile, M. Martin monta en chaire. ...................................................... --Mes freres, dit-il, vous me croirez si vous voulez: l'autre nuit, je me suis trouve, moi miserable pecheur, a la porte du paradis. Page 112 "Je frappai: saint Pierre m'ouvrit! "-- Tiens! c'est vous, mon brave monsieur Martin, me fit-il; quel bon vent...? et qu'y a-t-il pour votre service? "-- Beau saint Pierre, vous qui tenez le grand livre et [5]la clef, pourriez-vous me dire, si je ne suis pas trop curieux, combien vous avez de Cucugnanais en paradis? "--Je n'ai rien a vous refuser, monsieur Martin; asseyez-vous, nous allons voir la chose ensemble. "Et saint Pierre prit son gros livre, l'ouvrit, mit ses [10]besicles: "- Voyons un peu: Cucugnan, disons-nous. Cu... Cu. ..Cucugnan. Nous y sommes. Cucugnan... Mon brave monsieur Martin, la page est toute blanche. Pas une ame. ..Pas plus de Cucugnanais que d'aretes dans [15]une dinde. "--Comment! Personne de Cucugnan ici? Personne? Ce n'est pas possible! Regardez mieux... "--Personne, saint homme. Regardez vous-meme, si vous croyez que je plaisante. [20]"Moi, pecaire! je frappais des pieds, et, les mains jointes, je criais misericorde. Alors, saint Pierre: "--Croyez-moi, monsieur Martin, il ne faut pas ainsi vous mettre le coeur a l'envers, car vous pourriez en avoir quelque mauvais-coup de sang. Ce n'est pas votre faute, [25]apres tout. Vos Cucugnanais, voyez-vous, doivent faire a coup sur leur petite quarantaine en purgatoire. "-Ah! par charite, grand saint Pierre! faites que je puisse au moins les voir et les consoler. "- Volontiers, mon ami... Tenez, chaussez vite ces [30]sandales, car les chemins ne sont pas beaux de reste... Voila qui est bien... Maintenant, cheminez droit devant vous. Voyez~vous la-bas, au fond, en tournant? Vous Page 113 trouverez une porte d'argent toute constellee de croix noires... a main droite... Vous frapperez, on vous ouvrira... Adessias! Tenez-vous sain et gaillardet. ................................................... "Et je cheminai... je cheminai! Quelle battue! j'ai [5]la chair de poule, rien que d'y songer. Un petit sentier, plein de ronces, d'escarboucles qui luisaient et de serpents qui sifflaient, m'amena jusqu'a la porte d'argent. "--Pan! pan! "--Qui frappe? me fait une voix rauque et dolente. [10]"--Le cure de Cucugnan. "--De...? "--De Cucugnan. "--Ah!... Entrez. "J'entrai. Un grand bel ange, avec des ailes sombres [15]comme la nuit, avec une robe resplendissante comme le jour, avec une clef de diamant pendue a sa ceinture, ecrivait, cra-cra, dans un grand livre plus gros que celui de saint Pierre... "--Finalement, que voulez-vous et que demandez-vous? [20]dit l'ange. "--Bel ange de Dieu, je veux savoir,--je suis bien curieux peut-etre,--si vous avez ici les Cucugnanais. "--Les...? "--Les Cucugnanais, les gens de Cucugnan... que [25]c'est moi qui suis leur prieur. "--Ah! l'abbe Martin, n'est-ce pas? "--Pour vous servir, monsieur l'ange. "--Vous dites donc Cucugnan... "Et l'ange ouvre et feuillette son grand livre, Page 114 mouillant son doigt de salive pour que le feuillet glisse mieux... "--Cucugnan, dit-il poussant un long soupir... Monsieur Martin, nous n'avons en purgatoire personne de [5]Cucugnan. "--Jesus! Marie! Joseph! personne de Cucugnan en purgatoire! O grand Dieu! ou sont-ils donc? "--Eh! saint homme, ils sont en paradis. Ou diantre voulez-vous qu'ils soient? [10]"--Mais j'en viens, du paradis... "--Vous en venez!!... Eh bien? "--Eh bien! ils n'y sont pas!... Ah! bonne mere des anges!... "--Que voulez-vous, monsieur le cure? s'ils ne sont ni [15]en paradis ni en purgatoire, il n'y a pas de milieu, ils sont.... "--Sainte croix! Jesus, fils de David! Ai! ai! ai! est-il possible?... Serait-ce un mensonge du grand saint Pierre? ...Pourtant je n'ai pas entendu chanter le coq!... Ai [20]pauvres nous! comment irai-je en paradis si mes Cucugnanais n'y sont pas? "--Ecoutez, mon pauvre monsieur Martin, puisque vous voulez, coute que coute, etre sur de tout ceci, et voir de vos yeux de quoi il retourne, prenez ce sentier, filez [25]en courant, si vous savez courir... Vous trouverez, a gauche, un grand portail. La, vous vous renseignerez sur tout. Dieu vous le donne! "Et l'ange ferma la porte. "C'etait un long sentier tout pave de braise rouge. Je [30]chancelais comme si j'avais bu; a chaque pas, je Page 115 trebuchais; j'etais tout en eau, chaque poil de mon corps avait sa goutte de sueur, et je haletais de soif... Mais, ma foi, grace aux sandales que le bon saint Pierre m'avait pretees, je ne me brulai pas les pieds. [5]"Quand j'eus fait assez de faux pas clopin-clopant, je vis a ma main gauche une porte... non, un portail, un enorme portail, tout baillant, comme la porte d'un grand four. Oh! mes enfants, quel spectacle! La on ne demande pas mon nom; la, point de registre. Par fournees et a [10]pleine porte, on entra la, mes freres, comme le dimanche vous entrez au cabaret. "Je suais a grosses gouttes, et pourtant j'etais transi, j'avais le frisson. Mes cheveux se dressaient. Je sentais le brule, la chair rotie, quelque chose comme l'odeur qui [15]se repand dans notre Cucugnan quand Eloy, le marechal, brule pour la ferrer la botte d'un vieil ane. Je perdais haleine dans cet air puant et embrase; j'entendais une clameur horrible, des gemissements, des hurlements et des jurements. [20]"--Eh bien! entres-tu ou n'entres~tu pas, toi? me fait, en me piquant de sa fourche, un demon cornu. "--Moi? Je n'entre pas. Je suis un ami de Dieu. "--Tu es un ami de Dieu... Eh! b... de teigneux! [25]que viens-tu faire ici?... "--Je viens... Ah! ne m'en parlez pas, que je ne puis plus me tenir sur mes jambes... Je viens... je viens de loin... humblement vous demander... si... si, par coup de hasard... vous n'auriez pas ici... quelqu'un [30]...quelqu'un de Cucugnan... "--Ah! feu de Dieu! tu fais la bete, toi, comme si tu ne savais pas que tout Cucugnan est ici. Tiens, laid Page 116 corbeau, regarde, et tu verras comme nous les arrangeons ici, tes fameux Cucugnanais... .......................................................... "Et je vis, au milieu d'un epouvantable tourbillon de flamme: [5]"Le long Coq-Galine,--vous l'avez tous connu, mes freres,--Coq-Galine, qui se grisait si souvent, et si souvent secouait les puces a sa pauvre Clairon. "Je vis Catarinet... cette petite gueuse... avec son nez en l'air... qui couchait toute seule a la grange... Il [10]vous en souvient, mes droles!... Mais passons, j'en ai trop dit. "Je vis Pascal Doigt-de-Poix, qui faisait son huile avec les olives de M. Julien. "Je vis Babet la glaneuse, qui, en glanant, pour avoir [15]plus vite noue sa gerbe, puisait a poignees aux gerbiers. "Je vis maitre Grapasi, qui huilait si bien la roue de sa brouette. "Et Dauphine, qui vendait si cher l'eau de son puits. [20]"Et le Tortillard, qui, lorsqu'il me rencontrait portant le bon Dieu, filait son chemin, la barrette sur la tete et la pipe au bec... et fier comme Artaban... comme s'il avait rencontre un chien. "Et Coulau avec sa Zette, et Jacques, et Pierre, et [25]Toni... ........................................................... Emu, bleme de peur, l'auditoire gemit, en voyant, dans l'enfer tout ouvert, qui son pere et qui sa mere, qui sa grand'mere et qui sa soeur... --Vous sentez bien, mes freres, reprit le bon abbe, Page 117 Martin, vous sentez bien que ceci ne peut pas durer. J'ai charge d'ames, et je veux, je veux vous sauver de l'abime ou vous etes tous en train de rouler tete premiere. Demain je me mets a l'ouvrage, pas plus tard que demain. [5]Et l'ouvrage ne manquera pas! Voici comment je m'y prendrai. Pour que tout se fasse bien, il faut tout faire avec ordre. Nous irons rang par rang, comme a Jonquieres quand on danse. "Demain lundi, je confesserai les vieux et les vieilles. [10]Ce n'est rien. "Mardi, les enfants. J'aurai bientot fait. "Mercredi, les garcons et les filles. Cela pourra etre long. "Jeudi, les hommes. Nous couperons court. [15]"Vendredi, les femmes. Je dirai: Pas d'histoires! "Samedi, le meunier!... Ce n'est pas trop d'un jour pour lui tout seul... "Et, si dimanche nous avons fini, nous serons bien heureux. [20]"Voyez-vous, mes enfants, quand le ble est mur, il faut le couper; quand le vin est tire, il faut le boire. Voila assez de linge sale, il s'agit de le laver, et de le bien laver. "C'est la grace que je vous souhaite. _Amen!_ ...................................................... Ce qui fut dit fut fait. On coula la lessive. [25]Depuis ce dimanche memorable, le parfum des vertus de Cucugnan se respire a dix lieues a l'entour. Et le bon pasteur M. Martin, heureux et plein d'allegresse, a reve l'autre nuit que, suivi de tout son troupeau, il gravissait, en resplendissante procession, au milieu des [30]cierges allumes, d'un nuage d'encens qui embaumait et Page 118 des enfants de choeur qui chantaient _Te Deum_, le chemin eclaire de la cite de Dieu. Et voila l'histoire du cure de Cucugnan, telle que m'a ordonne de vous le dire ce grand gueusard de Roumanille, [5]qui la tenait lui-meme d'un autre bon compagnon. Page 119 LE SOUS-PREFET AUX CHAMPS M. le sous-prefet est en tournee. Cocher devant, laquais derriere, la caleche de la sous-prefecture l'emporte majestueusement au concours regional de la Combe-aux-Fees. Pour cette journee memorable, M. le sous-prefet a [5]mis son bel habit brode, son petit claque, sa culotte collante a bandes d'argent et son epee de gala a poignee de nacre... Sur ses genoux repose une grande serviette en chagrin gaufre qu'il regarde tristement. M. le sous-prefet regarde tristement sa serviette en [10]chagrin gaufre; il songe au fameux discours qu'il va falloir prononcer tout a l'heure devant les habitants de la Combe-aux-Fees: --Messieurs et chers administres... Mais il a beau tortiller la soie blonde de ses favoris et [15]repeter vingt fois de suite: --Messieurs et chers administres... la suite du discours ne vient pas. La suite du discours ne vient pas... Il fait si chaud dans cette caleche!... A perte de vue, la route de la [20]Combe-aux-Fees poudroie sous le soleil du Midi... L'air est embrase... et sur les ormeaux du bord du chemin, tout couverts de poussiere blanche, des milliers de cigales se repondent d'un arbre a l'autre... Tout a coup M. le sous-prefet tressaille. La-bas, au pied d'un [25]coteau, il vient d'apercevoir un petit bois de chenes verts qui semble lui faire signe. Le petit bois de chenes verts semble lui faire signe: Page 120 --Venez donc par ici, monsieur le sous-prefet; pour composer votre discours, vous serez beaucoup mieux sous mes arbres... M. le sous-prefet est seduit; il saute a bas de sa caleche [5]et dit a ses gens de l'attendre, qu'il va composer son discours dans le petit bois de chenes verts. Dans le petit bois de chenes verts il y a des oiseaux, des violettes, et des sources sous l'herbe fine... Quand ils ont apercu M. le sous-prefet avec sa belle culotte et sa [10]serviette en chagrin gaufre, les oiseaux ont eu peur et se sont arretes de chanter, les sources n'ont plus ose faire de bruit, et les violettes se sont cachees dans le gazon. Tout ce petit monde-la n'a jamais vu de sous-prefet, et se demande a voix basse quel est ce beau seigneur qui se [15]promene en culotte d'argent. A voix basse, sous la feuillee, on se demande quel est ce beau seigneur en culotte d'argent... Pendant ce temps-la, M. le sous-prefet, ravi du silence et de la fraicheur du bois, releve les pans de son habit, pose son claque [20]sur l'herbe et s'assied dans la mousse au pied d'un jeune chene; puis il ouvre sur ses genoux sa grande serviette de chagrin gaufre et en tire une large feuille de papier ministre. --C'est un artiste! dit la fauvette. [25]--Non, dit le bouvreuil, ce n'est pas un artiste, puisqu'il a une culotte en argent; c'est plutot un prince. --C'est plutot un prince, dit le bouvreuil. ~-Ni un artiste, ni un prince, interrompt un vieux rossignol, qui a chante toute une saison dans les jardins de [30]la sous-prefecture... Je sais ce que c'est: c'est un sous-prefet! Et tout le petit bois va chuchotant: Page 121 --C'est un sous-prefet! c'est un sous-prefet! --Comme il est chauve! remarque une alouette a grande huppe. Les violettes demandent: [5]--Est-ce que c'est mechant? --Est-ce que c'est mechant? demandent les violettes. Le vieux rossignol repond: --Pas du tout! Et sur cette assurance, les oiseaux se remettent a [10]chanter, les sources a courir, les violettes a embaumer, comme si le monsieur n'etait pas la... Impassible au milieu de tout ce joli tapage, M. le sous-prefet invoque dans son coeur la Muse des comices agricoles, et, le crayon leve, commence a declamer de sa voix de ceremonie: [15]--Messieurs et chers administres... --Messieurs et chers administres, dit le sous-prefet de sa voix de ceremonie... Un eclat de rire l'interrompt; il se retourne et ne voit rien qu'un gros pivert qui le regarde en riant, perche sur [20]son claque. Le sous-prefet hausse les epaules et veut continuer son discours; mais le pivert l'interrompt encore et lui crie de loin: --A quoi bon? --Comment! a quoi bon? dit le sous-prefet, qui devient [25]tout rouge; et, chassant d'un geste cette bete effrontee, il reprend de plus belle: --Messieurs et chers administres... --Messieurs et chers administres..., a repris le sous-prefet de plus belle. [30]Mais alors, voila, les petites violettes qui se haussent vers lui sur le bout de leurs tiges et qui lui disent doucement: Page 122 --Monsieur le sous-prefet, sentez-vous comme nous sentons bon? Et les sources lui font sous la mousse une musique divine; et dans les branches, au-dessus de sa tete, des tas [5]de fauvettes viennent lui chanter leurs plus jolis airs; et tout le petit bois conspire pour l'empecher de composer son discours. Tout le petit bois conspire pour l'empecher de composer son discours... M. le sous-prefet, grise de parfums, ivre [10]de musique, essaye vainement de resister au nouveau charme qui l'envahit. Il s'accoude sur l'herbe, degrafe son bel habit, balbutie encore deux ou trois fois: --Messieurs et chers administres... Messieurs et chers admi... Messieurs et chers... [15]Puis il envoie les administres au diable; et la Muse des comices agricoles n'a plus qu'a se voiler la face. Voile-toi la face, o Muse des comices agricoles!... Lorsque, au bout d'une heure, les gens de la sous-prefecture, inquiets de leur maitre sont entres dans le petit bois, ils [20]ont vu un spectacle qui les a fait reculer d'horreur... M. le sous-prefet etait couche sur le ventre, dans l'herbe, debraille comme un boheme. Il avait mis son habit bas; ...et, tout en machonnant des violettes, M. le sous-prefet faisait des vers. Page 123 LE PAPE EST MORT J'ai passe mon enfance dans une grande ville de province coupee en deux par une riviere tres-encombree, tres-remuante, ou j'ai pris de bonne heure le gout des voyages et la passion de la vie sur l'eau. Il y a surtout un coin de [5]quai, pres d'une certaine passerelle Saint-Vincent, auquel je ne pense jamais, meme aujourd'hui, sans emotion. Je revois l'ecriteau cloue au bout d'une vergue: _Cornet_, bateaux de louage, le petit escalier qui s'enfoncait dans l'eau, tout glissant et noirci de mouillure, la flottille de [10]petits canots fraichement peints de couleurs vives s'alignant au bas de l'echelle, se balancant doucement bord a bord, comme alleges par les jolis noms qu'ils portaient a leur arriere en lettres blanches: _l'Oiseau-Mouche, l'Hirondelle_. [15]Puis, parmi les longs avirons reluisants de ceruse qui etaient en train de secher contre le talus, le pere Cornet s'en allant avec son seau a peinture, ses grands pinceaux, sa figure tannee, crevassee, ridee de mille petites fossettes comme la riviere un soir de vent frais... Oh! ce pere [20]Cornet. C'a ete le satan de mon enfance, ma passion douloureuse, mon peche, mon remords. M'en a-t-il fait commettre des crimes avec ses canots! Je manquais l'ecole, je vendais mes livres. Qu'est-ce que je n'aurais pas vendu pour une apres-midi de canotage! [25]Tous mes cahiers de classe au fond du bateau, la veste a bas, le chapeau en arriere, et dans les cheveux le bon coup d'eventail de la brise d'eau, je tirais ferme sur mes rames, en froncant les sourcils pour bien me donner la Page 124 tournure d'un vieux loup de mer. Tant que j'etais en ville, je tenais le milieu de la riviere, a egale distance des deux rives, ou le vieux loup de mer aurait pu etre reconnu. Quel triomphe de me meler a ce grand mouvement de [5]barques, de radeaux, de trains de bois, de mouches a vapeur qui se cotoyaient, s'evitaient, separes seulement par un mince lisere d'ecume! Il y avait de lourds bateaux qui tournaient pour prendre le courant, et cela en deplacait une foule d'autres. [10]Tout a coup les roues d'un vapeur battaient l'eau pres de moi; ou bien une ombre lourde m'arrivait dessus, c'etait l'avant d'un bateau de pommes. "Gare donc, moucheron!" me criait une voix enrouee; et je suais, je me debattais, empetre dans le va-et-vient [15]de cette vie du fleuve que la vie de la rue traversait incessamment par tous ces ponts, toutes ces passerelles qui mettaient des reflets d'omnibus sous la coupe des avirons. Et le courant si dur a la pointe des arches, et les remous, les tourbillons, le fameux trou de la Mort-gui-trompe! [20]Pensez que ce n'etait pas une petite affaire de se guider la-dedans avec des bras de douze ans et personne pour tenir la barre. Quelquefois j'avais la chance de rencontrer la chaine. Vite je m'accrochais tout au bout de ces longs trains de [25]bateaux qu'elle remorquait, et, les rames immobiles, etendues comme des ailes qui planent, je me laissais aller a cette vitesse silencieuse qui coupait la riviere en longs rubans d'ecume et faisait filer des deux cotes les arbres, les maisons du quai. Devant moi, loin, bien loin, j'entendais [30]le battement monotone de l'helice, un chien qui aboyait sur un des bateaux de la remorque, ou montait d'une cheminee basse un petit filet de fumee; et tout cela Page 125 me donnait l'illusion d'un grand voyage, de la vraie vie de bord. Malheureusement, ces rencontres de la chaine etaient rares. Le plus souvent il fallait ramer et ramer aux heures [5]de soleil. Oh! les pleins midis tombant d'aplomb sur la riviere, il me semble qu'ils me brillent encore. Tout flambait, tout miroitait. Dans cette atmosphere aveuglante et sonore qui flotte au-dessus des vagues et vibre a tous leurs mouvements, les courts plongeons de mes rames, [10]les cordes des haleurs soulevees de l'eau toutes ruisselantes faisaient passer des lumieres vives d'argent poli. Et je ramais en fermant les yeux. Par moments, a la vigueur de mes efforts, a l'elan de l'eau sous ma barque, je me figurais que j'allais tres-vite; mais en relevant la [15]tete, je voyais toujours le meme arbre, le meme mur en face de moi sur la rive. Enfin, a force de fatigues, tout moite et rouge de chaleur, je parvenais a sortir de la ville. Le vacarme des bains froids, des bateaux de blanchisseuses, des pontons [20]d'embarquement diminuait. Les ponts s'espacaient sur la rive elargie. Quelques jardins de faubourg, une cheminee d'usine, s'y refletaient de loin en loin. A l'horizon tremblaient des iles vertes. Alors, n'en pouvant plus, je venais me ranger contre la rive, au milieu des roseaux tout [25]bourdonnants; et la, abasourdi par le soleil, la fatigue, cette chaleur lourde qui montait de l'eau etoilee de larges fleurs jaunes, le vieux loup de mer se mettait a saigner du nez pendant des heures. Jamais mes voyages n'avaient un autre denoument. Mais que voulez-vous? Je trouvais [30]cela delicieux. Le terrible, par exemple, c'etait le retour, la rentree. J'avais beau revenir a toutes rames, j'arrivais toujours Page 126 trop tard, longtemps apres la sortie des classes. L'impression du jour qui tombe, les premiers becs de gaz dans le brouillard, la retraite, tout augmentait mes transes, mon remords. Les gens qui passaient, rentrant chez eux [5]bien tranquilles, me faisaient envie; et je courais la tete lourde, pleine de soleil et d'eau, avec des ronflements de coquillages au fond des oreilles, et deja sur la figure le rouge du mensonge que j'allais dire. Car il en fallait un chaque fois pour faire tete a ce [10]terrible "d'ou viens-tu?" qui m'attendait en travers de la porte. C'est cet interrogatoire de l'arrivee qui m'epouvantait le plus. Je devais repondre la, sur le palier, au pied leve, avoir toujours une histoire prete, quelque chose a dire, et de si etonnant, de si renversant, que la [15]surprise coupat court a toutes les questions. Cela me donnait le temps d'entrer, de reprendre haleine; et pour en arriver la, rien ne me coutait. J'inventais des sinistres, des revolutions, des choses terribles, tout un cote de la ville qui brulait, le pont du chemin de fer s'ecroulant dans la [20]riviere. Mais ce que je trouvai encore de plus fort, le voici: Ce soir-la, j'arrivai tres en retard. Ma mere, qui m'attendait depuis une grande heure, guettait, debout, en haut de l'escalier. "D'ou viens-tu?" me cria-t-elle. [25]Dites-moi ce qu'il peut tenir de diableries dans une tete d'enfant. Je n'avais rien trouve, rien prepare. J'etais venu trop vite... Tout a coup il me passa une idee folle. Je savais la chere femme tres-pieuse, catholique enragee comme une Romaine, et je lui repondis dans tout [30]l'essoufflement d'une grande emotion: "O maman... Si vous saviez!... --Quoi donc?...Qu'est-ce qu'il y a encore?... Page 127 --Le pape est mort. --Le pape est mort!..." fit la pauvre mere, et elle s'appuya toute pale contre la muraille. Je passai vite dans ma chambre, un peu effraye de mon succes et de [5]l'enormite du mensonge; pourtant, j'eus le courage de le soutenir jusqu'au bout. Je me souviens d'une soiree funebre et douce; le pere tres-grave, la mere atterree. ..On causait bas autour de la table. Moi, je baissais les yeux; mais mon escapade s'etait si bien perdue dans la desolation [10]generale que personne n'y pensait plus. Chacun citait a l'envi quelque trait de vertu de ce pauvre Pie IX; puis, peu a peu, la conversation s'egarait a travers l'histoire des papes. Tante Rose parla de Pie VII, qu'elle se souvenait tres-bien d'avoir vu passer dans le [15]Midi, au fond d'une chaise de poste, entre des gendarmes. On rappela la fameuse scene avec l'empereur: _Comediante! ...tragediante_!... C'etait bien la centieme fois que je l'entendais raconter, cette terrible scene, toujours avec les memes intonations, les memes gestes, et ce stereotype [20]des traditions de famille qu'on se legue et qui restent la, pueriles et locales, comme des histoires de couvent. C'est egal, jamais elle ne m'avait paru si interessante. Je l'ecoutais avec des soupirs hypocrites, des questions, un air de faux interet, et tout le temps je me disais: [25]"Demain matin, en apprenant que le pape n'est pas mort, ils seront si contents que personne n'aura le courage de me gronder." Tout en pensant a cela, mes yeux se fermaient malgre moi, et j'avais des visions de petits bateaux peints en [30]bleu, avec des coins de Saone alourdis par la chaleur, et de grandes pattes d'argyronetes courant dans tous les sens et rayant l'eau vitreuse, comme des pointes de diamant. Page 128 UN REVEILLON DANS LE MARAIS CONTE DE NOEL M. Majeste, fabricant d'eau de Seltz dans le Marais, vient de faire un petit reveillon chez des amis de la place Royale, et regagne son logis en fredonnant... Deux heures sonnent a Saint-Paul. "Comme il est tard!" se [5]dit le brave homme, et il se depeche; mais le pave glisse, les rues sont noires, et puis dans ce diable de vieux quartier, qui date du temps ou les voitures etaient rares, il y a un tas de tournants, d'encoignures, de bornes devant les portes a l'usage des cavaliers. Tout cela empeche d'aller [10]vite, surtout quand on a deja les jambes un peu lourdes, et les yeux embrouilles par les toasts du reveillon... Enfin M. Majeste arrive chez lui. Il s'arrete devant un grand portail orne, ou brille au clair de lune un ecusson, dore de neuf, d'anciennes armoiries repeintes dont il a fait [15]marque de fabrique: HOTEL CI-DEVANT DE NESMOND MAJESTE JEUNE FABRICANT D'EAU DE SELTZ Sur tous les siphons de la fabrique, sur les bordereaux, [20]les tetes de lettres, s'etalent ainsi et resplendissent les vieilles armes des Nesmond. Apres le portail, c'est la cour, une large cour aeree et claire, qui dans le jour en s'ouvrant fait de la lumiere a toute la rue. Au fond de la cour, une grande batisse tres [25]ancienne, des murailles noires, brodees, ouvragees, des balcons de fer arrondis, des balcons de pierre a pilastres, Page 129 d'immenses fenetres tres-hautes, surmontees de frontons, de chapiteaux qui s'elevent aux derniers etages comme autant de petits toits dans le toit, et enfin sur le faite, au milieu des ardoises, les lucarnes des mansardes, rondes, [5]coquettes, encadrees de guirlandes comme des miroirs. Avec cela un grand perron de pierre, ronge et verdi par la pluie, une vigne maigre qui s'accroche aux murs, aussi noire, aussi tordue que la corde qui se balance la-haut a la poulie du grenier, je ne sais quel grand air de vetuste et [10]de tristesse... C'est l'ancien hotel de Nesmond. En plein jour, l'aspect de l'hotel n'est pas le meme. Les mots: Caisse, Magasin, Entree des ateliers eclatent partout en or sur les vieilles murailles, les font vivre, les rajeunissent. Les camions des chemins de fer ebranlent [15]le portail; les commis s'avancent au perron la plume a l'oreille pour recevoir les marchandises. La cour est encombree de caisses, de paniers, de paille, de toile d'emballage. On se sent bien dans une fabrique... Mais avec la nuit, le grand silence, cette lune d'hiver qui, dans le [20]fouillis des toits compliques, jette et entremele des ombres, l'antique maison des Nesmond reprend ses allures seigneuriales. Les balcons sont en dentelle; la cour d'honneur s'agrandit, et le vieil escalier, qu'eclairent des jours inegaux, vous a des recoins de cathedrale, avec des niches [25]vides et des marches perdues qui ressemblent a des autels. Cette nuit-la surtout, M. Majeste trouve a sa maison un aspect singulierement grandiose. En traversant la cour deserte, le bruit de ses pas l'impressionne. L'escalier lui parait immense, surtout tres lourd a monter. C'est le [30]reveillon sans doute... Arrive au premier etage, il s'arrete pour respirer, et s'approche d'une fenetre. Ce que c'est que d'habiter une maison historique! M. Majeste Page 130 n'est pas poete, oh! non; et pourtant, en regardant cette belle cour aristocratique, ou la lune etend une nappe de lumiere bleue, ce vieux logis de grand seigneur qui a si bien l'air de dormir avec ses toits engourdis sous leur [5]capuchon de neige, il lui vient des idees de l'autre monde: "Hein?... tout de meme, si les Nesmond revenaient..." A ce moment, un grand coup de sonnette retentit. Le portail s'ouvre a deux battants, si vite, si brusquement, que le reverbere s'eteint; et pendant quelques minutes il [10]se fait la-bas, dans l'ombre de la porte, un bruit confus de frolements, de chuchotements. On se dispute, on se presse pour entrer. Voici des valets, beaucoup de valets, des carrosses tout en glaces miroitant au clair de lune, des chaises a porteurs balancees entre deux torches qui [15]s'avivent au courant d'air du portail. En rien de temps, la cour est encombree. Mais au pied du perron, la confusion cesse. Des gens descendent des voitures, se saluent, entrent en causant comme s'ils connaissaient la maison. Il y a la, sur ce perron, un froissement de soie, [20]cliquetis d'epees. Rien que des chevelures blanches, alourdies et mates de poudre; rien que des petites voix claires, un peu tremblantes, des petits rires sans timbre, des pas legers. Tous ces gens ont l'air d'etre vieux, vieux. Ce sont des yeux effaces, des bijoux endormis, d'anciennes [25]soies brochees, adoucies de nuances changeantes, que la lumiere des torches fait briller d'un eclat doux; et sur tout cela flotte un petit nuage de poudre, qui monte des cheveux echafaudes, roules en boucles, a chacune de ces jolies reverences, un peu guindees par les epees et les [30]grands paniers... Bientot toute la maison a l'air d'etre hantee. Les torches brillent de fenetre en fenetre, montent et descendent dans le tournoiement des escaliers, jusqu'aux Page 131 lucarnes des mansardes qui ont leur etincelle de fete et de vie. Tout l'hotel de Nesmond s'illumine, comme si un grand coup de soleil couchant avait allume ses vitres. "Ah! mon Dieu! ils vont mettre le feu!..." se dit M. [5]Majeste. Et, revenu de sa stupeur, il tache de secouer l'engourdissement de ses jambes et descend vite dans la cour, ou les laquais viennent d'allumer un grand feu clair. M. Majeste s'approche; il leur parle. Les laquais ne lui repondent pas, et continuent de causer tout bas entre eux, [10]sans que la moindre vapeur s'echappe de leurs levres dans l'ombre glaciale de la nuit, M. Majeste n'est pas content, cependant une chose le rassure, c'est que ce grand feu qui flambe si haut et si droit est un feu singulier, une flamme sans chaleur, qui brille et ne brule pas. Tranquillise de [15]ce cote, le bonhomme franchit le perron et entre dans ses magasins. Ces magasins du rez-de-chaussee devaient faire autrefois de beaux salons de reception. Des parcelles d'or terni brillent encore a tous les angles. Des peintures [20]mythologiques tournent au plafond, entourent les glaces, flottent au-dessus des portes dans des teintes vagues, un peu ternes, comme le souvenir des annees ecoulees. Malheureusement il n'y a plus de rideaux, plus de meubles. Rien que des paniers, de grandes caisses pleines de siphons [25]a tetes d'etain, et les branches dessechees d'un vieux lilas qui montent toutes noires derriere les vitres. M. Majeste, en entrant, trouve son magasin plein de lumiere et de monde. Il salue, mais personne ne fait attention a lui. Les femmes aux bras de leurs cavaliers continuent a [30]minauder ceremonieusement sous leurs pelisses de satin. On se promene, on cause, on se disperse. Vraiment tous ces vieux marquis ont l'air d'etre chez eux. Devant un Page 132 trumeau peint, une petite ombre s'arrete, toute tremblante: "Dire que c'est moi, et que me voila!" et elle regarde en souriant une Diane qui se dresse dans la boiserie,--mince et rose, avec un croissant au front. [5]"Nesmond, viens donc voir tes armes!" et tout le monde rit en regardant le blason des Nesmond qui s'etale sur une toile d'emballage, avec le nom de Majeste au-dessous. "Ah! ah! ah!... Majeste!... Il y en a donc encore des Majestes en France?" [10]Et ce sont des gaietes sans fin, de petits rires a son de flute, des doigts en l'air, des bouches qui minaudent... Tout a coup quelqu'un crie: "Du champagne! du champagne! --Mais non... [15]--Mais si!... si, c'est du champagne... Allons, comtesse, vite un petit reveillon." C'est de l'eau de Seltz de M. Majeste qu'ils ont prise pour du champagne. On le trouve bien un peu evente; mais bah! on le boit tout de meme; et comme ces pauvres [20]petites ombres n'ont pas la tete bien solide, peu a peu cette mousse d'eau~de Seltz les anime, les excite, leur donne envie de danser. Des menuets s'organisent. Quatre fins violons que Nesmond a fait venir commencent un air de Rameau, tout en triolets, menu et melancolique dans sa [25]vivacite. Il faut voir toutes ces jolies vieilles tourner lentement, saluer en mesure d'un air grave. Leurs atours en sont rajeunis, et aussi les gilets d'or, les habits broches, les souliers a boucles de diamants. Les panneaux eux-memes semblent revivre en entendant ces anciens airs. [30]La vieille glace, enfermee dans le mur depuis deux cents ans, les reconnait aussi, et tout, eraflee, noircie aux angles, elle s'allume doucement et renvoie aux danseurs leur Page 133 image, un peu effacee, comme attendrie d'un regret. Au milieu de toutes ces elegances, M. Majeste se sent gene. Il s'est blotti derriere une caisse et regarde... Petit a petit cependant le jour arrive. Par les portes [5]vitrees du magasin, on voit la cour blanchir, puis le haut des fenetres, puis tout un cote du salon. A mesure que la lumiere vient, les figures s'effacent, se confondent. Bientot M. Majeste ne voit plus que deux petits violons attardes dans un coin, et que le jour evapore en les [10]touchant. Dans la cour, il apercoit encore, mais si vague, la forme d'une chaise a porteurs, une tete poudree semee d'emeraudes, les dernieres etincelles d'une torche que les laquais ont jetee sur le pave, et qui se melent avec le feu des roues d'une voiture de roulage entrant a grand bruit par le portail ouvert... Page 134 LA VISION DU JUGE DE COLMAR Avant qu'il eut prete serment a l'empereur Guillaume, il n'y avait pas d'homme plus heureux que le petit juge Dollinger, du tribunal de Colmar, lorsqu'il arrivait a l'audience avec sa toque sur l'oreille, son gros ventre, sa [5]levre en fleur et ses trois mentons bien poses sur un ruban de mousseline. --"Ah! le bon petit somme que je vais faire," avait-il l'air de se dire en s'asseyant, et c'etait plaisir de le voir allonger ses jambes grassouillettes, s'enfoncer sur son [10]grand fauteuil, sur ce rond de cuir frais et moelleux auquel il devait d'avoir encore l'humeur egale et le teint clair, apres trente ans de magistrature assise. Infortune Dollinger! C'est ce rond de cuir qui l'a perdu. Il se trouvait si [15]bien dessus, sa place etait si bien faite sur ce coussinet de moleskine, qu'il a mieux aime devenir Prussien que de bouger de la. L'empereur Guillaume lui a dit: "Restez assis, monsieur Dollinger!" et Dollinger est reste assis; et aujourd'hui le voila conseiller a la cour de Colmar, [20]rendant bravement la justice au nom de Sa Majeste berlinoise. Autour de lui, rien n'est change: c'est toujours le meme tribunal fane et monotone, la meme salle de catechisme avec ses bancs luisants, ses murs nus, son bourdonnement [25]d'avocats, le meme demi-jour tombant des hautes fenetres a rideaux de serge, le meme grand christ poudreux qui Page 135 penche la tete, les bras etendus. En passant a la Prusse, la cour de Colmar n'a pas deroge: il y a toujours un buste d'empereur au fond du pretoire... Mais c'est egal! Dollinger se sent depayse. Il a beau se rouler dans son [5]fauteuil, s'y enfoncer rageusement; il n'y trouve plus les bons petits sommes d'autrefois, et quand par hasard il lui arrive encore de s'endormir a l'audience, c'est pour faire des reves epouvantables... Dollinger reve qu'il est sur une haute montagne, quelque [10]chose comme le Honeck ou le ballon d'Alsace... Qu'est-ce qu'il fait la, tout seul, en robe de juge, assis sur son grand fauteuil a ces hauteurs immenses ou l'on ne voit plus rien que des arbres rabougris et des tourbillons de petites mouches?... Dollinger ne le sait pas. Il attend, tout [15]frissonnant de la sueur froide et de l'angoisse du cauchemar. Un grand soleil rouge se leve de l'autre cote du Rhin, derriere les sapins de la foret Noire, et, a mesure que le soleil monte, en bas, dans les vallees de Thann, de Munster, d'un bout a l'autre de l'Alsace, c'est un roulement [20]confus, un bruit de pas, de voitures en marche, et cela grossit, et cela s'approche, et Dollinger a le coeur serre! Bientot, par la longue route tournante qui grimpe aux flancs de la montagne, le juge de Colmar voit venir a lui un cortege lugubre et interminable, tout le peuple [25]d'Alsace qui s'est donne rendez-vous a cette passe des Vosges pour emigrer solennellement. En avant montent de longs chariots atteles de quatre boeufs, ces longs chariots a claire-voie que l'on rencontre tout debordants de gerbes au temps des moissons, et qui [30]maintenant s'en vont charges de meubles, de hardes, d'instruments de travail. Ce sont les grands lits, les hautes armoires, les garnitures d'indienne, les huches, les rouets, Page 136 les petites chaises des enfants, les fauteuils des ancetres, vieilles reliques entassees, tirees de leurs coins, dispersant au vent de la route la sainte poussiere des foyers. Des maisons entieres partent dans ces chariots. Aussi [5]n'avancent-ils qu'en gemissant, et les boeufs les tirent avec peine, comme si le sol s'attachait aux roues, comme si ces parcelles de terre seche restees aux herses, aux charrues, aux pioches, aux rateaux, rendant la charge encore plus lourde, faisaient de ce depart un deracinement. Derriere [10]se presse une foule silencieuse, de tout rang, de tout age, depuis les grands vieux a tricorne qui s'appuient en tremblant sur des batons, jusqu'aux petits blondins frises, vetus d'une bretelle et d'un pantalon de futaine, depuis l'aieule paralytique que de fiers garcons portent sur leurs [15]epaules, jusqu'aux enfants de lait que les meres serrent contre leurs poitrines; tous, les vaillants comme les infirmes, ceux qui seront les soldats de l'annee prochaine et ceux qui ont fait la terrible campagne, des cuirassiers amputes qui se trainent sur des bequilles, des artilleurs haves, [20]extenues, ayant encore dans leurs uniformes en loque la moisissure des casemates de Spandau; tout cela defile fierement sur la route, au bord de laquelle le juge de Colmar est assis, et, en passant devant lui, chaque visage se detourne avec une terrible expression de colere et de [25]degout... Oh! le malheureux Dollinger! il voudrait se cacher, s'enfuir; mais impossible. Son fauteuil est incruste dans la montagne, son rond de cuir dans son fauteuil, et lui dans son rond de cuir. Alors il comprend qu'il est la comme au [30]pilori, et qu'on a mis le pilori aussi haut pour que sa honte se vit de plus loin... Et le defile continue, village par village, ceux de la frontiere suisse menant d'immenses Page 137 troupeaux, ceux de la Saar poussant leurs durs outils de fer dans des wagons a minerais. Puis les villes arrivent, tout le peuple des filatures, les tanneurs, les tisserands, les ourdisseurs, les bourgeois, les pretres, les rabbins, les [5]magistrats, des robes noires, des robes rouges. ..Voila le tribunal de Colmar, son vieux president en tete. Et Dollinger, mourant de honte, essaye de cacher sa figure, mais ses mains sont paralysees; de fermer les yeux, mais ses paupieres restent immobiles et droites. Il faut [10]qu'il voie et qu'on le voie, et qu'il ne perde pas un des regards de mepris que ses collegues lui jettent en passant... Ce juge au pilori, c'est quelque chose de terrible! Mais ce qui est plus terrible encore, c'est qu'il a tous les siens [15]dans cette foule, et que pas un n'a l'air de le reconnaitre. Sa femme, ses enfants passent devant lui en baissant la tete. On dirait qu'ils ont honte, eux aussi! Jusqu'a son petit Michel qu'il aime tant, et qui s'en va pour toujours sans seulement le regarder. Seul, son vieux president [20]s'est arrete une minute pour lui dire a voix basse: "Venez avec nous, Dollinger. Ne restez pas la, mon ami..." Mais Dollinger ne peut pas se lever. Il s'agite, il appelle, et le cortege defile pendant des heures; et lorsqu'il [25]s'eloigne au jour tombant, toutes ces belles vallees pleines de clochers et d'usines se font silencieuses. L'Alsace entiere est partie. Il n'y a plus que le juge de Colmar qui reste la-haut, cloue sur son pilori, assis et inamovible... [30]...Soudain la scene change. Des ifs, des croix noires, des rangees de tombes, une foule en deuil. C'est le Page 138 cimetiere de Colmar, un jour de grand enterrement. Toutes les cloches de la ville sont en branle. Le conseiller Dollinger vient de mourir. Ce que l'honneur n'avait pas pu faire, la mort s'en est chargee. Elle a devisse de son rond [5]de cuir le magistrat inamovible, et couche tout de son long l'homme qui s'entetait a rester assis... Rever qu'on est mort et se pleurer soi-meme, il n'y a pas de sensation plus horrible. Le coeur navre, Dollinger assiste a ses propres funerailles; et ce qui le desespere [10]encore plus que sa mort, c'est que dans cette foule immense qui se presse autour de lui, il n'a pas un ami, pas un parent. Personne de Colmar, rien que des Prussiens! Ce sont des soldats prussiens qui ont fourni l'escorte, des magistrats prussiens qui menent le deuil, et les discours [15]qu'on prononce sur sa tombe sont des discours prussiens, et la terre qu'on lui jette dessus et qu'il trouve si froide est de la terre prussienne, helas! Tout a coup la foule s'ecarte, respectueuse; un magnifique cuirassier blanc s'approche, cachant sous son manteau [20]quelque chose qui a l'air d'une grande couronne d'immortelles. Tout autour on dit: "Voila Bismarck...voila Bismarck..." Et le juge de Colmar pense avec tristesse: "C'est beaucoup d'honneur que vous me faites, monsieur [25]le comte, mais si j'avais la mon petit Michel..." Un immense eclat de rire l'empeche d'achever, un rire fou, scandaleux, sauvage, inextinguible. "Qu'est-ce qu'ils ont donc?" se demande le juge epouvante. Il se dresse, il regarde... C'est son rond, son rond [30]de cuir que M. de Bismarck vient de deposer religieusement sur sa tombe avec cette inscription en entourage dans la moleskine: Page 139 AU JUGE DOLLINGER HONNEUR DE LA MAGISTRATURE ASSISE SOUVENIRS ET REGRETS D'un bout a l'autre du cimetiere, tout le monde rit, tout [5]le monde se tord, et cette grosse gaiete prussienne resonne jusqu'au fond du caveau, ou le mort pleure de honte, ecrase sous un ridicule eternel... Page 140 ERCKMANN-CHATRIAN LA MONTRE DU DOYEN I Le jour d'avant la Noel 1832, mon ami Wilfrid, sa contre-basse en sautoir, et moi mon violon sous le bras, nous allions de la Foret Noire a Heidelberg. Il faisait un temps de neige extraordinaire; aussi loin que s'etendaient [5]nos regards sur l'immense plaine deserte, nous ne decouvrions plus de trace de route, de chemin, ni de sentier. La bise sifflait son ariette stridente avec une persistance monotone, et Wilfrid, la besace aplatie sur sa maigre echine, ses longues jambes de heron etendues, la visiere de sa [10]petite casquette plate rabattue sur le nez, marchait devant moi, fredonnant je ne sais quelle joyeuse chanson. J'emboitais le pas, ayant de la neige jusqu'aux genoux, et je sentais la melancolie me gagner insensiblement. Les hauteurs de Heidelberg commencaient a poindre [15]tout au bout de l'horizon, et nous esperions arriver avant la nuit close, lorsque nous entendimes un cheval galoper derriere nous. Il etait alors environ cinq heures du soir, et de gros flocons de neige tourbillonnaient dans l'air grisatre. Bientot le cavalier fut a vingt pas. Il ralentit [20]sa marche, nous observant du coin de l'oeil; de notre part, nous l'observions aussi. Figurez-vous un gros homme roux de barbe et de cheveux, coiffe d'un superbe tricorne, la capote brune, recouverte d'une pelisse de renard flottante, les mains Page 141 enfoncees dans des gants fourres remontant jusqu'aux coudes: quelque echevin ou bourgmestre a large panse, une belle valise etablie sur la croupe de son vigoureux roussin. Bref, un veritable personnage. [5]"He! he! mes garcons, fit-il en sortant une de ses grosses mains des moufles suspendues a sa rhingrave, nous allons a Heidelberg, sans doute, pour faire de la musique?" Wilfrid regarda le voyageur de travers et repondit brusquement: [10]"Cela vous interesse, monsieur? --Eh! oui... J'aurais un bon conseil a vous donner. --Un conseil? --Mon Dieu... Si vous le voulez bien." Wilfrid allongea le pas sans repondre, et, de mon cote, [15]je m'apercus que le voyageur avait exactement la mine d'un gros chat: les oreilles ecartees de la tete, les paupieres demi-closes, les moustaches ebouriffees, l'air tendre et paterne. "Mon cher ami, reprit-il en s'adressant a moi, franchement, [20]vous feriez bien de reprendre la route d'ou vous venez. --Pourquoi, monsieur? --L'illustre maestro Pimenti, de Novare, vient d'annoncer un grand concert a Heidelberg pour Noel; toute [25]la ville y sera, vous ne gagnerez pas un kreutzer." Mais Wilfrid, se retournant de mauvaise humeur, lui repliqua: "Nous nous moquons de votre maestro et de tous les Pimenti du monde. Regardez ce jeune homme, regardez-le [30]bien! Ca n'a pas encore un brin de barbe au menton; ca n'a jamais joue que dans les petits _bouchons_ de la Foret Noire pour faire danser les _bourengredel_ et les Page 142 charbonnieres. Eh bien, ce petit bonhomme, avec ses longues boucles blondes et ses grands yeux bleus, defie tous vos charlatans italiens; sa main gauche renferme des tresors de melodie, de grace et de souplesse... Sa droite a le plus [5]magnifique coup d'archet que le Seigneur-Dieu daigne accorder parfois aux pauvres mortels, dans ses moments de bonne humeur. --Eh! eh! fit l'autre, en verite? --C'est comme je vous le dis," s'ecria Wilfrid, se [10]remettant a courir, en soufflant dans ses doigts rouges. Je crus qu'il voulait se moquer du voyageur, qui nous suivait toujours au petit trot. Nous fimes ainsi plus d'une demi-lieue en silence. Tout a coup l'inconnu, d'une voix brusque, nous dit: [15]"Quoi qu'il en soit de votre merite, retournez dans la Foret Noire; nous avons assez de vagabonds a Heidelberg, sans que vous veniez en grossir le nombre... Je vous donne un bon conseil, surtout dans les circonstances presentes... Profitez-en!" [20]Wilfrid indigne allait lui repondre, mais il avait pris le galop et traversait deja la grande avenue de l'Electeur. Une immense file de corbeaux: venaient de s'elever dans la plaine, et semblaient suivre le gros homme, en remplissant le ciel de leurs clameurs. [25]Nous arrivames a Heidelberg vers sept heures du soir, et nous vimes, en effet, l'affiche magnifique de Pimenti sur toutes les murailles de la ville: "Grand concerto, solo, etc." Dans la soiree meme, en parcourant les brasseries des theologiens et des philosophes, nous rencontrames plusieurs [30]musiciens de la Foret Noire, de vieux camarades, qui nous engagerent dans leur troupe. Il y avait le vieux Bremer, le violoncelliste; ses deux fils Ludwig et Karl, deux bons Page 143 seconds violons; Heinrich Siebel, la clarinette; la grande Berthe avec sa harpe; puis Wilfrid et sa contre-basse, et moi comme premier violon. Il fut arrete que nous irions ensemble, et qu'apres la [5]Noel, nous partagerions en freres. Wilfrid avait deja loue, pour nous deux, une chambre au sixieme etage de la petite auberge du _Pied-de-Mouton_, a quatre kreutzers la nuit. A proprement parler, ce n'etait qu'un grenier; mais heureusement il y avait un fourneau de tole, et nous [10]y fimes du feu pour nous secher. Comme nous etions assis tranquillement a rotir des marrons et a boire une cruche de vin, voila que la petite Annette, la fille d'auberge, en petite jupe coquelicot et cornette de velours noir, les joues vermeilles, les levres roses [15]comme un bouquet de cerises... Annette monte l'escalier quatre a quatre, frappe a la porte, et vient se jeter dans, mes bras, toute rejouie. Je connaissais cette jolie petite depuis longtemps, nous etions du meme village, et puisqu'il faut tout vous dire, ses [20]yeux petillants, son air espiegle m'avaient captive le coeur. "Je viens causer un instant avec toi, me dit-elle, en s'asseyant sur un escabeau. Je t'ai vu monter tout a l'heure, et me voila!" Elle se mit alors a babiller, me demandant des nouvelles [25]de celui-ci, de celui-la, enfin de tout le village: c'etait a peine si j'avais le temps de lui repondre. Parfois elle s'arretait et me regardait avec une tendresse inexprimable. Nous serions restes la jusqu'au lendemain, si la mere Gredel Dick ne s'etait mise a crier dans l'escalier: [30]"Annette! Annette! viendras-tu? --Me voila, madame, me voila!" fit la pauvre enfant, se levant toute surprise. Elle me donna une petite tape sur Page 144 la joue et s'elanca vers la porte; mais au moment de sortir elle s'arreta: "Ah! s'ecria-t-elle en revenant, j'oubliais de vous dire; avez-vous appris? [5]--Quoi donc? --La mort de notre pro-recteur Zahn! --Et que nous importe cela? --Oui, mais prenez garde, prenez garde, si vos papiers ne sont pas en regle. Demain a huit heures, on viendra [10]vous les demander. On arrete tant de monde, tant de monde depuis quinze jours! Le pro-recteur a ete assassine dans la bibliotheque du cloitre Saint-Christophe hier soir. La semaine derniere on a pareillement assassine le vieux sacrificateur Ulmet Elias, de la rue des Juifs! [15]Quelques jours avant, on a tue la vieille Christina Haas et le marchand d'agates Seligmann! Ainsi, mon pauvre Kasper, fit-elle tendrement, veille bien sur toi, et que tous vos papiers soient en ordre." Tandis qu'elle parlait, on criait toujours d'en bas: [20]"Annette! Annette! viendras-tu? Oh! la malheureuse, qui me laisse toute seule!" Et les cris des buveurs s'entendaient aussi, demandant du vin, de la biere, du jambon, des saucisses. Il fallut bien partir. Annette descendit en courant comme elle [25]etait venue, et repondant de sa voix douce: "Mon Dieu!... mon Dieu!... qu'y a-t-il donc, madame, pour crier de la sorte?... Ne croirait-on pas que le feu est dans la maison!..." Wilfrid alla refermer la porte, et, ayant repris sa place, [30]nous nous regardames, non sans quelque inquietude. "Voila de singulieres nouvelles, dit-il... Au moins tes papiers sont-ils en regle? Page 145 --Sans doute." Et je lui fis voir mon livret. "Bon, le mien est la... Je l'ai fait viser avant de partir ...Mais c'est egal, tous ces meurtres ne nous annoncent [5]rien de bon... Je crains que nous ne fassions pas nos affaires ici... Bien des familles sont dans le deuil... et d'ailleurs les ennuis, les inquietudes... --Bah! tu vois tout en noir," lui dis-je. Nous continuames a causer de ces evenements etranges [10]jusque passe minuit. Le feu de notre petit poele eclairait toute la chambre. De temps en temps une souris attiree par la chaleur glissait comme une fleche le long du mur. On entendait le vent s'engouffrer dans les hautes cheminees et balayer la poussiere de neige des gouttieres. Je songeais [15]a Annette. Le silence s'etait retabli. Tout a coup Wilfrid, otant sa veste, s'ecria: "Il est temps de dormir... Mets encore une buche au fourneau et couchons-nous. --Oui, c'est ce que nous avons de mieux a faire." [20]Ce disant, je tirai mes bottes, et deux minutes apres nous etions etendus sur la paillasse, la couverture tiree jusqu'au menton, un gros rondin sous la tete pour oreiller. Wilfrid ne tarda point a s'endormir. La lumiere du petit poele allait et venait... Le vent redoublait au dehors... [25]et, tout en revant, je m'endormis a mon tour comme un bienheureux. Vers deux heures du matin je fus eveille par un bruit inexplicable; je crus d'abord que c'etait un chat courant sur les gouttieres; mais ayant mis l'oreille contre les [30]bardeaux, mon incertitude ne fut pas longue: quelqu'un marchait sur le toit. Je poussai Wilfrid du coude pour l'eveiller. Page 146 "Chut!" fit-il en me serrant la main. Il avait entendu comme moi. La flamme jetait alors ses dernieres lueurs, qui se debattaient contre la muraille decrepite. J'allais me lever, quand, d'un seul coup, la [5]petite fenetre, fermee par un fragment de brique, fut poussee et s'ouvrit: une tete pale, les cheveux roux, les yeux phosphorescents, les joues fremissantes, parut..., regardant a l'interieur. Notre saisissement fut tel que nous n'eumes pas la force de jeter un cri. L'homme passa [10]une jambe, puis l'autre, par la lucarne et descendit dans notre grenier avec tant de prudence, que pas un atome ne bruit sous ses pas. Cet homme, large et rond des epaules, court, trapu, la face crispee comme celle d'un tigre a l'affut, n'etait autre [15]que le personnage bonasse qui nous avait donne des conseils sur la route de Heidelberg. Que sa physionomie nous parut changee alors! Malgre le froid excessif, il etait en manches de chemise; il ne portait qu'une simple culotte serree autour des reins, des bas de laine et des souliers a [20]boucles d'argent. Un long couteau tache de sang brillait dans sa main. Wilfrid et moi nous nous crumes perdus... Mais lui ne parut pas nous voir dans l'ombre oblique de la mansarde, quoique la flamme se fut ranimee au courant d'air glacial [25]de la lucarne. Il s'accroupit sur un escabeau et se prit a grelotter d'une facon bizarre... subitement ses yeux, d'un vert jaunatre, s'arreterent sur moi..., ses narines se dilaterent..., il me regarda plus d'une longue minute... Je n'avais plus une goutte de sang dans les veines! Puis, [30]se tournant vers le poele, il toussa d'une voix rauque, pareille a celle d'un chat, sans qu'un seul muscle de sa face tressaillit. Il tira du gousset de sa culotte une grosse Page 147 montre, fit le geste d'un homme qui regarde l'heure, et, soit distraction ou tout autre motif, il la deposa sur la table. Enfin, se levant comme incertain, il considera la lucarne, parut hesiter et sortit, laissant la porte ouverte [5]tout au large. Je me levai aussitot pour pousser le verrou, mais deja les pas de l'homme criaient dans l'escalier a deux etages en dessous. Une curiosite invincible l'emporta sur ma terreur, et, comme je l'entendais ouvrir une fenetre donnant [10]sur la cour, moi-meme je m'inclinai vers la lucarne de l'escalier en tourelle du meme cote. La cour de cette hauteur etait profonde comme un puits; un mur, haut de cinquante a soixante pieds, la partageait en deux. Sa crete partait de la fenetre que l'assassin venait d'ouvrir, et [15]s'etendait en ligne droite, sur le toit d'une vaste et sombre demeure en face. Comme la lune brillait entre de grands nuages charges de neige, je vis tout cela d'un coup d'oeil, et je fremis en apercevant l'homme fuir sur la haute muraille, la tete penchee en avant et son long couteau a la [20]main, tandis que le vent soufflait avec des sifflements lugubres. Il gagna le toit en face et disparut dans une lucarne. Je croyais rever. Pendant quelques instants je restai la, bouche beante, la poitrine nue, les cheveux flottants, [25]sous le gresil qui tombait du toit. Enfin, revenant de ma stupeur, je rentrai dans notre reduit et trouvai Wilfrid, qui me regarda tout hagard et murmurant une priere a voix basse. Je m'empressai de remettre du bois au fourneau, de passer mes habits et de fermer le [30]verrou. "Eh bien? demanda mon camarade en se levant. --Eh bien! lui repondis-je, nous en sommes rechappes Page 148 ...Si cet homme ne nous a pas vus, c'est que Dieu ne veut pas encore notre mort. --Oui, fit-il... oui! c'est l'un des assassins dont nous parlait Annette... Grand Dieu!... quelle figure... et [5]quel couteau!" Il retomba sur la paillasse... Moi, je vidai d'un trait ce qui restait de vin dans la cruche, et comme le feu s'etait ranime, que la chaleur se repandait de nouveau dans la chambre, et que le verrou me paraissait solide, je repris [10]courage. Pourtant, la montre etait la... l'homme pouvait revenir la chercher!... Cette idee nous glaca d'epouvante. "Qu'allons-nous faire, maintenant? dit Wilfrid. Notre plus court serait de reprendre tout de suite le chemin de la [15]Foret Noire! --Pourquoi? --Je n'ai plus envie de jouer de la contre-basse... Arrangez-vous comme vous voudrez. --Mais pourquoi donc? Qu'est-ce qui nous force a [20]partir? Avons-nous commis un crime? --Parle bas... parle bas... fit-il... Rien que ce mot crime, si quelqu'un l'entendait, pourrait nous faire prendre ...De pauvres diables comme nous servent d'exemples aux autres... On ne regarde pas longtemps s'ils commettent [25]des crimes... Il suffit qu'on trouve cette montre ici... --Ecoute, Wilfrid, lui dis-je, il ne s'agit pas de perdre la tete. Je veux bien croire qu'un crime a ete commis ce soir dans notre quartier... Oui, je le crois... c'est meme [30]tres-probable... mais, en pareille circonstance, que doit faire un honnete homme? Au lieu de fuir, il doit aider la justice, il doit... Page 149 --Et comment, comment l'aider? --Le plus simple sera de prendre la montre et d'aller la remettre demain au grand bailli, en lui racontant ce qui s'est passe. [5]--Jamais... jamais... je n'oserai toucher cette montre! --Eh bien! moi, j'irai. Couchons-nous et tachons de dormir encore s'il est possible. --Je n'ai plus envie de dormir. [10]--Alors, causons... allume ta pipe... attendons le jour... Il Y a peut-etre encore du monde a l'auberge... si tu veux, nous descendrons. --J'aime mieux rester ici. --Soit!" [15]Et nous reprimes notre place au coin du feu. Le lendemain, des que le jour parut, j'allai prendre la montre sur la table. C'etait une montre tres-belle, a double cadran marquait les heures, l'autre les minutes. Wilfrid parut plus rassure. [20]"Kasper, me dit-il, toute reflexion faite, il convient mieux que j'aille voir le bailli. Tu es trop jeune pour entrer dans de telles affaires... Tu t'expliquerais mal! --C'est comme tu voudras. --Oui, il paraitrait bien etrange qu'un homme de mon [25]age envoyat un enfant. --Bien... bien... je comprends, Wilfrid" Il prit la montre, et je remarquai que son amour-propre seul le poussait a cette resolution: il aurait rougi, sans doute, devant ses camarades, d'avoir montre moins de [30]courage que moi. Nous descendimes du grenier tout meditatifs. En traversant l'allee qui donne sur la rue Saint-Christophe, Page 150 nous entendimes le cliquetis des verres et des fourchettes ...Je distinguai la voix du vieux Bremer et de ses deux fils, Ludwig et Karl. "Ma foi, dis-je a Wilfrid, avant de sortir, nous ne ferions [5]pas mal de boire un bon coup." En meme temps je poussai la porte de la salle. Toute notre societe etait la, les violons, les cors de chasse suspendus a la muraille; la harpe dans un coin. Nous fumes accueillis par des cris joyeux. On s'empressa de nous [10]faire place a table. "He! disait le vieux Bremer, bonne journee, camarades Du vent... de la neige... Toutes les brasseries seront pleines de monde; chaque flocon qui tourbillonne dans l'air est un florin qui nous tombera dans la poche!" [15]J'apercus ma petite Annette, fraiche, degourdie, me souriant des yeux et des levres avec amour. Cette vue me ranima... Les meilleures tranches de jambon etaient pour moi, et chaque fois qu'elle venait deposer une cruche a ma droite, sa douce main s'appuyait avec expression sur [20]mon epaule. Oh! que mon coeur sautillait, en songeant aux marrons que nous avions croques la veille ensemble! Pourtant, la figure pale du meurtrier passait de temps en temps devant mes yeux et me faisait tressaillir... Je regardais [25]Wilfrid, il etait tout meditatif. Enfin, au coup de huit heures, notre troupe allait partir, lorsque la porte s'ouvrit, et que trois escogriffes, la face plombee, les yeux brillants comme des rats, le chapeau deforme, suivis de plusieurs autres de la meme espece, se presenterent sur le seuil. [30]L'un d'eux, au nez long, un enorme gourdin suspendu au poignet, s'avanca en s'ecriant: "Vos papiers, messieurs?" Page 151 Chacun s'empressa de satisfaire a sa demande. Malheureusement Wilfrid, gui se trouvait debout aupres du Poele, fut pris d'un tremblement subit, et comme l'agent de police, a l'oeil exerce, suspendait sa lecture pour [5]l'observer d'un regard equivoque, il eut la funeste idee de faire glisser la montre dans sa botte, mais, avant qu'elle eut atteint sa destination, l'agent de police frappait sur la cuisse de mon camarade et s'ecriait d'un ton goguenard: [10]"He, he! il parait que ceci nous gene?" Alors Wilfrid tomba en faiblesse, a la grande stupefaction de tout le monde, il s'affaissa sur un banc, pale comme la mort, et Madoc, le chef de la police, sans gene, ouvrit son pantalon et en retira la montre avec un mechant eclat [15]de rire... Mais a peine l'eut-il regardee, qu'il devint grave, et se tournant vers ses agents: "Que personne ne sorte! s'ecria-t-il d'une voix terrible. Nous tenons la bande... Voici la montre du doyen Daniel Van den Berg... Attention... Les menottes!" [20]Ce cri nous traversa jusqu'a la moelle des os. Il se fit un tumulte epouvantable... Moi, nous sentant perdus, je me glissai sous le banc, pres du mur, et comme on enchainait le pauvre vieux Bremer, ses fils Heinrich et Wilfrid, qui sanglotaient et protestaient... je sentis une [25]petite main me passer sur le cou.. la douce main d'Annette, ou j'imprimai mes levres pour dernier adieu... Mais elle me prit par l'oreille, m'attira doucement... doucement... Je vis la porte du cellier ouverte sous un bout de la table... Je m'y laissai glisser... La porte se [30]referma! Ce fut l'affaire d'une seconde, au milieu de la bagarre. A peine au fond de mon trou, on trepignait deja sur la Page 152 porte... puis tout devint silencieux: mes pauvres camarades etaient partis!--La mere Gredel Dick jetait son cri de paon sur le seuil de son allee, disant que l'auberge du _Pied-de-Mouton_ etait deshonoree. [5]Je vous laisse a penser les reflexions que je dus faire durant tout un jour, blotti derriere une futaille, les reins courbes, les jambes repliees sous moi, songeant que si un chien descendait a la cave... que s'il prenait fantaisie a la cabaretiere de venir elle-meme remplir la cruche. .. [10]que si la tonne se vidait dans le jour et qu'il fallut en mettre une autre en perce... que le moindre hasard enfin pouvait me perdre. Toutes ces idees et mille autres me passaient par la tete. Je representais mes camarades deja pendus au gibet. [15]Annette, non moins troublee que moi, par exces de prudence refermait la porte chaque fois qu'elle remontait du cellier.--J'entendis la vieille lui crier: "Mais laisse donc cette porte. Es-tu folle de perdre la moitie de ton temps a l'ouvrir?" [20]Alors, la porte resta entre-baillee, et du fond de l'ombre je vis les tables se garnir de nouveaux buveurs... J'entendais des cris, des discussions, des histoires sans fin sur la fameuse bande. "Oh! les scelerats, disait l'un, grace au ciel on les tient! [25]Quel fleau pour Heidelberg!... On n'osait plus se hasarder dans les rues apres dix heures... Le commerce en souffrait... Enfin, c'est fini, dans quinze jours, tout sera rentre dans l'ordre. --Voyez-vous ces musiciens de la Foret Noire, criait [30]un autre... c'est un tas de bandits! ils s'introduisent dans les maisons sous pretexte de faire de la musique... Ils observent les serrures, les coffres, les armoires, les issues, Page 153 et puis, un beau matin, on apprend que maitre un tel a eu la gorge coupee dans son lit... que sa femme a ete massacree... ses enfants egorges... la maison pillee de fond en comble... qu'on a mis le feu a la grange... ou [5]autre chose dans ce genre... Quels miserables! On devrait les exterminer tous sans misericorde... au moins le pays serait tranquille. --Toute la ville ira les voir pendre, disait la mere Gredel... Ce sera le plus beau jour de ma vie! [10]--Savez-vous que sans la montre du doyen Daniel, on n'aurait jamais trouve leur trace? Hier soir la montre disparait... Ce matin, maitre Daniel en donne le signalement a la police... une heure apres, Madoc mettait la main sur toute la couvee... he! he! he!" [15]Et toute la salle de rire aux eclats. La honte, l'indignation, la peur, me faisaient fremir tour a tour. Cependant la nuit vint. Quelques buveurs seuls restaient encore a table. On avait veille la nuit precedente; j'entendais la grosse proprietaire qui baillait et [20]murmurait: "Ah! mon Dieu, quand pourrons-nous aller nous coucher?" Une seule chandelle restait allumee dans la salle. "Allez dormir, madame, dit la douce voix d'Annette, je [25]veillerai bien toute seule jusqu'a ce que ces messieurs s'en aillent." Quelques ivrognes comprirent cette invitation et se retirerent; il n'en restait plus qu'un, assoupi en face de sa cruche. Le wachtmann, etant venu faire sa ronde, [30]l'eveilla, et je l'entendis sortir a son tour, grognant et trebuchant jusqu'a la porte. "Enfin, me dis-je, le voila parti; ce n'est pas malheureux. Page 154 La mere Gredel va dormir, et la petite Annette ne tardera point a me delivrer." Dans cette agreable pensee je detirais deja mes membres engourdis, quand ces paroles de la grosse cabaretiere [5]frapperent mes oreilles: "Annette, va fermer, et n'oublie pas de mettre la barre. Moi, je descends a la cave." Il parait qu'elle avait cette louable habitude pour s'assurer que tout etait en ordre. [10]"Mais, madame, balbutia la petite, le tonneau n'est pas vide; vous n'avez pas besoin... --Mele-toi de tes affaires," interrompit la grosse femme, dont la chandelle brillait deja sur l'escalier. Je n'eus que le temps de me replier de nouveau derriere [15]la futaille. La vieille, courbee sous la voute basse du cellier, allait d'une tonne a l'autre, et je l'entendais murmurer: "Oh! la coquine, comme elle laisse couler le vin! At~ tends, attends, je vais t'apprendre a mieux fermer les [20]robinets. A-t-on jamais vu! A-t-on jamais vu!" La lumiere projetait les ombres contre le mur humide. Je me dissimulais de plus en plus. Tout a coup, au moment ou je croyais la visite terminee, j'entendis la grosse mere exhaler un soupir, mais un soupir [25]si long, si lugubre, que l'idee me vint aussitot qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire. Je hasardai un oeil... le moins possible; et qu'est-ce que je vis? Dame Gredel Dick, la bouche beante, les yeux hors de la tete, contemplant le dessous de la tonne, derriere laquelle je [30]me tenais immobile. Elie venait d'apercevoir un de mes pieds sous la solive servant de cale, et s'imaginait sans doute avoir decouvert le chef des brigands, cache la pour Page 155 l'egorger pendant la nuit. Ma resolution fut prompte: je me redressai en murmurant: "Madame, au nom du ciel! ayez pitie de moi. Je suis..." [5]Mais alors, elle, sans me regarder, sans m'ecouter, se prit a jeter des cris de paon, des cris a vous dechirer les oreilles, tout en grimpant l'escalier aussi vite que le lui permettait son enorme corpulence. De mon cote, saisi d'une terreur inexprimable, je m'accrochai a sa robe, pour [10]la prier a genoux. Mais ce fut pis encore: "Au secours! a l'assassin! Oh! ah! mon Dieu! Lachez-moi. Prenez mon argent. Oh! oh!" C'etait effrayant. J'avais beau lui dire: "Madame, regardez-moi. Je ne suis pas ce que vous [15]pensez..." Bah! elle etait folle d'epouvante, elle radotait, elle begayait, elle piaillait d'un accent si aigu que si nous n'eussions ete sous terre, tout le quartier en eut ete eveille. Dans cette extremite, ne consultant que ma rage, je lui [20]grimpai sur le dos, et j'atteignis avant elle la porte, que je lui refermai sur le nez comme la foudre, ayant soin d'assujettir le verrou. Pendant la lutte, la lumiere s'etait eteinte, dame Gredel restait dans les tenebres, et sa voix ne s'entendait plus que faiblement, comme dans le [25]lointain. Moi, epuise, aneanti, je regardais Annette dont le trouble egalait le mien. Nous n'avions plus la force de nous dire un mot; et nous ecoutions ces cris expirants, qui finirent par s'eteindre: la pauvre femme s'etait evanouie. [30]"Oh! Kasper, me dit Annette en joignant les mains, que faire, mon Dieu, que faire? Sauve-toi... Sauve-toi ...On a peut-etre entendu... Tu l'as donc tuee? Page 156 --Tuee... moi? --Eh bien!... echappe-toi... Je vais t'ouvrir." En effet, elle leva la barre, et je me pris a courir dans la rue, sans meme la remercier. ..Ingrat! Mais j'avais si [5]peur... le danger etait si pressant... le ciel si noir! Il faisait un temps abominable: pas une etoile au ciel... pas un reverbere allume... Et le vent... et la neige! Ce n'est qu'apres avoir couru au moins une demi-heure, que je m'arretai pour reprendre haleine... Et qu'on [10]s'imagine mon epouvante quand, levant les yeux, je me vis juste en face du _Pied-de-Mouton_. Dans ma terreur, j'avais fait le tour du quartier, peut-etre trois ou quatre fois de suite... Mes jambes etaient lourdes, boueuses... mes genoux vacillaient. [15]L'auberge, tout a l'heure deserte, bourdonnait comme une ruche; des lumieres couraient d'une fenetre a l'autre ...Elle etait sans doute pleine d'agents de police. Alors, malheureux, epuise par le froid et la faim, desespere, ne sachant ou trouver un asile, je pris la plus singuliere de [20]toutes les resolutions: "Ma foi, me dis-je, mourir pour mourir... autant etre pendu que de laisser ses os en plein champ sur la route de la Foret Noire!" Et j'entrai dans l'auberge, pour me livrer moi-meme a [25]la justice. Outre les individus rapes, aux chapeaux deformes, aux triques enormes, que j'avais deja vus le matin, et qui allaient, venaient, furetaient et s'introduisaient partout, il y avait alors devant une table le grand bailli Zimmer, vetu de noir, l'air grave, l'oeil penetrant, et [30]le secretaire Roth, avec sa perruque rousse, sa grimace imposante et ses larges oreilles plates comme des ecailles d'huitres. C'est a peine si l'on fit attention a moi, Page 157 circonstance qui modifia tout de suite ma resolution. Je m'assis dans l'un des coins de la salle, derriere le grand fourneau de fonte, en compagnie de deux ou trois voisins, accourus pour voir ce qui se passait, et je demandai [5]tranquillement une chopine de vin et un plat de choucroute. Annette faillit me trahir: "Ah! mon Dieu, fit-elle, est-ce possible?" Mais une exclamation de plus ou de moins dans une [10]telle cohue ne signifiait absolument rien... Personne n'y prit garde; et, tout en mangeant du meilleur appetit, j'ecoutai l'interrogatoire que subissait dame Gredel, accroupie dans un large fauteuil, les cheveux epars et les yeux encore ecarquilles par la peur. [15]"Quel age paraissait avoir cet homme? lui demanda le bailli. --De quarante a cinquante ans, monsieur... C'etait un homme enorme, avec des favoris noirs... ou bruns ...je ne sais pas au juste... le nez long... les yeux [20]verts. --N'avait-il pas quelques signes particuliers... des taches au visage... des cicatrices? --Non... je ne me rappelle pas... Il n'avait qu'un gros marteau... et des pistolets... [25]-Fort bien. Et que vous a-t-il dit? --Il m'a prise a la gorge... Heureusement j'ai crie si haut que la peur l'a saisi... et puis, je me suis defendue avec les ongles... Ah! quand on veut vous massacrer ...on se defend, monsieur!... [30]--Rien de plus naturel, de plus legitime, madame... Ecrivez, monsieur Roth... Le sang-froid de cette bonne dame a ete vraiment admirable!" Page 158 Ainsi du reste de la deposition. On entendit ensuite Annette, qui declara simplement avoir ete si troublee qu'elle ne se souvenait de rien. "Cela suffit, dit le bailli; s'il nous faut d'autres [5]renseignements, nous reviendrons demain." Tout le monde sortit, et je demandai a la dame Gredel une chambre pour la nuit. Elle, n'eut pas le moindre souvenir de m'avoir vu... tant la peur lui avait trouble la cervelle. [10]"Annette, dit-elle, conduis monsieur a la petite chambre verte du troisieme. Moi, je ne tiens plus sur mes jambes ...Ah mon Dieu... mon Dieu... a quoi n'est-on pas expose dans ce monde!" Elle se prit a sangloter, ce qui la soulagea. [15]Annette, ayant allume une chandelle, me conduisit dans la chambre designee, et quand nous fumes seuls: "Oh! Kasper... Kasper... s'ecria-t-elle naivement... qui aurait jamais cru que tu etais de la bande? Je ne me consolerai jamais d'avoir aime un brigand! [20]--Comment, Annette... toi aussi! lui repondis-je en m'asseyant desole... Ah! tu m'acheves!" J'etais pret a fondre en larmes... Mais elle, revenant aussitot de son injustice et m'entourant de ses bras: "Non! non! fit-elle... Tu n'es pas de la bande... Tu [25]es trop gentil pour cela, mon bon Kasper... Mais c'est egal... tu as un fier courage tout de meme d'etre revenu!" Je lui dis que j'allais mourir de froid dehors, et que cela seul m'avait decide. Nous restames quelques instants [30]tout pensifs, puis elle sortit pour ne pas eveiller les soupcons de dame Gredel. Quand je fus seul, apres m'etre assure que les fenetres ne donnaient sur aucun mur et Page 159 que le verrou fermait bien, je remerciai le Seigneur de m'avoir sauve dans ces circonstances perilleuses. Puis m'etant couche, je m'endormis profondement. II Le lendemain, je m'eveillai vers huit heures. Le temps [5]etait humide et terne. En ecartant le rideau de mon lit, je remarquai que la neige s'etait amoncelee au bord des fenetres: les vitres en etaient toutes blanches. Je me pris a rever tristement au sort de mes camarades; ils avaient du bien souffrir du froid... la grande Berthe et le vieux [10]Bremer surtout! Cette idee me serra le coeur. Comme je revais ainsi, un tumulte etrange s'eleva dehors. Il se rapprochait de l'auberge, et ce n'est pas sans inquietude que je m'elancai vers une fenetre, pour juger de ce nouveau peril. [15]On venait confronter la fameuse bande avec dame Gredel Dick, qui ne pouvait sortir apres les terribles emotions de la veille. Mes pauvres compagnons descendaient la rue bourbeuse entre deux files d'agents de police, et suivis d'une avalanche de gamins, hurlant et sifflant [20]comme de vrais sauvages. Il me semble encore voir cette scene affreuse: le pauvre Bremer, enchaine avec son fils Ludwig, puis Karl et Wilfrid, et enfin la grande Berthe, qui marchait seule derriere et criait d'une voix lamentable: [25]"Au nom du ciel, messieurs, au nom du ciel... ayez pitie d'une pauvre harpiste innocente!... Moi... tuer! ...moi... voler. Oh! Dieu! est-ce possible." Elle se tordait les mains. Les autres etaient mornes, la tete penchee, les cheveux pendant sur la face. Page 160 Tout ce monde s'engouffra dans l'allee sombre de l'auberge. Les gardes en expulserent les etrangers... On referma la porte, et la foule avide resta dehors, les pieds dans la boue, le nez aplati contre les fenetres. [5]Le plus profond silence s'etablit alors dans la maison. M'etant habille, j'entr'ouvris la porte de ma chambre pour ecouter, et voir s'il ne serait pas possible de reprendre la clef des champs. J'entendis quelques eclats de voix, des allees et des [10]venues aux etages inferieurs, ce qui me convainquit que les issues etaient bien gardees. Ma porte donnait sur le palier, juste en face de la fenetre que l'homme avait ouverte pour fuir. Je n'y fis d'abord pas attention... Mais comme je restais la, tout a coup je m'apercus que la [15]fenetre etait ouverte, qu'il n'y avait point de neige sur son bord, et, m'etant approche, je vis de nouvelles traces sur le mur. Cette decouverte me donna le frisson. L'homme etait revenu!... Il revenait peut-etre toutes les nuits: le chat, la fouine, le furet... tous les carnassiers [20]ont ainsi leur passage habituel. Quelle revelation! Tout s'eclairait dans mon esprit d'une lumiere mysterieuse. "Oh! si c'etait vrai, me dis-je, si le hasard venait de me livrer le sort de l'assassin... mes pauvres camarades seraient sauves!" [25]Et je suivis des yeux cette trace, qui se prolongeait avec une nettete surprenante, jusque sur le toit voisin. En ce moment, quelques paroles de l'interrogatoire frapperent mes oreilles... On venait d'ouvrir la porte de la salle pour renouveler l'air... J'entendis: [30]"Reconnaissez-vous avoir, le 20 de ce mois, participe a l'assassinat du sacrificateur Ulmet Elias?" Puis quelques paroles inintelligibles. Page 161 "Refermez la porte, Madoc, dit la voix du bailli... refermez la porte... Madame est souffrante..." Je n'entendis plus rien. La tete appuyee sur la rampe, une grande resolution [5]se debattait alors en moi. "Je puis sauver mes camarades, me disais-je; Dieu vient de m'indiquer le moyen de les rendre a leurs familles... Si la peur me fait reculer devant un tel devoir, c'est moi qui les aurai assassines... Mon repos, mon honneur, [10]seront perdus a jamais... Je me jugerai le plus lache... le plus vil des miserables!" Longtemps j'hesitai; mais tout a coup ma resolution fut prise... Je descendis et je penetrai dans la cuisine. "N'avez-vous jamais vu cette montre, disait le bailli a [15]dame Gredel; recueillez bien vos souvenirs, madame." Sans attendre la reponse, je m'avancai dans la salle, et, d'une voix ferme, je repondis: "Cette montre, monsieur le bailli... je l'ai vue entre les mains de l'assassin lui-meme... Je la reconnais... [20]Et quant a l'assassin, je puis vous le livrer ce soir, si vous daignez m'entendre." Un silence profond s'etablit autour de moi; tous les assistants se regardaient l'un l'autre avec stupeur; mes pauvres camarades parurent se ranimer. [25]"Qui etes-vous, monsieur? me demanda le bailli revenu de son emotion. --Je suis le compagnon de ces infortunes, et je n'en ai pas honte, car tous, monsieur le bailli, tous, quoique pauvres, sont d'honnetes gens... Pas un d'entre eux [30]n'est capable de commettre les crimes qu'on leur impute." Il y eut un nouveau silence. La grande Berthe se prit Page 162 sangloter tout bas; le bailli parut se recueillir. Enfin, me regardant d'un oeil fixe: "Ou donc pretendez-vous nous livrer l'assassin? --Ici meme, monsieur le bailli... dans cette maison [5]...Et, pour vous convaincre, je ne demande qu'un instant d'audience particuliere. --Voyons," dit-il en se levant. Il fit signe au chef de la police secrete, Madoc, de nous suivre, aux autres de rester. Nous sortimes. [10]Je montai rapidement l'escalier. Ils etaient sur mes pas. Au troisieme, m'arretant devant la fenetre et leur montrant les traces de l'homme imprimees dans la neige: "Voici les traces de l'assassin, leur dis-je... C'est ici [15]qu'il passe chaque soir... Il est venu hier a deux heures lu matin... Il est revenu cette nuit... Il reviendra sans doute ce soir." Le bailli et Madoc regarderent les traces quelques instants sans murmurer une parole. [20]"Et qui vous dit que ce sont les pas du meurtrier? me demanda le chef de la police d'un air de doute. Alors je leur racontai l'apparition de l'assassin dans notre grenier. Je leur indiquai, au-dessus de nous, la lucarne d'ou je l'avais vu fuir au clair de lune, ce que [25]n'avait pu faire Wilfrid, puisqu'il etait reste couche... Je leur avouai que le hasard seul m'avait fait decouvrir les empreintes de la nuit precedente. "C'est etrange, murmurait le bailli; ceci modifie beaucoup la situation des accuses. Mais comment nous [30]expliquez-vous la presence du meurtrier dans la cave de l'auberge? --Ce meurtrier, c'etait moi, monsieur le bailli!" Page 163 Et je lui racontai simplement ce qui s'etait passe la veille, depuis l'arrestation de mes camarades jusqu'a la nuit close, au moment de ma fuite. "Cela suffit," dit-il. [5]Et se tournant vers le chef de la police: "Je dois vous avouer, Madoc, que les depositions de ces menetriers ne m'ont jamais paru concluantes; elles etaient loin de me confirmer dans l'idee de leur participation aux crimes... D'ailleurs, leurs papiers etaient, pour plusieurs, [10]un alibi tres difficile a dementir. Toutefois, jeune homme, malgre la vraisemblance des indices que vous nous donnez, vous resterez en notre pouvoir jusqu'a la verification du fait... Madoc, ne le perdez pas de vue, et prenez vos mesures en consequence." [15]Le bailli descendit alors tout meditatif, et, repliant ses papiers, sans ajouter un mot a l'interrogatoire: "Qu'on reconduise les accuses a la prison," dit-il en lancant a la grosse cabaretiere un regard de mepris. Il sortit suivi de son secretaire. [20]Madoc resta seul avec deux agents. "Madame, dit-il a l'aubergiste, vous garderez le plus grand silence sur ce qui vient de se passer. De plus, vous rendrez a ce brave jeune homme la chambre qu'il occupait avant-hier." [25]Le regard et l'accent de Madoc n'admettaient pas de replique: dame Gredel promit de faire ce que l'on voudrait, pourvu qu'on la debarrassat des brigands. "Ne vous inquietez pas des brigands, repliqua Madoc; nous resterons ici tout le jour et toute la nuit pour vous [30]garder... Vaquez tranquillement a vos affaires, et commencez par nous servir a dejeuner... Jeune homme, vous me ferez l'honneur de dejeuner avec nous?" Page 164 Ma situation ne me permettait pas de decliner cette offre... J'acceptai. Nous voila donc assis en face d'un jambon et d'une cruche de vin du Rhin. D'autres individus vinrent boire [5]comme d'habitude, provoquant les confidences de dame Gredel et d'Annette; mais elles se garderent bien de parler en notre presence, et furent extremement reservees, ce qui dut leur paraitre fort meritoire. Nous passames toute l'apres-midi a fumer des pipes, a [10]vider des petits verres et des chopes; personne ne faisait attention a nous. Le chef de la police, malgre sa figure plombee, son regard percant, ses levres pales et son grand nez en bec d'aigle, etait assez bon enfant apres boire. Il nous racontait des [15]gaudrioles avec verve et facilite. Il cherchait a saisir la petite Annette au passage. A chacune de ses paroles, les autres eclataient de rire; moi, je restais morne, silencieux. "Allons, jeune homme, me disait-il en riant, oubliez la [20]mort de votre respectable grand'mere... Nous sommes tous mortels, que diable!... Buvez un coup et chassez ces idees nebuleuses." D'autres se melaient a notre conversation, et le temps s'ecoulait ainsi au milieu de la fumee du tabac, du [25]cliquetis des verres et du tintement des canettes. Mais a neuf heures, apres la visite du wachtmann, tout changea de face; Madoc se leva et dit: "Ah! ca! procedons a nos petites affaires... Fermez la porte et les volets... et lestement! Quant a vous, madame [30]et mademoiselle, allez vous coucher!" Ces trois hommes, abominablement deguenilles, semblaient etre plutot de veritables brigands que les soutiens Page 165 de l'ordre et de la justice. Ils tirerent de leur pantalon des tiges de fer, armees a l'extremite d'une boule de plomb... Le brigadier Madoc, frappant sur la poche de sa redingote, s'assura qu'un pistolet s'y trouvait... Un instant apres, [5]il le sortit pour y mettre une capsule. Tout cela se faisait froidement... Enfin, le chef de la police m'ordonna de les conduire dans mon grenier. Nous montames. Arrives dans le taudis, ou la petite Annette avait eu [10]soin de faire du feu, Madoc, jurant entre ses dents, s'empressa de jeter de l'eau sur le charbon; puis m'indiquant la paillasse: "Si le coeur vous en dit, vous pouvez dormir." Il s'assit alors avec ses deux acolytes, au fond de la [15]chambre, pres du mur, et l'on souffla la lumiere. Je m'etais couche, priant tout bas le Seigneur d'envoyer l'assassin. Le silence, apres minuit, devint si profond, qu'on ne se serait guere doute que trois hommes etaient la, l'oeil [20]ouvert, attentifs au moindre bruit comme des chasseurs a l'affut de quelque bete fauve. Les heures s'ecoulaient lentement... lentement... Je ne dormais pas... Mille idees terribles me passaient par la tete... J'entendis sonner une heure... deux heures... et rien... rien [25]n'apparaissait! A trois heures, un des agents de police bougea... je crus que l'homme arrivait... mais tout se tut de nouveau. Je me pris alors a penser que Madoc devait me prendre pour un imposteur, qu'il devait terriblement m'en vouloir, [30]que le lendemain il me maltraiterait... que, bien loin d'avoir servi mes camarades, je serais mis a la chaine. Page 166 Apres trois heures, le temps me parut extremement rapide; j'aurais voulu que la nuit durat toujours, pour conserver au moins une lueur d'esperance. Comme j'etais ainsi a ressasser les memes idees pour la [5]centieme fois... tout a coup, sans que j'eusse entendu le moindre bruit... la lucarne s'ouvrit... deux yeux brillerent a l'ouverture... rien ne remua dans le grenier. "Les autres se seront endormis," me dis-je. La tete restait toujours la... attentive... On eut dit [10]que le scelerat se doutait de quelque chose... Oh! que mon coeur galopait... que le sang coulait vite dans mes veines... et pourtant le froid de la peur se repandait sur ma face... Je ne respirais plus! Il se passa bien quelques minutes ainsi... puis... [15]subitement... l'homme parut se decider... il se glissa dans notre grenier, avec la meme prudence que la veille. Mais au meme instant un cri terrible... un cri bref, vibrant... retentit: "Nous le tenons!" [20]Et toute la maison fut ebranlee de fond en comble... des cris... des trepignements... des clameurs rauques ...me glacerent d'epouvante... L'homme rugissait... les autres respiraient haletants... puis il y eut un choc qui fit craquer le plancher... je n'entendis plus qu'un [25]grincement de dents... un cliquetis de chaines... "De la lumiere!" cria le terrible Madoc. Et tandis que le soufre flambait, jetant dans le reduit sa lueur bleuatre, je distinguai vaguement les agents de police accroupis sur l'homme en manches de chemise: l'un [30]le tenait a la gorge, l'autre lui appuyait les deux genoux sur la poitrine; Madoc lui serrait les poings dans des menottes a faire craquer les os; l'homme semblait inerte; Page 167 seulement une de ses grosses jambes, nue depuis le genou jusqu'a la cheville, se relevait de temps en temps et frappait le plancher par un mouvement convulsif... Les yeux lui sortaient litteralement de la tete... une ecume [5]sanglante s'agitait sur ses levres. A peine eus-je allume la chandelle, que les agents de police firent une exclamation etrange. "Notre doyen!..." Et tous trois se relevant... je les vis se regarder pales [10]de terreur. L'oeil de l'assassin bouffi de sang se tourna vers Madoc ...Il voulut parler... mais seulement au bout de quelques secondes... je l'entendis murmurer: "Quel reve!... mon Dieu... quel reve!" [15]Puis il fit un soupir et resta immobile. Je m'etais approche pour le voir... C'etait bien lui... L'homme qui nous avait donne de si bons conseils sur la route de Heidelberg... Peut-etre avait-il pressenti que nous serions la cause de sa perte: on a parfois de ces [20]pressentiments terribles! Comme il ne bougeait plus et qu'un filet de sang glissait sur le plancher poudreux, Madoc, revenu de sa surprise, se pencha sur lui et dechira sa chemise; nous vimes alors qu'il s'etait donne un coup de son grand couteau dans le coeur. [25]"Eh! fit Madoc avec un sourire sinistre, M, le doyen a fait banqueroute a la potence... Il connaissait la bonne place et ne s'est pas manque! Restez ici, vous autres... Je vais prevenir le bailli." Puis il ramassa son chapeau, tombe pendant la lutte, [30]et sortit sans ajouter un mot. Je restai seul en face du cadavre avec les deux agents de police. Page 168 Le lendemain, vers huit heures, tout Heidelberg apprit la grande nouvelle. Ce fut un evenement pour le pays. Daniel Van den Berg, doyen des drapiers, jouissait d'une fortune et d'une consideration si bien etablies, que [5]beaucoup de gens se refuserent a croire aux abominables instincts qui le dominaient. On discuta ces evenements de mille manieres differentes. Les uns disaient que le riche doyen etait somnambule, et par consequent irresponsable de ses actions... les autres, [10]qu'il etait assassin par amour du sang, n'ayant aucun interet serieux a commettre de tels crimes... Peut-etre etait-il l'un et l'autre! C'est un fait incontestable que l'etre moral, la volonte, l'ame, n'existe pas chez le somnambule. Or l'animal, abandonne [15]a lui-meme, subit l'impulsion naturelle de ses instincts pacifiques ou sanguinaires, et la face ramassee de maitre Daniel van den Berg, sa tete plate, renflee derriere les oreilles, ses longues moustaches herissees, ses yeux verts, tout prouve qu'il appartenait malheureusement a la famille [20]des chats, race terrible, qui tue pour le plaisir de tuer. Quoi qu'il en soit, mes compagnons furent rendus a la liberte. On cita la petite Annette, pendant quinze jours, comme un modele de devouement. Elle fut meme recherchee en mariage par le fils du bourgmestre Trungott, jeune [25]homme romanesque, qui fera le malheur de sa famille. Moi, je m'empressai de retourner dans la Foret Noire, ou, depuis cette epoque, je remplis les fonctions de chef d'orchestre au bouchon du _Sabre-Vert_, sur la route de Tubingue. S'il vous arrive de passer par la, et que mon histoire [30]vous ait interesse, venez me voir... nous viderons deux ou trois bouteilles ensemble... et je vous raconterai certains details, qui vous feront dresser les cheveux sur la tete!... Page 169 COPPEE LE LOUIS D'OR (CONTE DE NOEL) _A mon cher cousin Edouard Tramasset_ Lorsque Lucien de Hem eut vu son dernier billet de cent francs agrippe par le rateau du banquier, et qu'il se fut leve de la table de roulette ou il venait de perdre les debris de sa petite fortune, reunis par lui pour cette [5]supreme bataille, il eprouva comme un vertige et crut qu'il allait tomber. La tete troublee, les jambes molles, il alla se jeter sur la large banquette de cuir qui faisait le tour de la salle de jeu. Pendant quelques minutes, il regarda vaguement le [10]tripot clandestin dans lequel il avait gache les plus belles annees de sa jeunesse, reconnut les tetes ravagees des joueurs, crument eclairees par les trois grands abat-jour, ecouta le leger frottement de l'or sur le tapis, songea qu'il etait ruine, perdu, se rappela qu'il avait chez lui, dans un [15]tiroir de commode, les pistolets d'ordonnance dont son pere, le general de Hem, alors simple capitaine, s'etait si bien servi a l'attaque de Zaatcha; puis, brise de fatigue, il s'endormit d'un sommeil profond. Quand il se reveilla, la bouche pateuse, il constata, par [20]un regard jete a la pendule, qu'il avait dormi une demi-heure a peine, et il eprouva un imperieux besoin de respirer l'air de la nuit. Les aiguilles marquaient sur le cadran minuit moins le quart. Tout en se levant et en s'etirant Page 170 les bras, Lucien se souvint alors qu'on etait a la veille de Noel, et, par un jeu ironique de la memoire, il se revit soudain tout petit enfant et mettant, avant de se coucher, ses souliers dans la cheminee. [5]En ce moment, le vieux Dronski--un pilier du tripot, le Polonais classique, portant le caban rape, tout orne de soutaches et d'olives--s'approcha de Lucien et marmotta quelques mots dans sa sale barbiche grise: "Pretez-moi donc une piece de cinq francs, monsieur. [10]Voila deux jours que je n'ai pas bouge du cercle, et depuis deux jours le "dix-sept" n'est pas sorti... Moquez-vous de moi, si vous voulez; mais je donnerais mon poing a couper que tout a l'heure, au coup de minuit, le numero sortira." [15]Lucien de Hem haussa les epaules; il n'avait meme plus dans sa poche de quoi acquitter cet impot que les habitues de l'endroit appelaient "les cent sous du Polonais." Il passa dans l'antichambre, mit son chapeau et sa pelisse, et descendit l'escalier avec l'agilite des gens qui ont la [20]fievre. Depuis quatre heures que Lucien etait enferme dans le tripot, la neige etait tombee abondamment, et la rue--une rue du centre de Paris, assez etroite et batie de hautes maisons--etait toute blanche. Dans le ciel purge, d'un [25]bleu noir, de froides etoiles scintillaient. Le joueur decave frissonna sous ses fourrures et se mit a marcher, roulant toujours dans son esprit des pensees de desespoir et songeant plus que jamais a la boite de pistolets qui l'attendait dans le tiroir de sa commode; mais, [30]apres avoir fait quelques pas, il s'arreta brusquement devant un navrant spectacle. Sur un banc de pierre place, selon l'usage d'autrefois, Page 171 pres de la porte monumentale d'un hotel, une petite fille de six ou sept ans, a peine vetue d'une robe noire en loques, etait assise dans la neige. Elle s'etait endormie la, malgre le froid cruel, dans une attitude effrayante de [5]fatigue et d'accablement, et sa pauvre petite tete et son epaule mignonne etaient comme ecroulees dans un angle de la muraille et reposaient sur la pierre glacee. Une des savates dont l'enfant etait chaussee s'etait detachee de son pied qui pendait, et gisait lugubrement devant [10]elle. D'un geste machinal, Lucien de Hem porta la main a son gousset; mais il se souvint qu'un instant auparavant il n'y avait meme pas trouve une piece de vingt sous oubliee, et qu'il n'avait pas pu donner de pourboire au garcon du [15]cercle. Cependant, pousse par un instinctif sentiment de pitie, il s'approcha de la petite fille, et il allait peut-etre l'emporter dans ses bras et lui donner asile pour la nuit, lorsque, dans la savate tombee sur la neige, il vit quelque chose de brillant. [20]Il se pencha. C'etait un louis d'or. Une personne charitable, une femme sans doute, avait passe par la, avait vu, dans cette nuit de Noel, cette chaussure devant cette enfant endormie, et, se rappelant la touchante legende, elle avait laisse tomber, d'une main [25]discrete, une magnifique aumone, pour que la petite abandonnee crut encore aux cadeaux faits par l'Enfant-Jesus et conservat, malgre son malheur, quelque confiance et quelque espoir dans la bonte de la Providence. Un louis! c'etaient plusieurs jours de repos et de richesse [30]pour la mendiante; et Lucien etait sur le point de l'eveiller pour lui dire cela, quand il entendit pres de son oreille, Page 172 comme dans une hallucination, une voix--la voix du Polonais avec son accent trainant et gras--qui murmurait tout bas ces mots: "Voila deux jours que je n'ai pas bouge du cercle, et [5]depuis deux jours le "dix-sept" n'est pas sorti... Je donnerais mon poing a couper que tout a l'heure, au coup de minuit, le numero sortira." Alors ce jeune homme de vingt-trois ans, qui descendait d'une race d'honnetes gens, qui portait un superbe nom [10]militaire, et qui n'avait jamais failli a l'honneur, concut une epouvantable pensee; il fut pris d'un desir fou, hysterique, monstrueux. D'un regard il s'assura qu'il etait bien seul dans la rue deserte, et, pliant le genou, avancant avec precaution sa main fremissante, il vola le [15]louis d'or dans la savate tombee! Puis, courant de toutes ses forces, il revint a la maison de jeu, grimpa l'escalier en quelques enjambees, poussa d'un coup de poing la porte rembourree de la salle maudite, y penetra au moment precis ou la pendule sonnait le premier coup de minuit, [20]posa la piece d'or sur le tapis vert et cria: "En plein sur le "dix-sept!" Le "dix-sept" gagna. D'un revers de main, Lucien poussa les trente-six louis sur la rouge. [25]La rouge gagna. Il laissa les soixante-douze louis sur la meme couleur. La rouge sortit de nouveau. Il fit encore le paroli deux fois, trois fois, toujours avec le meme bonheur. Il avait maintenant devant lui un tas [30]d'or et de billets, et il se mit a poudrer le tapis, frenetiquement. La "douzaine," la "colonne," le "numero," toutes les combinaisons lui reussissaient. C'etait une chance Page 173 inouie, surnaturelle. On eut dit que la petite bille d'ivoire, sautillant dans les cases de la roulette, etait magnetisee, fascinee par le regard de ce joueur, et lui obeissait. Il avait rattrape, en une dizaine de coups, les quelques [5]miserables billets de mille francs, sa derniere ressource, qu'il avait perdus au commencement de la soiree. A present, pontant des deux ou trois cents louis a la fois, et servi par sa veine fantastique, il allait bientot regagner, et au dela, le capital hereditaire qu'il avait gaspille en si [10]peu d'annees, reconstituer sa fortune. Dans son empressement a se mettre au jeu, il n'avait pas quitte sa lourde pelisse; deja il en avait gonfle les grandes poches de liasses de bank-notes et de rouleaux de pieces d'or; et, ne sachant plus ou entasser son gain, il bourrait maintenant de monnaie [15]et de papier les poches interieures et exterieures de sa redingote, les goussets de son gilet et de son pantalon, son porte-cigares, son mouchoir, tout ce qui pouvait servir de recipient. Et il jouait toujours, et il gagnait toujours, comme un furieux! comme un homme ivre! et il jetait ses [20]poignees de louis sur le tableau, au hasard, a la vanvole, avec un geste de certitude et de dedain! Seulement, il avait comme un fer rouge dans le coeur, et il ne pensait qu'a la petite mendiante endormie dans la neige, a l'enfant qu'il avait volee. [25]"Elle est encore a la meme place! Certainement, elle doit y etre encore!... Tout a l'heure... oui, quand une heure sonnera... je me le jure!... je sortirai d'ici, j'irai la prendre, tout endormie, dans mes bras, je l'emporterai chez moi, je la coucherai sur mon lit... Et je l'eleverai, [30]je la doterai, je l'aimerai comme ma fille, et j'aurai soin d'elle toujours, toujours!" Mais la pendule sonna une heure, et le quart, et la Page 174 demie, et les trois quarts... et Lucien etait toujours assis a la table infernale. Enfin, une minute avant deux heures, le chef de partie se leva brusquement et dit a voix haute: [5]"La banque a saute, messieurs... Assez pour aujourd'hui!" D'un bond, Lucien fut debout. Ecartant avec brutalite les joueurs qui l'entouraient et le regardaient avec une envieuse admiration, il partit vivement, degringola les [10]etages et courut jusqu'au banc de pierre. De loin, a la lueur d'un bec de gaz, il apercut la petite fille. "Dieu soit loue! s'ecria-t-il. Elle est encore la!" Il s'approcha d'elle, lui saisit la main: "Oh! qu'elle a froid! Pauvre petite!" [15]Il la prit sous les bras, la souleva pour l'emporter. La tete de l'enfant retomba en arriere, sans qu'elle s'eveillat: "Comme on dort, a cet age-la!" Il la serra contre sa poitrine pour la rechauffer, et, pris d'une vague inquietude, il voulut, afin de la tirer de ce [20]lourd sommeil, la baiser sur les yeux, comme il faisait naguere a sa maitresse la plus cherie. Mais alors il s'apercut avec terreur que les paupieres de l'enfant etaient entr'ouvertes et laissaient voir a demi les prunelles vitreuses, eteintes, immobiles. Le cerveau [25]traverse d'un horrible soupcon, Lucien mit sa bouche tout pres de la bouche de la petite fille; aucun souffle n'en sortit. Pendant qu'avec le louis d'or qu'il avait vole a cette mendiante Lucien gagnait au jeu une fortune, l'enfant [30]sans asile etait morte, morte de froid! Etreint a la gorge par la plus effroyable des angoisses, Lucien voulut pousser un cri... et, dans l'effort qu'il fit, Page 175 il se reveilla de son cauchemar sur la banquette du cercle, ou il s'etait endormi un peu avant minuit et ou le garcon du tripot, s'en allant le dernier vers cinq heures du matin, l'avait laisse tranquille, par bonte d'ame pour le decave. [5]Une brumeuse aurore de decembre faisait palir les vitres des croisees. Lucien sortit, mit sa montre en gage, prit un bain, dejeuna, et alla au bureau de recrutement signer un engagement volontaire au 1er regiment de chasseurs d'Afrique. [10]Aujourd'hui, Lucien de Hem est lieutenant; il n'a que sa solde pour vivre, mais il s'en tire, etant un officier tres range et ne touchant jamais une carte. Il parait meme qu'il trouve encore moyen de faire des economies; car l'autre jour, a Alger, un de ses camarades, qui le suivait a [15]quelques pas de distance dans une rue montueuse de la Kasba, le vit faire l'aumone a une petite Espagnole endormie sous une porte, et eut l'indiscretion de regarder ce que Lucien avait donne a la pauvresse. Le curieux fut tres surpris de la generosite du pauvre lieutenant. [20]Lucien de Hem avait mis un louis d'or dans la main de la petite fille. Page 176 L'ENFANT PERDU (CONTE DE NOEL) _A Jules Claretie_ I Ce matin-la, qui etait la veille de Noel, deux evenements d'importance eurent lieu simultanement. Le soleil se leva, --et M. Jean-Baptiste Godefroy aussi. Sans doute, le soleil,--au coeur de l'hiver, apres quinze [5]jours de brume et de ciel gris, quand par bonheur le vent passe au nord-est et ramene le temps sec et clair,--le soleil, inondant tout a coup de lumiere le Paris matinal, est un vieux camarade que chacun revoit avec plaisir. Il est d'ailleurs un personnage considerable. Jadis il a ete [10]Dieu: il s'est appele Osiris, Apollon, est-ce que je sais? et il n'y a pas deux siecles qu'il regnait en France sous le nom de Louis XIV. Mais M. Jean-Baptiste Godefroy, financier richissime, directeur du Comptoir general de credit, administrateur de plusieurs grandes compagnies, [15]depute et membre du Conseil general de l'Eure, officier de la Legion d'honneur, etc., etc., n'etait pas non plus un homme a dedaigner. Et puis l'opinion que le soleil peut avoir sur son propre compte n'est certainement pas plus flatteuse que celle que M. Jean-Baptiste Godefroy avait [20]de lui-meme. Nous sommes donc autorise a dire que, le matin en question, vers huit heures moins le quart, le soleil et M. Jean-Baptiste Godefroy se leverent. Par exemple, le reveil de ces puissants seigneurs fut tout a fait different. Le bon vieux soleil, lui, commenca par Page 177 faire une foule de choses charmantes. Comme le gresil, pendant la nuit, avait confit dans du sucre en poudre les platanes depouilles du boulevard Malesherbes, ou est situe l'hotel Godefroy, ce magicien de soleil s'amusa [5]d'abord a les transformer en gigantesques bouquets de corail rose; et, tout en accomplissant ce delicieux tour de fantasmagorie, il repandit, avec la plus impartiale bienveillance, ses rayons sans chaleur, mais joyeux, sur tous les humbles passants que la necessite de gagner leur vie forcait a etre [10]dehors de si bonne heure. Il eut le meme sourire pour le petit employe en paletot trop mince se hatant vers son bureau, pour la grisette frissonnant sous sa "confection" a bon marche, pour l'ouvrier portant la moitie d'un pain rond sous son bras, pour le conducteur de tramway faisant [15]sonner son compteur, pour le marchand de marrons en train de griller sa premiere poelee. Enfin ce brave homme de soleil fit plaisir a tout le monde. M. Jean-Baptiste Godefroy, au contraire, eut un reveil assez maussade. Il avait assiste, la veille, chez le ministre de l'Agriculture, a [20]un diner encombre de truffes, depuis le releve du potage jusqu'a la salade, et son estomac de quarante-sept ans eprouvait la brulante morsure du pyrosis. Aussi, a la facon dont M. Godefroy donna son premier coup de sonnette, Charles, le valet de chambre, tout en prenant de l'eau [25]chaude pour la barbe du patron, dit a la fille de cuisine: "Allons, bon!... Le "singe" est encore d'une humeur massacrante, ce matin... Ma pauvre Gertrude, nous allons avoir une sale journee." Puis, marchant sur la pointe du pied, les yeux modestement [30]baisses, il entra dans la chambre a coucher, ouvrit les rideaux, alluma le feu et prepara tout ce qu'il fallait pour la toilette, avec les facons discretes et, les gestes Page 178 respectueux d'un sacristain disposant les objets du culte sur l'autel, avant la messe de M. le cure... "Quel temps ce matin? demanda d'une voix breve M. Godefroy en boutonnant son veston de molleton gris sur [5]un abdomen un peu trop majestueux deja. --Tres froid, monsieur, repondit Charles. A six heures, le thermometre marquait sept degres au-dessous de zero. Mais monsieur voit que le ciel s'est eclairci, et je crois que nous aurons une belle matinee." [10]Tout en repassant son rasoir, M. Godefroy s'approcha de la fenetre, ecarta l'un des petits rideaux, vit le boulevard baigne de lumiere et fit une legere grimace qui ressemblait a un sourire. Mon Dieu, oui! On a beau etre plein de morgue et de tenue, et savoir parfaitement [15]qu'il est du plus mauvais genre de manifester quoi que ce soit devant les domestiques, l'apparition de ce gueusard de soleil, en plein mois de decembre, donne une sensation si agreable qu'il n'y a guere moyen de la dissimuler. M. Godefroy daigna donc sourire. Si quelqu'un lui avait dit [20]alors que cette satisfaction instinctive lui etait commune avec l'apprenti typographe en bonnet de papier qui faisait une glissade sur le ruisseau gele d'en face, M. Godefroy eut ete profondement choque. C'etait ainsi pourtant; et, pendant une minute, cet homme ecrase d'affaires, ce gros [25]bonnet du monde politique et financier, fit cet enfantillage de regarder les passants et les voitures qui filaient joyeusement dans la brume doree. Mais, rassurez-vous, cela ne dura qu'une minute. Sourire a un rayon de soleil, c'est bon pour des gens [30]inoccupes, pas serieux; c'est bon pour les femmes, les enfants, les poetes, la canaille. M. Godefroy avait d'autres chats a fouetter, et, precisement pour cette journee qui Page 179 commencait, son programme etait tres charge. De huit heures et demie a dix heures, il avait rendez-vous, dans son cabinet, avec un certain nombre de messieurs tres agites, tous habilles et rases comme lui des l'aurore et [5]comme lui sans fraicheur d'ame, qui devaient venir lui parler de toutes sortes d'affaires, ayant tous le meme but: gagner de l'argent. Apres dejeuner,--et il ne fallait pas s'attarder aux petits verres,--M. Godefroy etait oblige de sauter dans son coupe et de courir a la Bourse, pour y [10]echanger quelques paroles avec d'autres messieurs qui s'etaient aussi leves de bonne heure et qui n'avaient pas non plus de petite fleur bleue dans l'imagination; et cela toujours pour le meme motif: gagner de l'argent. De la, sans perdre un instant, M. Godefroy, allait presider, [15]devant une table verte encombree d'encriers siphoides, un nouveau groupe de compagnons depourvus de tendresse et s'entretenir avec eux de divers moyens de gagner de l'argent. Apres quoi, il devait paraitre, comme depute, dans trois ou quatre commissions et sous-commissions, [20]toujours avec tables vertes et encriers siphoides, ou il rejoindrait d'autres personnages peu sentimentaux, tous incapables aussi, je vous prie de le croire, de negliger la moindre occasion de gagner de l'argent, mais qui avaient pourtant la bonte de sacrifier quelques precieuses heures [25]de l'apres-midi pour assurer, par-dessus le marche, la gloire et le bonheur de la France. Apres s'etre vivement rase, en epargnant toutefois le collier de barbe poivre et sel qui lui donnait un air de famille avec les Auvergnats et les singes de la grande [30]espece, M. Godefroy revetit un "complet" du matin, dont la coupe elegante et un peu jeunette prouvait que ce veuf cinglant vers la cinquantaine, n'avait pas absolument Page 180 renonce a plaire. Puis il descendit dans son cabinet, ou commenca le defile des hommes peu tendres et sans reverie uniquement preoccupes d'augmenter leur bien-aime capital. Ces messieurs parlerent de plusieurs entreprises [5]en projet, egalement considerables, notamment d'une nouvelle ligne de chemin de fer a lancer a travers un desert sauvage, d'une usine monstre a fonder aux environs de Paris, et d'une mine de n'importe quoi a exploiter dans je ne sais plus quelle republique de l'Amerique [10]du Sud. Bien entendu, on n'agita pas un seul instant la question de savoir si le futur railway aurait a transporter un grand nombre de voyageurs et une grande quantite de marchandises, si l'usine fabriquerait du sucre ou des bonnets de coton, si la mine produirait de l'or [15]vierge ou du cuivre de deuxieme qualite. Non! Les dialogues de M. Godefroy et de ses visiteurs matinaux roulerent exclusivement sur le benefice plus ou moins gros a realiser, dans les huit jours qui suivraient l'emission, en speculant sur les actions de ces diverses affaires, actions [20]tres probablement destinees du reste, et dans un bref delai, a n'avoir plus d'autre valeur que le poids du papier et le merite de la vignette. Ces conversations nourries de chiffres durerent jusqu'a dix heures precises, et M. le directeur du Comptoir [25]general de credit, qui etait honnete homme pourtant, autant qu'on peut l'etre dans les "affaires," reconduisit jusque sur le palier, avec les plus grands egards, son dernier visiteur, vieux filou cousu d'or qui, par un hasard assez frequent, jouissait de la consideration generale, au lieu d'etre loge a [30]Poissy ou a Gaillon aux frais de l'Etat pendant un laps de temps fixe par les tribunaux, et de s'y livrer a une besogne honorable et hygienique telle que la confection des chaussons Page 181 de lisiere ou de la brosserie a bon marche. Puis M. le directeur consigna sa porte impitoyablement--il fallait etre a la Bourse a onze heures--et passa dans la salle a manger. [5]Elle etait somptueuse. On aurait pu constituer le tresor d'une cathedrale avec les massives argenteries qui encombraient bahuts et dressoirs. Neanmoins, malgre l'absorption d'une dose copieuse de bicarbonate de soude, le pyrosis de M. Godefroy etait a peine calme, et le financier [10]ne s'etait commande qu'un dejeuner de dyspeptique. Au milieu de ce luxe de table, devant ce decor qui celebrait la bombance, et sous l'oeil impassible d'un maitre d'hotel a deux cents louis de gage, qui s'en faisait deux fois autant par la vertu de l'anse du panier, M. Godefroy [15]ne mangea donc, d'un air assez piteux, que deux oeufs a la coque et la noix d'une cotelette; et encore, l'un des oeufs sentait la paille. L'homme plein d'or chipotait son dessert,--oh! presque rien, un peu de roquefort, a peine pour deux ou trois sous, je vous assure,--lorsqu'une porte [20]s'ouvrit, et soudain, gracieux et mignon, bien qu'un peu chetif dans son costume de velours bleu et trop palot sous son enorme feutre a plume blanche, le fils de M. le directeur, le jeune Raoul, age de quatre ans, entra dans la salle a manger, conduit par son Allemande. [25]Cette apparition se produisait chaque jour, a onze heures moins le quart exactement, lorsque le coupe, attele pour la Bourse, attendait devant le perron, et que l'alezan brule, vendu a M. Godefroy, par les soins de son cocher, mille francs de plus qu'il ne valait, grattait, d'un [30]sabot impatient, le dallage de la cour. L'illustre brasseur d'argent s'occupait de son fils de dix heures quarante-cinq a onze heures. Pas plus, pas moins, il n'avait qu'un Page 182 quart d'heure, juste, a consacrer au sentiment paternel. Non qu'il n'aimat pas son fils, grand dieu! Il l'adorait, a sa facon. Mais, que voulez-vous, les affaires!... A quarante-deux ans, plus que mur et passablement [5]fripe, il s'etait cru tres amoureux, par pur snobisme, de la fille d'un de ses camarades de cercle, le marquis de Neufontaine, vieux chat teint, joueur comme les cartes, qui, sans la compassion vaniteuse de M. Godefroy, eut ete plus d'une fois affiche au club. Ce gentilhomme effondre, [10]mais toujours tres chic, et qui venait encore de "lancer" ne casquette pour bains de mer, fut trop heureux de devenir le beau-pere d'un homme qui payerait ses dettes, et livra sans scrupule au banquier fatigue une ingenue de dix-sept ans, d'une beaute suave et frele, sortant d'un [15]couvent de province, et n'ayant pour dot que son trousseau de pensionnaire et qu'un tresor de prejuges aristocratiques et d'illusions romanesques. M. Godefroy, fils d'un avoue grippe-sou des Andelys, etait reste "peuple" meme fort vulgaire, malgre son fabuleux avancement dans [20]la hierarchie sociale. Il blessa tout de suite sa jeune femme dans toutes ses delicatesses; et les choses allaient mal tourner, quand la pauvre enfant fut emportee, a sa premiere couche. Presque elegiaque lorsqu'il parlait de sa defunte epouse, avec laquelle il eut sans doute divorce si [25]elle avait vecu six mois de plus, M. Godefroy aimait son petit Raoul pour plusieurs raisons: d'abord a titre de fils unique, puis comme produit rare et distingue d'un Godefroy et d'une Neufontaine, enfin et surtout par le respect qu'inspirait a cet homme d'argent l'heritier d'une fortune [30]de plusieurs millions. Le bebe fit donc ses premieres dents sur un hochet d'or et fut eleve comme un Dauphin. Seulement, son pere, accable de besogne, deborde Page 183 d'occupations, ne pouvait lui consacrer que quinze minutes par jour,--comme aujourd'hui, au moment du roquefort,--et l'abandonnait aux domestiques. "Bonjour, Raoul. [5]--Bonzou, p'pa," Et M. le directeur du Comptoir general de credit, ayant jete sa serviette, installa sur sa cuisse gauche le jeune Raoul, prit dans sa grosse patte la petite main de l'enfant et la baisa plusieurs fois, oubliant, ma parole d'honneur! [10]la hausse de vingt-cinq centimes sur le trois pour cent, les tables couleur de paturage et les encriers volumineux devant lesquels il devait traiter tout a l'heure de si grosses questions d'interet, et meme son vote de l'apres-midi pour ou contre le ministere, selon qu'il obtiendrait ou non, en [15]faveur de son bourg-pourri, une place de sous-prefet, deux de percepteur, trois de garde champetre, quatre bureaux de tabac, plus une pension pour le cousin issu de germain d'une victime du Deux Decembre. "P'pa, et le p'tit Noel... y mettra-ti' tet' chose dans [20]mon soulier?" demanda tout a coup Raoul, dans son _sabir_ enfantin. Le pere, apres un: "Oui, si tu as ete sage," fort surprenant chez ce depute libre penseur, qui, a la Chambre, appuyait d'un energique: "Tres bien!" toutes les propositions [25]anticlericales, prit note, dans le meilleur coin de sa memoire, qu'il aurait a acheter des joujoux. Puis, s'adressant a la gouvernante: "Vous etes toujours contente de Raoul, mademoiselle Bertha?" [30]L'Allemande, qui se faisait passer pour Autrichienne, cela va sans dire, mais qui etait, en realite, la fille d'un pasteur pomeranien afflige de quatorze enfants, devint rouge Page 184 comme une tomate sous ses cheveux blond albinos, comme si la question toute simple qu'on lui adressait eut ete de la pire indecence, et, apres avoir donne cette preuve de respect intimide, repondit par un petit rire imbecile, qui [5]parut satisfaire pleinement la curiosite de M. Godefroy sur la conduite de son fils. "Il fait beau aujourd'hui, reprit le financier, mais froid. Si vous menez Raoul au parc Monceau, mademoiselle, vous aurez soin, n'est-ce pas? de le bien couvrir." [10]La "fraulein", par un second acces de rire idiot, ayant rassure M. Godefroy sur ce point essentiel, il embrassa une derniere fois le bebe, se leva de table--onze heures sonnaient au cartel--et s'elanca vers le vestibule, ou Charles, le valet de chambre, lui enfila sa pelisse et referma [15]sur lui la portiere du coupe. Apres quoi, ce serviteur fidele courut immediatement au petit cafe de la rue de Miromesnil, ou il avait rendez-vous avec le groom de la baronne d'en face, pour une partie de billard, en trente lies, avec defense de "queuter", bien entendu. II [20]Grace au bai brun,--paye mille francs de trop, a la suite d'un dejeuner d'escargots offert par le maquignon au cocher de M. Godefroy,--grace a cet animal d'un prix excessif mais qui filait bien tout de meme, M. le directeur du Comptoir general de credit put accomplir, sans [25]aucun retard, sa tournee d'affaires. Il parut a la Bourse, siegea devant plusieurs encriers monumentaux, et meme, vers cinq heures moins le quart, il rassura la France et l'Europe inquiete des bruits de crise, en votant pour le ministere; car il avait obtenu les faveurs sollicitees, y compris page 185 la pension pour celui de ses electeurs dont l'oncle, a la mode de Bretagne, avait ete revoque d'un emploi de surnumeraire non retribue, a l'epoque du coup d'Etat. Attendri sans doute par la satisfaction d'avoir contribue [5]a cet acte de justice tardive, M. Godefroy se souvint alors de ce que lui avait dit Raoul au sujet des presents du petit Noel, et jeta a son cocher l'adresse d'un grand marchand de jouets. La, il acheta et fit transporter dans sa voiture un cheval fantastique en bois creux monte sur [10]roulettes, avec une manivelle dans chaque oreille; une boite de soldats de plomb aussi semblables les uns aux autres que les grenadiers de ce regiment russe, du temps de Paul 1er, qui tous avaient les cheveux noirs et le nez retrousse; vingt autres joujoux eclatants et magnifiques. [15]Puis, en rentrant chez lui, doucement berce sur les coussins de son coupe bien suspendu, l'homme riche, qui apres tout, avait des entrailles de pere, se mit a penser a son fils avec orgueil. L'enfant grandirait, recevrait l'education d'un prince, [20]en serait un, parbleu! puisque, grace aux conquetes de 89, il n'y avait plus d'aristocratie que celle de l'argent, et que Raoul aurait, un jour, vingt, vingt-cinq, qui sait? trente millions de capital. Si son pere, petit provincial, fils d'un mechant noircisseur de papier timbre; son pere, [25]qui avait dine a vingt sous jadis au Quartier Latin, et se rendait bien compte chaque soir, en mettant sa cravate blanche, qu'il avait l'air d'un marie du samedi; si ce pere, malgre sa tache originelle, avait pu accumuler une enorme fortune, devenir fraction de roi sous la Republique parlementaire [30]et obtenir en mariage une demoiselle dont un ancetre etait mort a Marignan, a quoi donc ne pouvait pas pretendre Raoul, des l'enfance beau comme un gentilhomme. Page 186 Raoul au sang affine par l'atavisme maternel, Raoul de qui l'intelligence serait cultivee comme une fleur rare, qui apprenait deja les langues etrangeres des le berceau, qui, l'an prochain, aurait le derriere sur une selle de poney, [5]Raoul, qui serait un jour autorise a joindre a son nom celui de sa mere, et s'appellerait ainsi Godefroy de Neufontaine, Godefroy devenant le prenom, et quel prenom! royal, moyenageux, sentant a plein nez la croisade?... Avec des millions, quel avenir! quelle carriere!... Et le [10]democrate--il y en a plus d'un comme celui-ci, n'en doutez pas!--imaginait naivement la monarchie restauree,--en France, tout arrive,--voyait son Raoul, non! son Godefroy de Neufontaine marie au Faubourg, bien vu au chateau, puis, qui sait? tout pres du trone, [15]avec une clef de chambellan dans le dos et un blason tout battant neuf sur son argenterie et sur les panneaux de son carrosse!... O sottise, sottise! Ainsi revait le parvenu gorge d'or, dans sa voiture qu'encombraient tous ces joujoux achetes pour la Noel,--sans se rappeler, helas! que [20]c'etait, ce soir-la, la fete d'un tres pauvre petit enfant, fils d'un couple vagabond, ne dans une etable, ou l'on avait loge ses parents par charite. Mais le cocher a crie: "Port' siou p'ait!" On rentre a l'hotel; et, franchissant les degres du perron, M. Godefroy [25]se dit qu'il n'a que le temps de faire sa toilette du soir, lorsque, dans le vestibule, il voit tous ses domestiques, en cercle devant lui, l'air consterne, et, dans un coin, affalee sur une banquette, l'Allemande, qui pousse un cri en l'apercevant, et cache aussitot dans ses deux mains son [30]visage bouffi de larmes. M. Godefroy a le pressentiment d'un malheur. "Qu'est-ce que cela veut dire? Qu'y a-t-il?" Page 187 Charles, le valet de chambre,--un drole de la pire espece, pourtant,--regarde son maitre avec des yeux pleins de pitie, et begayant et trouble: "Monsieur Raoul!... --Mon fils?... [5]--Perdu, monsieur!... Cette stupide Allemande!... Perdu depuis quatre heures de l'apres-midi!..." Le pere recule de deux pas en chancelant, comme un soldat frappe d'une balle; et l'Allemand se jette a ses pieds, hurlant d'une voix de folle: "Pardon!... Pardon!" [10]et les laquais parlent tous a la fois. "Bertha n'etait pas allee au parc Monceau... C'est la-bas, sur les fortifications, qu'elle a laisse se perdre le petit... On a cherche partout M. le directeur; on est alle au Comptoir, a la Chambre; il venait de partir... [15]Figurez-vous que l'Allemande rejoignait tous les jours son amoureux, au dela du rempart, pres de la porte d'Asnieres ...Quelle horreur!... Un quartier plein de bohemiens, de saltimbanques! Qui sait si l'on n'a pas vole l'enfant?... Ah! le commissaire etait deja prevenu... Mais [20]concoit-on cela? Cette sainte-nitouche!... Des rendez-vous avec un amant, un homme de son pays!... Un espion prussien, pour sur!..." Son fils! Perdu! M. Godefroy entend l'orage de l'apoplexie gronder dans ses oreilles. Il bondit sur l'Allemande, [25]l'empoigne par le bras, la secoue avec fureur. "Ou l'avez-vous perdu de vue, miserable?... Dites la verite, ou je vous ecrase!... Ou ca? Ou ca?..." Mais la malheureuse fille ne sait que pleurer et crier grace. Voyons, du calme!... Son fils! son fils a lui, perdu, [30]vole? Ce n'est pas possible! On va le lui retrouver, le lui rendre tout de suite. Il peut jeter l'or a poignees, mettre toute la police en l'air. Ah! pas un instant a perdre, Page 188 "Charles, qu'on ne detelle pas... Vous autres, gardez-moi cette coquine... Je vais a la Prefecture." Et M. Godefroy, le coeur battant a se rompre, les cheveux souleves d'epouvante, s'elance de nouveau dans [5]son coupe, qui repart d'un trot enrage. Quelle ironie! La voiture est pleine de jouets etincelants, ou chaque bec de gaz, chaque boutique illuminee, allume au passage cent paillettes de feu. C'est aujourd'hui, la fete des enfants, ne l'oublions pas, la fete du nouveau-ne divin, que sont venus [10]adorer les mages et les bergers conduits par une etoile. "Mon Raoul!... mon fils!... Ou est mon fils?..." se repete le pere crispe par l'angoisse en dechirant ses ongles au cuir des coussins. A quoi lui servent maintenant ses titres, ses honneurs, ses millions, a l'homme [15]riche, au gros personnage? Il n'a plus qu'une idee, fixee comme un clou de feu, la, entre ses deux sourcils, dans son cerveau douloureux et brulant: "Mon enfant, ou est mon enfant?..." Voici la Prefecture de police. Mais il n'y a plus [20]personne; les bureaux sont desertes depuis longtemps. "Je suis M. Godefroy, depute de l'Eure... Mon fils est perdu dans Paris; un enfant de quatre ans... Je veux absolument voir M. le prefet." Et un louis dans la main du concierge. [25]Le bonhomme, un veteran a moustaches grises, moins pour la piece d'or que par compassion pour ce pauvre pere, le conduit aux appartements prives du prefet, l'aide a forcer les consignes. Enfin, M. Godefroy est introduit devant l'homme en qui repose a present toute son esperance, [30]un beau fonctionnaire, en tenue de soiree,--il allait sortir,--l'air reserve, un peu pretentieux, le monocle a l'oeil. Page 189 M. Godefroy, les jambes cassees par l'emotion, tombe dans un fauteuil, fond en larmes, et raconte son malheur, en phrases bredouillees, coupees de sanglots. Le prefet--il est pere de famille, lui aussi,--a le coeur [5]tout remue; mais, par profession, il dissimule son acces de sensibilite, se donne de l'importance. "Et vous dites, monsieur le depute, que l'enfant a du se perdre vers quatre heures? --Oui, monsieur le prefet. [10]--A la nuit tombante... Diable!... Et il n'est pas avance pour son age; il parle mal, ignore son adresse, ne sait pas prononcer son nom de famille? --Oui!... Helas! Oui!... --Du cote de la porte d'Asnieres?... Quartier suspect [15]...Mais remettez-vous... Nous avons par la un commissaire de police tres intelligent... Je vais telephoner." L'infortune pere reste seul pendant cinq minutes. Quelle atroce migraine! quels battements de coeur fous! Puis brusquement, le prefet reparait, le sourire aux levres, un [20]contentement dans le regard: "Retrouve!" Oh! le cri de joie furieuse de M. Godefroy! Comme il se jette sur les mains du prefet, les serre a les broyer! "Et il faut convenir, monsieur le depute, que nous avons de la chance... Un petit blond, n'est-ce pas? un [25]peu pale?... Costume de velours bleu?... Chapeau de feutre a plume blanche?... --Oui, parfaitement... C'est lui! c'est mon petit Raoul! --Eh bien, il est chez un pauvre diable qui loge de ce [30]cote-la; et qui est venu tout a l'heure faire sa declaration au commissariat... Voici l'adresse par ecrit: Pierron, rue des Cailloux, a Levallois-Perret. Avec une bonne voiture, Page 190 vous pourrez revoir votre fils avant une heure. Par exemple, ajoute le fonctionnaire, vous n'allez pas retrouver votre enfant dans un milieu bien aristocratique, dans la "haute," comme disent nos agents. L'homme [5]qui l'a recueilli est tout simplement un marchand des quatre saisons... Mais qu'importe! n'est-ce pas?... Ah, oui, qu'importe! M. Godefroy remercie le prefet avec effusion, descend l'escalier quatre a quatre, remonte en coupe, et, dans ce moment, je vous en reponds, si le [10]marchand des quatre saisons etait la, il lui sauterait au cou. Oui, M. Godefroy, directeur du Comptoir general de credit, depute, officier de la Legion d'honneur, etc., etc., accolerait ce plebeien! Mais, dites-moi donc, est-ce que, par hasard, il y aurait autre chose, dans ce richard, que [15]la frenesie de l'or et des vanites? A partir de cette minute, il reconnait seulement a quel point il aime son enfant. Fouette, cocher! Celui que tu emportes, dans un coupe, par cette froide nuit de Noel, ne songe plus a entasser pour son fils millions sur millions, a le faire eduquer comme [20]un Fils de France, a le lancer dans le monde; et pas de danger, desormais, qu'on le laisse aux mains des mercenaires! A l'avenir, M. Godefroy sera capable de negliger ses propres affaires et celles de la France--qui ne s'en portera pas plus mal--pour s'occuper un peu plus serieusement [25]de son petit Raoul. Il fera venir des Andelys la soeur de son pere, la vieille tante restee a moitie paysanne, dont il avait la sottise de rougir. Elle scandalisera la valetaille par son accent normand et ses bonnets de linge. Mais elle veillera sur son petit-neveu, la bonne [30]femme. Fouette, fouette, cocher! Ce patron, toujours si presse, que tu as conduit a tant de rendez-vous interesses, a tant de reunions de gens cupides, est, ce soir, encore Page 191 plus impatient d'arriver, et il a un autre souci que de gagner de l'argent. C'est la premiere fois de sa vie qu'il va embrasser son enfant pour de bon. Fouette donc, cocher! Plus vite! Plus vite! [5]Cependant, par la nuit froide et claire, le coupe rapide a de nouveau traverse Paris, devore l'interminable boulevard Malesherbes; et, le rempart franchi, apres les maisons monumentales et les elegants hotels, tout de suite voici la solitude sinistre, les ruelles sombres de la banlieue. On [10]s'arrete, et M. Godefroy, a la clarte des lanternes eclatantes de sa voiture, voit une basse et sordide baraque de platras, un bouge. C'est bien le numero, c'est la que loge ce Pierron. Aussitot la porte s'ouvre, et un homme parait, un grand gaillard, une tete bien francaise, a moustaches [15]rousses. C'est un manchot, et la manche gauche de son tricot de laine est pliee en deux sous l'aisselle. Il regarde l'elegant coupe, le bourgeois en belle pelisse, et dit gaiement: "Alors, monsieur, c'est vous qui etes le papa?... Ayez [20]pas peur... Il n'est rien arrive au gosse." Et, s'effacant pour permettre au visiteur d'entrer, il ajoute, en mettant un doigt sur sa bouche: "Chut! il fait dodo." III Un bouge, en verite! A la lueur d'une petite lampe a [25]petrole qui eclaire tres mal et qui sent tres mauvais, M. Godefroy distingue une commode a laquelle manque un tiroir, quelques chaises eclopees, une table ronde ou flanent un litre a moitie vide, trois verres, du veau froid dans une assiette, et, sur le platre nu de la muraille, deux [30]chromos: l'Exposition de 89 a vol d'oiseau, avec la tour Page 192 Eiffel en bleu de perruquier, et le portrait du general Boulanger, jeune et joli comme un sous-lieutenant. Excusez cette derniere faiblesse chez l'habitant de ce pauvre logis: elle a ete partagee par presque toute la France. [5]Mais le manchot a pris la lampe et, marchant sur la pointe du pied, eclaire un coin de chambre, ou; sur un lit assez propre, deux petits garcons sont profondement endormis. Dans le plus jeune des enfants, que l'autre enveloppe d'un bras protecteur et serre contre son epaule, [10]M. Godefroy reconnait son fils. "Les deux momes mouraient de sommeil, dit Pierron, en essayant d'adoucir sa voix rude. Comme je ne savais pas quand on viendrait reclamer le petit aristo, je leur ai donne mon "pieu," et, des qu'ils ont tape de l'oeil, j'ai [15]ete faire ma declaration au commissaire... D'ordinaire, Zidore a son petit lit dans la soupente; mais je me suis dit: Ils seront mieux la. Je veillerai, voila tout. Je serai plus tot leve demain, pour aller aux Halles." Mais M. Godefroy ecoute a peine. Dans un trouble [20]tout nouveau pour lui, il considere les deux enfants endormis. Ils sont dans un mechant lit de fer, sur une couverture grise de caserne ou d'hopital. Pourtant quel groupe touchant et gracieux! Et comme Raoul, qui a garde son joli costume de velours, et qui reste blotti avec [25]une confiance peureuse dans les bras de son camarade en blouse, semble faible et delicat! Le pere, un instant prive de son fils, envie presque le teint brun et l'energique visage du petit faubourien. "C'est votre fils? demande-t-il au manchot. [30]--Non, monsieur, repond l'homme. Je suis garcon et je ne me marierai sans doute pas, rapport a mon accident ...oh! bete comme tout! un camion qui m'a passe sur le Page 193 bras... Mais voila. Il y a deux ans, une voisine, une pauvre fille plantee la par un coquin avec un enfant sur les bras, est morte a la peine. Elle travaillait dans les couronnes de perles, pour les cimetieres. On n'y gagne [5]pas sa vie, a ce metier-la. Elle a eleve son petit jusqu'a l'age de cinq ans, et puis, c'a ete pour elle, a son tour, que les voisines ont achete des couronnes. Alors je me suis charge du gosse. Oh! je n'ai pas eu grand merite, et j'ai ete bien vite recompense. A sept ans, c'est deja un [10]petit homme, et il se rend utile. Le dimanche et le jeudi, et aussi les autres jours, apres l'ecole, il est avec moi, tient les balances, m'aide a pousser ma charrette, ce qui ne m'est pas trop commode, avec mon aileron... Dire qu'autrefois j'etais un bon ajusteur, a dix francs par [15]jour!... Allez! Zidore est joliment debrouillard. C'est lui qui a ramasse le petit bourgeois. --Comment? s'ecrie M. Godefroy. C'est cet enfant?... --Un petit homme, que je vous dis. Il sortait de la classe, quand il a rencontre l'autre qui allait tout droit. [20]devant lui, sur le trottoir, en pleurant comme une fontaine. Il lui a parle comme a un copain, l'a console, rassure du mieux qu'il a pu. Seulement, on ne comprend pas bien ce qu'il raconte, votre bonhomme. Des mots d'anglais, des mots d'allemand; mais pas moyen de lui [25]tirer son nom et son adresse... Zidore me l'a amene; je n'etais pas loin de la, a vendre mes salades. Alors les commeres nous ont entoures, en coassant comme des grenouilles: "Faut le mener chez le commissaire." Mais Zidore a proteste. "Ca fera peur au mome," qu'il disait. [30]Car il est comme tous les Parisiens: il n'aime pas les sergots. Et puis votre gamin ne voulait plus le quitter. Ma foi, tant pis! j'ai rate ma vente, et je suis rentre ici Page 194 avec les mioches. Ils ont mange un morceau ensemble, comme une paire d'amis, et puis, au dodo!... Sont-ils gentils tout de meme, hein?" C'est etrange, ce qui se passe dans l'ame de M. Godefroy. [5]Tout a l'heure, dans sa voiture, il se proposait bien, sans doute, de donner a celui qui avait recueilli son fils une belle recompense, une poignee de cet or si facilement gagne en presence des encriers siphoides. Mais on vient de lever devant l'homme un coin du rideau qui cache la [10]vie des pauvres, si vaillants dans leur misere, si charitables entre eux. Le courage de cette fille-mere se tuant de travail pour son enfant, la generosite de cet infirme adoptant un orphelin, et surtout l'intelligente bonte de ce gamin de la rue, de ce petit homme secourable pour un [15]plus petit, le recueillant, se faisant tout de suite son ami et son frere aine, et lui epargnant, par un instinct delicat, le grossier contact de la police, tout cela emeut M. Godefroy et lui donne a reflechir. Non, il ne se contentera pas d'ouvrir son portefeuille. Il veut faire mieux et plus pour [20]Zidore et pour Pierron le manchot, assurer leur avenir, les suivre de sa bienveillance. Ah! si les peu sentimentaux personnages qui viennent constamment parler d'affaires a M. le directeur du Comptoir general de credit pouvaient lire en ce moment dans son esprit, ils seraient [25]profondement etonnes; et pourtant M. le directeur vient de faire la meilleure affaire de sa vie: il vient de se decouvrir un coeur de brave homme. Oui, monsieur le directeur, vous comptiez offrir une gratification a ces pauvres gens, et voila que ce sont eux qui vous font un magnifique [30]cadeau, celui, d'un sentiment, et du plus doux, du plus noble de tous, la pitie. Car M. Godefroy songe, a present, --et il s'en souviendra,--qu'il y a d'autres estropies que Page 195 Pierron, l'ancien ajusteur devenu marchand de verdure, d'autres orphelins que le petit Zidore. Bien plus, il se demande, avec une inquietude profonde, si l'argent ne doit vraiment servir qu'a engendrer l'argent, et si l'on n'a [5]pas mieux a faire, entre ses repas, que de vendre en hausse des valeurs achetees en baisse et d'obtenir des places pour ses electeurs. Telle est sa reverie devant le groupe des deux enfants qui dorment. Enfin il se detourne, regarde en face le [10]marchand des quatre saisons; il est charme par l'expression loyale de ce visage de guerrier gaulois, aux yeux clairs, aux moustaches ardentes. "Mon ami, dit M. Godefroy, vous venez de me rendre, vous et votre fils adoptif, un de ces services! ...Bientot, [15]vous aurez la preuve que je ne suis pas un ingrat. Mais, des aujourd'hui... Je vois bien que vous n'etes pas a l'aise et je veux vous laisser un premier souvenir." Mais de son unique main le manchot arrete le bras de M. Godefroy, qui plonge deja sous le revers de la [20]redingote, du cote des bank-notes. "Non, monsieur, non! N'importe qui aurait agi comme nous... Je n'accepterai rien, soit dit sans vous offenser ...On ne roule pas sur l'or, c'est vrai, mais, excusez la fierte, on a ete soldat,--j'ai ma medaille du Tonkin, la, [25]dans le tiroir,--et on ne veut manger que le pain qu'on gagne. --Soit, reprend le financier. Mais, voyons, un brave homme comme vous, un ancien militaire... Vous me paraissez capable de mieux faire que de pousser une charrette [30]a bras... On s'occupera de vous, soyez tranquille." Mais l'estropie se contente de repondre froidement, avec un sourire triste qui revele bien des deceptions, tout un Page 196 passe de decouragement: "Enfin, si monsieur veut bien songer a moi!..." Quelle surprise pour les loups-cerviers de la Bourse et les intrigants du Palais-Bourbon s'ils pouvaient savoir! [5]Voila que M. Godefroy est desole, a present, de la mefiance de ce pauvre diable. Attendez un peu! Il saura bien lui apprendre a ne pas douter de sa reconnaissance. Il y a de bonnes places de surveillants et de garcons de caisse, au Comptoir. Qu'est-ce que vous direz, monsieur [10]le sceptique, quand vous aurez un bel habit de drap gris-bleu, avec votre medaille du Tonkin a cote de la plaque d'argent? Et ce sera fait des demain, n'ayez pas peur! Et c'est vous qui serez bien attrape, ah! ah! ... "Et Zidore? s'ecrie M. Godefroy avec plus de chaleur [15]que s'il s'agissait de faire un bon coup sur les valeurs a turban. Vous permettrez bien que je m'occupe un peu de Zidore?... --Ah! pour ca, oui! repond joyeusement Pierron. Souvent, quand je songe que le pauvre petit n'a que moi [20]au monde, je me dis: "Quel dommage!..." Car il est plein de moyens. Les maitres sont enchantes de lui, a l'ecole primaire." Mais Pierron s'interrompt brusquement, et, dans son regard de franchise, M. Godefroy lit encore, et tres clairement, [25]cette arriere-pensee: "C'est trop beau, tout ca... Le bourgeois nous oubliera, une fois le dos tourne." "Maintenant, dit le manchot, je crois que nous n'avons plus qu'a transporter votre gamin dans la voiture; car vous devez bien vous dire qu'il sera mieux chez vous qu'ici [30]...Oh! vous n'avez qu'a le prendre dans vos bras; il ne se reveillera meme pas... On dort si bien a cet age-la ...Seulement il faudrait d'abord lui remettre ses souliers." Page 197 Et, suivant le regard du marchand des quatre saisons, M. Godefroy apercoit devant le foyer, ou se meurt un petit feu de coke, deux paires de chaussures enfantines: les fines bottines de Raoul et les souliers a clous de Zidore; [5]et chacune des paires de chaussures contient un pantin de deux sous et un cornet de bonbons de chez l'epicier. "Ne faites pas attention, monsieur, murmure alors Pierron d'une voix presque honteuse. C'est Zidore, avant de se jeter sur le lit, qui a mis la ses souliers et ceux de [10]votre fils... A la laique, on a beau leur dire que c'est de la blague, les enfants croient encore a la Noel... Alors, moi, en revenant de chez le commissaire, comme je ne savais pas, apres tout, si votre gamin ne passerait pas la nuit dans ma turne, j'ai achete ces betises-la... vous [15]comprenez... pour que les gosses... a leur reveil..." Ah! c'est a present que les bras leur tomberaient, aux deputes qui ont vu si souvent M. Godefroy voter pour la libre pensee;--au fond, il s'en moquait pas mal, mais la reelection!--C'est a present qu'ils jetteraient leur langue [20]au chat, tous les messieurs durs et secs qui siegeaient avec M. Godefroy autour des tables vertes et qui l'admiraient comme un maitre pour sa secheresse et pour sa durete. Est-ce que, par hasard, ce serait aujourd'hui la fin du monde?... M. Godefroy a les yeux pleins de larmes! [25]Tout a coup, il s'elance hors de la baraque, y rentre au bout d'une minute, les bras charges du superbe cheval mecanique, de la grosse boite de soldats de plomb, des autres jouets magnifiques achetes par lui dans l'apres-midi et restes dans sa voiture; et, devant Pierron stupefait, [30]il depose son fardeau dore et verni aupres des petits souliers. Puis, saisissant la main du manchot dans les siennes, et d'une voix que l'emotion fait trembler: Page 198 "Mon ami, mon cher ami, dit-il au marchand des quatre saisons, voici les cadeaux que Noel apportait a mon petit Raoul. Je veux qu'il les trouve ici, en se reveillant, et qu'il les partage avec Zidore, qui sera desormais son [5]camarade... Maintenant, vous me croyez, n'est-ce pas? ...Je me charge de vous et du gamin...et je reste encore votre oblige; car vous ne m'avez pas seulement aide a retrouver mon fils perdu; vous m'avez aussi rappele qu'il y avait des pauvres gens, a moi, mauvais [10]riche qui vivais sans y songer. Mais, je le jure par ces deux enfants endormis, je ne l'oublierai plus, desormais!" ...Tel est le miracle, messieurs et mesdames, accompli le 24 decembre dernier, a Paris, en plein egoisme moderne. Il est tres invraisemblable, j'en conviens; et, en depit des [15]anciens votes anticlericaux de M. Godefroy et de l'education purement laique recue par Zidore a l'ecole primaire, je suis bien force d'attribuer cet evenement merveilleux a la grace de l'Enfant divin, venu au monde, il y a pres de dix-neuf cents ans, pour ordonner aux hommes de [20]s'aimer les uns les autres. Page 199 GAUTIER LA MILLE ET DEUXIEME NUIT IL y avait une fois dans la ville du Caire un jeune homme nomme Mahmoud-Ben-Ahmed, qui demeurait sur la place de l'Esbekick. Son pere et sa mere etaient morts depuis quelques annees [5]en lui laissant une fortune mediocre, mais suffisante pour qu'il put vivre sans avoir recours au travail de ses mains: d'autres auraient essaye de charger un vaisseau de marchandises ou de joindre quelques chameaux charges d'etoffes precieuses a la caravane qui va de Bagdad a [10]la Mecque; mais Mahmoud-Ben-Ahmed preferait vivre. tranquille, et ses plaisirs consistaient a fumer du tombeki dans son narguilhe, en prenant des sorbets et en mangeant des confitures seches de Damas. Quoiqu'il fut bien fait de sa personne, de visage regulier [15]et de mine agreable, il ne cherchait pas les aventures, et avait repondu plusieurs fois aux personnes qui le pressaient de se marier et lui proposaient des partis riches et convenables, qu'il n'etait pas encore temps et qu'il ne se sentait nullement d'humeur a prendre femme. [20]Mahmoud-Ben-Ahmed avait recu une bonne education: il lisait couramment dans les livres les plus anciens, possedait une belle ecriture, savait par coeur les versets du Coran, les remarques des commentateurs, et eut recite sans se tromper d'un vers les Moallakats des fameux [25]poetes affiches aux portes des mosquees; il etait un peu Page 200 poete lui-meme et composait volontiers des vers assonants et rimes, qu'il declamait sur des airs de sa facon avec beaucoup de grace et de charme. A force de fumer son narguilhe et de rever a la fraicheur [5]du soir sur les dalles de marbre de sa terrasse, la tete de Mahmoud-Ben-Ahmed s'etait un peu exaltee: il avait forme le projet d'etre l'amant d'une peri ou tout au moins d'une princesse du sang royal. Voila le motif secret qui lui faisait recevoir avec tant d'indifference les propositions [10]de mariage et refuser les offres des marchands d'esclaves. La seule compagnie qu'il put supporter etait celle de son cousin Abdul-Malek, jeune homme doux et timide qui semblait partager la modestie de ses gouts. Un jour, Mahmoud- Ben-Ahmed se rendait au bazar pour [15]acheter quelques flacons d'atar-gull et autres drogueries de Constantinople, dont il avait besoin. Il rencontra, dans une rue fort etroite, une litiere fermee par des rideaux de velours incarnadin, portee par deux mules blanches et precedee de zebeks et de chiaoux richement costumes. Il [20]se rangea contre le mur pour laisser passer le cortege; mais il ne put le faire si precipitamment qu'il n'eut le temps de voir, par l'interstice des courtines, qu'une folle bouffee d'air souleva, une fort belle dame assise sur des coussins de brocart d'or. La dame, se fiant sur l'epaisseur [25]des rideaux et se croyant a l'abri de tout regard temeraire, avait releve son voile a cause de la chaleur. Ce ne fut qu'un eclair; cependant cela suffit pour faire tourner la tete du pauvre Mahmoud-Ben-Ahmed: la dame avait le teint d'une blancheur eblouissante, des sourcils que l'on [30]eut pu croire traces au pinceau, une bouche de grenade qui en s'entr'ouvrant laissait voir une double file de perles d'Orient plus fines et plus limpides que celles qui forment Page 201 les bracelets et le collier de la sultane favorite, un air agreable et fier, et dans toute sa personne je ne sais quoi de noble et de royal. Mahmoud-Ben-Ahmed, comme ebloui de tant de [5]perfections, resta longtemps immobile a la meme place, et, oubliant qu'il etait sorti pour faire des emplettes, il retourna chez lui les mains vides, emportant dans son coeur la radieuse vision. Toute la nuit il ne songea qu'a la belle inconnue, et des [10]qu'il fut leve il se mit a composer en son honneur une longue piece de poesie, ou les comparaisons les plus fleuries et les plus galantes etaient prodiguees. Ne sachant que faire, sa piece achevee et transcrite sur une belle feuille de papyrus avec de belles majuscules en [15]encre rouge et des fleurons dores, il la mit dans sa manche et sortit pour montrer ce morceau a son ami Abdul, pour lequel il n'avait aucune pensee secrete. En se rendant a la maison d'Abdul, il passa devant le bazar et entra dans la boutique du marchand de parfums [20]pour prendre les flacons d'atar-gull. Il y trouva une belle dame enveloppee d'un long voile blanc qui ne laissait decouvert que l'oeil gauche. Mahmoud-Ben-Ahmed, sur ce seul oeil gauche, reconnut incontinent la belle dame du palanquin. Son emotion fut si forte, qu'il fut oblige de [25]s'adosser a la muraille. La dame au voile blanc s'apercut du trouble de Mahmoud-Ben-Ahmed, et lui demanda obligeamment ce qu'il avait et si, par hasard, il se trouvait incommode. Le marchand, la dame et Mahmoud-Ben-Ahmed passerent [30]dans l'arriere-boutique. Un petit negre apporta sur un plateau un verre d'eau de neige, dont Mahmoud-Ben-Ahmed but quelques gorgees. Page 202 "Pourquoi donc ma vue vous a-t-elle cause une si vive impression?" dit la dame d'un ton de voix fort doux et ou percait un interet assez tendre. Mahmoud-Ben-Ahmed lui raconta comment il l'avait [5]vue pres de la mosquee du sultan Hassan a l'instant ou les rideaux de sa litiere s'etaient un peu ecartes, et que depuis cet instant il se mourait d'amour pour elle. "Vraiment, dit la dame, votre passion est nee si subitement que cela? je ne croyais pas que l'amour vint si vite. [10]Je suis effectivement la femme que vous avez rencontree hier; je me rendais au bain dans ma litiere, et comme la chaleur etait etouffante, j'avais releve mon voile. Mais vous m'avez mal vue, et je ne suis pas si belle que vous le dites." [15]En disant ces mots, elle ecarta son voile et decouvrit un visage radieux de beaute, et si parfait, que l'envie n'aurait pu y trouver le moindre defaut. Vous pouvez juger quels furent les transports de Mahmoud-Ben-Ahmed a une telle faveur; il se repandit en [20]compliments qui avaient le merite, bien rare pour des compliments, d'etre parfaitement sinceres et de n'avoir rien d'exagere. Comme il parlait avec beaucoup de feu et de vehemence, le papier sur lequel ses vers etaient transcrits s'echappa de sa manche et roula sur le plancher. [25]"Quel est ce papier? dit la dame, l'ecriture m'en parait fort belle et annonce une main exercee. --C'est, repondit le jeune homme en rougissant beaucoup, une piece de vers que j'ai composee cette nuit, ne pouvant dormir. J'ai tache d'y celebrer vos perfections; [30]mais la copie est bien loin de l'original, et mes vers n'ont point les brillants qu'il faut pour celebrer ceux de vos Yeux." Page 203 La jeune dame lut ces vers attentivement, et dit en les mettant dans sa ceinture: "Quoiqu'ils contiennent beaucoup de flatteries, ils ne sont vraiment pas mal tournes." [5]Puis elle ajusta son voile et sortit de la boutique en laissant tomber avec un accent qui penetra le coeur de Mahmoud-Ben-Ahmed: "Je viens quelquefois, au retour du bain, acheter des essences et des boites de parfumerie chez Bedredin." [10]Le marchand felicita Mahmoud-Ben-Ahmed de sa bonne fortune, et, l'emmenant tout au fond de sa boutique, il lui dit bien bas a l'oreille: "Cette jeune dame n'est autre que la princesse Ayesha, fille du calife." [15]Mahmoud-Ben-Ahmed rentra chez lui tout etourdi de son bonheur et n'osant y croire. Cependant, quelque modeste qu'il fut, il ne pouvait se dissimuler que la princesse Ayesha ne l'eut regarde d'un oeil favorable. Le hasard, ce grand entremetteur, avait ete au dela de ses [20]plus audacieuses esperances. Combien il se felicita alors de ne pas avoir cede aux suggestions de ses amis qui l'engageaient a prendre femme, et aux portraits seduisants que lui faisaient les vieilles des jeunes filles a marier qui ont toujours, comme chacun le sait, des yeux de gazelle, [25]une figure de pleine lune, des cheveux plus longs que la queue d'Al Borack, la jument du Prophete, une bouche de jaspe rouge, avec une haleine d'ambre gris, et mille autres perfections qui tombent avec le haick et le voile nuptial: comme il fut heureux de se sentir degage de tout [30]lien vulgaire, et libre de s'abandonner tout entier a sa nouvelle passion! Il eut beau s'agiter et se tourner sur son divan, il ne Page 204 put s'endormir; l'image de la princesse Ayesha, etincelante comme un oiseau de flamme sur un fond de soleil couchant, passait et repassait devant ses yeux. Ne pouvant trouver de repos, il monta dans un de ses cabinets de [5]bois de cedre merveilleusement decoupe que l'on applique, dans les villes d'Orient, aux murailles exterieures des maisons, afin d'y profiter de la fraicheur et du courant d'air qu'une rue ne peut manquer de former; le sommeil ne lui vint pas encore, car le sommeil est comme le bonheur, [10]il fuit quand on le cherche; et, pour calmer ses esprits par le spectacle d'une nuit sereine, il se rendit avec son narguilhe sur la plus haute terrasse de son habitation. L'air frais de la nuit, la beaute du ciel plus paillete d'or qu'une robe de peri et dans lequel la lune faisait voir ses [15]joues d'argent, comme une sultane pale d'amour qui se penche aux treillis de son kiosque, firent du bien a Mahmoud-Ben-Ahmed, car il etait poete, et ne pouvait rester insensible au magnifique spectacle qui s'offrait a sa vue. De cette hauteur, la ville du Caire se deployait devant [20]lui comme un de ces plans en relief ou les giaours retracent leurs villes fortes. Les terrasses ornees de pots de plantes grasses, et bariolees de tapis; les places ou miroitait l'eau du Nil, car on etait a l'epoque de l'inondation; les jardins d'ou jaillissaient des groupes de palmiers, des touffes de [25]caroubiers ou de nopals; les iles de maisons coupees de rues etroites; les coupoles d'etain des mosquees; les minarets freles et decoupes a jour comme un hochet d'ivoire; les angles obscurs ou lumineux des palais formaient un coup d'oeil arrange a souhait pour le plaisir des yeux. [30]Tout au fond, les sables cendres de la plaine confondaient leurs teintes avec les couleurs laiteuses du firmament, et les trois pyramides de Giseh, vaguement ebauchees par Page 205 un rayon bleuatre, dessinaient au bord de l'horizon leur gigantesque triangle de pierre. Assis sur une pile de carreaux et le corps enveloppe par les circonvolutions elastiques du tuyau de son narguilhe, [5]Mahmoud-Ben-Ahmed tachait de demeler dans la transparente obscurite la forme lointaine du palais ou dormait la belle Ayesha. Un silence profond regnait sur ce tableau qu'on aurait pu croire peint, car aucun souffle, aucun murmure n'y revelaient la presence d'un etre [10]vivant: le seul bruit appreciable etait celui que faisait la fumee du narguilhe de Mahmoud-Ben-Ahmed en traversant la boule de cristal de roche remplie d'eau destinee a refroidir ses blanches bouffees. Tout d'un coup, un cri aigu eclata au milieu de ce calme, un cri de detresse supreme, [15]comme doit en pousser, au bord de la source, l'antilope qui sent se poser sur son cou la griffe d'un lion, ou s'engloutir sa tete dans la gueule d'un crocodile. Mahmoud-Ben-Ahmed, effraye par ce cri d'agonie et de desespoir, se leva d'un seul bond et posa instinctivement la [20]main sur le pommeau de son yatagan dont il fit jouer la lame pour s'assurer qu'elle ne tenait pas au fourreau; puis il se pencha du cote d'ou le bruit avait semble partir. Il demela fort loin dans l'ombre un groupe etrange, mysterieux, [25]compose d'une figure blanche poursuivie par une meute de figures noires, bizarres et monstrueuses, aux gestes frenetiques, aux allures desordonnees. L'ombre blanche semblait voltiger sur la cime des maisons, et l'intervalle qui la separait de ses persecuteurs etait si peu [30]considerable, qu'il etait a craindre qu'elle ne fut bientot prise si sa course se prolongeait, et qu'aucun evenement ne vint a son secours. Mahmoud-Ben-Ahmed crut d'abord Page 206 que c'etait une peri ayant aux trousses un essaim de goules machant de la chair de mort dans leurs incisives demesurees, ou de djinns aux ailes flasques, membraneuses, armees d'ongles comme celles des chauves-souris, et, [5]tirant de sa poche son comboloio de graines d'aloes jaspees, il se mit a reciter, comme preservatif, les quatre-vingt-dix-neuf noms d'Allah. Il n'etait pas au vingtieme, qu'il s'arreta. Ce n'etait pas une peri, un etre surnaturel qui fuyait ainsi en sautant d'une terrasse a l'autre et en [10]franchissant les rues de quatre ou cinq pieds de large qui coupent le bloc compacte des villes orientales, mais bien une femme; les djinns n'etaient que des zebecks, des chiaoux et des eunuques acharnes a sa poursuite. Deux ou trois terrasses et une rue separaient encore la [15]fugitive de la plate-forme ou se tenait Mahmoud-Ben-Ahmed, mais ses forces semblaient la trahir; elle retourna convulsivement la tete sur l'epaule, et, comme un cheval epuise dont l'eperon ouvre le flanc, voyant si pres d'elle le groupe hideux qui la poursuivait, elle mit la rue entre [20]elle et ses ennemis d'un bond desespere. Elle frola dans son elan Mahmoud-Ben-Ahmed qu'elle n'apercut pas, car la lune s'etait voilee, et courut a l'extremite de la terrasse qui donnait de ce cote-la sur une seconde rue plus large que la premiere. Desesperant de [25]la pouvoir sauter, elle eut l'air de chercher des yeux quelque coin ou se blottir, et, avisant un grand vase de marbre, elle se cacha dedans comme le genie qui rentre dans la coupe d'un lis. La troupe furibonde envahit la terrasse avec l'impetuosite [30]d'un vol de demons. Leurs faces cuivrees ou noires a longues moustaches, ou hideusement imberbes, leurs yeux etincelants, leurs mains crispees agitant des damas et des Page 207 kandjars, la fureur empreinte sur leurs physionomies basses et feroces, causerent un mouvement d'effroi a Mahmoud-Ben-Ahmed, quoiqu'il fut brave de sa personne et habile au maniement des armes. Ils parcoururent de l'oeil la [5]terrasse vide, et n'y voyant pas la fugitive, ils penserent sans doute qu'elle avait franchi la seconde rue, et ils continuerent leur poursuite sans faire autrement attention a Mahmoud-Ben-Ahmed. Quand le cliquetis de leurs armes et le bruit de leurs [10]babouches sur les dalles des terrasses se fut eteint dans l'eloignement, la fugitive commenca a lever par-dessus les bords du vase sa jolie tete pale, et promena autour d'elle des regards d'antilope effrayee, puis elle sortit ses epaules et se mit debout, charmant pistil de cette grande fleur de [15]marbre; n'apercevant plus que Mahmoud-Ben-Ahmed qui lui souriait et lui faisait signe qu'elle n'avait rien a craindre, elle s'elanca hors du vase et vint vers le jeune homme avec une attitude humble et des bras suppliants. "Par grace, par pitie, seigneur, sauvez-moi, cachez-moi [20]dans le coin le plus obscur de votre maison, derobez-moi a ces demons qui me poursuivent." Mahmoud-Ben-Ahmed la prit par la main, la conduisit a l'escalier de la terrasse dont il ferma la trappe avec soin, et la mena dans sa chambre. Quand il eut allume la [25]lampe, il vit que la fugitive etait jeune, il l'avait deja devine au timbre argentin de sa voix, et fort jolie, ce qui ne l'etonna pas; car a la lueur des etoiles, il avait distingue sa taille elegante. Elle paraissait avoir quinze ans tout au plus. Son extreme paleur faisait ressortir ses grands [30]yeux noirs en amande, dont les coins se prolongeaient jusqu'aux tempes; son nez mince et delicat donnait beaucoup de noblesse a son profil, qui aurait pu faire envie Page 208 aux plus belles filles de Chio ou de Chypre, et rivaliser avec la beaute de marbre des idoles adorees par les vieux paiens grecs. Son cou etait charmant et d'une blancheur parfaite; seulement, sur sa nuque, on voyait une legere [5]raie de pourpre mince comme un cheveu ou comme le plus delie fil de soie, quelques petites gouttelettes de sang sortaient de cette ligne rouge. Ses vetements etaient simples et se composaient d'une veste passementee de soie, de pantalons de mousseline et d'une ceinture bariolee; [10]sa poitrine se levait et s'abaissait sous sa tunique de gaze rayee, car elle etait encore hors d'haleine et a peine remise de son effroi. Lorsqu'elle fut un peu reposee et rassuree, elle s'agenouilla devant Mahmoud-Ben-Ahmed et lui raconta son [15]histoire en fort bons termes: "J'etais esclave dans le serail du riche Abu-Becker, et j'ai commis la faute de remettre a la sultane favorite un selam ou lettre de fleurs envoyee par un jeune emir de la plus belle mine avec qui elle entretenait un commerce amoureux. Abu-Becker, [20]ayant surpris le selam, est entre dans une fureur horrible, a fait enfermer sa sultane favorite dans un sac de cuir avec deux chats, l'a fait jeter a l'eau et m'a condamnee a avoir la tete tranchee. Le Kislar-agassi fut charge de cette execution; mais, profitant de l'effroi et du desordre qu'avait [25]cause dans le serail le chatiment terrible inflige a la pauvre Nourmahal, et trouvant ouverte la trappe de la terrasse, je me sauvai. Ma fuite fut apercue, et bientot les eunuques noirs, les zebecs et les Albanais au service de mon maitre se mirent a ma poursuite. L'un d'eux, Mesrour, [30]dont j'ai toujours repousse les pretentions, m'a talonne de si pres avec son damas brandi, qu'il a bien manque de m'atteindre; une fois meme j'ai senti le fil de son sabre Page 209 effleurer ma peau, et c'est alors que j'ai pousse ce cri terrible que vous avez du entendre, car je vous avoue que j'ai cru que ma derniere heure etait arrivee; mais Dieu est Dieu et Mahomet est son prophete; l'ange Asrael [5]n'etait pas encore pret a m'emporter vers le pont d'Alsirat. Maintenant je n'ai plus d'espoir qu'en vous. Abu-Becker est puissant, il me fera chercher, et s'il peut me reprendre, Mesrour aurait cette fois la main plus sure, et son damas ne se contenterait pas de m'effleurer le cou, dit-elle en [10]souriant, et en passant la main sur l'imperceptible raie rose tracee par le sabre du zebec. Acceptez-moi pour votre esclave, je vous consacrerai une vie que je vous dois. Vous trouverez toujours mon epaule pour appuyer votre coude, et ma chevelure pour essuyer la poudre de vos [15]sandales." Mahmoud-Ben-Ahmed etait fort compatissant de sa nature, comme tous les gens qui ont etudie les lettres et la poesie. Leila, tel etait le nom de l'esclave fugitive, s'exprimait en termes choisis; elle etait jeune, belle, et [20]n'eut-elle ete rien de tout cela, l'humanite eut defendu de la renvoyer. Mahmoud-Ben-Ahmed montra a la jeune esclave un tapis de Perse, des carreaux de soie dans l'angle de la chambre, et sur le rebord de l'estrade une petite collation de dattes, de cedrats confits et de conserves de roses [25]de Constantinople, a laquelle, distrait par ses pensees, il n'avait pas touche lui-meme, et de plus, deux pots a rafraichir l'eau, en terre poreuse de Thebes, poses dans des soucoupes de porcelaine de Japon et couverts d'une transpiration perlee. Ayant ainsi provisoirement installe [30]Leila, il remonta sur sa terrasse pour achever son narguilhe et trouver la derniere assonance du ghazel qu'il composait en l'honneur de la princesse Ayesha, ghazel ou les lis d'Iran, Page 210 les fleurs du Gulistan, les etoiles et toutes les constellations celestes se disputaient pour entrer. Le lendemain, Mahmoud-Ben-Ahmed, des que le jour parut, fit cette reflexion qu'il n'avait pas de sachet de [5]benjoin, qu'il manquait de civette, et que la bourse de soie brochee d'or et constellee de paillettes, ou il serrait son latakie, etait eraillee et demandait a etre remplacee par une autre plus riche et de meilleur gout. Ayant a peine pris le temps de faire ses ablutions et de reciter sa [10]priere en se tournant du cote de l'orient, il sortit de sa maison apres avoir recopie sa poesie et l'avoir mise dans sa manche comme la premiere fois, non pas dans l'intention de la montrer a son ami Abdul, mais pour la remettre a la princesse Ayesha en personne, dans le cas ou il la [15]rencontrerait au bazar, dans la boutique de Bedredin. Le muezzin, perche sur le balcon du minaret, annoncait seulement la cinquieme heure; il n'y avait dans les rues que les fellahs, poussant devant eux leurs anes charges de pasteques, de regimes de dattes, de poules liees par les [20]pattes, et de moities de moutons qu'ils portaient au marche. Il fut dans le quartier ou etait situe le palais d'Ayesha, mais il ne vit rien que des murailles crenelees et blanchies a la chaux. Rien ne paraissait aux trois ou quatre petites fenetres obstruees de treillis de bois a mailles etroites, qui [25]permettaient aux gens de la maison de voir ce qui se passait dans la rue, mais ne laissaient aucun espoir aux regards indiscrets et aux curieux du dehors. Les palais orientaux, a l'envers des palais du Franquistan, reservent leurs magnificences pour l'interieur et tournent, pour ainsi [30]dire, le dos au passant. Mahmoud-Ben-Ahmed ne retira donc pas grand fruit de ses investigations. Il vit entrer et sortir deux ou trois esclaves noirs, richement habilles, Page 211 et dont la mine insolente et fiere prouvait la conscience d'appartenir a une maison considerable et a une personne de la plus haute qualite. Notre amoureux, en regardant ces epaisses murailles, fit de vains efforts pour decouvrir [5]de quel cote se trouvaient les appartements d'Ayesha. Il ne put y parvenir: la grande porte, formee par un arc decoupe en coeur, etait muree au fond, ne donnait acces dans la cour que par une porte laterale, et ne permettait pas au regard d'y penetrer. Mahmoud-Ben-Ahmed fut [10]oblige de se retirer sans avoir fait aucune decouverte; l'heure s'avancait et il aurait pu etre remarque. Il se rendit donc chez Bedredin, auquel il fit, pour se le rendre favorable, des emplettes assez considerables d'objets dont il n'avait aucun besoin. Il s'assit dans la boutique, [15]questionna le marchand, s'enquit de son commerce, s'il s'etait heureusement defait des soieries et des tapis apportes par la derniere caravane d'Alep, si ses vaisseaux etaient arrives au port sans avaries; bref, il fit toutes les lachetes habituelles aux amoureux; il esperait toujours [20]voir paraitre Ayesha; mais il fut trompe dans son attente: elle ne vint pas ce jour-la. Il s'en retourna chez lui, le coeur gros, l'appelant deja cruelle et perfide, comme si effectivement elle lui eut promis de se trouver chez Bedredin et qu'elle lui eut manque de parole. [25]En rentrant dans sa chambre, il mit ses babouches dans la niche de marbre sculpte, creusee a cote de la porte pour cet usage; il ota le caftan d'etoffe precieuse qu'il avait endosse dans l'idee rehausser sa bonne mine et de paraitre avec tous ses avantages aux yeux d'Ayesha, et [30]s'etendit sur son divan dans un affaissement voisin du desespoir. Il lui semblait que tout etait perdu, que le monde allait finir, et il se plaignait amerement de la Page 212 fatalite; le tout, pour ne pas avoir rencontre, ainsi qu'il l'esperait, une femme qu'il ne connaissait pas deux jours auparavant. Comme il avait ferme les yeux de son corps pour mieux [5]voir le reve de son ame, il sentit un vent leger lui rafraichir le front; il souleva ses paupieres, et vit, assise a cote de lui, par terre, Leila qui agitait un de ces petits pavillons d'ecorce de palmier, qui servent, en Orient, d'eventail et de chasse-mouche. Il l'avait completement oubliee. [10]"Qu'avez-vous, mon cher seigneur? dit-elle d'une voix perlee et melodieuse comme de la musique. Vous ne paraissez pas jouir de votre tranquillite d'esprit; quelque souci vous tourmente. S'il etait au pouvoir de votre esclave de dissiper ce nuage de tristesse qui voile votre [15]front, elle s'estimerait la plus heureuse femme du monde, et ne porterait pas envie a la sultane Ayesha elle-meme, quelque belle et quelque riche qu'elle soit." Ce nom fit tressaillir Mahmoud-Ben-Ahmed sur son divan, comme un malade dont on touche la plaie par [20]hasard; il se souleva un peu et jeta un regard inquisiteur sur Leila, dont la physionomie etait la plus calme du monde et n'exprimait rien autre chose qu'une tendre sollicitude. Il rougit cependant comme s'il avait ete surpris dans le secret de sa passion. Leila, sans faire [25]attention a cette rougeur delatrice et significative, continua a offrir ses consolations a son nouveau maitre: "Que puis-je faire pour eloigner de votre esprit les sombres idees qui l'obsedent? un peu de musique dissiperait peut-etre cette melancolie. Une vieille esclave qui [30]avait ete odalisque de l'ancien sultan m'a appris les secrets de la composition; je puis improviser des vers et m'accompagner de la guzla!" Page 213 En disant ces mots, elle detacha du mur la guzla au ventre de citronnier, cotele d'ivoire, au manche incruste de nacre, de burgau et d'ebene, et joua d'abord avec une rare perfection la tarabuca et quelques autres airs arabes. [5]La justesse de la voix et la douceur de la musique eussent, en toute autre occasion, rejoui Mahmoud-Ben-Ahmed, qui etait fort sensible aux agrements des vers et de l'harmonie; mais il avait le cerveau et le coeur si preoccupes de la dame qu'il avait vue chez Bedredin, qu'il ne [10]fit aucune attention aux chansons de Leila. Le lendemain, plus heureux que la veille, il rencontra Ayesha dans la boutique de Bedredin. Vous decrire sa joie serait une entreprise impossible; ceux qui ont ete amoureux peuvent seuls la comprendre. Il resta un [15]moment sans voix, sans haleine, un nuage dans les yeux. Ayesha, qui vit son emotion, lui en sut gre et lui adressa la parole avec beaucoup d'affabilite; car rien ne flatte les personnes de haute naissance comme le trouble qu'elles inspirent. Mahmoud-Ben-Ahmed, revenu a lui, fit tous [20]ses efforts pour etre agreable, et comme il etait jeune, de belle apparence, qu'il avait etudie la poesie et s'exprimait dans les termes les plus elegants, il crut s'apercevoir qu'il ne deplaisait point, et il s'enhardit a demander un rendez-vous a la princesse dans un lieu plus propice et plus sur [25]que la boutique de Bedredin. "Je sais, lui dit-il, que je suis tout au plus bon pour etre la poussiere de votre chemin, que la distance de vous a moi ne pourrait etre parcourue en mille ans par un cheval de la race du prophete toujours lance au galop; mais [30]l'amour rend audacieux, et la chenille eprise de la rose ne saurait s'empecher d'avouer son amour." Ayesha ecouta tout cela sans le moindre signe de Page 214 courroux, et, fixant sur Mahmoud-Ben-Ahmed des yeux charges de langueur, elle lui dit: "Trouvez-vous demain a l'heure de la priere dans la mosquee du sultan Hassan, sous la troisieme lampe; vous [5]y rencontrerez un esclave noir vetu de damas jaune. Il marchera devant vous, et vous le suivrez." Cela dit, elle ramena son voile sur sa figure et sortit. Notre amoureux n'eut garde de manquer au rendez-vous: il se planta sous la troisieme lampe, n'osant s'en [10]ecarter de peur de ne pas etre trouve par l'esclave noir, qui n'etait pas encore a son poste. Il est vrai que Mahmoud-Ben-Ahmed avait devance de deux heures le moment indique. Enfin, il vit paraitre le negre vetu de damas jaune; il vint droit au pilier contre lequel Mahmoud-Ben-Ahmed [15]se tenait debout. L'esclave l'ayant regarde attentivement, lui fit un signe imperceptible pour l'engager a le suivre. Ils sortirent tous deux de la mosquee. Le noir marchait d'un pas rapide, fit faire a Mahmoud-Ben-Ahmed une infinite de detours a travers l'echeveau embrouille et [20]complique des rues du Caire. Notre jeune homme une fois voulut adresser la parole a son guide; mais celui-ci, ouvrant sa large bouche meublee de dents aigues et blanches, lui fit voir que sa langue avait ete coupee jusqu'aux racines. Ainsi il lui eut ete difficile de [25]commettre des indiscretions. Enfin ils arriverent dans un endroit de la ville tout a fait desert et que Mahmoud-Ben-Ahmed ne connaissait pas, quoiqu'il fut natif du Caire et qu'il crut en connaitre tous les quartiers: le muet s'arreta devant un mur blanchi [30]a la chaux, ou il n'y avait pas apparence de porte. Il compta six pas a partir de l'angle du mur, et chercha avec beaucoup d'attention un ressort sans doute cache dans Page 215 l'interstice des pierres. L'ayant trouve, il pressa la detente, une colonne tourna sur elle-meme, et laissa voir un passage sombre, etroit, ou le muet s'engagea, suivi de Mahmoud-Ben-Ahmed. Ils descendirent d'abord plus de cent [5]marches, et suivirent ensuite un corridor obscur d'une longueur interminable. Mahmoud-Ben-Ahmed, en tatant les murs, reconnut qu'ils etaient de roche vive, sculptes d'hieroglyphes en creux et comprit qu'il etait dans les couloirs souterrains d'une ancienne necropole egyptienne [10]dont on avait profite pour etablir cette issue secrete. Au bout du corridor, dans un grand eloignement, scintillaient quelques lueurs de jour bleuatre. Ce jour passait a travers des dentelles d'une sculpture evidee faisant partie de la salle ou le corridor aboutissait. Le muet poussa un autre [15]ressort, et Mahmoud-Ben-Ahmed se trouva dans une salle dallee de marbre blanc, avec un bassin et un jet d'eau au milieu, des colonnes d'albatre, des murs revetus de mosaiques de verre, de sentences du Coran entremelees de fleurs et d'ornements, et couverte par une voute [20]sculptee, fouillee, travaillee comme l'interieur d'une ruche ou d'une grotte a stalactites, d'enormes pivoines ecarlates posees dans d'enormes vases mauresques de porcelaine blanche et bleue completaient la decoration. Sur une estrade garnie de coussins, espece d'alcove pratiquee dans [25]l'epaisseur du mur, etait assise la princesse Ayesha, sans voile, radieuse, et surpassant en beaute les houris du quatrieme ciel. "Eh bien! Mahmoud-Ben-Ahmed, avez-vous fait d'autres vers en mon honneur?" lui dit-elle du ton le plus [30]gracieux en lui faisant signe de s'asseoir. Mahmoud-Ben-Ahmed se jeta aux genoux d'Ayesha et tira son papyrus de sa manche, et lui recita son ghazel Page 216 du ton le plus passionne; c'etait vraiment un remarquable morceau de poesie. Pendant qu'il lisait, les joues de la princesse s'eclairaient et se coloraient comme une lampe d'albatre que l'on vient d'allumer. Ses yeux etoilaient et [5]lancaient des rayons d'une clarte extraordinaire, son corps devenait comme transparent, sur ses epaules fremissantes s'ebauchaient vaguement des ailes de papillon. Malheureusement Mahmoud-Ben-Ahmed, trop occupe de la lecture de sa piece de vers, ne leva pas les yeux et ne [10]s'apercut pas de la metamorphose qui s'etait operee. Quand il eut acheve, il n'avait plus devant lui que la princesse Ayesha qui le regardait en souriant d'un air ironique. Comme tous les poetes, trop occupes de leurs propres [15]creations, Mahmoud-Ben-Ahmed avait oublie que les plus beaux vers ne valent pas une parole sincere, un regard illumine par la clarte de l'amour.--Les peris sont comme les femmes, il faut les deviner et les prendre juste au moment ou elles vont remonter aux cieux pour n'en plus [20]descendre.--L'occasion doit etre saisie par la boucle de cheveux qui lui pend sur le front, et les esprits de l'air par leurs ailes. C'est ainsi qu'on peut s'en rendre maitre. "Vraiment, Mahmoud-Ben-Ahmed, vous avez un talent [25]de poete des plus rares, et vos vers meritent d'etre affiches a la porte des mosquees, ecrits en lettres d'or, a cote des plus celebres productions de Ferdoussi, de Saadi et d'Ibnn-Ben-Omaz. C'est dommage qu'absorbe par la perfection de vos rimes alliterees, vous ne m'avez pas regardee tout [30]a l'heure, vous auriez vu... ce que vous ne reverrez peut-etre jamais plus. Votre voeu le plus cher s'est accompli devant vous sans que vous vous en soyez apercu. Page 217 Adieu, Mahmoud-Ben-Ahmed, qui ne vouliez aimer qu'une peri." La-dessus Ayesha se leva d'un air tout a fait majestueux, souleva une portiere de brocart d'or et disparut. [5]Le muet vint reprendre Mahmoud-Ben-Ahmed, et le reconduisit par le meme chemin jusqu'a l'endroit ou il l'avait pris. Mahmoud-Ben-Ahmed, afflige et surpris d'avoir ete ainsi congedie, ne savait que penser et se perdait dans ses reflexions, sans pouvoir trouver de motif a [10]la brusque sortie de la princesse: il finit par l'attribuer a un caprice de femme qui changerait a la premiere occasion; mais il eut beau aller chez Bedredin acheter du benjoin et des peaux de civette, il ne rencontra plus la princesse Ayesha; il fit un nombre infini de stations pres du troisieme [15]pilier de la mosquee du sultan Hassan, il ne vit plus reparaitre le noir vetu de damas jaune, ce qui le jeta dans une noire et profonde melancolie. Leila s'ingeniait a mille inventions pour le distraire: elle lui jouait de la guzla; elle lui recitait des histoires [20]merveilleuses; ornait sa chambre de bouquets dont les couleurs etaient si bien mariees et diversifiees, que la vue en etait aussi rejouie que l'odorat; quelquefois meme elle dansait devant lui avec autant de souplesse et de grace que l'almee la plus habile; tout autre que Mahmoud-Ben-Ahmed [25]eut ete touche de tant de prevenances et d'attentions; mais il avait la tete ailleurs, et le desir de retrouver Ayesha ne lui laissait aucun repos. Il avait ete bien souvent errer a l'entour du palais de la princesse; mais il n'avait jamais pu l'apercevoir; rien ne se montrait derriere [30]les treillis exactement fermes; le palais etait comme un tombeau. Son ami Abdul-Maleck, alarme de son etat, venait le Page 218 visiter souvent et ne pouvait s'empecher de remarquer les graces et la beaute de Leila, qui egalaient pour le moins celles de la princesse Ayesha, si meme elles ne les depassaient, et s'etonnait de l'aveuglement de [5]Mahmoud-Ben-Ahmed; et s'il n'eut craint de violer les saintes lois de l'amitie, il eut pris volontiers la jeune esclave pour femme. Cependant, sans rien perdre de sa beaute, Leila devenait chaque jour plus pale; ses grands yeux s'alanguissaient; les rougeurs de l'aurore faisaient place sur ses [10]joues aux paleurs du clair de lune. Un jour Mahmoud-Ben-Ahmed s'apercut qu'elle avait pleure, et lui en demanda la cause: "O mon cher seigneur, je n'oserais jamais vous la dire: moi, pauvre esclave recueillie par pitie, je vous aime; mais [15]que suis-je a vos yeux? je sais que vous avez forme le voeu de n'aimer qu'une peri ou qu'une sultane: d'autres se contenteraient d'etre aimes sincerement par un coeur jeune et pur et ne s'inquieteraient pas de la fille du calife ou de la reine des genies: regardez-moi, j'ai eu quinze [20]ans hier, je suis peut-etre aussi belle que cette Ayesha dont vous parlez tout haut en revant; il est vrai qu'on ne voit pas briller sur mon front l'escarboucle magique, ou l'aigrette de plume de heron; je ne marche pas accompagnee de soldats aux mousquets incrustes d'argent et de [25]corail. Mais cependant je sais chanter, improviser sur la guzla, je danse comme Emineh elle-meme, je suis pour vous comme une soeur devouee, que faut-il donc pour toucher votre coeur?" Mahmoud-Ben-Ahmed, en entendant ainsi parler Leila, [30]sentait son coeur se troubler; cependant il ne disait rien et semblait en proie a une profonde meditation. Deux resolutions contraires se disputaient son ame: d'une part, Page 219 il lui en coutait de renoncer a son reve favori; de l'autre, il se disait qu'il serait bien fou de s'attacher a une femme qui s'etait jouee de lui et l'avait quitte avec des paroles railleuses, lorsqu'il avait dans sa maison, en jeunesse et [5]en beaute, au moins l'equivalent de ce qu'il perdait. Leila, comme attendant son arret, se tenait agenouillee, et deux larmes coulaient silencieusement sur la figure pale de la pauvre enfant. "Ah! pourquoi le sabre de Mesrour n'a-t-il pas acheve [10]ce qu'il avait commence!" dit-elle en portant la main a son cou frele et blanc. Touche de cet accent de douleur, Mahmoud-Ben-Ahmed releva la jeune esclave et deposa un baiser sur son front. [15]Leila redressa la tete comme une colombe caressee, et, se posant devant Mahmoud-Ben-Ahmed, lui prit les mains, et lui dit: "Regardez-moi bien attentivement; ne trouvez-vous pas que je ressemble fort a quelqu'un de votre [20]connaissance?" Mahmoud-Ben-Ahmed ne put retenir un cri de surprise: "C'est la meme figure, les memes yeux, tous les traits en un mot de la princesse Ayesha. Comment se fait-il que je n'aie pas remarque cette ressemblance plus [25]tot? --Vous n'aviez jusqu'a present laisse tomber sur votre pauvre esclave qu'un regard fort distrait, repondit Leila d'un ton de douce raillerie. --La princesse Ayesha elle-meme n'enverrait maintenant [30]son noir a la robe de damas jaune, avec le selam d'amour, que je refuserais de le suivre. --Bien vrai? dit Leila d'une voix plus melodieuse que Page 220 celle de Bulbul faisant ses aveux a la rose bien-aimee. Cependant, il ne faudrait pas trop mepriser cette pauvre Ayesha, qui me ressemble tant." Pour toute reponse, M~oud-Ben-Ahmed pressa la [5]jeune esclave sur son coeur. Mais quel fut son etonnement lorsqu'il vit la figure de Leila s'illuminer, l'escarboucle magique s'allumer sur son front, et des ailes, semees d'yeux de paon, se developper sur ses charmantes epaules! Leila etait une peri! [10]"Je ne suis, mon cher Mahmoud-Ben-Ahmed, ni la princesse Ayesha, ni Leila l'esclave. Mon veritable nom est Boudroulboudour. Je suis peri du premier ordre, comme vous pouvez le voir par mon escarboucle et par mes ailes. Un soir, passant dans l'air a cote de votre [15]terrasse, je vous entendis emettre le voeu d'etre aime d'une peri. Cette ambition me plut; les mortels ignorants, grossiers et perdus dans les plaisirs terrestres, ne songent pas a de si rares voluptes. J'ai voulu vous eprouver, et j'ai pris le deguisement d'Ayesha et de Leila pour voir si [20]vous sauriez me reconnaitre et m'aimer sous cette enveloppe humaine. Votre coeur a ete plus clairvoyant que votre esprit, et vous avez eu plus de bonte que d'orgueil. Le devouement de l'esclave vous l'a fait preferer a la sultane; c'etait la que je vous attendais. Un moment [25]seduite par la beaute de vos vers, j'ai ete sur le point de me trahir; mais j'avais peur que vous ne fussiez qu'un poete amoureux seulement de votre imagination et de vos rimes, et je me suis retiree, affectant un dedain superbe. Vous avez voulu epouser Leila l'esclave, Boudroulboudour [20]la peri se charge de la remplacer. Je serai Leila pour tous, et peri pour vous seul; car je veux votre bonheur, et le monde ne vous pardonnerait pas de jouir d'une felicite Page 221 superieure a la sienne. Toute fee que je sois, c'est tout au plus si je pourrais vous defendre contre l'envie et la mechancete des hommes." Ces conditions furent acceptees avec transport par [5]Mahmoud-Ben-Ahmed, et les noces furent faites comme s'il eut epouse reellement la petite Leila. Page 222 BALZAC UN DRAME AU BORD DE LA MER _A Madame la Princesse Caroline Gallitzin de Genthod nee Comtesse Walewska Hommage et souvenir de l'auteur_ Les jeunes gens ont presque tous un compas avec lequel ils se plaisent a mesurer l'avenir; quand leur volonte s'accorde avec la hardiesse de l'angle qu'ils ouvrent, le monde est a eux. Mais ce phenomene de la vie morale [5]n'a lieu qu'a un certain age. Cet age, qui, pour tous les hommes, se trouve entre vingt-deux et vingt-huit ans, est celui des grandes pensees, l'age des conceptions premieres, parce qu'il est l'age des immenses desirs, l'age ou l'on ne doute de rien: qui dit doute, dit impuissance. Apres cet [10]age rapide comme une semaison, vient celui de l'execution. Il est en quelque sorte deux jeunesses, la jeunesse durant laquelle on croit, la jeunesse pendant laquelle on agit; souvent elles se confondent chez les hommes que la nature a favorises, et qui sont, comme Cesar, [15]Newton et Bonaparte, les plus grands parmi les grands hommes. Je mesurais ce qu'une pensee veut de temps pour se developper; et, mon compas a la main, debout sur un rocher, a cent toises au-dessus de l'Ocean, dont les lames [20]se jouaient dans les brisants, j'arpentais mon avenir en le meublant d'ouvrages, comme un ingenieur qui, sur un terrain vide, trace des forteresses et des palais. La mer Page 223 etait belle, je venais de m'habiller apres avoir nage. J'attendais Pauline, mon ange gardien, qui se baignait dans une cuve granit pleine d'un sable fin, la plus coquette baignoire que la nature ait dessinee pour ses fees marines. [5]Nous etions a l'extremite du Croisic, une mignonne presqu'ile de la Bretagne; nous etions loin du port, dans un endroit que le fisc a juge tellement inabordable, que le douanier n'y passe presque jamais. Nager dans les airs apres avoir nage dans la mer! ah! qui n'aurait nage dans [10]l'avenir? Pourquoi pensais-je? pourquoi vient un mal? qui le sait? Les idees vous tombent au coeur ou a la tete sans vous consulter. Nulle courtisane ne fut plus fantasque ni plus imperieuse que ne l'est la conception pour les artistes; il faut la prendre comme la fortune, a pleins [15]cheveux, quand elle vient. Grimpe sur ma pensee comme Astolphe sur son hippogriffe, je chevauchais donc a travers le monde, en y disposant de tout a mon gre. Quand je voulus chercher autour de moi quelque presage pour les audacieuses constructions que ma folle imagination me [20]conseillait d'entreprendre, un joli cri, le cri d'une femme qui sort d'un bain, ranimee, joyeuse, domina le murmure des franges incessamment mobiles que dessinaient le flux et le reflux sur les decoupures de la cote. En entendant cette note jaillie de l'ame, je crus avoir vu dans les [25]rochers le pied d'un ange qui, deployant ses ailes, s'etait ecrie:--Tu reussiras! Je descendis, radieux, leger; je descendis en bondissant comme un caillou jete sur une pente rapide. Quand elle me vit, elle me dit:--Qu'as-tu? Je ne repondis pas, mes yeux se mouillerent. La [30]veille, Pauline avait compris mes douleurs, comme elle comprenait en ce moment mes joies, avec la sensibilite magique d'une harpe qui obeit aux variations de Page 224 l'atmosphere. La vie humaine a de beaux moments! Nous allames en silence le long des greves. Le ciel etait sans nuages, la mer etait sans rides; d'autres n'y eussent vu que deux steppes bleus l'un sur l'autre; mais nous, nous [5]qui nous entendions sans avoir besoin de la parole, nous qui pouvions faire jouer entre ces deux langes de l'infini les illusions avec lesquelles on se repait au jeune age, nous nous serrions la main au moindre changement que presentaient, soit la nappe d'eau, soit les nappes de l'air, car [10]nous prenions ces legers phenomenes pour des traductions materielles de notre double pensee. Qui n'a pas savoure dans les plaisirs ce moment de joie illimitee ou l'ame semble s'etre debarrassee des liens de la chair, et se trouver comme rendue au monde d'ou elle vient? Le plaisir n'est [15]pas notre seul guide en ces regions. N'est-il pas des heures ou les sentiments s'enlacent d'eux-memes et s'y elancent, comme souvent deux enfants se prennent par la main et se mettent a courir sans savoir pourquoi? Nous allions ainsi. Au moment ou les toits de la ville apparurent a l'horizon [20]en y tracant une ligne grisatre, nous rencontrames un pauvre pecheur qui retournait au Croisic; ses pieds etaient nus, son pantalon de toile etait dechiquete par le bas, troue, mal raccommode: puis, il avait une chemise de toile a voile, de mauvaises bretelles en lisiere, et pour [25]veste un haillon. Cette misere nous fit mal, comme si c'eut ete quelque dissonance au milieu de nos harmonies. Nous nous regardames pour nous plaindre l'un a l'autre de ne pas avoir en ce moment le pouvoir de puiser dans les tresors d'Aboul-Casem. Nous apercumes un superbe [30]homard et une araignee de mer accroches a une cordelette que le pecheur balancait dans sa main droite, tandis que de l'autre il maintenait ses agres et ses engins. Nous Page 225 l'accostames, dans l'intention de lui acheter sa peche, idee qui nous vint a tous deux et qui s'exprima dans un sourire auquel je repondis par une legere pression du bras que je tenais et que je ramenai pres de mon coeur. C'est de ces [5]riens dont plus tard le souvenir fait des poemes, quand aupres du feu nous nous rappelons l'heure ou ce rien nous a emus, le lieu ou ce fut, et ce mirage dont les effets n'ont pas encore ete constates, mais qui s'exerce souvent sur les objets qui nous entourent dans les moments ou la vie est [10]legere et ou nos coeurs sont pleins. Les sites les plus beaux ne sont que ce que nous les faisons. Quel homme un peu poete n'a dans ses souvenirs un quartier de roche qui tient plus de place que n'en ont pris les plus celebres aspects de pays cherches a grands frais! Pres de ce [15]rocher, de tumultueuses pensees; la, toute une vie employee; la, des craintes dissipees; la, des rayons d'esperance sont descendus dans l'ame. En ce moment, le soleil, sympathisant avec ces pensees d'amour ou d'avenir, a jete sur les flancs fauves de cette roche une lueur ardente; [20]quelques fleurs des montagnes attiraient l'attention; le calme et le silence grandissaient cette anfractuosite sombre en realite, coloree par le reveur; alors elle etait belle avec ses maigres vegetations, ses camomilles chaudes, ses cheveux de Venus aux feuilles veloutees. Fete prolongee, [25]decorations magnifiques, heureuse exaltation des forces humaines! Une fois deja le lac de Bienne, vu de l'ile Saint-Pierre, m'avait ainsi parle; le rocher du Croisic sera peut-etre la derniere de ces joies. Mais alors, que deviendra Pauline? [30]--Vous avez fait une belle peche ce matin, mon brave homme? dis-je au pecheur. --Oui, monsieur, repondit-il en s'arretant et en nous Page 226 montrant la figure bistree des gens qui restent pendant des heures entieres exposes a la reverberation du soleil sur l'eau. Ce visage annoncait une longue resignation, la patience [5]du pecheur et ses moeurs douces. Cet homme avait une voix sans rudesse, des levres bonnes, nulle ambition, je ne sais quoi de grele, de chetif. Toute autre physionomie nous aurait deplu. --Ou allez-vous vendre ca? [10]--A la ville. --Combien vous payera-t-on le homard? --Quinze sous. --L'araignee? --Vingt sous. [15]--Pourquoi tant de difference entre le homard et l'araignee? --Monsieur, l'araignee (il la nommait _iraigne_) est bien plus delicate! puis, elle est maligne comme un smge, et se laisse rarement prendre. [20]--Voulez-vous nous donner le tout pour cent sous? dit Pauline. L'homme resta petrifie. --Vous ne l'aurez pas! dis-je en riant, j'en donne dix francs. Il faut savoir payer les emotions ce qu'elles valent. [25]--Eh bien, repondit-elle, je l'aurai! j'en donne dix francs deux sous. --Dix sous. --Douze francs. --Quinze francs. [30]-Quinze francs cinquante centimes, dit-elle. --Cent francs. --Cent cinquante. Page 227 Je m'inclinai. Nous n'etions pas en ce moment assez riches pour pousser plus haut cette enchere. Notre pauvre pecheur ne savait pas s'il devait se facher d'une mystification ou se livrer a la joie; nous le tirames de peine en lui [5]donnant le nom de notre hotesse, et en lui recommandant de porter chez elle le homard et l'araignee. --Gagnez-vous votre vie? lui demandai-je, pour savoir a quelle cause devait etre attribue son denument. --Avec bien de la peine et en souffrant bien des miseres, [10]me dit-il. La peche au bord de la mer, quand on n'a ni barque ni filets, et qu'on ne peut la faire qu'aux engins ou a la ligne, est un chanceux metier. Voyez-vous, il faut y attendre le poisson ou le coquillage, tandis que les grands pecheurs vont le chercher en pleine mer. Il est si difficile [15]de gagner sa vie ainsi, que je suis le seul qui peche a la cote. Je passe des journees entieres sans rien rapporter. Pour attraper quelque chose, il faut qu'une iraigne se soit oubliee a dormir comme celle-ci, ou qu'un homard soit assez etourdi pour rester dans les rochers. Quelquefois [20]il y vient des lubines apres la haute mer, alors je les empoigne. --Enfin, l'un portant l'autre, que gagnez-vous par jour? --Onze a douze sous. Je m'en tirerais, si j'etais seul, mais j'ai mon pere a nourrir, et le bonhomme ne peut pas [25]m'aider, il est aveugle. A cette phrase, prononcee simplement, nous nous regardames, Pauline et moi, sans mot dire. --Vous avez une femme ou quelque bonne amie? Il nous jeta l'un des plus deplorables regards que j'aie [30]vus, en repondant:--Si j'avais une femme, il faudrait donc abandonner mon pere; je ne pourrais pas le nourrir et nourrir encore une femme et des enfants. Page 228 ~-Eh bien! mon pauvre garcon, comment ne cherchez-vous pas a gagner davantage en portant du sel sur le port ou en travaillant aux marais salants? --Ah! monsieur, je ne ferais pas ce metier pendant [5]trois mois. Je ne suis pas assez fort, et si je mourais, mon pere serait a la mendicite. Il me fallait un metier qui ne voulut qu'un peu d'adresse et beaucoup de patience. --Eh comment deux personnes peuvent-elles vivre avec douze sous par jour? [10]-Oh! monsieur, nous mangeons des galettes de sarrasin et des bernicles que je detache des rochers. ~ Quel age avez-vous donc? ~ Trente-sept ans. ~ Etes-vous sorti d'ici? [15]~ Je suis alle une fois a Guerande pour tirer a la milice, et suis alle a Savenay pour me faire voir a des messieurs qui m'ont mesure. Si j'avais eu un pouce de plus, j'etais soldat. Je serais creve a la premiere fatigue, et mon pauvre pere demanderait aujourd'hui la charite. [20]J'avais bien pense des drames; Pauline etait habituee a de grandes emotions, pres d'un homme souffrant comme je le suis; eh bien! jamais, ni l'un ni l'autre, nous n'avions entendu de paroles plus emouvantes que ne l'etaient celles de ce pecheur. Nous fimes quelques pas en silence, mesurant [25]tous deux la profondeur muette de cette vie inconnue, admirant la noblesse de ce devouement qui s'ignorait lui-meme; la force de cette faiblesse nous etonna; cette insoucieuse generosite nous rapetissa. Je voyais ce pauvre etre tout instinctif rive sur ce rocher comme un galerien [30]l'est a son boulet, y guettant depuis vingt ans des coquillages pour gagner sa vie, et soutenu dans sa patience par un seul sentiment. Combien d'heures consumees au coin Page 229 d'une greve! Combien d'esperances renversees par un grain, par un changement de temps! il restait suspendu au bord d'une table de granit, le bras tendu comme celui d'un faquir de l'Inde, tandis que son pere, assis sur une [5]escabelle, attendait, dans le silence et les tenebres, le plus grossier des coquillages, et du pain, si le voulait la mer. --Buvez-vous quelquefois du vin? lui demandai-je. --Trois ou quatre fois par an. --Eh bien! vous en boirez aujourd'hui, vous et votre [10]pere, et nous vous enverrons un pain blanc. --Vous etes bien bon, monsieur. --Nous vous donnerons a diner si vous voulez nous conduire par le bord de la mer jusqu'a Batz, ou nous irons voir la tour qui domine le bassin et les cotes entre Batz [15]et le Croisic. --Avec plaisir, nous dit-il. Allez droit devant vous, en suivant le chemin dans lequel vous etes, je vous y retrouverai apres m'etre debarrasse de mes agres et de ma peche. [20]Nous fimes un meme signe de consentement, et il s'elanca joyeusement vers la ville. Cette rencontre nous maintint dans la situation morale ou nous etions, mais elle en avait affaibli la gaiete. --Pauvre homme, me dit Pauline avec cet accent qui [25]ote a la compassion d'une femme ce que la pitie peut avoir de blessant, n'a-t-on pas honte de se trouver heureux en voyant cette misere? --Rien n'est plus cruel que d'avoir des desirs impuissants, lui repondis-je. Ces deux pauvres etres, le pere et [30]le fils, ne sauront pas plus combien ont ete vives nos sympathies que le monde ne sait combien leur vie est belle, car ils amassent des tresors dans le ciel. Page 230 ~-Le pauvre pays! dit-elle en me montrant le long d'un champ environne d'un mur a pierres seches, des bouses de vache appliquees symetriquement. J'ai demande ce que c'etait que cela. Une paysanne, occupee [5]a les coller, m'a repondu qu'elle _faisait du bois_. Imaginez-vous, mon ami, que, quand ces bouses sont sechees, ces pauvres gens les recoltent, les entassent et s'en chauffent. Pendant l'hiver, on les vend comme on vend des mottes de tan. Enfin, que crois-tu que gagne la couturiere [10]la plus cherement payee? Cinq sous par jour, dit-elle apres une pause; mais on la nourrit. --Vois, lui dis-je, les vents de mer dessechent ou renversent tout, il n'y a point d'arbres; les debris des embarcations hors de service se vendent aux riches, car le [15]prix des transports les empeche sans doute de consommer le bois de chauffage dont abonde la Bretagne Ce pays n'est beau que pour les grandes ames; les gens sans coeur n'y vivraient pas; il ne peut etre habite que par des poetes ou par des bernicles. N'a-t-il pas fallu que l'entrepot [20]du sel se placat sur ce rocher pour qu'il fut habite? D'un cote, la mer; ici des sables; en haut, l'espace. Nous avions deja depasse la ville, et nous etions dans l'espece de desert qui separe le Croisic du bourg de Batz. Figurez-vous, mon cher oncle, une lande de deux lieues [25]remplie par le sable luisant qui se trouve au bord de la mer. Ca et la quelques rochers y levaient leurs tetes, et vous eussiez dit des animaux gigantesques couches dans les dunes. Le long de la mer apparaissaient quelques recifs autour desquels se jouait l'eau, en leur donnant [30]l'apparence de grandes roses blanches flottant sur l'etendue liquide et venant se poser sur le rivage. En voyant cette savane terminee par l'Ocean sur la droite, bordee Page 231 sur la gauche par le grand lac que fait l'irruption de la mer entre le Croisic et les hauteurs sablonneuses de Guerande, au bas desquelles se trouvent des marais salants denues de vegetation, je regardai Pauline en lui demandant [5]si elle se sentait le courage d'affronter les ardeurs du soleil et la force de marcher dans le sable. --J'ai des brodequins, allons-y, me dit-elle en me montrant la tour de Batz qui arretait la vue par une construction placee la comme une pyramide, mais une pyramide [10]fuselee, decoupee, une pyramide si poetiquement ornee, qu'elle permettait a l'imagination d'y voir la premiere des ruines d'une grande ville asiatique. Nous fimes quelques pas pour aller nous asseoir sur la portion d'une roche qui se trouvait encore ombree; mais il etait onze [15]heures du matin, et cette ombre, qui cessait a nos pieds, s'effacait avec rapidite. --Combien ce silence est beau, me dit-elle, et comme la profondeur en est etendue par le retour egal du fremissement de la mer sur cette plage. [20]--Si tu veux livrer ton entendement aux trois immensites qui nous entourent, l'eau, l'air et les sables, en ecoutant exclusivement le son repete du flux et du reflux, lui repondis-je, tu n'en supporteras pas le langage, tu croiras y decouvrir une pensee qui t'accablera. Hier, [25]au coucher du soleil, j'ai eu cette sensation; elle m'a brise. --Oh! oui, parlons, dit-elle apres une longue pause. Aucun orateur n'est plus terrible. Je crois decouvrir les causes des harmonies qui nous environnent, reprit-elle. [30]Ce paysage, qui n'a que trois couleurs tranchees, le jaune brillant des sables, l'azur du ciel et le vert uni de la mer, est grand sans etre sauvage, il est immense, sans etre Page 232 desert; il est monotone, sans etre fatigant; il n'a que trois elements, il est varie. --Les femmes seules savent rendre ainsi leurs impressions, repondis-je, tu serais desesperante pour un poete, [5]chere ame que j'ai si bien devinee! --L'excessive chaleur du midi jette a ces trois expressions de l'infini une couleur devorante, reprit Pauline en riant. Je concois ici les poesies et les passions de l'Orient. --Et moi, j'y concois le desespoir. [10]--Oui, dit-elle, cette dune est un cloitre sublime. Nous entendimes le pas presse de notre guide; il s'etait endimanche. Nous lui adressames quelques paroles insignifiantes; il crut voir que nos dispositions d'ame avaient change; et, avec cette reserve que donne le malheur, il [15]garda le silence. Quoique nous nous pressassions de temps en temps la main pour nous avertir de la mutualite de nos idees et de nos impressions, nous marchames pendant une demi-heure en silence, soit que nous fussions accables par la chaleur qui s'elancait en ondees brillantes [20]du milieu des sables, soit que la difficulte de la marche employat notre attention. Nous allions en nous tenant par la main, comme deux enfants; nous n'eussions pas fait douze pas si nous nous etions donne le bras. Le chemin qui mene au bourg de Batz n'etait pas trace; il [25]suffisait d'un coup de vent pour effacer les marques que laissaient les pieds de chevaux ou les jantes de charrette; mais l'oeil exerce de notre guide reconnaissait a quelques fientes de bestiaux, a quelques parcelles de crottin, ce chemin qui tantot descendait vers la mer, tantot remontait [30]vers les terres, au gre des pentes, ou pour tourner des rochers. A midi, nous n'etions qu'a mi-chemin. --Nous nous reposerons la-bas, dis-je en montrant le Page 233 promontoire compose de rochers assez eleves pour faire supposer que nous y trouverions une grotte. En m'entendant, le pecheur, qui avait suivi la direction de mon doigt, hocha la tete, et me dit:--Il y a la quelqu'un. [5]Ceux qui viennent du bourg de Batz au Croisic, ou du Croisic au bourg de Batz, font tous un detour pour n'y point passer. Les paroles de cet homme furent dites a voix basse, et supposaient un mystere. [10]--Est-ce donc un voleur, un assassin? Notre guide ne nous repondit que par une aspiration creusee qui redoubla notre curiosite. --Mais, si nous y passons, nous arrivera-t-il quelque malheur? [15]--Oh! non. --Y passerez-vous avec nous? --Non, monsieur. --Nous irons donc, si vous nous assurez qu'il n'y a nul danger pour nous. [20]--Je ne dis pas cela, repondit vivement le pecheur. Je dis seulement que celui qui s'y trouve ne vous dira rien et ne vous fera aucun mal. Oh! mon Dieu, il ne bougera seulement pas de sa place. --Qui est-ce donc? [25]--Un homme! Jamais deux syllabes ne furent prononcees d'une facon si tragique. En ce moment, nous etions a une vingtaine de pas de ce recif dans lequel se jouait la mer; notre guide prit le chemin qui entourait les rochers; nous continuames [30]droit devant nous; mais Pauline me prit le bras. Notre guide hata le pas, afin de se trouver en meme temp que nous a l'endroit ou les deux chemins se rejoignaient. Page 234 Il supposait sans doute qu'apres avoir vu l'homme, nous irions d'un pas presse. Cette circonstance alluma notre curiosite, qui devint alors si vive, que nos coeurs palpiterent comme si nous eussions eprouve un sentiment de [5]peur. Malgre la chaleur du jour et l'espece de fatigue que nous causait la marche dans les sables, nos ames etaient encore livrees a la mollesse indicible d'une merveilleuse extase; elles etaient pleines de ce plaisir pur qu'on ne saurait peindre qu'en le comparant a celui qu'on ressent [10]en ecoutant quelque delicieuse musique, l'_andiamo mio ben_ de Mozart. Deux sentiments purs qui se confondent, ne sont-ils pas comme deux belles voix qui chantent? Pour pouvoir bien apprecier l'emotion qui vint nous saisir, il faut donc partager l'etat a demi voluptueux dans lequel [15]nous avaient plonges les evenements de cette matinee. Admirez pendant longtemps une tourterelle aux jolies couleurs, posee sur un souple rameau, pres d'une source, vous jetterez un cri de douleur en voyant tomber sur elle un emouchet qui lui enfonce ses griffes d'acier jusqu'au [20]coeur et l'emporte avec la rapidite meurtriere que la poudre communique au boulet. Quand nous eumes fait un pas dans l'espace qui se trouvait devant la grotte, espece d'esplanade situee a cent pieds au-dessus de l'Ocean, et defendue contre ses fureurs par une cascade de rochers [25]abruptes, nous eprouvames un fremissement electrique assez semblable au sursaut que cause un bruit soudain au milieu d'une nuit silencieuse. Nous avions vu, sur un quartier de granit, un homme assis qui nous avait regardes. Son coup d'oeil, semblable a la flamme d'un [30]canon, sortit de deux yeux ensanglantes, et son immobilite stoique ne pouvait se comparer qu'a l'inalterable attitude des piles granitiques qui l'environnaient. Ses Page 235 yeux se remuerent par un mouvement lent, son corps demeura fixe, comme s'il eut ete petrifie; puis, apres nous avoir jete ce regard qui nous frappa violemment, il reporta ses yeux sur l'etendue de l'Ocean, et la contempla [5]malgre la lumiere qui en jaillissait, comme on dit que les aigles contemplent le soleil, sans baisser ses paupieres, qu'il ne releva plus. Cherchez a vous rappeler, mon cher oncle, une de ces vieilles truisses de chene, dont le tronc noueux, ebranche de la veille, s'eleve fantastiquement sur un [10]chemin desert, et vous aurez une image vraie de cet homme. C'etait des formes herculeennes ruinees, un visage de Jupiter Olympien, mais detruit par l'age, par les rudes travaux de la mer, par le chagrin, par une nourriture grossiere, et comme noirci par un eclat de foudre. En voyant [15]ses mains poilues et dures, j'apercus des nerfs qui ressemblaient a des veines de fer. D'ailleurs, tout en lui denotait une constitution vigoureuse. Je remarquai dans un coin de la grotte une assez grande quantite de mousse, et sur une grossiere tablette taillee par le hasard au milieu [20]du granit, un pain rond casse qui couvrait une cruche de gres. Jamais mon imagination, quand elle me reportait vers les deserts ou vecurent les premiers anachoretes de la chretiente, ne m'avait dessine de figure plus grandement religieuse ni plus horriblement repentante que l'etait celle [25]de cet homme. Vous qui avez pratique le confessionnal, mon cher oncle, vous n'avez jamais peut-etre vu un si beau remords, mais ce remords etait noye dans les ondes de la priere, la priere continue d'un muet desespoir. Ce pecheur, ce marin, ce Breton grossier etait sublime par [30]un sentiment inconnu. Mais ces yeux avaient-ils pleure? Cette main de statue ebauchee avait-elle frappe? Ce front rude, empreint de probite farouche, et sur lequel la Page 236 force avait neanmoins laisse 1es vestiges de cette douceur qui est l'apanage de toute force vraie, ce front sillonne de rides, etait-il en harmonie avec un grand coeur? Pourquoi cet homme dans le granit? Pourquoi le granit dans cet [5]homme? Ou etait l'homme, ou etait le granit? Il nous tomba tout un monde de pensees dans la tete. Comme l'avait suppose notre guide, nous passames en silence, promptement, et il nous revit emus de terreur ou saisis d'etonnement, mais il ne s'arma point contre nous de la [10]realite de ses predictions. --Vous l'avez vu? dit-il. --Quel est cet homme? dis-je. --On l'appelle l'_Homme au voeu_. Vous figurez~vous bien a ce mot le mouvement par [15]lequel nos deux tetes se tournerent vers notre pecheur! C'etait un homme simple; il comprit notre muette interrogation, et voici ce qu'il nous dit dans son langage, auquel je tache de conserver son allure populaire. --Madame, ceux du Croisic, comme ceux de Batz, [20]croient que cet homme est coupable de quelque chose, et fait une penitence ordonnee par un fameux recteur auquel il est alle se confesser plus loin que Nantes. D'autres croient que Cambremer, c'est son nom, a une mauvaise chance qu'il communique a qui passe sous son air. Aussi [25]plusieurs, avant de tourner sa roche, regardent-ils d'ou vient le vent! S'il est de galerne, dit-il en nous montrant l'ouest, ils ne continueraient pas leur chemin quand il s'agirait d'aller querir un morceau de la vraie croix; ils retournent, ils ont peur. D'autres, les riches du Croisic, [30]disent que Cambremer a fait un voeu, d'ou son nom l'_Homme au voeu_. Il est la nuit et jour, sans en sortir. Ces dires ont une apparence de raison. Voyez-vous, dit-il Page 237 en se retournant pour nous montrer une chose que nous n'avions pas remarquee, il a plante la, a gauche, une croix de bois pour annoncer qu'il s'est mis sous la protection de Dieu, de la sainte Vierge et des saints. Il ne se [5]serait pas sacre comme ca, que la frayeur qu'il donne au monde fait qu'il est la en surete comme s'il etait garde par de la troupe. Il n'a pas dit un mot depuis qu'il s'est enferme en plein air; il se nourrit de pain et d'eau que lui apporte tous les matins la fille de son frere, une petite [10]tronquette de douze ans, a laquelle il a laisse ses biens, et qu'est une jolie creature douce comme un agneau, une bien mignonne fille, bien plaisante. Elle vous a, dit-il en montrant son pouce, des yeux bleus _longs comme ca_, sous une chevelure de cherubin. Quand on lui demande: "Dis [15]donc, Perotte?... (Ca veut dire chez nous Pierrette, fit-il en s'interrompant; elle est vouee a saint Pierre; Cambremer s'appelle Pierre, il a ete son parrain). Dis donc, Perotte, reprit-il que qui te dit ton oncle?--Il ne me dit rin, qu'elle repond, rin du tout, rin.--Eh bien! que qu'il te [20]fait?--Il m'embrasse au front le dimanche.--Tu n'en as pas peur?--Ah ben! qu'a dit, il est mon parrain. Il n'a pas voulu d'autre personne pour lui apporter a manger." Perotte pretend qu'il sourit quand elle vient, mais autant dire un rayon de soleil dans la brouine, car on dit [25]qu'il est nuageux comme un brouillard. --Mais, lui dis-je, vous excitez notre curiosite sans la satisfaire. Savez-vous ce qui l'a conduit la? Est-ce le chagrin? est-ce le repentir? est-ce une manie? est-ce un crime? est-ce... [30]--Eh, monsieur, il n'y a guere que mon pere et moi qui sachions la verite de la chose. Defunt ma mere servait un homme de justice a qui Cambremer a tout dit par ordre Page 238 du pretre qui ne lui a donne l'absolution qu'a cette condition-la, a entendre les gens du port. Ma pauvre mere a entendu Cambremer sans le vouloir, parce que la cuisine du justicier etait a cote de sa salle; elle a ecoute! [5]Elle est morte; le juge qu'a ecoute est defunt aussi. Ma mere nous a fait promettre, a mon pere et a moi, de n'en rin afferer aux gens du pays; mais je puis vous dire a vous que le soir ou ma mere nous a raconte ca, les cheveux me gresillaient dans la tete. [10]--Eh bien, dis-nous ca, mon garcon, nous n'en parlerons a personne. Le pecheur nous regarda, et continua ainsi:--Pierre Cambremer, que vous avez vu la, est l'aine des Cambremer, qui de pere en fils sont marins; leur nom le dit, la mer a [15]toujours plie sous eux. Celui que vous avez vu s'etait fait pecheur a bateaux. Il avait donc des barques, allait pecher la sardine, il pechait aussi le haut poisson, pour les marchands. Il aurait arme un batiment et peche la morue, s'il n'avait pas tant aime sa femme, qui etait une [20]belle femme, une Brouin de Guerande, une fille superbe, et qui avait bon coeur. Elle aimait tant Cambremer, qu'elle n'a jamais voulu que son homme la quittat plus du temps necessaire a la peche aux sardines. Ils demeuraient la-bas, tenez! dit le pecheur en montant sur une [25]eminence pour nous montrer un ilot dans la petite mediterranee qui se trouve entre les dunes ou nous marchions et les marais salants de Guerande, voyez~vous cette maison? Elle etait a lui. Jacquette Brouin et Cambremer n'ont eu qu'un enfant, un garcon qu'ils ont aime... comme [30]quoi dirai-je? dame! comme on aime un enfant unique; ils en etaient fous. Leur petit Jacques aurait fait, sous votre respect, dans la marmite qu'ils auraient trouve que Page 239 c'etait du sucre. Combien donc que nous les avons vus de fois, a la fore, acheter les plus belles breloques pour lui! C'etait de la deraison, tout le monde le leur disait. Le petit Cambremer, voyant que tout lui etait permis, est [5]devenu mechant comme un ane rouge. Quand on venait dire au pere Cambremer:--"Votre fils a manque tuer le petit un tel!" il riait et disait:--"Bah! ce sera un fier marin! il commandera les flottes du roi." Un autre:--"Pierre Cambremer, savez-vous que votre gars a creve [10]l'oeil de la petite Pougaud?--Il aimera les filles!" disait Pierre. Il trouvait tout bon. Alors mon petit matin, a dix ans, battait tout le monde et s'amusait a couper le cou aux poules, il eventrait les cochons, enfin il se roulait dans le sang comme une fouine.--"Ce sera un fameux soldat! [15]disait Cambremer, il a gout au sang." Voyez-vous, moi, je me suis souvenu de tout ca, dit le pecheur. Et Cambremer aussi, ajouta-t-il apres une pause. A quinze ou seize ans, Jacques Cambremer etait... quoi? un requin. Il allait s'amuser a Guerande, ou faire le joli coeur a [20]Savenay. Fallait des especes. Alors il se mit a voler sa mere, qui n'osait en rien dire a son mari. Cambremer etait un homme probe a faire vingt lieues pour rendre a quelqu'un deux sous qu'on lui aurait donne de trop dans un compte. Enfin, un jour la mere fut depouillee de tout. [25]Pendant une peche de son pere, le fils emporta le buffet, la mette, les draps, le linge, ne laissa que les quatre murs, il avait tout vendu pour aller faire ses frigousses a Nantes. La pauvre femme en a pleure pendant des jours et des nuits. Fallait dire ca au pere a son retour, elle craignait [30]le pere, pas pour elle, allez! Quand Pierre Cambremer revint, qu'il vit sa maison garnie des meubles que l'on avait pretes a sa femme, il dit:--Qu'est-ce que c'est que Page 240 ca? La pauvre femme etait plus morte que vive, elle dit: --Nous avons ete voles.--Ou donc est Jacques? Jacques, il est en riole! Personne ne savait ou le drole etait alle.--Il s'amuse trop! dit Pierre. Six mois apres, le [5]pauvre pere sut que son fils allait etre pris par la justice a Nantes. Il fait la route a pied, y va plus vite que par mer, met la main sur son fils et l'amene ici. Il ne lui demande pas:--Qu'as-tu fait? Il lui dit:--Si tu ne te tiens pas sage pendant deux ans ici avec ta mere et avec moi, allant a [10]la peche et te conduisant comme un honnete homme, tu auras affaire a moi. L'enrage, comptant sur la betise de ses pere et mere, lui a fait grimace. Pierre, la-dessus, lui flanque une mornifle qui vous a mis Jacques au lit pour six mois. La pauvre mere se mourait de chagrin. Un [15]soir, elle dormait paisiblement a cote de son mari, elle entend du bruit, se leve, elle recoit un coup de couteau dans le bras. Elle crie, on cherche de la lumiere. Pierre Cambremer voit sa femme blessee; il croit que c'est un voleur, comme s'il y en avait dans notre pays, ou l'on [20]peut porter sans crainte dix mille francs en or, du Croisic a Saint-Nazaire, sans avoir a s'entendre demander ce qu'on a sous le bras. Pierre cherche Jacques, il ne trouve point son fils. Le matin, ce monstre-la n'avait-il pas eu le front de revenir en disant qu'il etait alle a Batz. Faut [25]vous dire que sa mere ne savait ou cacher son argent. Cambremer, lui, mettait le sien chez monsieur Dupotet du Croisic. Les folies de leur fils leur avaient mange des cent ecus, des cent francs, des louis d'or, ils etaient quasiment ruines, et c'etait dur pour des gens qui avaient aux [30]environs de douze mille livres, compris leur ilot. Personne ne sait ce que Cambremer a donne a Nantes pour ravoir son fils. Le guignon ravageait la famille. Il etait Page 241 arrive des malheurs au frere de Cambremer, qui avait besoin de secours. Pierre lui disait pour le consoler que Jacques et Perotte (la fille au cadet Cambremer) se marieraient. Puis, pour lui faire gagner son pain, il l'employait [5]a la peche; car Joseph Cambremer en etait reduit a vivre de son travail. Sa femme avait peri de la fievre, il fallait payer les mois de nourrice de Perotte. La femme de Pierre Cambremer devait une somme de cent francs a diverses personnes pour cette petite, du linge, des hardes, [10]et deux ou trois mois a la grande Frelu qu'avait un enfant de Simon Gaudry et qui nourrissait Perotte. La Cambremer avait cousu une piece d'Espagne dans la laine de son matelas, en mettant dessus: A Perotte. Elle avait recu beaucoup d'education, elle ecrivait comme un greffier, [15]et avait appris a lire a son fils, c'est ce qui l'a perdu. Personne n'a su comment ca s'est fait, mais ce gredin de Jacques avait flaire l'or, l'avait pris et etait alle riboter au Croisic. Le bonhomme Cambremer, par un fait expres, revenait avec sa barque chez lui. En abordant il voit [20]flotter un bout de papier, le prend, l'apporte a sa femme qui tombe a la renverse en reconnaissant ses propres paroles ecrites. Cambremer ne dit rien, va au Croisic, apprend la que son fils est au billard; pour lors, il fait demander la bonne femme qui tient le cafe, et lui dit: [25]--J'avais dit a Jacques de ne pas se servir d'une piece d'or avec quoi il vous payera; rendez-la-moi, j'attendrai sur la porte, et vous donnerai de l'argent blanc pour. La bonne femme lui apporta la piece. Cambremer la prend en disant: --Bon! et revint chez lui. Toute la ville a su [30]cela. Mais voila ce que je sais et ce dont les autres ne font que de se douter en gros. Il dit a sa femme d'approprier leur chambre qu'est en bas; il fait du feu dans la Page 242 cheminee, allume deux chandelles, place deux chaises d'un cote de l'atre, et met de l'autre cote un escabeau. Puis dit a sa femme de lui appreter ses habits de noces, en lui commandant de pouiller les siens. Il s'habille. Quand [5]il est vetu, il va chercher son frere, et lui dit de faire le guet devant la maison pour l'avertir s'il entendait du bruit sur les deux greves, celle-ci et celle des marais de Guerande. Il rentre quand il juge que sa femme est habillee, il charge un fusil et le cache dans le coin de la [10]cheminee. Voila Jacques qui revient; il revient tard; il avait bu et joue jusqu'a dix heures; il s'etait fait passer a la pointe de Camouf. Son oncle l'entend heler, va le chercher sur la greve des marais, et le passe sans rien dire. Quand il entre, son pere lui dit:--Assieds-toi la, en lui [15]montrant l'escabeau. Tu es, dit-il, devant ton pere et ta mere que tu as offenses, et qui ont a te juger. Jacques se mit a beugler, parce que la figure de Cambremer etait tortillee d'une singuliere maniere. La mere etait raide comme une rame.--Si tu cries, si tu bouges, si tu ne te [20]tiens pas comme un mat sur ton escabeau, dit Pierre en l'ajustant avec son fusil, je te tue comme un chien. Le fils devint muet comme un poisson; la mere n'a rien dit. --Voila, dit Pierre a son fils, un papier qui enveloppait une piece d'or espagnole; la piece d'or etait dans le lit de [25]ta mere; ta mere seule savait l'endroit ou elle l'avait mise; j'ai trouve le papier sur l'eau en abordant ici; tu viens de donner ce soir cette piece d'or espagnole a la mere Fleurant, et ta mere n'a plus vu sa piece dans son lit. Explique-toi. Jacques dit qu'il n'avait pas pris la piece de sa mere, [30]et que cette piece lui etait restee de Nantes.--Tant mieux, dit Pierre. Comment peux-tu nous prouver cela?--Je l'avais.--Tu n'as pas pris celle de ta mere--Non.-- Page 243 Peux-tu le jurer sur ta vie eternelle? Il allait le jurer; sa mere leva les yeux sur lui et lui dit:--Jacques, mon enfant, prends garde, ne jure pas si ce n'est vrai; tu peux t'amender, te repentir; il est temps encore. Et elle pleura. [5]--Vous etes une ci et une ca, lui dit-il, qu'avez toujours voulu ma perte. Cambremer palit et dit:--Ce que tu viens de dire a ta mere grossira ton compte. Allons au fait! Jures-tu?--Oui.--Tiens, dit-il, y avait-il sur ta piece cette croix que le marchand de sardines qui me l'a donnee [10]avait faite sur la notre? Jacques se degrisa et pleura. Assez cause, dit Pierre. Je ne te parle pas de ce que tu as fait avant cela, je ne veux pas qu'un Cambremer soit fait mourir sur la place du Croisic. Fais tes prieres, et depechons-nous! Il va venir un pretre pour te confesser. La [15]mere etait sortie, pour ne pas entendre condamner son fils. Quand elle fut dehors, Cambremer l'oncle vint avec le recteur de Piriac, auquel Jacques ne voulut rien dire. Il etait malin, il connaissait assez son pere pour savoir qu'il ne le tuerait pas sans confession.--Merci, excusez-nous, [20]monsieur, dit Cambremer au pretre, quand il vit l'obstination de Jacques. Je voulais donner une lecon a mon fils et vous prier de n'en rien dire.--Toi, dit-il a Jacques, si tu ne t'amendes pas, la premiere fois ce sera pour de bon, et j'en finirai sans confession. Il l'envoya se [25]coucher. L'enfant crut cela et s'imagina qu'il pourrait se remettre avec son pere. Il dormit. Le pere veilla. Quand il vit son fils au fin fond de son sommeil, il lui couvrit la bouche avec du chanvre, la lui banda avec un chiffon de voile bien serre; puis il lui lia les mains et les pieds. Il [30]rageait, il pleurait du sang, disait Cambremer au justicier. Que voulez-vous! la mere se jeta aux pieds du pere.--Il est juge, dit-il, tu vas m'aider a le mettre dans la barque. Page 244 Elle s'y refusa. Cambremer l'y mit tout seul, l'y assujettit au fond, lui mit une pierre au cou, sortit du bassin, gagna la mer, et vint a la hauteur de la roche ou il est. Pour lors, la pauvre mere, qui s'etait fait passer ici par son [5]beau-frere, eut beau crier _Grace!_ ca servit comme une pierre a un loup. Il y avait de la lune, elle a vu le pere jetant a la mer son fils qui lui tenait encore aux entrailles, et comme il n'y avait pas d'air elle a entendu blouf! puis rin, ni trace, ni bouillon; la mer est d'une fameuse garde, [10]allez! En abordant la pour faire taire sa femme qui gemissait, Cambremer la trouva quasi morte; il fut impossible aux deux freres de la porter, il a fallu la mettre dans la barque qui venait de servir au fils, et ils l'ont ramenee chez elle en faisant le tour par la passe du Croisic. Ah! [15]ben, la belle Brouin, comme on l'appelait, n'a pas dure huit jours; elle est morte en demandant a son mari de bruler la damnee barque. Oh! il l'a fait. Lui, il est devenu tout chose, il savait plus ce qu'il voulait; il fringalait en marchant comme un homme qui ne peut pas porter le vin. [20]Puis, il a fait un voyage de dix jours et est revenu se mettre ou vous l'avez vu, et, depuis qu'il y est, il n'a pas dit une parole. Le pecheur ne mit qu'un moment a nous raconter cette histoire et nous la dit plus simplement encore que je ne [25]l'ecris. Les gens du peuple font peu de reflexions en contant, ils accusent le fait qui les a frappes, et le traduisent comme ils le sentent. Ce recit fut aussi aigrement incisif que l'est un coup de hache. --Je n'irai pas a Batz, dit Pauline en arrivant au contour [30]superieur du lac. Nous revinmes au Croisic par les marais salants, dans le dedale desquels nous conduisit le pecheur, devenu comme nous silencieux. La disposition Page 245 de nos ames etait changee. Nous etions tous deux plonges en de funestes reflexions, attristes par ce drame qui expliquait le rapide pressentiment que nous en avions eu a l'aspect de Cambremer. Nous avions l'un et l'autre assez [5]de connaissance du monde pour deviner de cette triple vie tout ce que nous en avait tu notre guide. Les malheurs de ces trois etres se reproduisaient devant nous comme si nous les avions vus dans les tableaux d'un drame que ce pere couronnait en expiant son crime necessaire. Nous [10]n'osions regarder la roche ou etait l'homme fatal qui faisait peur a toute une contree. Quelques nuages embrumaient le ciel; des vapeurs s'elevaient a l'horizon, nous marchions au milieu de la nature la plus acrement sombre que j'aie jamais rencontree. Nous foulions une nature qui [15]semblait souffrante, maladive, des marais salants, qu'on peut a bon droit nommer les ecrouelles de la terre. La, le sol est divise en carres inegaux de forme, tous encaisses par d'enormes talus de terre grise, tous pleins d'une eau saumatre, a la surface de laquelle arrive le sel. Ces [20]ravins, faits a main d'homme, sont interieurement partages en plates-bandes, le long desquelles marchent des ouvriers armes de longs rateaux, a l'aide desquels ils ecrement cette saumure, et amenent sur des plates-formes rondes pratiquees de distance en distance ce sel quand il [25]est bon a mettre en mulons. Nous cotoyames pendant deux heures ce triste damier, ou le sel etouffe par son abondance la vegetation, et ou nous n'apercevions de loin en loin que quelques paludiers, nom donne a ceux qui cultivent le sel. Ces hommes, ou plutot ce clan de Bretons [30]porte un costume special, une jaquette blanche assez semblable a celle des brasseurs. Ils se marient entre eux. Il n'y a pas d'exemple qu'une fille de cette tribu ait epouse Page 246 un autre homme qu'un paludier. L'horrible aspect de ces marecages, dont la boue etait symetriquement ratissee, et cette terre grise dont a horreur la Flore bretonne, s'harmonisaient avec le deuil de notre ame. Quand nous [5]arrivames a l'endroit ou l'on passe le bras de mer forme par l'irruption des eaux dans ce fond, et qui sert sans doute a alimenter les marais salants, nous apercumes avec plaisir les maigres vegetations qui garnissent les sables de la plage. Dans la traversee, nous apercumes au milieu [10]du lac l'ile ou demeurent les Cambremer; nous detournames la tete. En arrivant a notre hotel, nous remarquames un billard dans une salle basse, et quand nous apprimes que c'etait le seul billard public qu'il y eut au Croisic, nous fimes nos [15]apprets de depart pendant la nuit; le lendemain, nous etions a Guerande. Pauline etait encore triste, et moi je ressentais deja les approches de cette flamme qui me brule le cerveau. J'etais si cruellement tourmente par les visions que j'avais de ces trois existences, qu'elle me dit: [20]--Louis, ecris cela, tu donneras le change a la nature de cette fievre. Je vous ai donc ecrit cette aventure, mon cher oncle; mais elle m'a deja fait perdre le calme que je devais a mes bains et a notre sejour ici. Page 247 MUSSET CROISILLES I Au commencement du regne de Louis XV, un jeune homme nomme Croisilles, fils d'un orfevre, revenait de Paris au Havre, sa ville natale. Il avait ete charge par son pere d'une affaire de commerce, et cette affaire s'etait [5]terminee a son gre. La joie d'apporter une bonne nouvelle le faisait marcher plus gaiement et plus lestement que de coutume; car, bien qu'il eut dans ses poches une somme d'argent assez considerable, il voyageait a pied pour son plaisir. C'etait un garcon de bonne humeur, et qui ne manquait [10]pas d'esprit, mais tellement distrait et etourdi, qu'on le regardait comme un peu fou. Son gilet boutonne de travers, sa perruque au vent, son chapeau sous le bras, il suivait les rives de la Seine, tantot revant, tantot chantant, leve des le matin, soupant au cabaret, et charme de [15]traverser ainsi l'une des plus belles contrees de la France. Tout en devastant, au passage, les pommiers de la Normandie, il cherchait des rimes dans sa tete (car tout etourdi est un peu poete), et il essayait de faire un madrigal pour une belle demoiselle de son pays; ce n'etait pas moins que [20]la fille d'un fermier general, mademoiselle Godeau, la perle du Havre, riche heritiere fort courtisee. Croisilles n'etait point recu chez M. Godeau autrement que par hasard, c'est-a-dire qu'il y avait porte quelquefois des bijoux achetes chez son pere. M. Godeau, dont le nom, Page 248 tant soit peu commun, soutenait mal une immense fortune, se vengeait par sa morgue du tort de sa naissance, et se montrait, en toute occasion, enormement et impitoyablement riche. Il n'etait donc pas homme a laisser entrer [5]dans son salon le fils d'un orfevre; mais, comme mademoiselle Godeau avait les plus beaux yeux du monde, que Croisilles n'etait pas mal tourne, et que rien n'empeche un joli garcon de devenir amoureux d'une belle fille, Croisilles adorait mademoiselle Godeau, qui n'en paraissait [10]pas fachee. Il pensait donc a elle tout en regagnant le Havre, et, comme il n'avait jamais reflechi a rien, au lieu de songer aux obstacles invincibles qui le separaient de sa bien-aimee, il ne s'occupait que de trouver une rime au nom de bapteme qu'elle portait. Mademoiselle Godeau [15]s'appelait Julie, et la rime etait aisee a trouver. Croisilles, arrive a Honfleur, s'embarqua le coeur satisfait, son argent et son madrigal en poche, et, des qu'il eut touche le rivage il courut a la maison paternelle. Il trouva la boutique fermee; il y frappa a plusieurs reprises, [20]non sans etonnement ni sans crainte, car ce n'etait point un jour de fete; personne ne venait. Il appela son pere, mais en vain. Il entra chez un voisin pour demander ce qui etait arrive; au lieu de lui repondre, le voisin detourna la tete, comme ne voulant pas le reconnaitre. [25]Croisilles repeta ses questions; il apprit que son pere, depuis longtemps gene dans ses affaires, venait de faire faillite, et s'etait enfui en Amerique, abandonnant a ses creanciers tout ce qu'il possedait. Avant de sentir tout son malheur, Croisilles fut d'abord [30]frappe de l'idee qu'il ne reverrait peut-etre jamais son pere. Il lui paraissait impossible de se trouver ainsi abandonne tout a coup; il voulut a toute force entrer dans la Page 249 boutique, mais on lui fit entendre que les scelles etaient mis, il s'assit sur une borne, et, se livrant a sa douleur, il se mit a pleurer a chaudes larmes, sourd aux consolations de ceux qui l'entouraient, ne pouvant cesser d'appeler son [5]pere, quoiqu'il le sut deja bien loin; enfin il se leva, honteux de voir la foule s'attrouper autour de lui, et, dans le plus profond desespoir, il se dirigea vers le port. Arrive sur la jetee, il marcha devant lui comme un homme egare qui ne sait plus ou il va ni que devenir. Il [10]se voyait perdu sans ressources, n'ayant plus d'asile, aucun moyen de salut, et, bien entendu, plus d'amis. Seul, errant au bord de la mer, il fut tente de mourir en s'y precipitant. Au moment ou, cedant a cette pensee, il s'avancait vers un rempart eleve, un vieux domestique, nomme Jean, [15]qui servait sa famille depuis nombre d'annees, s'approcha de lui. --Ah! mon pauvre Jean! s'ecria-t-il, tu sais ce qui s'est passe depuis mon depart. Est-il possible que mon pere nous quitte sans avertissement, sans adieu? [20]--Il est parti, repondit Jean, mais non pas sans vous dire adieu. En meme temps il tira de sa poche une lettre qu'il donna a son jeune maitre. Croisilles reconnut l'ecriture de son pere, et, avant d'ouvrir la lettre, il la baisa avec transport; [25]mais elle ne renfermait que quelques mots. Au lieu de sentir sa peine adoucie, le jeune homme la trouva confirmee. Honnete jusque-la et connu pour tel, ruine par un malheur imprevu (la banqueroute d'un associe), le vieil orfevre n'avait laisse a son fils que quelques paroles [30]banales de consolation, et nul espoir, sinon cet espoir vague, sans but ni raison, le dernier bien, dit-on, qui se Perde. Page 250 --Jean, mon ami, tu m'as berce, dit Croisilles apres avoir lu la lettre, et tu es certainement aujourd'hui le seul etre qui puisse m'aimer un peu; c'est une chose qui m'est bien douce, mais qui est facheuse pour toi; car, aussi vrai [5]que mon pere s'est embarque la, je vais me jeter dans cette mer qui le porte, non pas devant toi ni tout de suite, mais un jour ou l'autre, car je suis perdu. --Que voulez~vous y faire? repliqua Jean, n'ayant point l'air d'avoir entendu, mais retenant Croisilles par le pan de [10]son habit; que voulez~vous y faire, mon cher maitre? Votre pere a ete trompe; il attendait de l'argent qui n'est pas venu, et ce n'etait pas peu de chose. Pouvait-il rester ici? Je l'ai vu, monsieur, gagner sa fortune depuis trente ans que je le sers; je l'ai vu travailler, faire son commerce, et [15]les ecus arriver un a un chez vous. C'est un honnete homme, et habile; on a cruellement abuse de lui. Ces jours derniers, j'etais encore la, et comme les ecus etaient arrives, je les ai vus partir du logis. Votre pere a paye tout ce qu'il a pu pendant une journee entiere; et, lorsque son secretaire [20]a ete vide, il n'a pu s'empecher de me dire, en me montrant un tiroir ou il ne restait que six francs: "Il y avait ici cent mille francs ce matin!" Ce n'est pas la une banqueroute, monsieur, ce n'est point une chose qui deshonore! --Je ne doute pas plus de la probite de mon pere, [25]repondit Croisilles, que de son malheur. Je ne doute pas non plus de son affection; mais j'aurais voulu l'embrasser, car que veux-tu que je devienne? Je ne suis point fait a la misere, je n'ai pas l'esprit necessaire pour recommencer ma fortune. Et quand je l'aurais? mon pere est parti. [30]S'il a mis trente ans a s'enrichir, combien m'en faudra-t-il pour reparer ce coup? Bien davantage. Et vivra-t-il alors? Non sans doute; il mourra la-bas, et je ne puis pas Page 251 meme l'y aller trouver; je ne puis le rejoindre qu'en mourant aussi. Tout desole qu'etait Croisilles, il avait beaucoup de religion. Quoique son desespoir lui fit desirer la mort, il [5]hesitait a se la donner. Des les premiers mots de cet entretien, il s'etait appuye sur le bras de Jean, et tous deux retournaient vers la ville. Lorsqu'ils furent entres dans les rues, et lorsque la mer ne fut plus si proche: --Mais, monsieur, dit encore Jean, il me semble qu'un [10]homme de bien a le droit de vivre, et qu'un malheur ne prouve rien. Puisque votre pere ne s'est pas tue, Dieu merci, comment pouvez-vous songer a mourir? Puisqu'il n'y a point de deshonneur, et toute la ville le sait, que penserait-on de vous? Que vous n'avez pu supporter la [15]pauvrete. Ce ne serait ni brave ni chretien; car, au fond, qu'est-ce qui vous effraye? Il y a des gens qui naissent pauvres, et qui n'ont jamais eu ni pere ni mere. Je sais bien que tout le monde ne se ressemble pas, mais enfin il n'y a rien d'impossible a Dieu. Qu'est-ce que vous feriez [20]en pareil cas? Votre pere n'etait pas ne riche, tant s'en faut, sans vous offenser, et c'est peut-etre ce qui le console. Si vous aviez ete ici depuis un mois, cela vous aurait donne du courage. Oui, monsieur, on peut se ruiner, personne n'est a l'abri d'une banqueroute; mais votre pere, [25]j'ose le dire, a ete un homme, quoiqu'il soit parti un peu vite. Mais que voulez-vous? on ne trouve pas tous les jours un batiment pour l'Amerique. Je l'ai accompagne jusque sur le port, et si vous aviez vu sa tristesse! comme il m'a recommande d'avoir soin de vous, de lui donner de [30]vos nouvelles!... Monsieur, c'est une vilaine idee que vous avez de jeter le manche apres la cognee. Chacun a son temps d'epreuve ici-bas, et j'ai ete soldat avant d'etre Page 252 domestique. J'ai rudement souffert, mais j'etais jeune; j'avais votre age, monsieur, a cette epoque-la, et il me semblait que la Providence ne peut pas dire son dernier mot a un homme de vingt-cinq ans. Pourquoi voulez-vous [5]empecher le bon Dieu de reparer le mal qu'il vous fait? Laissez-lui le temps, et tout s'arrangera. S'il m'etait permis de vous conseiller, vous attendriez seulement deux ou trois ans, et je gagerais que vous vous en trouveriez bien. Il y a toujours moyen de s'en aller de ce monde. [10]Pourquoi voulez-vous profiter d'un mauvais moment? Pendant que Jean s'evertuait a persuader son maitre, celui-ci marchait en silence, et, comme font souvent ceux qui souffrent, il regardait de cote et d'autre, comme pour chercher quelque chose qui put le rattacher a la vie. Le [15]hasard fit que, sur ces entrefaites, mademoiselle Godeau, la fille du fermier general, vint a passer avec sa gouvernante. L'hotel qu'elle habitait n'etait pas eloigne de la; Croisilles la vit entrer chez elle. Cette rencontre produisit sur lui plus d'effet que tous les raisonnements du monde. [20]J'ai dit qu'il etait un peu fou, et qu'il cedait presque toujours a un premier mouvement. Sans hesiter plus long-temps et sans s'expliquer, il quitta le bras de son vieux domestique, et alla frapper a la porte de M. Godeau. II Quand on se represente aujourd'hui ce qu'on appelait [25]jadis un financier, on imagine un ventre enorme, de courtes jambes, une immense perruque, une large face a triple menton, et ce n'est pas sans raison qu'on s'est habitue a se figurer ainsi ce personnage. Tout le monde sait a quels abus ont donne lieu les fermes royales, et il semble qu'il Page 253 y ait une loi de nature qui rende plus gras que le reste des hommes ceux qui s'engraissent non-seulement de leur propre oisivete, mais encore du travail des autres. M. Godeau, parmi les financiers, etait des plus classiques qu'on [5]put voir, c'est-a-dire des plus gros; pour l'instant il avait la goutte, chose fort a la mode en ce temps-la, comme l'est a present la migraine. Couche sur une chaise longue, les yeux a demi fermes, il se dorlotait au fond d'un boudoir. Les panneaux de glaces qui l'environnaient repetaient majestueusement de toutes parts son enorme personne; [10]des sacs pleins d'or couvraient sa table; autour de lui, les meubles, les lambris, les portes, les serrures, la cheminee, le plafond, etaient dores; son habit l'etait; je ne sais si sa cervelle ne l'etait pas aussi. Il calculait les suites d'une [15]petite affaire qui ne pouvait manquer de lui rapporter quelques milliers de louis; il daignait en sourire tout seul, lorsqu'on lui annonca Croisilles, qui entra d'un air humble mais resolu, et dans tout le desordre qu'on peut supposer d'un homme qui a grande envie de se noyer. M. Godeau [20]fut un peu surpris de cette visite inattendue; il crut que sa fille avait fait quelque emplette; il fut confirme dans cette pensee en la voyant paraitre presque en meme temps que le jeune homme. Il fit signe a Croisilles, non pas de s'asseoir, mais de parler. La demoiselle prit place sur un [25]sofa, et Croisilles, reste debout, s'exprima a peu pres en ces termes: --Monsieur, mon pere vient de faire faillite. La banqueroute d'un associe l'a force a suspendre ses payements, et, ne pouvant assister a sa propre honte, il s'est enfui en [30]Amerique, apres avoir donne a ses creanciers jusqu'a son dernier sou. J'etais absent lorsque cela s'est passe; j'arrive, et il y a deux heures que je sais cet evenement. Je Page 254 suis absolument sans ressources et determine a mourir. Il est tres-probable qu'en sortant de chez vous je vais me jeter a l'eau. Je l'aurais deja fait, selon toute apparence, si le hasard ne m'avait fait rencontrer mademoiselle votre [5]fille tout a l'heure. Je l'aime, monsieur, du plus profond de mon coeur; il y a deux ans que je suis amoureux d'elle, et je me suis tu jusqu'ici a cause du respect que je lui dois; mais aujourd'hui, en vous le declarant, je remplis un devoir indispensable, et je croirais offenser Dieu si, avant de [10]me donner la mort, je ne venais pas vous demander si vous voulez, que j'epouse mademoiselle Julie. Je n'ai pas la moindre esperance que vous m'accordiez cette demande, mais je dois neanmoins vous la faire; car je suis bon chretien, monsieur, et lorsqu'un bon chretien se voit arrive a [15]un tel degre de malheur, qu'il ne lui soit plus possible de souffrir la vie, il doit du moins, pour attenuer son crime, epuiser toutes les chances qui lui restent avant de prendre un dernier parti. Au commencement de ce discours, M. Godeau avait [20]suppose qu'on venait lui emprunter de l'argent, et il avait jete prudemment son mouchoir sur les sacs places aupres de lui, preparant d'avance un refus poli, car il avait toujours eu de la bienveillance pour le pere de Croisilles. Mais quand il eut ecoute jusqu'au bout, et qu'il eut compris de [25]quoi il s'agissait, il ne douta pas que le pauvre garcon ne fut devenu completement fou. Il eut d'abord quelque envie de sonner et de le faire mettre a la porte; mais il lui trouva une apparence si ferme, un visage si determine, qu'il eut pitie d'une demence si tranquille. Il se contenta [30]de dire a sa fille de se retirer, afin de ne pas l'exposer plus longtemps a entendre de pareilles inconvenances. Pendant que Croisilles avait parle, mademoiselle Page 255 Godeau etait devenue rouge comme une peche au mois d'aout. Sur l'ordre de son pere, elle se retira. Le jeune homme lui fit un profond salut dont elle ne sembla pas s'apercevoir. Demeure seul avec Croisilles, M. Godeau toussa, se souleva, [5]se laissa retomber sur ses coussins, et s'efforcant de prendre un air paternel: --Mon garcon, dit-il, je veux bien croire que tu ne te moques pas de moi et que tu as reellement perdu la tete. Non-seulement j'excuse ta demarche, mais je consens a [10]ne point t'en punir. Je suis fache que ton pauvre diable de pere ait fait banqueroute et qu'il ait decampe; c'est fort triste, et je comprends assez que cela t'ait tourne la cervelle. Je veux faire quelque chose pour toi; prends un pliant et assieds-toi la. [15]--C'est inutile, monsieur, repondit Croisilles; du moment que vous me refusez, je n'ai plus qu'a prendre conge de vous. Je vous souhaite toutes sortes de prosperites. --Et ou t'en vas-tu? --Ecrire a mon pere et lui dire adieu. [20]--Eh, que diantre! on jurerait que tu dis vrai; tu vas te noyer, ou le diable m'emporte. --Oui, monsieur; du moins je le crois, si le courage ne m'abandonne pas. --La belle avance! fi donc! quelle niaiserie! Assieds-toi, [25]te dis-je, et ecoute-moi. M. Godeau venait de faire une reflexion fort juste, c'est qu'il n'est jamais agreable qu'on dise qu'un homme, quel qu'il soit, s'est jete a l'eau en nous quittant. Il toussa donc de nouveau, prit sa tabatiere, jeta un regard distrait [30]sur son jabot, et continua. --Tu n'es qu'un sot, un fou, un enfant, c'est clair, tu ne sais ce que tu dis. Tu es ruine, voila ton affaire. Mais, Page 256 mon cher ami, tout cela ne suffit pas; il faut reflechir aux choses de ce monde. Si tu venais me demander... je ne sais quoi, un bon conseil, eh bien! passe; mais qu'est-ce que tu veux? tu es amoureux de ma fille? [5]--Oui, monsieur, et je vous repete que je suis bien eloigne de supposer que vous puissiez me la donner pour femme; mais comme il n'y a que cela au monde qui pourrait m'empecher de mourir, si vous croyez en Dieu, comme je n'en doute pas, vous comprendrez la raison qui [10]m'amene. --Que je croie en Dieu ou non, cela ne te regarde pas, je n'entends pas qu'on m'interroge; reponds d'abord: Ou as-tu vu ma fille? --Dans la boutique de mon pere et dans cette maison, [15]lorsque j'y ai apporte des bijoux pour mademoiselle Julie. --Qui est-ce qui t'a dit qu'elle s'appelle Julie? On ne s'y reconnait plus, Dieu me pardonne! Mais, qu'elle s'appelle Julie ou Javotte, sais-tu ce qu'il faut, avant tout, [20]pour oser pretendre a la main de la fille d'un fermier general? --Non, je l'ignore absolument, a moins que ce ne soit. d'etre aussi riche qu'elle. --Il faut autre chose, mon cher, il faut un nom. [25]--Eh bien! je m'appelle Croisilles. --Tu t'appelles Croisilles, malheureux! Est-ce un nom que Croisilles? --Ma foi, monsieur, en mon ame et conscience, c'est un aussi beau nom que Godeau. [30]--Tu es un impertinent, et tu me le payeras. --Eh, mon Dieu! monsieur, ne vous fachez pas; je n'ai pas la moindre envie de vous offenser. Si vous voyez la Page 257 quelque chose qui vous blesse, et si vous voulez m'en punir, vous n'avez que faire de vous mettre en colere: en sortant d'ici, je vais me noyer. Bien que M. Godeau se fut promis de renvoyer Croisilles [5]le plus doucement possible, afin d'eviter tout scandale, sa prudence ne pouvait resister a l'impatience de l'orgueil offense; l'entretien auquel il essayait de se resigner lui paraissait monstrueux en lui-meme; je laisse a penser ce qu'il eprouvait en s'entendant parler de la [10]sorte. --Ecoute, dit-il presque hors de lui et resolu a en finir a tout prix, tu n'es pas tellement fou que tu ne puisses comprendre un mot de sens commun. Es-tu riche?... Non. Es-tu noble? Encore moins. Qu'est-ce que [15]c'est que la frenesie qui t'amene? Tu viens me tracasser, tu crois faire un coup de tete; tu sais parfaitement bien que c'est inutile; tu veux me rendre responsable de ta mort. As-tu a te plaindre de moi? dois-je un sou a ton pere? est-ce ma faute si tu en es la? Eh, mordieu! on se [20]noie et on se tait. --C'est ce que je vais faire de ce pas; je suis votre tres humble serviteur. --Un moment! il ne sera pas dit que tu auras eu en vain recours a moi. Tiens, mon garcon, voila quatre louis [25]d'or; va-t'en diner a la cuisine, et que je n'entende plus parler de toi. --Bien oblige, je n'ai pas faim, et je n'ai que faire de votre argent! Croisilles sortit de la chambre, et le financier, ayant [30]mis sa conscience en repos par l'offre qu'il venait de faire se renfonca de plus belle dans sa chaise et reprit ses Meditations. Page 258 Mademoiselle Godeau, pendant ce temps-la, n'etait pas si loin qu'on pouvait le croire; elle s'etait, il est vrai, retiree par obeissance pour son pere; mais, au lieu de regagner sa chambre, elle etait restee a ecouter derriere la [5]porte. Si l'extravagance de Croisilles lui paraissait inconcevable, elle n'y voyait du moins rien d'offensant; car l'amour, depuis que le monde existe, n'a jamais passe pour offense; d'un autre cote, comme il n'etait pas possible de douter du desespoir du jeune homme, mademoiselle [10]Godeau se trouvait prise a la fois par les deux sentiments les plus dangereux aux femmes, la compassion et la curiosite. Lorsqu'elle vit l'entretien termine et Croisilles pret a sortir, elle traversa rapidement le salon ou elle se trouvait, ne voulant pas etre surprise aux aguets, et elle [15]se dirigea vers son appartement; mais presque aussitot elle revint sur ses pas. L'idee que Croisilles allait peut-etre reellement se donner la mort lui troubla le coeur malgre elle. Sans se rendre compte de ce qu'elle faisait, elle marcha a sa rencontre; le salon etait vaste, et les deux [20]jeunes gens vinrent lentement au-devant l'un de l'autre. Croisilles etait pale comme la mort, et mademoiselle Godeau cherchait vainement quelque parole qui put exprimer ce qu'elle sentait. En passant a cote de lui, elle laissa tomber a terre un bouquet de violettes qu'elle [25]tenait a la main. Il se baissa aussitot, ramassa le bouquet et le presenta a la jeune fille pour le lui rendre; mais, au lieu de le reprendre, elle continua sa route sans prononcer un mot, et entra dans le cabinet de son pere. Croisilles, reste seul, mit le bouquet dans son sein, et sortit de [30]la maison le coeur agite, ne sachant trop que penser de cette aventure. Page 259 III A peine avait-il fait quelques pas dans la rue, qu'il vit accourir son fidele Jean, dont le visage exprimait la joie. --Qu'est-il arrive? lui demanda-t-il; as-tu quelque nouvelle a m'apprendre? [5]--Monsieur, repondit Jean, j'ai a vous apprendre que les scelles sont leves, et que vous pouvez rentrer chez vous. Toutes les dettes de votre pere payees, vous restez proprietaire de la maison. Il est bien vrai qu'on a emporte tout ce qu'il y avait d'argent et de bijoux, et [10]qu'on a meme enleve les meubles; mais enfin la maison vous appartient, et vous n'avez pas tout perdu. Je cours partout depuis une heure, ne sachant ce que vous etiez devenu, et j'espere, mon cher maitre, que vous serez assez sage pour prendre un parti raisonnable. [15]--Quel parti veux-tu que je prenne? --Vendre cette maison, monsieur, c'est toute votre fortune; elle vaut une trentaine de mille francs. Avec cela, du moins, on ne meurt pas de faim; et qui vous empecherait d'acheter un petit fonds de commerce qui ne [20]manquerait pas de prosperer? --Nous verrons cela, repondit Croisilles, tout en se hatant de prendre le chemin de sa rue. Il lui tardait de revoir le toit paternel; mais, lorsqu'il y fut arrive, un si triste spectacle s'offrit a lui, qu'il eut a peine le courage [25]d'entrer. La boutique en desordre, les chambres desertes, l'alcove de son pere vide, tout presentait a ses regards la nudite de la misere. Il ne restait pas une chaise; tous les tiroirs avaient ete fouilles, le comptoir brise, la caisse emportee; rien n'avait echappe aux recherches avides des [30]creanciers et de la justice, qui, apres avoir pille la maison, Page 260 etaient partis, laissant les portes ouvertes, comme pour temoigner aux passants que leur besogne etait accomplie. --Voila donc, s'ecria Croisilles, voila donc ce qui reste de trente ans de travail et de la plus honnete existence, [5]faute d'avoir eu a temps, au jour fixe, de quoi faire honneur a une signature imprudemment engagee! Pendant que le jeune homme se promenait de long en large, livre aux plus tristes pensees, Jean paraissait fort embarrasse. Il supposait que son maitre etait sans argent, [10]et qu'il pouvait meme n'avoir pas dine. Il cherchait donc quelque moyen pour le questionner la-dessus, et pour lui offrir, en cas de besoin, une part de ses economies. Apres s'etre mis l'esprit a la torture pendant un quart d'heure pour imaginer un biais convenable, il ne [15]trouva rien de mieux que de s'approcher de Croisilles, et de lui demander d'une voix attendrie: --Monsieur aime-t-il toujours les perdrix aux choux? Le pauvre homme avait prononce ces mots avec un accent a la fois si burlesque et si touchant, que Croisilles, [20]malgre sa tristesse, ne put s'empecher d'en rire. --Et a propos de quoi cette question? dit-il. --Monsieur, repondit Jean, c'est que ma femme m'en fait cuire une pour mon diner, et si par hasard vous les aimiez toujours... [25]Croisilles avait entierement oublie jusqu'a ce moment la somme qu'il rapportait a son pere; la proposition de Jean le fit se ressouvenir que ses poches etaient pleines d'or. --Je te remercie de tout mon coeur, dit-il au vieillard, et j'accepte avec plaisir ton diner; mais, si tu es inquiet [30]de ma fortune, rassure-toi, j'ai plus d'argent qu'il ne m'en faut pour avoir ce soir un bon souper que tu partageras a ton tour avec moi. Page 261 En parlant ainsi, il posa sur la cheminee quatre bourses bien garnies, qu'il vida, et qui contenaient chacune cinquante louis. --Quoique cette somme ne m'appartienne pas, ajouta-t-il, [5]je puis en user pour un jour ou deux. A qui faut-ils que je m'adresse pour la faire tenir a mon pere? --Monsieur, repondit Jean avec empressement, votre pere m'a bien recommande de vous dire que cet argent vous appartenait; et si je ne vous en parlais point, c'est [10]que je ne savais pas de quelle maniere vos affaires de Paris s'etaient terminees. Votre pere ne manquera de rien la-bas; il logera chez un de vos correspondants, qui le recevra de son mieux; il a d'ailleurs emporte ce qu'il lui faut, car il etait bien sur d'en laisser encore de trop, et [15]ce qu'il a, laisse, monsieur, tout ce qu'il a laisse, est a vous, il vous le marque lui-meme dans sa lettre, et je suis expressement charge de vous le repeter. Cet or est donc aussi legitimement votre bien que cette maison ou nous sommes. Je puis vous rapporter les paroles memes que votre [20]pere m'a dites en partant: "Que mon fils me pardonne de le quitter; qu'il se souvienne seulement pour m'aimer que je suis encore en ce monde, et qu'il use de ce qui restera apres mes dettes payees, comme si c'etait mon heritage." Voila, monsieur, ses propres expressions; ainsi remettez [25]ceci dans votre poche, et puisque vous voulez bien mon diner, allons, je vous prie, a la maison. La joie et la sincerite qui brillaient dans les yeux de Jean ne laissaient aucun doute a Croisilles. Les paroles de son pere l'avaient emu a tel point qu'il ne put retenir [30]ses larmes; d'autre part, dans un pareil moment, quatre mille francs n'etaient pas une bagatelle. Pour ce qui regardait la maison, ce n'etait point une ressource certaine, Page 262 car on ne pouvait en tirer parti qu'en la vendant, chose longue et difficile. Tout cela cependant ne laissait pas que d'apporter un changement considerable a la situation dans laquelle se trouvait le jeune homme; il se sentit [5]tout a coup attendri, ebranle dans sa funeste resolution, et, pour ainsi dire, a la fois plus triste et moins desole. Apres avoir ferme les volets de la boutique, il sortit de la maison avec Jean, et, en traversant de nouveau la ville, il ne put s'empecher de songer combien c'est peu de chose que nos [10]afflictions, puisqu'elles servent quelquefois a nous faire trouver une joie imprevue dans la plus faible lueur d'esperance. Ce fut avec cette pensee qu'il se mit a table a cote de son vieux serviteur, qui ne manqua point, durant le repas, de faire tous ses efforts pour l'egayer. [15]Les etourdis ont un heureux defaut: ils se desolent Aisement, mais ils n'ont meme pas le temps de se consoler, tant il leur est facile de se distraire. On se tromperait de les croire insensibles ou egoistes; ils sentent peut-etre plus vivement que d'autres, et ils sont tres capables de se [20]bruler la cervelle dans un moment de desespoir; mais, ce moment passe, s'ils sont encore en vie, il faut qu'ils aillent diner, qu'ils boivent et mangent comme a l'ordinaire, pour fondre ensuite en larmes en se couchant. La joie et la douleur ne glissent pas sur eux; elles les traversent [25]comme des fleches: bonne et violente nature qui sait souffrir, mais qui ne peut pas mentir, dans laquelle on lit tout a nu, non pas fragile et vide comme le verre, mais pleine et transparente comme le cristal de roche. [30]Apres avoir trinque avec Jean, Croisilles, au lieu de se noyer, s'en alla a la comedie. Debout dans le fond du parterre, il tira de son sein le bouquet de mademoiselle Page 263 Godeau, et, pendant qu'il en respirait le parfum dans un profond recueillement, il commenca a penser d'un esprit plus calme a son aventure du matin. Des qu'il y eut reflechi quelque temps, il vit clairement la verite, c'est-a-dire [5]que la jeune fille, en lui laissant son bouquet entre les mains et en refusant de le reprendre, avait voulu lui donner une marque d'interet; car autrement ce refus et ce silence n'auraient ete qu'une preuve de mepris, et cette supposition n'etait pas possible. Croisilles jugea donc [10]que mademoiselle Godeau avait le coeur moins dur que monsieur son pere, et il n'eut pas de peine a se souvenir que le visage de la demoiselle, lorsqu'elle avait traverse le salon, avait exprime une emotion d'autant plus vraie qu'elle semblait involontaire. Mais cette emotion etait-elle [15]de l'amour ou seulement de la pitie, ou moins encore peut-etre, de l'humanite? Mademoiselle Godeau avait-elle craint de le voir mourir, lui, Croisilles, ou seulement d'etre la cause de la mort d'un homme, quel qu'il fut? Bien que fane et a demi effeuille, le bouquet avait encore [20]une odeur si exquise et une si galante tournure, qu'en le respirant et en le regardant, Croisilles ne put se defendre d'esperer. C'etait une guirlande de roses autour d'une touffe de violettes. Combien de sentiments et de mysteres un Turc aurait lus dans ces fleurs, en interpretant leur [25]langage! Mais il n'y a que faire d'etre turc en pareille circonstance. Les fleurs qui tombent du sein d'une jolie femme, en Europe comme en Orient, ne sont jamais muettes; quand elles ne raconteraient que ce qu'elles ont vu lorsqu'elles reposaient sur une belle gorge, ce serait [30]assez pour un amoureux, et elles le racontent en effet. Les parfums ont plus d'une ressemblance avec l'amour, et il y a meme des gens qui pensent que l'amour n'est qu'une Page 264 sorte de parfum; il est vrai que la fleur qui l'exhale est la plus belle de la creation. Pendant que Croisilles divaguait ainsi, fort peu attentif a la tragedie qu'on representait pendant ce temps-la, [5]mademoiselle Godeau elle-meme parut dans une loge en face de lui. L'idee ne lui vint pas que, si elle l'apercevait, elle pourrait bien trouver singulier de le voir la apres ce qui venait de se passer. Il fit au contraire tous ses efforts pour se rapprocher d'elle; mais il n'y put parvenir. Une [10]figurante de Paris etait venue en poste jouer Merope, et la foule etait si serree, qu'il n'y avait pas moyen de bouger. Faute de mieux, il se contenta donc de fixer ses regards sur sa belle, et de ne pas la quitter un instant des yeux. Il remarqua qu'elle semblait preoccupee, maussade, et [15]qu'elle ne parlait a personne qu'avec une sorte de repugnance. Sa loge etait entouree, comme on peut penser, de tout ce qu'il y avait de petits-maitres normands dans la ville; chacun venait a son tour passer devant elle a la galerie, car, pour entrer dans la loge meme qu'elle occupait, [20]cela n'etait pas possible, attendu que monsieur son pere en remplissait seul, de sa personne, plus des trois quarts. Croisilles remarqua encore qu'elle ne lorgnait point et qu'elle n'ecoutait pas la piece. Le coude appuye sur la balustrade, le menton dans sa main, le regard distrait, [25]elle avait l'air, au milieu de ses atours, d'une statue de Venus deguisee en marquise; l'etalage de sa robe et de sa coiffure, son rouge, sous lequel on devinait sa paleur, toute la pompe de sa toilette, ne faisaient que mieux ressortir son immobilite. Jamais Croisilles ne l'avait vue [30]si jolie. Ayant trouve moyen, pendant l'entr'acte, de s'echapper de la cohue, il courut regarder au carreau de la loge, et, chose etrange, a peine y eut-il mis la tete, que Page 265 mademoiselle Godeau, qui n'avait pas bouge depuis une heure, se retourna. Elle tressaillit legerement en l'apercevant, et ne jeta sur lui qu'un coup d'oeil; puis elle reprit sa premiere posture. Si ce coup d'oeil exprimait la [5]surprise, l'inquietude, le plaisir de l'amour; s'il voulait dire: "Quoi! vous n'etes pas mort!" ou: "Dieu soit beni! vous voila vivant!" je ne me charge pas de le demeler; toujours est-il que, sur ce coup d'oeil, Croisilles se jura tout bas de mourir ou de se faire aimer. IV De tous les obstacles qui nuisent a l'amour, l'un des [10]plus grands est sans contredit ce qu'on appelle la fausse honte, qui en est bien une tres-veritable. Croisilles n'avait pas ce triste defaut que donnent l'orgueil et la timidite; il n'etait pas de ceux qui tournent pendant des mois entiers autour de la femme qu'ils aiment, comme un chat [15]autour d'un oiseau en cage. Des qu'il eut renonce a se noyer, il ne songea plus qu'a faire savoir a sa chere Julie qu'il vivait uniquement pour elle; mais comment le lui dire? S'il se presentait une seconde fois a l'hotel du fermier general, il n'etait pas douteux que M. Godeau ne le fit [20]mettre au moins a la porte. Julie ne sortait jamais qu'avec une femme de chambre, quand il lui arrivait d'aller a pied; il etait donc inutile d'entreprendre de la suivre. Passer les nuits sous les croisees de sa maitresse est une folie chere aux amoureux, mais qui, dans le cas present, etait [25]plus inutile encore. J'ai dit que Croisilles etait fort religieux; il ne lui vint donc pas a l'esprit de chercher a rencontrer sa belle a l'eglise. Comme le meilleur parti, quoique le plus dangereux, est d'ecrire aux gens lorsqu'on Page 266 ne peut leur parler soi-meme, il ecrivit des le lendemain. Sa lettre n'avait, bien entendu, ni ordre ni raison. Elle etait a peu pres concue en ces termes: "Mademoiselle, [5]"Dites-moi au juste, je vous en supplie, ce qu'il faudrait posseder de fortune pour pouvoir pretendre a vous epouser. Je vous fais la une etrange question; mais je vous aime si eperdument qu'il m'est impossible de ne pas la faire, et vous etes la seule personne au monde a qui je puisse [10]l'adresser. Il m'a semble, hier au soir, que vous me regardiez au spectacle. Je voulais mourir; plut a Dieu que je fusse mort, en effet, si je me trompe et si ce regard n'etait pas pour moi! Dites-moi si le hasard peut etre assez cruel pour qu'un homme s'abuse d'une maniere a la [15]fois si triste et si douce? J'ai cru que vous m'ordonniez de vivre. Vous etes riche, belle, je le sais; votre pere est orgueilleux et avare, et vous avez le droit d'etre fiere; mais je vous aime, et le reste est un songe. Fixez sur moi ces yeux charmants, pensez a ce que peut l'amour, puisque [20]je souffre, que j'ai tout lieu de craindre, et que je ressens une inexprimable jouissance a vous ecrire cette folle lettre qui m'attirera peut-etre votre colere; mais pensez aussi, mademoiselle, qu'il y a un peu de votre faute dans cette folie. Pourquoi m'avez-vous laisse ce bouquet? [25]Mettez-vous un instant, s'il se peut, a ma place; j'ose croire que vous m'aimez, et j'ose vous demander de me le dire. Pardonnez-moi, je vous en conjure. Je donnerais mon sang pour etre certain de ne pas vous offenser, et pour vous voir ecouter mon amour avec ce sourire d'ange qui [30]n'appartient qu'a vous. Quoi que vous fassiez, votre image m'est restee; vous ne l'effacerez qu'en m'arrachant Page 267 le coeur. Tant que votre regard vivra dans mon souvenir, tant que ce bouquet gardera un reste de parfum, tant qu'un mot voudra dire qu'on aime, je conserverai quelque esperance." [5]Apres avoir cachete sa lettre, Croisilles s'en alla devant l'hotel Godeau, et se promena de long en large dans la rue, jusqu'a ce qu'il vit sortir un domestique. Le hasard, qui sert toujours les amoureux en cachette, quand il le peut sans se compromettre, voulut que la femme de chambre [10]de mademoiselle Julie etait resolu ce jour-la de faire emplette d'un bonnet. Elle se rendait chez la marchande de modes, lorsque Croisilles l'aborda, lui glissa un louis dans la main, et la pria de se charger de sa lettre. Le marche fut bientot conclu; la servante prit l'argent pour payer son [15]bonnet, et promit de faire la commission par reconnaissance. Croisilles, plein de joie, revint a sa maison et s'assit devant sa porte, attendant la reponse. Avant de parler de cette reponse, il faut dire un mot de mademoiselle Godeau. Elle n'etait pas tout a fait exempte [20]de la vanite de son pere, mais son bon naturel y remediait. Elle etait, dans la force du terme, ce qu'on nomme un enfant gate. D'habitude elle parlait fort peu, et jamais on ne la voyait tenir une aiguille; elle passait les journees a sa toilette, et les soirees sur un sofa, n'ayant pas l'air [25]d'entendre la conversation. Pour ce qui regardait sa parure, elle etait prodigieusement coquette, et son propre visage etait a coup sur ce qu'elle avait le plus considere en ce monde. Un pli a sa collerette, une tache d'encre a son doigt, l'auraient desolee; aussi, quand sa robe lui plaisait, [30]rien ne saurait rendre le dernier regard qu'elle jetait sur sa glace avant de quitter sa chambre. Elle ne montrait ni gout ni aversion pour les plaisirs qu'aiment ordinairement Page 268 les jeunes filles; elle allait volontiers au bal, et elle y renoncait sans humeur, quelquefois sans motif; le spectacle l'ennuyait, et elle s'y endormait continuellement. Quand son pere, qui l'adorait, lui proposait de lui [5]faire quelque cadeau a son choix, elle etait une heure a se decider, ne pouvant se trouver un desir. Quand M. Godeau recevait ou donnait a diner, il arrivait que Julie ne paraissait pas au salon: elle passait la soiree, pendant ce temps-la, seule dans sa chambre, en grande toilette, a [10]se promener de long en large, son eventail a la main. Si on lui adressait un compliment, elle detournait la tete, et si on tentait de lui faire la cour, elle ne repondait que par un regard a la fois si brillant et si serieux, qu'elle deconcertait le plus hardi. Jamais un bon mot ne l'avait fait [15]rire; jamais un air d'opera, une tirade de tragedie, ne l'avaient emue; jamais, enfin, son coeur n'avait donne signe de vie, et, en la voyant passer dans tout l'eclat de sa nonchalante beaute, on aurait pu la prendre pour une belle somnambule qui traversait ce monde en revant. [20]Tant d'indifference et de coquetterie ne semblait pas aise a comprendre. Les uns disaient qu'elle n'aimait rien; les autres, qu'elle n'aimait qu'elle-meme. Un seul mot suffisait cependant pour expliquer son caractere: elle attendait. Depuis l'age de quatorze ans, elle avait entendu [25]repeter sans cesse que rien n'etait aussi charmant qu'elle; elle en etait persuadee; c'est pourquoi elle prenait grand soin de sa parure: en manquant de respect a sa personne, elle aurait cru commettre un sacrilege. Elle marchait, pour ainsi dire, dans sa beaute, comme un enfant dans ses [30]habits de fete; mais elle etait bien loin de croire que cette beaute dut rester inutile; sous son apparente insouciance se cachait une volonte secrete, inflexible, et d'autant plus Page 269 forte qu'elle etait mieux dissimulee. La coquetterie des femmes ordinaires, qui se depense en oeillades, en minauderies et en sourires, lui semblait une escarmouche puerile, vaine, presque meprisable. Elle se sentait en possession [5]d'un tresor, et elle dedaignait de le hasarder au jeu piece a piece: il lui fallait un adversaire digne d'elle; mais, trop habituee a voir ses desirs prevenus, elle ne cherchait pas cet adversaire; on peut meme dire davantage, elle etait etonnee qu'il se fit attendre. Depuis quatre ou cinq ans [10]qu'elle allait dans le monde et qu'elle etalait consciencieusement ses paniers, ses falbalas et ses belles epaules, il lui paraissait inconcevable qu'elle n'eut point encore inspire une grande passion. Si elle eut dit le fond de sa pensee, elle eut volontiers repondu a ceux qui lui faisaient des [15]compliments: "Eh bien! s'il est vrai que je sois si belle, que ne vous brulez-vous la cervelle pour moi?" Reponse que, du reste, pourraient faire bien des jeunes filles, et que plus d'une, qui ne dit rien, a au fond du coeur, quelquefois sur le bord des levres. [20]Qu'y a-t-il, en effet, au monde, de plus impatientant pour une femme que d'etre jeune, belle, riche, de se regarder dans son miroir, de se voir paree, digne en tout point de plaire, toute disposee a se laisser aimer, et de se dire: On m'admire, on me vante, tout le monde me trouve [25]charmante, et personne ne m'aime. Ma robe est de la meilleure faiseuse, mes dentelles sont superbes, ma coiffure est irreprochable, mon visage le plus beau de la terre, ma taille fine, mon pied bien chausse; et tout cela ne me sert a rien qu'a aller bailler dans le coin d'un salon! Si un [30]jeune homme me parle, il me traite en enfant; si on me demande en mariage, c'est pour ma dot; si quelqu'un me serre la main en dansant, c'est un fat de province; des que Page 270 je parais quelque part, j'excite un murmure d'admiration, mais personne ne me dit, a moi seule, un mot qui me fasse battre le coeur. J'entends des impertinents qui me louent tout haut, a deux pas de moi, et pas un regard modeste et [5]sincere ne cherche le mien. Je porte une ame ardente, pleine de vie, et je ne suis, a tout prendre, qu'une jolie poupee qu'on promene, qu'on fait sauter au bal, qu'une gouvernante habille le matin et decoiffe le soir, pour recommencer le lendemain. [10]Voila ce que mademoiselle Godeau s'etait dit bien des fois a elle-meme, et il y avait de certains jours ou cette pensee lui inspirait un si sombre ennui, qu'elle restait muette et presque immobile une journee entiere. Lorsque Croisilles lui ecrivit, elle etait precisement dans un acces [15]d'humeur semblable. Elle venait de prendre son chocolat, et elle revait profondement, etendue dans une bergere, lorsque sa femme de chambre entra et lui remit la lettre d'un air mysterieux. Elle regarda l'adresse, et, ne reconnaissant pas l'ecriture, elle retomba dans sa [20]distraction. La femme de chambre se vit alors forcee d'expliquer de quoi il s'agissait, ce qu'elle fit d'un air assez deconcerte, ne sachant trop comment la jeune fille prendrait cette demarche. Mademoiselle Godeau ecouta sans bouger, ouvrit ensuite la lettre, et y jeta seulement [25]un coup d'oeil elle demanda aussitot une feuille de papier, et ecrivit nonchalamment ce peu de mots: "Eh, mon Dieu! non, monsieur, je ne suis pas fiere. Si vous aviez seulement cent mille ecus, je vous epouserais tres-volontiers." [30]Telle fut la reponse que la femme de chambre rapporta sur-le-champ a Croisilles, qui lui donna encore un louis pour sa peine. Page 271 V Cent mille ecus, comme dit le proverbe, ne se trouvent pas dans le pas d'un ane; et si Croisilles eut ete defiant, il eut pu croire, en lisant la lettre de mademoiselle Godeau, qu'elle etait folle ou qu'elle se moquait de lui. Il ne pensa [5]pourtant ni l'un ni l'autre; il ne vit rien autre chose, sinon que sa chere Julie l'aimait, qu'il lui fallait cent mille ecus, et il ne songea, des ce moment, qu'a tacher de se les procurer. Il possedait deux cents louis comptant, plus une maison [10]qui, comme je l'ai dit, pouvait valoir une trentaine de mille francs. Que faire? Comment s'y prendre pour que ces trente-quatre mille francs en devinssent tout a coup trois cent mille? La premiere idee qui vint a l'esprit du jeune homme fut de trouver une maniere quelconque de [15]jouer a croix ou pile toute sa fortune; mais, pour cela, il fallait vendre la maison. Croisilles commenca donc par coller sur sa porte un ecriteau portant que sa maison etait a vendre; puis, tout en revant a ce qu'il ferait de l'argent qu'il pourrait en tirer, il attendit un acheteur. [20]Une semaine s'ecoula, puis une autre; pas un acheteur ne se presenta. Croisilles passait ses journees a se desoler avec Jean, et le desespoir s'emparait de lui, lorsqu'un brocanteur juif sonna a sa porte. --Cette maison est a vendre, monsieur. En etes-vous [25]le proprietaire? --Oui, monsieur. --Et combien vaut-elle? --Trente mille francs, a ce que je crois; du moins je l'ai entendu dire a mon pere. [30]Le juif visita toutes les chambres, monta au premier, Page 272 descendit a la cave, frappa sur les murailles, compta les marches de l'escalier, fit tourner les portes sur leurs gonds et les clefs dans les serrures, ouvrit et ferma les fenetres; puis enfin, apres avoir tout bien examine, sans dire un mot [5]et sans faire la moindre proposition, il salua Croisilles et se retira. Croisilles, qui, durant une heure, l'avait suivi le coeur palpitant, ne fut pas, comme on pense, peu desappointe de cette retraite silencieuse. Il supposa que le juif avait [10]voulu se donner le temps de reflechir, et qu'il reviendrait incessamment. Il l'attendit pendant huit jours, n'osant sortir de peur de manquer sa visite, et regardant a la fenetre du matin au soir; mais ce fut en vain: le juif ne reparut point. Jean, fidele a son triste role de raisonneur, [15]faisait, comme on dit, de la morale a son maitre, pour le dissuader de vendre sa maison d'une maniere si precipitee et dans un but si extravagant. Mourant d'impatience, d'ennui et d'amour, Croisilles prit un matin ses deux cents louis et sortit, resolu a tenter la fortune avec cette somme, [20]puisqu'il n'en pouvait avoir davantage. Les tripots, dans ce temps-la, n'etaient pas publics, et l'on n'avait pas encore invente ce raffinement de civilisation qui permet au premier venu de se ruiner a toute heure, des que l'envie lui en passe par la tete. A peine Croisilles [25]fut-il dans la rue qu'il s'arreta, ne sachant ou aller risquer son argent. Il regardait les maisons du voisinage, et les toisait les unes apres les autres, tachant de leur trouver une apparence suspecte et de deviner ce qu'il cherchait. Un jeune homme de bonne mine, vetu d'un habit magnifique, [30]vint a passer. A en juger par les dehors, ce ne pouvait etre qu'un fils de famille. Croisilles l'aborda Poliment. Page 273 --Monsieur, lui dit-il, je vous demande pardon de la liberte que je prends. J'ai deux cents louis dans ma poche et je meurs d'envie de les perdre ou d'en avoir davantage. Ne pourriez-vous pas m'indiquer quelque honnete endroit [5]ou se font ces sortes de choses? A ce discours assez etrange, le jeune homme partit d'un eclat de rire. --Ma foi! monsieur, repondit-il, si vous cherchez un mauvais lieu, vous n'avez qu'a me suivre, car j'y vais. [10]Croisilles le suivit, et au bout de quelques pas ils entrerent tous deux dans une maison de la plus belle apparence, ou ils furent recus le mieux du monde par un vieux gentilhomme de fort bonne compagnie. Plusieurs jeunes gens etaient deja assis autour d'un tapis vert: Croisilles y prit [15]modestement une place, et en moins d'une heure ses deux cents louis furent perdus. Il sortit aussi triste que peut l'etre un amoureux qui se croit aime. Il ne lui restait pas de quoi diner, mais ce n'etait pas ce qui l'inquietait. [20]--Comment ferai-je a present, se demanda-t-il, pour me procurer de l'argent? A qui m'adresser dans cette ville? Qui voudra me preter seulement cent louis sur cette maison que je ne puis vendre? Pendant qu'il etait dans cet embarras, il rencontra son [25]brocanteur juif. Il n'hesita pas a s'adresser a lui, et, en sa qualite d'etourdi, il ne manqua pas de lui dire dans quelle situation il se trouvait. Le juif n'avait pas grande envie d'acheter la maison; il n'etait venu la voir que par curiosite, ou, pour mieux dire, par acquit de conscience, [30]comme un chien entre en passant dans une cuisine dont la porte est ouverte, pour voir s'il n'y a rien a voler; mais il vit Croisilles si desespere, si triste, si denue de toute Page 274 ressource, qu'il ne put resister a la tentation de profiter de sa misere, au risque de se gener un peu pour payer la maison. Il lui en offrit donc a peu pres le quart de ce qu'elle: valait. Croisilles lui sauta au cou, l'appela son ami et son [5]sauveur, signa aveuglement un marche a faire dresser les cheveux sur la tete, et, des le lendemain, possesseur de quatre cents nouveaux louis, il se dirigea derechef vers le tripot ou il avait ete si poliment et si lestement ruine la veille. En s'y rendant, il passa sur le port. Un vaisseau allait [10]en sortir; le vent etait doux, l'Ocean tranquille. De toutes parts, des negociants, des matelots, des officiers de marine en uniforme, allaient et venaient. Des crocheteurs transportaient d'enormes ballots pleins de marchandises. Les passagers faisaient leurs adieux; de legeres [15]barques flottaient de tous cotes; sur tous les visages on lisait la crainte, l'impatience ou l'esperance; et, au milieu de l'agitation qui l'entourait, le majestueux navire se balancait doucement, gonflant ses voiles orgueilleuses. --Quelle admirable chose, pensa Croisilles, que de [20]risquer ainsi ce qu'on possede, et d'aller chercher au dela des mers une perilleuse fortune! Quelle emotion de regarder partir ce vaisseau charge de tant de richesses, du bien-etre de tant de familles! Quelle joie de le voir revenir, rapportant le double de ce qu'on lui a confie, rentrant [25]plus fier et plus riche qu'il n'etait parti! Que ne suis-je un de ces marchands! Que ne puis-je jouer ainsi mes quatre cents louis! Quel tapis vert que cette mer immense, pour y tenter hardiment le hasard! Pourquoi n'acheterais-je pas quelques ballots de toiles ou de [30]soieries? qui m'en empeche, puisque j'ai de l'or? Pourquoi ce capitaine refuserait-il de se charger de mes marchandises? Et qui sait? au lieu d'aller perdre cette pauvre et Page 275 unique somme dans un tripot, je la doublerais, je la triplerais peut-etre par une honnete industrie. Si Julie m'aime veritablement, elle attendra quelques annees, et elle me restera fidele jusqu'a ce que je puisse l'epouser. Le commerce [5]procure quelquefois des benefices plus gros qu'on ne pense; il ne manque pas d'exemples, en ce monde, de fortunes rapides, surprenantes, gagnees ainsi sur ces flots changeants; pourquoi la Providence ne benirait-elle pas une tentative faite dans un but si louable, si digne de sa [10]protection? Parmi ces marchands qui ont tant amasse et qui envoient des navires aux deux bouts de la terre, plus d'un a commence par une moindre somme que celle que j'ai la. Ils ont prospere avec l'aide de Dieu; pourquoi ne pourrais-je pas prosperer a mon tour? Il me semble qu'un [15]bon vent souffle dans ces voiles, et que ce vaisseau inspire la confiance. Allons! le sort en est jete, je vais m'adresser a ce capitaine qui me parait aussi de bonne mine, j'ecrirai ensuite a Julie, et je veux devenir un habile negociant. Le plus grand danger que courent les gens qui sont [20]habituellement un peu fous, c'est de le devenir tout a fait par instants. Le pauvre garcon, sans reflechir davantage, mit son caprice a execution. Trouver des marchandises a acheter lorsqu'on a de l'argent et qu'on ne s'y connait pas, c'est la chose du monde la moins difficile. [25]Le capitaine, pour obliger Croisilles, le mena chez un fabricant de ses amis qui lui vendit autant de toiles et de soieries qu'il put en payer; le tout, mis dans une charrette, fut promptement transporte a bord. Croisilles, ravi et plein d'esperance, avait ecrit lui-meme en grosses lettres [30]son nom sur ses ballots. Il les regarda s'embarquer avec une joie inexprimable; l'heure du depart arriva bientot, et le navire s'eloigna de la cote. Page 276 VI Je n'ai pas besoin de dire que, dans cette affaire, Croisilles n'avait rien garde. D'un autre cote, sa maison etait vendue; il ne lui restait pour tout bien que les habits qu'il avait sur le corps; point de gite, et pas un denier. Avec [5]toute la bonne volonte possible, Jean ne pouvait supposer que son maitre fut reduit a un tel denument; Croisilles etait, non pas trop fier, mais trop insouciant pour le dire; il prit le parti de coucher a la belle etoile, et, quant aux repas, voici le calcul qu'il fit: il presumait que le vaisseau [10]qui portait sa fortune mettrait six mois a revenir au Havre; il vendit, non sans regret, une montre d'or que son pere lui avait donnee, et qu'il avait heureusement gardee; il en eut trente-six livres. C'etait de quoi vivre a peu pres six mois avec quatre sous par jour. Il ne douta pas que [15]ce ne fut assez, et, rassure par le present, il ecrivit a mademoiselle Godeau pour l'informer de ce qu'il avait fait; il se garda bien, dans sa lettre, de lui parler de sa detresse; il lui annonca, au contraire, qu'il avait entrepris une operation de commerce magnifique, dont les resultats etaient [20]prochains et infaillibles; il lui expliqua comme quoi la Fleurette, vaisseau a fret de cent cinquante tonneaux, portait dans la Baltique ses toiles et ses soieries; il la supplia de lui rester fidele pendant un an, se reservant de lui en demander davantage ensuite, et, pour sa part, il lui jura [25]un eternel amour. Lorsque mademoiselle Godeau recut cette lettre, elle etait au coin de son feu, et elle tenait a la main, en guise d'ecran, un de ces bulletins qu'on imprime dans les ports, qui marquent l'entree et la sortie des navires, et en meme [30]temps annoncent les desastres. Il ne lui etait jamais. Page 277 arrive, comme on peut penser, de prendre interet a ces sortes de choses, et elle n'avait jamais jete les yeux sur une seule de ces feuilles. La lettre de Croisilles fut cause qu'elle lut le bulletin qu'elle tenait; le premier mot qui [5]frappa ses yeux fut precisement le nom de la Fleurette; le navire avait echoue sur les cotes de France dans la nuit meme qui avait suivi son depart. L'equipage s'etait sauve a grand'peine, mais toutes les marchandises avaient ete perdues. [10]Mademoiselle Godeau, a cette nouvelle, ne se souvint plus que Croisilles avait fait devant elle l'aveu de sa pauvrete; elle en fut aussi desolee que s'il se fut agi d'un million; en un instant, l'horreur d'une tempete, les vents en furie, les cris des noyes, la ruine d'un homme qui [15]l'aimait, toute une scene de roman, se presenterent a sa pensee; le bulletin et la lettre lui tomberent des mains; elle se leva dans un trouble extreme, et, le sein palpitant, les yeux prets a pleurer, elle se promena a grands pas, resolue a agir dans cette occasion, et se demandant [20]ce qu'elle devait faire. Il y a une justice a rendre a l'amour, c'est que plus les motifs qui le combattent sont forts, clairs, simples, irrecusables, en un mot, moins il a le sens commun, plus la passion s'irrite, et plus on aime; c'est une belle chose sous [25]le ciel que cette deraison du coeur; nous ne vaudrions pas grand'chose sans elle. Apres s'etre promenee dans sa chambre, sans oublier ni son cher eventail, ni le coup d'oeil a la glace en passant, Julie se laissa retomber dans sa bergere. Qui l'eut pu voir en ce moment eut joui d'un [30]beau spectacle: ses yeux etincelaient, ses joues etaient en feu; elle poussa un long soupir et murmura avec une joie et une douleur delicieuses: Page 278 --Pauvre garcon! il s'est ruine pour moi! Independamment de la fortune qu'elle devait attendre de son pere, mademoiselle Godeau avait, a elle appartenant, le bien que sa mere lui avait laisse. Elle n'y avait [5]jamais songe; en ce moment, pour la premiere fois de sa vie, elle se souvint qu'elle pouvait disposer de cinq cent mille francs. Cette pensee la fit sourire; un projet bizarre, hardi, tout feminin, presque aussi fou que Croisilles lui-meme, lui traversa l'esprit; elle berca quelque temps son [10]idee dans sa tete, puis se decida a l'executer. Elle commenca par s'enquerir si Croisilles n'avait pas quelque parent ou quelque ami; la femme de chambre fut mise en campagne. Tout bien examine, on decouvrit, au quatrieme etage d'une vieille maison, une tante a demi [15]percluse, qui ne bougeait jamais de son fauteuil, et qui n'etait pas sortie depuis quatre ou cinq ans. Cette pauvre femme, fort agee, semblait avoir ete mise ou plutot laissee au monde comme un echantillon des miseres humaines. Aveugle, goutteuse, presque sourde, elle vivait seule dans [20]un grenier; mais une gaiete plus forte que le malheur et la maladie la soutenait a quatre-vingts ans et lui faisait encore aimer la vie; ses voisins ne passaient jamais devant sa porte sans entrer chez elle, et les airs surannes qu'elle fredonnait egayaient toutes les filles du quartier. Elle [25]possedait une petite rente viagere qui suffisait a l'entretenir; tant que durait le jour, elle tricotait; pour le reste, elle ne savait pas ce qui s'etait passe depuis la mort de Louis XIV. Ce fut chez cette respectable personne que Julie se fit [30]conduire en secret. Elle se mit pour cela dans tous ses atours; plumes, dentelles, rubans, diamants, rien ne fut epargne: elle voulait seduire; mais sa vraie beaute en cette Page 279 circonstance fut le caprice qui l'entrainait. Elle monta l'escalier raide et obscur qui menait chez la bonne dame,.. et, apres le salut le plus gracieux, elle parla a peu pres ainsi: [5]--Vous avez, madame, un neveu nomme Croisilles, qui m'aime et qui a demande ma main; je l'aime aussi et voudrais l'epouser; mais mon pere, M. Godeau, fermier general de cette ville, refuse de nous marier, parce que votre neveu n'est pas riche. Je ne voudrais pour rien au [10]monde etre l'occasion d'un scandale, ni causer de la peine a personne; je ne saurais donc avoir la pensee de disposer de moi sans le consentement de ma famille. Je viens vous demander une grace que je vous supplie de m'accorder; il faudrait que vous vinssiez vous-meme proposer ce mariage [15]a mon pere. J'ai, grace a Dieu, une petite fortune qui est toute a votre service; vous prendrez, quand il vous plaira, cinq cent mille francs chez mon notaire, vous direz que cette somme appartient a votre neveu, et elle lui appartient en effet; ce n'est point un present que je veux lui faire, [20]c'est une dette que je lui paye, car je suis cause de la ruine de Croisilles, et il est juste que je la repare. Mon pere ne cedera pas aisement; il faudra que vous insistiez et que vous ayez un peu de courage; je n'en manquerai pas de mon cote. Comme personne au monde, excepte moi, n'a [25]de droit sur la somme dont je vous parle, personne ne saura jamais de quelle maniere elle aura passe entre vos mains. Vous n'etes pas tres riche non plus, je le sais, et vous pouvez craindre qu'on ne s'etonne de vous voir doter ainsi votre neveu; mais songez que mon pere ne vous [30]connait pas, que vous vous montrez fort peu par la ville, et que par consequent il vous sera facile de feindre que vous arrivez de quelque voyage. Cette demarche vous Page 280 coutera sans doute, il faudra quitter votre fauteuil et prendre un peu de peine; mais vous ferez deux heureux, madame, et, si vous avez jamais connu l'amour; j'espere que vous ne me refuserez pas. [5]La bonne dame, pendant ce discours, avait ete tour a tour surprise, inquiete, attendrie et charmee. Le dernier mot la persuada. --Oui, mon enfant, repeta-t-elle plusieurs fois, je sais ce que c'est, je sais ce que c'est! [10]En parlant ainsi, elle fit un effort pour se lever; ses jambes affaiblies la soutenaient a peine; Julie s'avanca rapidement, et lui tendit la main pour l'aider; par un mouvement presque involontaire, elles se trouverent en un instant dans les bras l'une de l'autre. Le traite fut [15]aussitot conclu; un cordial baiser le scella d'avance, et toutes les confidences necessaires s'ensuivirent sans peine. Toutes les explications etant faites, la bonne dame tira de son armoire une venerable robe de taffetas qui avait ete sa robe de noce. Ce meuble antique n'avait pas moins [20]de cinquante ans, mais pas une tache, pas un grain de poussiere ne l'avait deflore; Julie en fut dans l'admiration. On envoya chercher un carrosse de louage, le plus beau qui fut dans toute la ville. La bonne dame prepara le discours qu'elle devait tenir a M. Godeau; Julie lui apprit de quelle [25]facon il fallait toucher le coeur de son pere, et n'hesita pas a avouer que la vanite etait son cote vulnerable. --Si vous pouviez imaginer, dit-elle, un moyen de flatter ce penchant, nous aurions partie gagnee. La bonne dame reflechit profondement, acheva sa [30]toilette sans mot dire, serra la main de sa future niece, et monta en voiture. Elle arriva bientot a l'hotel Godeau; la, elle se redressa si bien en entrant, qu'elle semblait Page 281 rajeunie de dix ans. Elle traversa majestueusement le salon ou etait tombe le bouquet de Julie, et, quand la porte du boudoir s'ouvrit, elle dit d'une voix ferme au laquais qui la precedait: [5]--Annoncez la baronne douairiere de Croisilles. Ce mot decida du bonheur des deux amants; M. Godeau en fut ebloui. Bien que les cinq cent mille francs lui semblassent peu de chose, il consentit a tout pour faire de sa fille une baronne, et elle le fut; qui eut ose lui en contester le titre? A mon avis, elle l'avait bien gagne. FIN NOTES The figures enclosed in bold tags (...) refer to the pages; the ordinary figures refer to the lines. PROSPER MERIMEE Paris, 1803-Cannes, 1870 Merimee was at first identified with the Romantic movement, but his hatred of exaggeration and his cynicism caused him to turn to a simpler manner. His clear, concise narrative style and his objective manner of treatment, combined with a grasp of human character, pathos, delicate analysis, satire and an ability to portray local color and to omit non-essentials may be said to be his chief characteristics. His test work is seen in the short stories and in the _nouvelles_. Important works (the dates refer to the year of publication): _Theatre de Clara Gazul_ (1825), _La Jacquerie_ (1828), _Chronique du Regne de Charles IX_ (1829), _Nouvelles_ (including: _Tamango, Colomba, Venus d'Ille_, and other shorter stories; from 1830 to 1841), _Carmen_ (1847), _Lokis_ (1869), _Dernieres Nouvelles_ (1873); besides works on travel, history, archeology, literature and translations (especially from the Russian). _L'Enlevement de la Redoute_ was written in 1829 (for _La Revue Francaise_) and _Le Coup de Pistolet_ in 1856 (for _Le Moniteur_). Edition: Calmann Levy. Criticism: Advanced students should consult Lanson, _Histoire de la litterature francaise_ (Hachette, Paris); others may consult Wright's _History of French Literature_ (Oxford Press). Bibliographies may be found in both of these works, further details can be found in the special bibliographies published by Lanson and by Thieme. L'ENLEVEMENT DE LA REDOUTE 1.--1. un militaire de mes amis. Compare _un de mes amis_, a friend of mine; _un mien ami_ also occurs in popular style. Merimee refers to Henri Beyle (Stendhal), French novelist and soldier under Napoleon, by whom this story was related to him (1783-1843). 8. apres avoir lu. Note the use of the perfect infinitive, not the present, after _apres_. 9. general B * * *. General Berthier, Major-General of Napoleon's army which invaded Russia; he became Prince and Marshal of France (1753-1815).--il changea de manieres. _De_ is used after _changer_ when the object is changed for another of the same kind (if the object is preceded by a modifier, such as a possessive pronoun, _changer_ alone is used). 15. sa croix. The cross of the Legion of Honor; the cross is not usually worn, but in its stead a small bow of ribbon. 21. ecole de Fontainebleau. The reference is not to the present military school (artillery and engineers) at Fontainebleau, which was founded in 1871, but to the school which was moved from there to Saint-Cyr in 1806, and which corresponds to the school at West Point in the United States. 2.--5. Cheverino. "Le 5 septembre un combat se livra pour la possession d'une redoute russe sur le tertre de Chevardino, et fit perdre aux Francais 4 ou 5000 hommes, aux Russes 7 ou 8000. Il annoncait du moins que les Russes avaient pris position et se disposaient, pour sauver leur capitale, a livrer bataille." Lavisse et Rambaud, _Histoire generale du IVe siecle a nos jours_, vol. IX, p. 787. The battle of Borodino, known also as the battle of the Moscova, was fought two days later, September 7, 1812, and Napoleon arrived at Moscow on September 14. On account of the other references in the text to Napoleon the following note may be found convenient.--Born in Corsica in 1769, he first distinguished himself by driving the English from Toulon (1793). He became General-in-Chief of the Army of Italy, and won the celebrated battles of Arcola (1796), Rivoli (1797), etc.; became First Consul in 1799 and Emperor in 1804; victor in the battles of Austerlitz (1805), Iena (1806), Eylau (1807), Friedland (1807), Wagram (1809), he became the ruler of western Europe. He led the Grande-Armee into Russia in 1812-1813, and never recovered from this disastrous campaign. Europe rose against him; he was deposed in 1814 and sent to the Island of Elba, whence he escaped to France in 1815 and ruled, during the Hundred Days, until he was finally defeated at Waterloo, June 18, 1815. Banished to Saint Helena, he died there in 1821. 12. aupres duquel. _Aupres de_ expresses a relation nearer than that expressed by _pres de_. 14. il en coutera bon. _En_ is often added to _couter_ when the latter is used impersonally. 3.--5. la fatigue l'avait emporte. In this idiom the pronoun refers to an unexpressed noun (_prix, choix_, etc.). 25. aussitot que l'ordre...eut ete donne. The past anterior is a literary tense; it is used to express completed action after certain temporal conjunctions and _a peine...que_, also with _encore, plus tot, sitot_, when they are negative and followed by _que_ and when the period of time is mentioned (_il eut bientot fait son devoir_); in all these cases the pluperfect is used if the action is repeated. The past anterior is not used in conversation. 30. eprouvasse. The imperfect subjunctive is a literary tense and is to be avoided in conversation; it may be so avoided by using the present subjunctive and thus violating the rule for the sequence of tenses or by using a circumlocution (particularly obnoxious to a Frenchman's ear are all the forms of this tense in the first conjugation, except the third person singular). 4. -4. madame de B * * *. Possibly Merimee was thinking cf his friend Madame la comtesse de Beaulaincourt, with whom he corresponded. The _Revue des Deux Mondes_ (August 15, 1879) published a collection of eleven letters written to her by Merimee (see also Filon, _Merimee et ses Amis_, 2e ed., Paris, 1909). More probably he refers to Madame de Boigne, who lived in the street mentioned; he used to read his stories in her Salon. 7. en voir de grises. For the use of a feminine adjective referring to no expressed noun compare: _j'ai echappe belle_, I had a narrow escape; _il se remit a courir de plus belle_, he began to run harder than ever, etc. The feminine adjective in such phrases cannot always be explained by saying that _maniere, occasion, chose_, etc., have been omitted. Similar phrases occur in Italian, Spanish, Old French and Romanian. Meyer-Luebke, _Grammaire des langues romanes_, vol. III, Sec. 88, suggests _res, causa_, or a similar substantive as omitted in the primitive Latin construction. In certain French phrases the reference seems to be to _balle_, an expression borrowed from play--_donner la balle belle_, then _la donner_ (or _bailler_) _belle a quelqu'un_, to impose on anyone. 30. ajouta-t-il. The letter _t_ which occurs in such interrogative forms is not introduced for the sake of euphony, nor is it a survival of the Latin _t_ of the third person. It arose by analogy with such forms as _est-il, sont-ils, donnent-ils_, where the letter forms a part of the verb. 6.--7. au travers de. _Au travers_ should always be followed by _de_, _a travers_ should never be followed by _de_; the meaning is the same in each case. 18. que je l'entendis prononcer. Although the second verb has an object, the object of entendre need not be in the indirect form; with _faire_ in this construction the object of _faire_ must be Indirect. 7.--1. je n'ai presque plus. Notice that _presque_ is placed between _plus_ (_pas, rien_, etc.) and the verb. 26. le general C * * * va vous faire soutenir. _Vous_ is the object of soutenir, but in this construction the pronoun object of the second verb is regularly placed in front of _faire_. General Compans was in command of two regiments at the assault of the Redoubt, he was one of Napoleon's distinguished generals; he was made a prisoner at Waterloo and afterwards became a peer when the Bourbons were restored (1767-1845). LE COUP DE PISTOLET 8.--19. je ne sais quel. Note the omission of _pas_ in this phrase which stands for _quelque_; note also the omission of _pas_ after _savait_ in the next sentence (see also note to p. 201, 1. 13). 9.--18. personne... n'eut fait. The imperfect and the pluperfect subjunctive sometimes occur in conditional sentences contrary to fact, but only in literary style. 22. lui demandait-on s'il s'etait battu, il repondait... que oui. _Si_ is avoided in the first clause by means of inversion, otherwise two successive clauses introduced by _si_ would occur; _que_ is used before _oui_ because _oui_ substitutes a clause (_il s'etait battu_); notice that no elision occurs before _oui_. 31. tous. When _tous_ is used without a following noun, _s_ is Pronounced. 12.--14. celui-la. The meaning here is "sldquo;still another" or "aldquo;a third." 25. precipitamment. This is not an exception to the rule that _-ment_ is added to the feminine form of the adjective to form the adverb; adjectives having only two terminations in Latin, that is, those that had the same form for the masculine and feminine (_grandis_, etc.) had the same form for both the masculine and feminine in Old French; _precipitant_ is both masculine and feminine in Old French and becomes with the addition of _-ment precipitamment_ by assimilation (see also note to p.87, l. 17). 13.--4. il la fit partager a toute la compagnie. _Compagnie_ is the direct object of _fit_. 14.--1. R... Merimee uses both this form of abbreviation and the form which occurs on p. 1, l .9 (cf. also p. 17, l. 26). 16.--7. de n'avoir pas. _Pas_ is usually placed before the infinitive. 18.--12. depit... des pires. Merimee tries to reproduce a Russian pun by means of a play on these words. He gives the following note: "Il y a, dans le russe un jeu de mots impossible a traduire: sdelatsa pianitseiou _s'goria_, t. c. samym _gorkim_ pia-nitseiou." 20.--24. il y a bien quatre ans que je n'ai touche. Note that while _pas_ is omitted in this phrase it is used below (p. 21, l. 27) in _voila cinq ans que je n'en ai pas eu_; compare also: _il y a cinq ans que je me mariai_ (p. 22, l. 18), where there is no negative idea. 21.--10. prendre son verre d'eau-de-vie avant la soupe. Merimee gives the following note: "C'est l'usage en Russie de prendre de l'eau-de-vie un peu avant le diner." 22.--6. serait-ce vous. The conditional here expresses uncertainty; it should be rendered in English by "cldquo;could" not by "wldquo;would." 24.--14. reviens-nous. Note the use of the indirect object (instead of _a nous_) with a verb of motion. GUY DE MAUPASSANT Miromesnil (Seine-Superieure), 1850-Paris, 1893 De Maupassant was a godson and disciple of Flaubert, thus his name is closely connected with the Naturalistic School, which goes back to _Madame Bovary_, Flaubert's masterpiece. The leading writers of this school are: Flaubert, the de Goncourt brothers, Daudet (only in portions of his work), Zola and Maupassant. Maupassant is known as a writer of short stories and as a novelist. His work is at times pessimistic and morbid, in this respect he represents the worst side of the Naturalists; he had, however, a remarkable power of observation and the "sldquo;saving gift of irony," and was a master of style, the chief characteristics of which are strength and simplicity. In the artistic composition of the short story he is probably unsurpassed. Important works: _Des Vers_ (1880), _Une Vie_ (1883), _Bel Ami_ (1885), _Mont Oriol_ (1881), _Pierre et Jean_ (1888), _Fort comme la Mort_ (1889), and especially several collections of _Contes_. Edition: Havard, 9 vols.; Ollendorff, 8 vols. LA MAIN 27.--20. qu'entourent partout de hautes montagnes. Note the inversion in the relative clause. 28. ce terrible prejuge corse. Compare Merimee's _Colomba_. 28.--10. on pretendit que c'etait. _Pretendre_, "tldquo;to maintain," has the construction of a verb of saying, _pretendre_, "tldquo;to require" or "tldquo;to insist on," takes the subjunctive. 29.--6. qui fumait. Note the relative clause where in English the participle would be used. 11. cette pays, cette rivage. Illustrations of the frequent mistakes in gender made by the English. 17. j'ave ...bocoup. Illustrations of the errors made by the English in pronouncing French vowels; _avais_ is pronounced _ave_ and _eau_ in _beaucoup_ should not be drawled; this latter remark applies generally to French vowels. No (l. 24) represents the fa to nasalize; c'ete (for _c'etait_, l. 24) illustrates the error mentioned in regard to _avais_; une drap japonaise (p. 3 2), wrong gender; ma (p. 30, l. 17) for _mon_; c'ete, vene, ave (11. 17, 18), illustrate mistakes already mentioned; arrache la peau, that is, _la peau avait ete arrachee_; une caillou coupante, wrong gender; aoh, represents the English tendency to diphthongize simple vowels; tres bonne pour moi, cette = _c'est une tres bonne chose pour moi_; je ete (l. 30) for _j'etais_ or _j'ai ete_. UNE VENDETTA 37.--13. revenir, retourner. These words are not synonymous. 39.--5. pour la lui entrer dedans. _Entrer_ is here transitive; it is used intransitively in the preceding paragraph. 26. des qu'elle apercevait. The imperfect is used to express the repetition of the action; this and the following paragraphs offer good material for a study of the use of tenses. L'AVENTURE DE WALTER SCHNAFFS 41.--1. l'annee d'invasion. The reference is to the Franco-Prussian War of 1870-1871. This war was largely brought on through The instrumentality of Bismarck, who went so far as to falsify French telegrams; it resulted in the defeat of France and the loss of the Alsace-Lorraine territory. The French Emperor, Napoleon III, was overthrown and the present Republic was established. 9. il aimait se lever tard. _Aimer_, except in poetry or unless used colloquially as in this instance, is usually followed by the infinitive with a; sometimes it is followed by the simple infinitive,. in this case it is usually in the conditional or it is accompanied by certain adverbs (_mieux, autant, bien, assez_, etc.); it may even be followed by the infinitive with _de_ when the infinitive gives the cause (_je vous aime d'avoir fait cela_). 46.--21. des petites betes. In familiar style, or when the words form really only one idea, partition is expressed by _de_ and the article even when an adjective precedes the noun. 47.--16. on apercut l'ennemi. Apercevoir refers especially to the sense of sight, _s'apercevoir de_ to a mental process (_il s'apercut de son erreur_). 48.--4. cesserent. Note the plural verb though the singular subjects are not connected by _et_. 17. mangeaille, _-aille_ is a derogatory suffix; the force of the various French suffixes, to which little or no attention is paid in the ordinary French grammars, may be seen in the _Dictionnaire general_, vol. l, pp. 43 ff. and pp. 48 ff.; also in Ayer, _Grammaire comparee de la langue francaise_ (4th edition), pp. 300 ff. 49.--25. mon colonel. The possessive pronoun is used by French soldiers in addressing superior officers. TOMBOUCTOU 63. -12. bonjou. The letter _r_ is as difficult for Tombouctou as it is for the negroes in the Southern States. Tombouctou's language is like the Pidgin-English used in the Orient, he pays no attention to syntax, but puts his verbs in the first conjugation and in the> infinitive, that is, he knows only one form of the verb (_aime, cherche; reconne_, etc.); the mistakes will be easily seen (Bezi, p. 53, l. 18, is for _Bezieres_; Empeeu, p. 54, l. 7, is for _Empereur_; gives and capules, p. 57, l. 11, are for _grives_ and _crapules_; povisions, p. 58, l. 3, for _provisions_, etc.); gade, pesonne = _garder, personne_ (p. 60, l. 5); pati, p. 60, l. 21, is for _parti_, one verb which he does not put in the first conjugation; moi fait mange colonel, that is, he was the colonel's cook; Algeie, for _Algerie_. EN MER 64.--13. faut couper. Popular omission of the subject pronoun. 19. coupe pas. An example of the popular omission of _ne_.-- je vas, for _je vais_; the first person is formed on analogy with the second and third (_vas, va_). 66.--13. iau. Dialectic for _eau_. 19. drait. Dialectic (Norman) for _droit_; this peculiarity may be seen in Canadian French, which is partly Norman in origin; the Latin _i_ and _e_ became in Old French _ei_, this sound developed in Modern French into _oi_, but the Norman dialect retained the Old French sound (represented here by _ai_). 23. aigue. Note the diaeresis, which indicates that _u_ is pronounced in this word. 67.--3. a c't'-heure. For _a cette heure_, a popular phrase for _maintenant_; this also illustrates the popular tendency to slur over syllables and to omit completely the pronunciation of mute e. 11. j'pourrions t'y point. For _ne pourrais-je point?_ The uneducated often use the first person plural with _je; t'y_ (sometimes written _ti_ and _il_) represents the interrogative particle also used by the uneducated, it arose by analogy with the sound of the final syllable in such phrases as _est-il?, sont-ils?_ 68.--17. il etait regardant a son bien. Compare the English construction: "hldquo;he was looking after his property"; this use of the French present participle is incorrect. LES PRISONNIERS 70.--21. tous, boulangers, epiciers, etc. The French are fond of ridiculing these classes of tradespeople, particularly the _epiciers_, the _notaires_ and the _pharmaciens_; such soldiers would be far from the martial type. 72.--5. sept~huit. For _sept ou huit_; v'la, for _voila_, illustrates the popular tendency to slur over syllables. 13. oufrez. For _ouvrez_; the Germans in speaking a foreign language confuse voiced and unvoiced consonants, that is, b, d, g, j, v, become p, t, c, ch, f, and vice versa; these errors will be easily detected (che = _j'ai_; manche = _mange_, etc.). 73.--6. Un brave homme. Compare _un homme brave_; adjectives having secondary meanings precede their nouns when they have the figurative meaning and follow when the literal meaning occurs. 7. fous nous ferez a mancher. That is, _vous nous ferez manger_ or _vous nous donnerez a manger_. 74.--6. c'est les loups. Popular for _ce sont les loups_. 12. che. For _je_. 77.--11. entre eux. Note that there is no elision with _entre_ except in compound verbs (_entr'ouvrir_, etc.). 32. que qui font. _For qu'est-ce qu'ils font_ (_il_ and _ils_ are often pronounced _i_ even by the well educated). 78.--14. pi is for _puis_, t'as, for _tu as_; the other errors have already been noted. 80.--25. Potdevin. Note de Maupassant's choice of names (_cf. Maloison_, etc.). 83.--21. medaille militaire. See note to p. 195, l. 24. LE BAPTEME 86.--3. les femmes, c'est jamais pret. A further example of the popular omission of _ne_ and of the use of a singular verb instead of the agreement of the verb with the real subject. 5. qui avait appele le premier. _Le premier_ is in apposition to _qui_. 7. all' viendront point. _All'_ represents the vulgar pronunciation of _elles_ with the tendency to omit completely the mute _e_; the omission of _ne_ has already been noted. 27. sage-femme. Compare _femme sage_, and notice the importance of the correct position of the adjective. 86.--29. le sel symbolique. Used in the Catholic christening ceremony. 87.--10. m'sieu. A further example of the slurring over of syllables by the uneducated (qu' for _que_, m' for _me_, vot' for _votre_, Etc.). 12. dans les estomacs. That is, _dans l'estomac_, the plural may be by analogy with les entrailles. 17. grand'meres. Etymologically the apostrophe is an error. The adjective _grand_ had no distinct feminine form in Latin (_grandem_) nor in Old French (_grant_), consequently no _e_ has been omitted; the feminine form of Modern French (_grande_) is due to analogy with feminine adjectives where _e_ represents a Latin _a_ (_bonne_, from _bona_, etc.), the form _grand'_ is merely a preservation of the Old French form; _cf. grand'rue_, main street, _grand merci_, I thank you kindly (where the apostrophe is not written), also such adverbs as _prudemment, precipitamment_, etc. (see also note to p. 12, l. 25). TOINE 90.--2. Toine-ma-Fine. A further illustration of de Maupassant's choice of proper names. 24. be, pe. _Be_ is for _boire_, _pe_ for _Pere_, illustrating the dialectic omission of _r_ and the Norman pronunciation of _oi_ (see note to p. 66, l. 19). 91.--7. arrondissement. See note to p. 176, l. 15. 32. qu'al'est. For _parce qu'elle est_ (see note to p. 85, l. 7). 92.--1. i for _il_ (see note to p. 77, l. 32). 29. c'qu'arrivera. For _ce qui arrivera_, notice the incorrect use of _que_ as subject (no elision would occur with _qui_). 93.--4. la me. The article may be used in familiar or disrespectful address (for _la mere_). 94.--23. te. For _toi_ (see note to p. 66, l. 19); compare also me for moi (l. 25); c'est-il, incorrect for _est-ce que_ (see also note top. 67, l. 11). 95.--1. pu. For _plus_. 6. guetez. For _guettez_; in the same sentence both y and i represent _il_ (see note to p. 77, l. 32). 96.--16. li. For _lui_. 23. a. For _elle_ (see note to p. 85, l. 7). 28. pourque. For _pourquoi_; pisque (l. 29) for _puisque_. 91.--6. que que tu veux. For _qu'est-ce que tu veux_. 32. quasiment t'une lourdeur. _t'_ here shows that a liaison has been made. The question of liaison is difficult for a foreigner, some book on pronunciation (such as Geddes, _French Pronunciation_, Oxford Press) should be consulted. 98.--1. on entendit entrer. Notice that the indefinite subject of the infinitive is omitted. 18. un lapin qui bat du tambour. An allusion to the drumming of rabbits. 23. il dut couver, il dut renoncer. The past definite of certain verbs expresses accomplishment, "hldquo;he had to do it and he did it"; _devait_ would not express the accomplishment of the action. 100.--31. que. For _quel_. 101.--3. combien qu'i en a. For _combien qu'il y en a_, that is, _combien y a-t-il_? 5. cette famille nouvelle. When _nouveau_ is placed after the noun, it means "rldquo;recently appeared," not "oldquo;other"; _nouveau_ should also be distinguished from _neuf_, which means "uldquo;unused" and follows its noun. 11. son enveloppe. The use of _son_ before a feminine noun beginning with a vowel arose by analogy with _bon: bon ami, bonne amie_, therefore _son ami, son amie_. LE PERE MILON 103.--4. la guerre de 1870. See note to p. 41, l. 1. 105.--14. tretous. A dialectic survival of an Old French form (in Old French _trestot, trestout_, etc., are at times used for _tout_, etc.; the word is derived from _tres_ and _tout_). 28. qu'il etait. The uneducated are fond of introducing que in phrases where it is unnecessary. Other dialectic peculiarities in this paragraph which have not been noted are: pu de chinquante for _plus de cinquante_, the Picard dialect resembles the Italian in the pronunciation of the soft _c_, on the other hand the French _ch_ is pronounced in the Picard dialect as hard _c (k)_, _vache_ becoming vaque; itou is another instance of a dialectic survival of an Old French word (in Old French _itel_, "sldquo;such, similarly, also," occurred, formed on analogy with _icel=celui; itel_ and _tel, icel_ and _cel_ were used without difference of meaning, _i_ is a relic of the Latin _ecce_ originally added to the word for the sake of emphasis); li is for _lui_. The following errors in syntax occur in this passage: The first sentence should read, _Je revenais un soir, alors qu'il etait peut-etre dix heures, le lendemain apres que vous etiez venus_ (or _arrives_) _ici_. After the phrase, _Je me dis_, read, _Autant de fois qu'ils me prendront vingt ecus, autant de fois je leur revaudrai ca. De sorte_ or a similar phrase should be supplied before _qu'il n'entendit_, also before _qu'il n'a pas seulement dit_. 109.--2. pu, pus. Both stand for plus, the spelling of the latter form represents the frequent pronunciation of _s_ in plus when it stands before a pause. 8. l'Empereur premier. For Napoleon Premier. 16. ou que. _Que_ is superfluous; after chez me (l. 17), insert _de sorte_ or _de telle facon_. 27. le vieux. See note to p. 93, l. 4. 32. toute coupee. In this construction _tout_ does not take the feminine form if the following adjective begins with a vowel (tout ancienne, etc.). ALPHONSE DAUDET Nimes, 1840--Paris, 1897 Daudet has given the impressions and the experiences of his early life in the two volumes with which he established his reputation: _Le Petit Chose_ and _Lettres de Mon Moulin_; in the former he describes the struggles of his boyhood, and in the latter the customs and legends of his native Provence. The books which he published later are of a different character, marked by the influence of the Naturalistic School, but unlike the other members of this school, he was endowed with a spontaneous, sympathetic nature, which enabled him to feel what he described. Thus while de Maupassant describes with the greatest art what he observes, Daudet sympathetically describes what he observes and feels. He had too much originality ever to come completely under the influence of the Naturalists. His short stories usually deal with some incident of the Franco-Prussian War (_Le Siege de Berlin, La Derniere Classe, La Vision du Juge de Colmar_, etc.) or with life in the Midi (_Lettres de Mon Moulin_). _Le Cure de Cucugnan_ and _Le Sous-Prefet aux Champs_ are taken from _Lettres de Mon Moulin_ (1869), the remaining three stories of the collection are taken from _Contes du Lundi_ (1873). His best novels are given in the following list; in these he has often been compared with Dickens and Thackeray. Important works (besides the collections of short stories mentioned): _Les Amoureuses_ (verse, 1858), _Le Petit Chose_ (1868), _Aventures Prodigieuses de Tartarin de Tarascon_ (1872), _L'Arlesienne_ (drama, 1872), _Fromont Jeune et Risler Aine_ (1874), _Jack_ (1876), _Le Nabab_ (1877), _Les Rois en Exil_ (1879), _Numa Roumestan_ (1881), _L'Evangeliste_ (1883), _Sapho_ (1884), _Tartarin sur les Alpes_ (1885), _La Defense de Tarascon_ (1887), _L'Immortel_ (1888), _Port Tarascon_ (1890). Edition: Flammarion, 13 vols. (illustrated); Charpentier, Dentu, Hetzel and Lemerre have each published portions of his work. LE CURE DE CUCUGNAN This story is an almost literal translation of _Lou Curat de Cucugnan_, a Provencal story by Roumanille, published by him under the pseudonym of Lou Cascarelet in the _Armana prouvencau_ (Provencal Almanac) in 1867 (Daudet was in Provence during this year). This Almanac was first published in the year 1855, a little after the foundation of the _Felibrige_ (May 21, 1854). _The Felibrige_ was a brotherhood of modern Provencal poets, its purpose was to revive Provencal as a literary language; the word _Felibrige_ is of unknown origin, it comes from an obscure word found by Mistral in a Provencal text; the members of the brotherhood, which later became a great literary society, were called _felibres_; the brotherhood was originated by Roumanille, who was followed by a more celebrated poet, Mistral, and five other poets, Aubanel, Brunet, Camille Raybaud, Mathieu and Felix Gras. In regard to the _Armana prouvencau_, the following quotation from an article by Mistral in _Les Annales politiques et litteraires_, May 13, 1906, will give an idea of the type of this Almanac: "Et sans parler ici des innombrables poesies qui s'y sont publiees, sans parler de ses Chroniques, ou est continue, peut-on dire, l'histoire du Felibrige, la quantite de contes, de legendes, de sornettes, de faceties et de gaudrioles, tous recueillis dans le terroir, qui s'y sont ramasses, font de cette entreprise une collection unique. Toute la tradition, toute la raillerie, tout l'esprit de notre race se trouvent serres la-dedans." The dialects of France fall into two great classes: the _Langue d'oil_, in the north, and the _Langue d'oc_, in the south (_oil_ is the old> northern form for _oui, oc_ the southern form). The difference really dates from Roman colonization, which occurred on the Mediterranean some seventy-five years before Caesar conquered northern Gaul (59--5l B.C.). Provencal is one of the principal dialects of the southern group; during the eleventh, twelfth and thirteenth centuries (prior to the Albigensian crusade) it was, at least in lyric poetry, the most important literary language of France. Because of political and literary superiority, the language of Paris, or of the Ile-de-France, became the general literary language of France. The dialects, however, still live on, and Provencal has, as described above, been somewhat revived as a literary language by the efforts of Mistral and the other poets of the _Felibrige_. Many scholars regard the characteristics of the territory embraced by the modern departments of Loire, Rhone, Isere, Ain, Savoie, the old province of Franche-Comte and a part of Switzerland as sufficient to form a third group of dialects known as _Franco-Provencal_. The dividing line between the _Langue d'oc_ and the _Langue d'oil_ passes approximately from the mouth of the Gironde to the Alps by way of Limoges, Clermont-Ferrand and Grenoble. 111.--1. a la Chandeleur. The article in such constructions is usually explained as equal to _la fete de_; it should be noticed, however, that in Old French a substantive frequently occurred in the oblique without a preceding _de_, the construction being equal to the Latin genitive, no preposition having been used (the phrase is thus literally: "oldquo;on that of Candlemas"). 2. en Avignon. _En_ is not now used with cities except in ironical imitation of Provencal style (see Brunot, _Precis de grammaire historique de la langue francaise_, sec. 496, 2) or as a poetic and archaic survival of the usage of the seventeenth century,--un joyeux petit livre. The _Armana prouvencau_. 112.--3. quel bon vent. The verb is to be supplied (_quel bon vent vous amene?_). 4. le grand livre et la clef. Cf. Matthew xvi, 19 and Revelation xx, 12. 11. disons-nous. Here = _vous dites_. 27. faites que je puisse. _Faire_ in the imperative is followed by the subjunctive, elsewhere by the indicative (_c'est ce qui fait que cela va mal_), but notice that _faites attention_ takes the indicative (_faites attention qu'il est la_). 114.--19. je n'ai pas entendu chanter le coq. See Matthew xvi, 34 ff. 116.--9. en l'air. _En_ is never used before _les_; it is rarely used before the singular definite article, when it is so used the article is usually elided. In those cases where _en_ is not used, _dans_ takes its place; _en_ was more frequently used in former times, it is now largely limited to fixed phrases. The following distinctions should also be observed: _je ferai cet ouvrage en deux jours_ (two days will be required), _je ferai cet ouvrage dans deux jours_ (after two days have elapsed). 117.--7. rang par rang... quand on danse. As in the dance called the _farandole_, where a number of people join bands and dance in a long line. 16. le meunier. The French have always ridiculed the millers; cf. the proverb: _il n'y a rien de plus hardi que la chemise d'un meunier, parce qu'elle prend, tous les matins, un fripon au collier_; also, _il s'est fait d'eveque meunier_, said when one has fallen from a good position to a poorer one. 118.--4. le. This pronoun does not refer to _histoire_, but to all that has been told. This paragraph has not been added by Daudet, but occurs in the Provencal version. LE SOUS-PREFET AUX CHAMPS 121.--26. de plus belle. See note to p. 4, l. 7. LE PAPE EST MORT 123.--1. une grande ville de province. Daudet was born at Nimes, his father was a wealthy manufacturer of silk handkerchiefs, the father lost his money and moved to Lyons when Alphonse was nine years old, it was here that the boy went to school and it is this city that is described in the story. 2. tres-encombree. The hyphen is now omitted after _tres_. 125.--32. j'avais beau revenir. Littre explains this idiom as follows: "_Avoir beau_, c'est toujours avoir beau champ, beau temps, belle occasion; _avoir beau faire_, c'est proprement avoir tout favorable pour faire. Voila le sens ancien et naturel. Par une ironie facile a comprendre, _avoir beau_ a pris le sens d'avoir le champ libre, de pouvoir faire ce qu'on voudra, et, par suite, de se perdre en vains efforts." 127.--13. Pie VII. Pius VII was imprisoned by Napoleon (l'empereur, l. 16) at Fontainebleau from 1812 to 1814; the words _comediante... tragediante_ were used by Napoleon to the Pope and by the Pope to Napoleon. UN REVEILLON DANS LE MARAIS 130.--23. vieux, vieux. The .repetition of an adjective for emphasis is much more common in Italian than in French. 132.--3. une Diane... avec un croissant au front. A conventional manner of representing the goddess. 4. triolets. In versification this name (_triolet_) is given to a poem of eight lines, of which the first is repeated after the third, and both the first and second after the sixth, it is a development of the Old French _rondeau_; in music, as it is here used, the name is given to a group of three notes which, in a measure of 3/4 time, produces the effect of 6/8 time. LA VISION DU JUGE DE COLMAR 134.--1. l'empereur Guillaume. William I, King of Prussia in 1861 and Emperor of Germany from 1871 to 1888; it was during his reign that the Franco-Prussian War occurred. 17. restez assis. In France the judges hold office for life (_magistrature assise_), while prosecuting attorneys, etc., may be removed from office by the Minister of Justice (_magistrature debout_); there is thus a double meaning in _restez assis_ "rldquo;remain seated" or "rldquo;remain a judge (for life)"; on condition, of course, that Dollinger renounce his allegiance to France and take the oath of allegiance to Germany. 26. le meme grand christ. Used in administering oaths, the person who took the oath raised his right hand toward the crucifix. 136.--4. aussi n'avancent-ils. Notice that _aussi_ here means "tldquo;therefore" and that it causes inversion (this occurs also with _a peine, encore, peut-etre, ici, la_, etc.). 137.--5. des robes noires, des robes rouges. The former are worn by the judges in the lower courts, the latter by the judges in the courts of appeal. 6. president. The French Department of Justice is now constituted as follows. The Department has at its head a Cabinet Minister (_Ministre de la Justice_) and it comprises a civil and a criminal jurisdiction. In each canton is a justice of the peace, in each department a civil court, and in sixteen important cities a court of appeal. Criminals are tried in each department in a court of assize, before a jury of citizens and judges of whom the presiding judge is termed the _president_ and the assistant judges _conseillers assesseurs_. Above all courts is the Court of Appeal (_Cour de Cassation_, in the _Palais de Justice_ at Paris); this court is charged with looking after the strict observance of the Laws. 138.--24. monsieur le comte. Bismarck was given the higher title of Prince in 1871. ERCKMANN-CHATRIAN Emile Erckmann, Phalsbourg, 1822--Luneville, 1899. Alexandre Chatrian, Soldatenthal, 1826--Villemombles, 1890 Most of the literary work of these two men was done jointly, hence their hyphenated signature. Erckmann did most of the writing, Chatrian most of the editing and adapting for the stage. Their work consisted of short stories, novels and plays, particularly with scenes laid along the Franco-German (Alsatian) frontier, where they were both born. Their stories usually deal with incidents of the French Revolution, the Empire of Napoleon l and the Franco-Prussian War; they attacked war, and their stories are generally of a fantastic or idyllic type. Important works: _Madame Therese_ (1863), _Histoire d'un Conscrit de 1813_ (1864), _L'Ami Fritz_ (1864, their best known novel), _Le Juif Polonais_ (1869, their best known play, known in English as _The Bells_), _Les Rantzau_ (1882, a play), and several collections of _Contes_. The _Montre du Doyen_ is from the _Contes Fantastiques_ (1860). Edition: Most of their work has been published by Hetzel. LA MONTRE DU DOYEN 141.--2. bourgmestre. This title is not applied to French mayors, but to those of Belgium, Holland, Switzerland, Germany, etc. 142.--13. plus d'une demi-lieue. The use of _de_ instead of _que_, "tldquo;than," occurs before numerals and is a survival of the Old French construction, which employed _de_ (than) generally after a comparative (cf. the more general use of _di_ in this sense in Italian). 27. grand concerto. Incorrect in Italian, where grande is usually written _gran_ before a word beginning with a consonant (except _s_ followed by another consonant); before a vowel _grand'_ is used (_grand'impero_, great empire). 29. theologiens... philosophes. A playful reference to the students of Heidelberg University. 145.--10. jusque passe minuit. Note that _jusque_ and not _jusqu'a_ is here used; besides a following preposition (_jusque sur_, etc.), certain following adverbs may have the same construction (_jusqu'ici, jusque-la, jusqu'aujourd'hui_, etc.). 20. ce disant. A survival of the Old French construction where _ce_ could be used as object without a noun. In modern French _ce_ is usually either an adjective pronoun or it is the impersonal subject of a verb or it is the antecedent of a relative; the other uses have been taken over by _ceci_ and _cela_. Another similar construction is _sur ce_, used by sovereigns in closing letters. 148.--8. que. To avoid repetition of _comme_. 149.--14. soit. The tendency, although usage varies, is to pronounce the _t_ in this exclamation. 23. comme tu voudras. Note the tense, a polite future, where in English the present would be used; notice also, the tense on p. 148, l. 18. 153.--15. et toute la salle de rire. An example of the historical infinitive, which expresses the sudden result of a preceding action and is accompanied by a new subject. 28. plus qu'un. Notice the difference between this phrase and _plus d'une_ (p. 142, l. 13). 161.--29. pas un d'entre eux. Note the insertion of _entre_; when spoken, _un d'eux_ would not be clear; note also that _entre_ suffers no elision (see note to p. 77, l. 11). 164.--14. apres boire. An example of the present infinitive used after _apres_ (cf. _il est parti apres avoir bu un verre d'eau_). 167.--6. a peine eus-je allume. Note that _a peine_ causes inversion and that it is used with the past anterior (see notes to p. 136, l. 4 and p. 3, l. 25). 168.--29. et que mon histoire vous ait interesse. When que is used to avoid the repetition of _si_, the subjunctive is employed. FRANCOIS COPPEE Paris, 1842--Paris, 1908 Coppee is known as a poet and writer of short stories. His work usually deals with the pathetic side of humble life. He has been accused of sentimentality and superficiality; he is, however one of the most popular and accomplished of the modern French poets, a dramatist of some merit and the author of a number of _Contes_ relating to the life of the _peuple_, particularly in and about Paris. Important works: _Poesies_ (several collections, 1864-1890), _Theatre_ (best plays: _Le Passant_, 1869; _Le Luthier de Cremone_, 1876; _Les Jacobites_, 1885; _Pour la Couronne_, 1895), and several volumes of _Contes_ (the two stories given in this collection are from his _Longues et Breves_, published in 1893). Edition: Lemerre. LE LOUIS D'OR 169.--12. abat-jour. This compound noun is invariable in the plural because the plural idea does not really belong to the second element, which is the only part capable of inflection. 17. Zaatcha. This oasis was captured in 1849, during what may be termed the second period of the French occupation of Algeria; the first period extends from the landing of French troops in 1830 until the capture of Constantine in 1837, the second period, from 1837 to 1849, was a period of resistance, the third period extending to 1901 was one of partial insurrections; Algeria is now the most important French colony. France now possesses the colonies of St. Pierre and Miquelon, near Newfoundland; Guadaloupe, Martinique and French Guiana in the West Indies and South America; New Caledonia, New Hebrides and about 116 other islands in Oceania; Indo-China (comprising Cochin-China, Annam and Tonkin, with about 18,000,000 inhabitants); Madagascar, Reunion and other near-by islands; Djibouti, an African port on the Gulf of Aden; French Congo, French Soudan, French Guinea, French Senegal, on the western coast of Africa; Tunis, Algeria and Morocco (the latter since 1912) on the Mediterranean, with strong influence in the country lying between this territory and the Soudan. In addition the French language is spoken by the descendants of French colonists in Canada, New Orleans, the Mexican mountains, etc. 170.--3. mettant... ses souliers dans la cheminee. The French children have this custom instead of hanging up their stockings. 171.--28. quelque espoir. The final vowel of _quelque_ is elided only in _quelqu'un_ and _quelqu'une_. 172.--5. le dix-sept n'est pas sorti. The game of roulette is played on a rectangular table with a revolving wheel in the center. A ball is placed on the wheel which sends it into compartments; these compartments (of which there are two series, one on each side of the table) are numbered consecutively up to thirty-six and are arranged in three parallel lines or columns. The players or punters stake their money in various ways: on a single number or numero, which means that if the ball rests on that number the player receives thirty-five times the amount risked; on a colonne or row of numbers, in that case if the ball remains on any number of the column the player receives three times the amount risked; on a couleur (the numbers are half red, half black), in this case he receives, if he is successful, the amount he has risked; on the douzaine, that is, on the first, second or third series of twelve numbers, in case he wins the player then receives three times the amount he has risked; other combinations may also be used and there are two compartments, and 00, which enable the bank to maintain a constant advantage. L'ENFANT PERDU 176.--11. sous le nom de Louis XIV. Louis XIV was also known as le _Roi-Soleil_. 15. Conseil general de l'Eure. The old French provinces were abolished during the Revolution, and the territory was redivided into _departements_, of which there are at present 86 (if the territory around Belfort be not counted); each department is governed by a _prefet_, or prefect. These departments are subdivided into 362 arrondissements, with a sous-prefet at the head of each; these into 2899 _cantons_, governed by a council; and these in turn into 36,170 _communes_, governed by mayors. The chief magistrate of the modern Republic (declared in 1870) is the President, elected for seven years by the Senate and the Chamber of Deputies. These latter legislative bodies are composed respectively of 300 members elected for nine years (one third every three years), and of 597 members elected for four years. The President appoints a cabinet of ten ministers to aid him in his executive duties. When a cabinet receives only a minority of votes of confidence in the Chamber of Deputies, it resigns in a body and a new cabinet is formed. The executive power is represented throughout France by the prefets, sous-prefets and mayors. Each commune, canton and arrondissement possesses a council which cannot treat of political questions. There is also a conseil general which considers departmental affairs. A deliberative body and a representative of the executive are thus found side by side throughout the strongly centralized Republic. 20. nous sommes donc autorise. The author is speaking for himself alone, hence the participle is in the singular. 178.--7. zero. The French use the Centigrade thermometer with zero at 32 deg. Fahrenheit; 1 4/5 deg. F. = 1 deg. C. 179.--28. un air de famille avec les Auvergnats. An allusion to the custom in Auvergne of wearing the beard in this fashion. 180.--32. chaussons de lisiere et de la brosserie. List-shoes and brushes are manufactured in French prisons. 181.--13. qui s'en faisait deux fois autant par la vertu de l'anse du panier. Compare the phrase, faire danser l'anse du panier, said of a cook who makes a profit on the supplies of the Household. 24. son Allemande. Gouvernante is to be understood. 182.--7. joueur comme les cartes. Compare the phrase in another of Coppee's stories (les Vices du Capitaine), joueur comme feu Besigue, where the game (bezique) is spoken of as though it were a person. 11. trop heureux de devenir. Notice the difference between this phrase and _trop heureux pour devenir_. 31. Dauphin. When the province of Dauphine was added to French territory, the last ruler of Dauphine, Humbert III, ceded the province on condition that the title of Dauphin be given to the eldest son of the French king; the province became a part of French territory in 1349. 183.--10. le trois pour cent. The reference is to government bonds. 16. quatre bureaux de tabac. Tobacco is a government monopoly in France, hence the management of the shops is sometimes turned over to friends of politicians. 18. Deux Decembre. The date (December 2, 1851) on which Louis Napoleon executed his _coup d'etat_, by which he was elected President for ten years. There was a Parisian uprising against this act, but he put this down and in the following year he became Emperor with the title of Napoleon III (1808-1873). 19. P'pa, et le p'tit Noel... y mettra-ti' tet' chose. For _Papa, etc. ...y mettra-t-il quelque chose_. See also note to p. 77, l. 32. 184.--1. blond albinos. Modified adjectives of color are usually invariable. 185.--20. conquetes de 89. The French Revolution began in 1789. 27. l'air d'un marie du samedi. The working people are often married on Saturday. 29. Republique parlementaire. A Republic has been proclaimed three times in France: the first lasted from 1792 until Napoleon I became Emperor in 1804; the second extended from the fall of King Louis Philippe in 1848 until the _coup d'etat_ of 1851; the third and present Republic was proclaimed on September 4, 1870 (the allusion in the text is to the last). 186.--14. au chateau. That is, _au chateau du Louvre_, the former residence of the French kings. 23. Port' siou p'ait. (_Ouvrez la_) _porte s'il vous plait_. 187.--12. sur les fortifications. The reference is to the walls around Paris, formerly used as fortifications; the type of the quarter is described in the text. 191.--19. ayez pas peur. The popular omission of _ne_ has already been noted (note to p. 64, l. 19), as well as the other popular phrases which follow. 192.--14. j'ai ete faire. The use of _etre_ for _aller_ when followed by an infinitive is inelegant, though the construction is sometimes used by good writers. 195.--24. medaille. The reference is to the military medal, conferred for meritorious military service (instituted in 1852). THEOPHILE GAUTIER Tarbes, 1811--Paris, 1872 Born in Gascony, Gautier was educated, partly in his native town, partly at the Lycee Charlemagne in Paris. Here he became a friend of Gerard de Nerval, who was of such influence on the later decadent school. He was a friend of the Romanticist, Victor Hugo, and the typical red waistcoat which he wore at the first presentation of Hernani has become almost historic. In 1830 he published a volume of verse, and two years later _Albertus_ in the extreme Romantic style. A novelist and poet, he traveled extensively and embodied his experiences and impressions in many works on travel and art criticism. His work is characterized by a remarkable esthetic appreciation, an almost flawless, ornate style, and a strong tendency toward the fantastic. Faguet says of him: "Hldquo;He knew all the resources of the French language and style." He stands above all for form (cf. his poem, _L'Art_). Important works: _Poesies_ (1830), _Albertus_ (1832), _Mademoiselle de Maupin_ (1835), _Fortunio_ (1838), _Les Grotesques_ (1844), _Avatar and Jettatura_ (1857), _Emaux et Camees_ (1858), _Le Roman de la Momie_ (1858), _Le Capitaine Fracasse_ (1863), besides descriptions of his travels. Edition: Charpentier, in 34 vols. LA MILLE ET DEUXIEME NUIT The title is borrowed from the _Mille et Une Nuits_, translated into French by Galland (1704). 201.--1. favorite. This peculiar feminine form is due to analogy with _petite_ (in the masculine _petit_ and _favori_ end with the same sound, hence by analogy they have the same sound in the feminine). 13. ne sachant que faire. _Pas_ may be omitted: (1) in certain fixed phrases (_n'importe_, etc.); (2) after _qui_ or _que_ expressing a regret or a desire (_qui de nous n'a ses defauts?_); (3) before the interrogative pronouns _que, quel, quoi_ (_je n'ai que faire de vos dons, ne sachant que faire_, etc.); (4) with _ni_ (_il ne boit ni ne mange_); (5) with _ne... que_, meaning "oldquo;only," or when another negative follows (_point, rien_, etc.); (6) with certain verbs followed by an infinitive (_pouvoir, savoir_, etc.); (7) with _si_ when expressing a reservation in the sense of _a moins que_; (8) in certain subordinate clauses (_je n'y vais jamais qu'il ne m'arrive quelque accident; c'est vrai qu'il ne s'est jamais marie, mais ce n'est pas qu'il ne l'ait voulu_, etc.). This list does not embrace the pleonastic uses of _ne_. Notice further in regard to this phrase (ne sachant que faire) that, although the indirect question usually becomes in French a relative clause (_il ne sait pas ce qu'il fait_), with the infinitive the old Latin construction is preserved (with _avoir, pouvoir_ and _savoir_, when negative). _Ne_ (alone) to express negation is a survival of the usage in Old French where _ne_ (without pas) could be used generally. 216.--27. Ibnn-Ben-Omaz. There seems to have been no celebrated poet of this name. Gautier's knowledge of Arabic was apparently limited (a number of his errors have been indicated under the proper words in the vocabulary). Omar Khayyam (eleventh and twelfth centuries) is naturally suggested; Ibn al-Khattab Omar, the second Caliph, who succeeded Abu-Bekr in 634 and who took part in writing the Koran, is also suggested. Omaz is not an Arabic name. 218.--22. l'escarboucle magique, ou l'aigrette de plume de heron. That is, she was neither a fairy nor of royal blood; the carbuncle was formerly a magic stone and was credited with the power to emit light; in regard to the heron, possibly Gautier had in mind the ibis, the sacred bird of Egypt. 219.--29. la princesse... n'enverrait... que je refuserais. For _si la princesse envoyait... je refuserais_. 220.--23. vous l'a fait preferer. Notice that in this construction the object of the infinitive precedes _faire_. 221.--1. c'est tout au plus si je pourrais. In conditional clauses the conditional is not allowed after _si_; this clause is declarative, the meaning is: "aldquo;at the utmost I could do no more than." HONORE DE BALZAC Tours, 1799--Paris, 1850 Because of his father's circumstances Balzac was at an early age placed in a law office; this work was especially irksome to him, and he soon went over to literature. For a long time he suffered hardships from want of money, which seems to have strongly colored much of his work. In 1850 he married a wealthy Polish lady, Madame Hanska, but he never was able to enjoy the life of ease to which he had been looking forward for many years; his death occurred a few months after his marriage. Balzac's chief work is to be found in his _Comedie Humaine_, a collection of stones filling some forty volumes. It is divided into: _(1) Scenes de la Vie Privee, (2) Scenes de la Vie de Province, (3) Scenes de la Vie Parisienne, (4) Scenes de la Vie Politique, (5) Scenes de la Vie Militaire, (6) Scenes de la Vie de Campagne, (7) Etudes Philosophiques, (8) Etudes Analytiques_. These novels are often connected by the reappearance of certain characters, and especially by the analysis of character which is always intimately connected with Balzac's name. Of a robust, exuberant and vulgar nature, his style is poor; he lacked an artistic sense and he was without poetic genius. He was unable to depict a gentleman or a lady; but he excelled in the analysis of character, especially among the middle and lower classes, and in the descriptions of their surroundings; it is thus that he stands at the head of the Realists. Important works: To the _Comedie Humaine_ (1829-1850) above mentioned should be added the _Contes Drolatiques_ (in which he imitates the style and the language of the sixteenth century) and several volumes of _Contes_. In the _Comedie Humaine_ the following volumes should be especially mentioned: _Le Pere Goriot_, _Le Colonel Chabert_, _Le Lys dans la Vallee_, _Ursule Mirouet_, _Eugenie Grandet_, _Le Cure de Tours, Illusions Perdues, Cesar Birotteau, Les Paysans, Le Cure de Village_. _Un Drame au Bord de la Mer_ (written in 1834) is taken from the _Etudes Philosophiques_ (published in 1835) Edltlon: Calmann Levy, in 24 vols. and in 45 vols. (his works have been published in several other editions). UN DRAME AU BORD DE LA MER 222.--7. conceptions premieres. Numerals precede their nouns; when _premier_ follows its noun, as here, the idea conveyed is "cldquo;conceptions which form the basis of other conceptions." 12. durant. According to Littre, this preposition differs from _pendant_ in that it means "dldquo;during the entire time," whereas pendant may mean "aldquo;at a certain point during the time": _durant la campagne les ennemis se sont enfermes dans leurs places_, and _c'est pendant la campagne que s'est livree la bataille dont vous parlez_. 227.--27. sans mot dire. Note the position of _mot_ in this phrase; cf. _sans rien dire_. 229.--4. faquir. The fakirs or ascetic Mohammedan monks comprise various classes and orders; Balzac apparently has in mind those known as yogis, who assume and maintain for a long time various unnatural postures, their belief being that this will effect a union of the human soul with the Supreme Being, whereby further migration will be avoided (this is known as the yoga system of philosophy). 6. si le voulait la mer. Notice the inversion. 230.--24. mon cher oncle. A detailed account of Balzac's family can be found in E. Bire, _Honore de Balzac_. 232.--28. bestiaux. This word is now used as the plural of _betail_; it is, however, etymologically not the plural of betail, but of the adjective _bestial_; the latter singular form is not now used as a substantive in the literary language, although it occurs in works of the seventeenth century and is still used in Normandy, meaning "aldquo;all the cattle" (cf. Nyrop, _Grammaire historique de la langue francaise_, vol. II, sec. 292, 2, remark). 235.--22. anachoretes. Anchorites differ from hermits in that they live in the most absolute solitude and subject themselves to the greatest privations. 237.--4. il ne se serait pas sacre comme ca, que la frayeur ...That is, _quand meme il ne se serait pas sacre comme ca, la frayeur..._ (the principal clause expresses a concession, and the _que_ clause the conclusion). 11. qu'est. A popular error already noted (see note to p. 92, l. 29). 18. que qui te dit. For _qu'est-ce qu'il te dit_; qu'elle repond (l. 19), an example of the superfluous que used by the uneducated; qu'a dit (l. 21) _= qu'elle dit = dit-elle_. 31. defunt ma mere. _Defunt_, as also the adjective _feu_, does not agree with its noun when the latter follows. 238.--5. qu'a ecoute. For _qu'elle a ecoute_. 22. plus du temps. For _plus que le temps_. 239.--20. fallait des especes. Popular omission of il. 26. mette. The dialects often other examples of the survival of Old French words; _metal_ is the modern word for "mldquo;metal," it is sometimes used in slang for "mldquo;money." 240.--27. des cent ecus, des cent francs. For _des centaines d'ecus, des centaines de francs_. 241.--3. la fille au cadet. Popular for la _fille du cadet_, another example of the survival of an Old French construction among the common people. 10. qu'avait. For _qui avait_. 27. pour. Incorrect use of _pour_ without an object; the other popular phrases have already been noted. 243.--18. malin. The feminine of this adjective, maligne, is only apparently irregular; the Latin etyma are _malignum_ and _malignam_ (French words, except those used in address, are derived from the Latin accusative), these give regularly _malin_ and _maligne_, because final Latin vowels fall except _a_ which becomes _e_ and final _gn_ is reduced to _n_, whereas _gn_ between vowels gives the modern French sound. 30. il pleurait du sang. Compare the English phrase "tldquo;to sweat blood." 244.--18. il savait plus. Popular omission of _ne_. ALFRED DE MUSSET Paris, 1810--Paris, 1857 De Musset at an early age became a member of the cenacle or inner circle of the Romantic writers, with whom he is intimately connected. In 1829 he published a volume of verse of great merit; this and the _Spectacle dans un Fauteuil_ made him famous at once. He had an extremely excitable, poetic temperament and a weak will, which rendered him incapable of entering any useful employment, such as a position in the French Embassy at Madrid, or writing regularly for periodicals, both of these positions having been offered him. He was elected to the French Academy in 1852 and did little work thereafter. His best work was done in verse and in the drama, but his short stories are of extraordinary merit. His poems (especially the _Nuits_) possess preeminently the lyric quality, genuineness, originality and passion; his dramas, having usually some proverb as a title, show great delicacy, grace, ingenuity and wit; his short stories are exquisite. His style, in contrast to that of Gautier, shows little care for form, and in many respects he may be compared with the English poet Byron. Important works: _Contes d'Espagne et d'Italie_ (1829), _Spectacle dans un Fauteuil_ (1829), _Rolla_ (1833), _Nuits_ (1835 ff.); _Lettre a Lamartine_ (1836), _Confessions d'un Enfant du Siecle_ (1836), _Poesies Nouvelles_ (1840), _Comedies et Proverbes_ (1850-1851, about fifteen), besides several _Nouvelles and Contes (1837-1854), such as: _Emmeline, Frederic et Bernerette, Fils du Titien, Margot, Le Merle Blanc, Croisilles_ (published in 1841), etc. Edition: Charpentier, in 9 vols.; Lemerre, in 10 vols. CROISILLES 250.--29. et quand je l'aurais. The apodosis (_qu'est-ce que je ferais_) is omitted and only the protasis is expressed. 251.--13. que penserait-on de vous. Distinguish between _penser a_, to think of, and _penser de_, to have an opinion of. 252.--29. fermes royales. The old monarchy, which existed in France before 1789, used to farm out the taxes to private individuals or to a company, on condition that a certain sum should be turned over to the Government, anything above this sum being the profit of the _fermier_. 257.--9. de la sorte. Preservation of the old demonstrative use of _illam_; the French article is the weakened Latin demonstrative. 259.--1. a peine... que. Notice that _que_, not _quand_, is used after _a peine_; the inversion with _a peine_ has already been mentioned (note to p. 136, l. 4). 260.--10. n'avoir pas dine. Both parts of the negative are usually placed before the infinitive. 17. Monsieur aime-t-il. The third person is generally used by French servants in addressing their masters. 263.--24. un Turc. De Musset has in mind the Turkish custom of sending _selams_ (see this word in the vocabulary). 266.--4. Mademoiselle. _Cher, chere_ in the salutation of a French letter expresses much greater intimacy than the corresponding English word; it is omitted in formal letters. 268.--10. si on lui. _Si on_ and not _si l'on_ is used when the letter _l_ immediately follows. 269.--18. plus d'une. Notice that, while the subject contains a plural idea, the verb is singular because of the influence of _un_. 270.--16. profondement. Not an exception to the rule that French adverbs are derived by adding _-ment_ to the feminine adjective; adverbs of this type go back to past participles ending in _-ee_, the final e having been lost (_aveuglement, commodement, conformement_, etc.), or are formed on analogy with adverbs that are so derived (see Darmesteter, _Historical French Grammar_, p. 382). 277.--26. grand'chose. See note to p. 87, l. 17 (cf. also grand 'peine, l. 8). 279.--7. epouser... marier. Distinguish words. VOCABULARY ABBREVIATIONS The following abbreviations have been used in the vocabulary. _adj._ adjective _adv._ adverb _art._ article _c._ about (_circa_) _card._ cardinal numeral _cf._ compare (_confer_) _conj._ conjunction _conj._ pr. conjunctive pronoun _dej._ definite _dem._ demonstrative _disj._ disjunctive pronoun _f._ feminine substantive _indef._ indefinite _int._ interrogative _interj._ interjection _m._ masculine substantive _m., f._ masculine and feminine substantive _ord._ ordinal numeral _p._ page _pl._ plural _poss._ possessive _pr._ pronoun _prep._ preposition _q.v._ which see (_quod vide_) _refl._ reflexive _rel._ relative _s._ substantive _v._ verb A a, _prep._ ta, at, in, on, by, of, from, for, with, until; solide--, strong enough to;--ce que, as. abaisser, _v._ to lower, cast down; s'--, be lowered, sink, fall. abandon, _m._ abandon, abandonment, freedom. abandonner, _v._ to abandon, give up. abasourdir, _v._ to deafen, stun, daze. abat-jour, _m._ shade (of a lamp, etc.). abattre, _v._ to fell, throw down, bring or knock or strike down; s'--, fall, fail prostrate; abattu, --e, cast down, prostrated. abbe, _m._ abbot, abbe (general title for Catholic priests). abdomen, _m._ abdomen (en pronounced as in ennemi). abdomin, represents the incorrect pronunciation of abdomen. Abdul-Malek, perhaps Gautier was thinking of Abdalmalek, the name of several noted Mohammedans (Gautier also uses the form Abdul-Maleck). abime, _m._ abyss. ablution, _f._ ablution. aboiement, _m._ barking. abominable, _adj._ abominable. abominablement, _adv._ abominably. abondamment, _adv._ abundantly. abondance, _f._ abundance. abonder, _v._ to abound. abord, _m._ access, arrival, approach, landing; d'--, at first, first. aborder, _v._ to board, accost, land, arrive, reach, make (a port). Aboul-Casem, Abul Kasim Mansur, called also Ferdoussi, _q. v._ aboutir, _v._ to result, end. aboyer, _v._ to bark. abreger, _v._ to abridge. abreuver, _v._ to givedrink to, quench the thirst of, drench. abri, _m._ shelter; a l'-- de, sheltered from, safe from. abriter, _v._ to shelter. abrupt,--e, _adj._ abrupt, rugged (_pt_ pronounced). abrutir, _v._ to stupefy; besot. absence, _f._ absence (in this and in the next six words _b_ is pronounced as _p_). absent,--e, _adj._ absent. absolu,--e, _adj._ absolute. absolument, _adv._ absolutely. absolution, _f._ absolution. absorber, _v._ to absorb. absorption, _f._ absorption. Abu-Becker, this name suggests Abu-Bekr, father-in-law of Mohammed. abus, _m._ abuse. abuser, _v._ to abuse, take advantage; s'--, be mistaken, be deceived. accablement, _m._ prostration, dejection; accabler, _v._ to overwhelm, crush. accent, _m._ accent, note. accentuer, _v._ to accentuate, accent. accepter, _v._ to accept. acces, _m._ access, attack, burst, rush. accident, _m._ accident. accoler, _v._ to embrace. accompagner, _v._ to accompany. accomplir, _v._ to accomplish, perform. accorder, _v._ to accord, grant; s'--, accord, agree. accoster, _v._ to accost. accouder (s'), _v._ to lean on one's elbow. accourcir, _v._ to shorten. accourir, _v._ to run up. accoutumer, _v._ to accustom; s'--, become accustomed; accoutume,--e, accustomed, used. accrocher, _v._ to hang ur, hook; s'--, hang (on), lay hold, hook oneself (to); accroche,--e, hung, caught. accroupir (s'), _v._ to squat, crouch; accroupi,--e, adj. crouching, squatting. accueillir, _v._ to receive, greet, welcome. accumuler, _v._ to accumulate. accusation, _f._ accusation. accuser, _v._ to accuse, acknowledge, show, reveal, initiate, bring out. acharnement, _m._ animosity, blind fury, tenacity. acharner, _v._ to enrage, madden; acharne,--e, adj. infuriated, implacable, furiously intent upon. acheter, _v._ to buy. acheteur, _m._ buyer. achever, _v._ to complete, finish, put the finishing touches to, kill. acier, _m._ steel. acolyte, _m._ acolyte, attendant. acquerir, _v._ to acquire, gain. acquit, _m._ receipt, discharge; par--de conscience, to ease one's conscience. acquitter, _v._ to acquit, pay. acrement, _adv._ sourly, sharply, bitterly. acte, _m._ act. action, _f._ action, stock, share. adessias, _adv._ adieu, good-by (Provencal). adieu, _adv._ and _m._ good-by, farewell, adieu. adjoint, _m._ adjunct, associate, assistant, deputy (used especially of the magistrate who takes the place of the mayor when absent). admettre, _v._ to admit. administrateur, _m._ administrator, manager, director. administrer, _v._ to administer; administre, _m._ person under one's administration, fellow-citizen. admirable, _adj._ admirable. admiration, _f._ admiration. admirer, _v._ to admire. adopter, _v._ to adopt. adoptif,--ive, _adj._ adoptive, adopted. adorable, _adj._ adorable. adorer, _v._ to adore. adosser, _v._ to lean against, back (by); s'--, lean one's back against. adoucir, _v._ to sweeten, soften. adresse, _f._ address, skill. adresser, _v._ to address. adversaire, _m._ adversary. aerer, _v._ to ventilate. affabilite, _f._ affability. affaiblir, _v._ to enfeeble, weaken; s'--, grow weaker or fainter. affaire, _f._ affair, matter, case, business transaction, engagement (military); _pl._ affairs, business; avoir -~ a, to have dealings with, have to reckon with; homme d'affaires, agent; faire nos affaires, to do well, succeed. affaissement, _m._ weakening, diminution of strength, collapse, weakness. affaisser, _v._ to sink; s'--, settle down, sink, collapse. affaler, _v._ to lower; affale, -e, fallen, collapsed. affamer, _v._ to starve; affame, -e, starved, famished. affecter, _v._ to affect, assume. affection, _f._ affection. afferer, _v._ to tell (dialectic; _cf. averer_ in Old French). affiche, _f._ hand-bill, poster. afficher, _v._ to post (up). affiner, _v._ to refine. affirmer, _v._ to affirm, state. affliction, _f._ affliction. affliger, _v._ to afflict. affoler, _v._ to madden, drive mad; affole, -e, adj. distracted, crazed, beside oneself. affreusement, _adv_. frightfully. affreux, -euse, _adj._ frightful, dreadful. affronter, _v._ to face, brave. affut, _m._ gun-carriage, watch; a l'--, lying in wait. afin (de _or_ que), _conj._ in order to, in order that. africain, -e, _adj._ and _s._ African (written Africain when _s._). Afrique, _f._ Africa. agacer, _v._ to provoke, irritate. agate, _f._ agate. age, _m._ age; jeune --, youth. age, --e, _adj._ aged, old. agenda, _m._ memorandum-book, note-book (_en_ pronounced as in _bien_). agenouiller (s'), _v._ to kneel; se tenir agenouille, remain on one's knees. agent, _m._ agent, police agent, policeman, deputy; -- de police, police agent, policeman. agilite, _f._ agility. agir, _v._ to act; s'- de, be a question of; il ne s'agit pas de perdre la tete, it is no time to lose your head. agitation, _f._ agitation, commotion. agiter, _v._ to agitate, stir, shake, wave, move, disturb, raise (a question); s'--, be agitated, stir, toss about, play. agneau, _m._ lamb. agonie, _f._ death agony. agrandir, _v._ to enlarge; s'--, be enlarged, become larger. agreable, _adj._ agreeable. agrement, _m._ charm. agres, _m. pl._ rigging, tackle. agricole, _adj._ agricultural. agriculture, _f._ agriculture. agripper, _v._ to snatch up or away. aguets, _m. pl._ watch. ah, _interj._ ah!, ha! ahurissement, _m._ bewilderment, amazement. ai, _interj._ ouch!, oh!, oh my! aide, _f._ aid; -- de camp, m. aide-de-camp; a l'--! help! aider, _v._ to aid, help, assist. aieul, -e, _m., f._ grandfather, grandmother, ancestor. aigle, _m._ eagle. aigrement, _adv._ sharply, roughly, keenly. aigrette, _f._ egret, aigrette, tuft, plume. aigu, -e, _adj._ acute, sharp, shrill. aiguille, _f._ needle, hand of a clock (_ui_ pronounced as in lui). aile, _f._ wing. aileron, _m._ pinion, tip of a wing, small wing, fin, stump of an arm (familiar in last sense). ailleurs, _adv._ elsewhere; d'--, besides. aimable, _adj._ kind, agreeable, amiable. aimer, _v._ to love, like; -- mieux, prefer. aine, -e, _adj. and s._ elder, eldest, senior. ainsi, _adv. and conj._ thus, so, in this manner, as follows, -- que, just as. air, _m._ air, look, appearance, manner; en l'--, in the air, up; -- de famille avec, family resemblance to; passer sous son --, to pass to leeward of him; il n'y avait pas d'--, there was no air stirring. aise, _f._ case, pleasure; a son --, a l'--, at one's ease, comfortable, well off. aise, -e, _adj._ easy. aisement, _adv._ easily. aisselle, _f._ armpit. Ajaccio, chief city of Corsica and birthplace of Napoleon I (pronounced in French: _Ajaksio_). ajonc, _m._ furze, thorn-broom. ajouter, _v._ to add. ajuster, _v._ to adjust, aim at. ajusteur, _m._ mechanic, fitter, weigher (of coins at the mint). alanguir, _v._ to make languid; s'--, languish, grow dim. alarmer, _v._ to alarm. albanais, -e, _adj._ and _s._ Albanian (written Albanais when _s._). albatre, _m._ alabaster. albinos, _adj. and s._ albino (_s_ pronounced). Al Borack, Al Borak, name of the legendary winged mule on which Mohammed is said to have made a journey to heaven (= lightning, in Arabic). alcove, _f._ alcove. Alep, Turkish city (Syria). Alexandre, Alexander. alezan, -e, _adj. and s._ chestnut color, chestnut horse; -- brule, dark chestnut. Alger, Algiers (capital of Algeria). Algerie, _f._ Algeria (conquered by France 1830-1871). alibi, _m._ alibi. alimenter, _v._ to feed. aligner, _v._ to line up, lay out in line; s'--, line up, be or fall in line, form a line. Allah, Mohammedan name for God. allee, _f._ going, passage, walk, path; -- et venue, going and coming. alleger, _v._ to buoy up, lighten. allegresse, _f._ glee, joy. Allemagne, _f._ Germany. allemand, -e, _adj._ and _s._ German (written Allemand when _s._). aller, _v._ to go, go on or along, get on, suit; s'en --, go away oralong; allons!, come!, there now!; allez!, va!, go along, come, get out, that's sure, etc.; ca va-t-il?, are you getting on all right?; -- et venir, come and go, rise and fall, walk to and fro, etc. allitere, -e, _adj._ alliterative. allonger, _v._ to lengthen, stretch out; -- le pas, lengthen one's stride, hasten on; allonge -e, lengthened, long. allumer, _v._ to light; kindle, brighten; s'--, light up, be brightened up, be kindled or lighted; l'oeil allume, with bright eyes, allure, f. bearing, manner, style, gait, behavior. allusion, _f._ allusion. almee, _f._ Oriental dancer. aloes, _m._ aloe, century-plant (_s_ pronounced). alors, _adv._ then; -- que, _conj._ when, while. alouette, _f._ lark. alourdir, _v._ to make drowsy or heavy. Alpes, _f. pl._ Alps. Alsace, _f._ Alsace (_s_ pronounced as _z_). Alsirat, Al Sirat, the bridge, narrower than a razor, leading to the Mohammedan Heaven (=the way, in Arahic). altier, -ere, _adj._ proud, lofty. amande, _f._ almond. amant, _m._ lover. amarre, _f._ cable, hawser. amasser, _v._ to amass, pile up, accumulate. ambition, _f._ ambition. ambre, _m._ amber; -- gris, ambergris (secretion of a whale used in certain perfumes). ame, _f._ soul, heart, spirit, mind. amen, _interj._ amen (pronounced as in Latin). amender, _v._ to improve; s'--, reform, mend one's ways. amener, _v._ to lead, bring, bring forward. amerement, _adv._ bitterly. Amerique, _f._ America; -- du Sud, South America. ami, -e, _m., f._ friend, sweetheart; mon --, my dear, my dear fellow, my friend; bonne amie, good friend, sweetheart. amitie, _f._ friendship. amollir, _v._ to soften; s'--, become soft or slack. amonceler, _v._ to pile ip; s'--, be piled up. amour, _m._ love. amoureux, -euse, _adj._ and _s._ in love, sweetheart, lover; devenir --, to fall in love (to be distinguished from the lower word amant). amour-propre, _m._ self-respect, self-esteem. amputer, _v._ to amputate; ampute, -e, with a limb amputated. amuser, _v._ to amuse; s'--, amuse oneself, be amused, have a good time. an, _m._ year. anachorete, _m._ anchorite, hermit (_ch_ pronounced as _k_). analytique, _adj._ analytical. ancetre, _m._ ancestor (more frequent in _pl._). ancien, -ne, _adj._ ancient, former, of former times, of long standing, old. ancre, _f._ anchor. Andelys (les), town in the department of Eure (Normandy). andiamo mio ben, let us go, my beloved (Italian, aria from Mozart's opera Don Giovanni). ane, _m._ ass, donkey; il ne se trouve pas dans le pas d'un --, it's not found every day. aneantir, _v._ to annihilate, dumbfound. anfractuosite, _f._ anfractuosity, inequality, unevenness. ange, _m._ angel. anglais -e, _adj._ and _s._ English, Englishman (written Anglais when _s._). angle, _m._ angle, corner. Angleterre, _f._ England. angoisse, _f._ anguish, great anxiety. animal, _m._ animal, creature, beast. animer, _v._ to animate. ankyloser, _v._ to ankylose (cause stiffening of the joints); ankylose,-e, ankylosed, stiff. annales, _f. pl._ annals. anneau, _m._ ring. annee, _f._ year. Annette, Annie. annonce, _f._ announcement, advertisement. annoncer, _v._ to announce. anse, _f._ handle, inlet, cove. antichambre, _f._ antechamber, anteroom. anticlerical, -e, _adj._ anti-clerical. antilope, _f._ antelope. antique, _adj._ antique, ancient, old-fashioned. Antoine, Anthony. anxieux, -euse, _adj._ anxious. aoh, represents the English pronunciation of oh. aout, _m._ August (pronounced: _ou_). apaisement, _m._ appeasement, relief. apaiser, _v._ to appease, soothe; s'--, be calmed, subside. apanage, _m._ appanage, lot, characteristic. apercevoir, _v._ to perceive, notice, see; s'-- (de), perceive, etc. aplatir, _v._ to flatten. aplomb, _m._ plumb, perpendicular position; d'--, straight, perpendicularly (_b_ not pronounced). Apollon, Apollo (Greek and Roman god of oratory, medicine, poetry, the arts, the sun, etc.). apoplexie, _f._ apoplexy. apotheose, _f._ apotheosis. apparaitre, _v._ to appear. appareil, _m._ apparatus. apparence, _f._ appearance, bearing, look. apparent, -e, _adj._ apparent. apparition, _f._ apparition, appearance. appartement, _m._ apartment. appartenir, _v._ to belong. appel, _m._ call, roll-call, appeal; faire l'--, to call the roll. appeler, _v._ to call, call out; s'--, be named; il se faisait --, he gave as his name. appetit, _m._ appetite. application, _f._ application. appliquer, _v._ to apply, put one thing on another. apporter, _v._ to bring, bring forward. appreciable, _adj._ appreciable. apprecier, _v._ to estimate, judge the value of, value, appreciate. apprehension, _f._ apprehension. apprendre, _v._ to learn, teach, tell, hear of, show. apprenti, _m._ apprentice. appret, _m._ preparation. appreter, _v._ to prepare, get ready; s'--, prepare, get ready. approche, _f._ approach, coming; approches du jour, approach of day. approcher, _v._ to approach; s'-- (de), approach. approprier, _v._ to appropriate, tidy up. appui, _m._ support, sill; mur d'--, supporting wall, window-sill. appuyer, _v._ to support, lean, rest; s'--, lean, rest; appuye, -e, leaned, leaning. apres, _prep. and adv._ after, afterwards; -- que, _conj._ after. apres-midi, _f. (or m.)_ afternoon. arabe, _adj. and s._ Arabic, Arabian, Arab (written Arabe when _s._). araignee, _f._ spider; -- de mer, spider-crab. arbre, _m._ tree. arc, _m._ bow, arch. arche, _f._ ark, arch (of a bridge). archet, _m._ bow; avoir le plus magnifique coup d'--, to play the finest bow. ardent, -e, _adj._ ardent, burning, warm, fiery, glowing. ardeur, _f._ ardor, fervor, spirit, heat. ardoise, _f._ slate. arete, _f._ fish-bone. argent, _m._ silver, money. argenterie, _f._ silverware, silver. argentin, -e, _adj._ silvery. argyronete, _f._ water-spider. ariette, _f._ arietta, light air, tune. aristo, slang for aristocrate. aristocrate, _m., f._ aristocrat. aristocratie, _f._ aristocracy (pronounced: aristocracie). aristocratique, _adj._ aristocratic. Arlesien, -ne, _m., f._ native of Arles (in Provence). arme, _f._ arm, weapon. armee, _f._ army. armer, _v._ to arm, fit, tip, cock, fit out. armoire, _f._ cupboard, press, closet. armoiries, _f. pl._ arms, coat of arms. armurier, _m._ gunsmith. arpenter, _v._ to measure (land), stride along or over. arracher, _v._ to snatch, tear off, pull out. arranger, _v._ to arrange, treat, "fldquo;fix"; s'--, be arranged, make arrangements, manage. arrestation, _f._ arrest. arret, _m._ stop, pause, decision. arreter, _v._ to stop, arrest, decide, draw up; s'--, stop. arriere, _v._ and m. back, rear, stern; en --, back, backwards, behind, on the back (of the head, etc.). arriere-boutique, _f._ back shop. arriere-pensee, _f._ mental reservation, thought not expressed. arrivee, _f._ arrival. arriver, _v._ to arrive, happen, come; pour en -- la, to reach that point (figurative). arrondir, _v._ to round. arrondissement, _m._ district, ward, arrondissement (subdivision of a department). arroser, _v._ to water, sprinkle. art, _m._ art. Artaban, proverbially proud hero of La Calprenede's novel, _Cleopatre_ (17th century). articuler, _v._ to pronounce, state. artillerie, _f._ artillery. artilleur, _m._ artilleryman, gunner. artiste, _m., f._ artist. as, _m._ ace (_s_ pronounced). asiatique, _adj._ Asiatic. asile, _m._ asylum, shelter, refuge. Asnieres (la porte d'), gate in northwestern wall of Paris (pronounced: _aniere_). aspect, _m._ aspect, appearance, sight (pronounced: _aspe_). asphalte, _m._ asphalt. aspiration, _f._ aspiration, inspiration, breathing. Asrael, Azrael (the angel who separates the soul from the body at death, in Mohammedan and Jewish angelology). assaillir, _v._ to assail. assassin, _m._ assassin, murderer; a l'--!, murder! assassinat, _m._ assassination, murder. assassiner, _v._ to assassinate, murder. assaut, _m._ assault; a l'--!, charge! assembler, _v._ to assemble, gather, collect. asseoir, _v._ to seat, set, s'--, sit, be seated, sit down; assis, -e, seated, judicial. assesseur, _m._ (also used adjectively), assistant (judge). assez, _adv._ enough, sufficient, rather, well enough. assieger, _v._ to besiege. assiette, _f._ plate; se trouver dans son -- ordinaire, to feel at home. assise, _f._ court of assize, criminal court. assistant, _m._ person present, bystander. assister, _v._ to be present, attend, witness. associe, -e, _m., f._ associate, partner. assonance, _f._ assonance (rime with vowels, but not with consonants). assonant, -e, _adj._ assonant. assoupir, _v._ to make drowsy, lull; s'--, become drowsy; assoupi, -e, drowsy. assujettir, _v._ to subject, fasten, make firm. assurance, _f._ assurance. assurement, _adv._ assuredly. assurer, _v._ to assure. Astolphe, Astolfo (legendary English Prince in the Charlemagne romances, Ariosto's Orlando Furioso, etc., noted for his hippogriff and for his fairy horn of which the piercing sound could strike terror to all who heard it). atar-gull, _m._ attar of roses (Persian: atar-gul). atavisme, _m._ atavism, inheritance. atelier, _m._ workshop, factory, studio. atmosphere, _f._ atmosphere. atome, _m._ atom. atour, _m._ attire, finery (usually _pl._). atre, _m._ hearth. atroce, _adj._ atrocious. attabler, _v._ to seat or place at table. attacher, _v._ to attach, fasten, bind, fix; s'--, attach oneself, be or become attached, stick. attaque, _f._ attack. attaquer, _v._ to attack. attarder, _v._ to delay; s'--, be delayed, tarry; attarde, -e, delayed, belated. atteindre, _v._ to attain, reach, attack. atteler, _v._ to harness, put (horses) ta, hitch, yoke; attele de, drawn by. attendre, _v._ to await, wait for, wait, expect; s'-- a, expect; c'etait la que je vous attendais, I was waiting for you there, that was what I expected of you; attendu que, _conj._ seeing that, in view of the fact that. attendrir, _v._ to move, affect, touch; attendri, -e, _adj._ softened, tender. attente, _f._ waiting, wait, expectation. attentif, -ive, _adj._, attentive. attention, _f. and interj._ attention, care, look out! attentionne, -e _adj._ attentive. attentivement, _adv._ attentively. attenuer, _v._ to attenuate, soften. atterrer, _v._ to strike down, cast down, overwhelm. atterrir, _v._ to land, make land. attirer, _v._ to attract, draw. attitude, _f._ attitude. attraper, _v._ to catch; attribuer, _v._ to attribute. attrister, _v._ to sadden. attrouper, _v._ to assemble, collect (also _refl._). au (aux) = a le (a les). auberge, _f._ inn, tavern. aubergiste, _m., f._ inn-keeper. aucun, -e, _adj._ no, none, any. audace, _f._ audacity. audacieux, -ieuse, _adj._ audacious, daring. audience, _f._ hearing, audience, court. auditeur, _m._ auditor, hearer. auditoire, _m._ audience. augmenter, _v._ to increase. augure, _m._ augury, omen. auguste, _adj._ august. aujourd'hui, _adv._ to-day. aumone, _f._ alms, charity; faire l'-- a, to give alms to. auparavant, _adv._ before, previously. aupres (de), _prep._ near, with. auquel (auxquels, etc.) = a lequel (a lesquels, etc.). aurore, _f._ dawn. aussi, _adv. and conj._ also, so, as, therefore; -- ... que, as ... as. aussitot, _adv._ straightway, at once; --- que, _conj._ as soon as. autant, _adv._ as much, as many, so many, as well; comme --, as so many; d'-- plus (moins), so much the more (less). autel, _m._ altar. auteur, _m._ author. autorisation, _f._ authorization, consent. autoriser, _v._ to authorize. autour, _adv._ and prep. (with de), around. autre, _adj._ other, else, of another kind; d'autres, others; avec nous autres, with the rest of us; vous autres, the rest of you. autrefois, _adv._ formerly, former times. autrement, _adv._ otherwise. autrichien, -ne, _adj. and s._ Austrian (written Autrichien when _s._). autruche, _f._ ostrich. auvent, _m._ penthouse, awning (sometimes incorrectly used for shutter). auvergnat, -e, _adj. and s._ of Auvergne (former province in central France), native of Auvergne (written Auvergnat when _s._). avalanche, _f._ avalanche. avaler, _v._ to swallow. avance, _f._ advance; d' (a l')--, in advance; la belle --, a lot of good it would do. avancement, _m._ advancement, promotion. avancer, _v._ to advance, push forward; s'--, advance; poste avance, outpost; avancee, _f._ spur (of a mountain). avant, _prep., adv. and m._ before, forward part, bow; -- de, before; en --, forward, in front; en -- de, before; -- que, _conj._ before. avantage, _m._ advantage. avant-bras, _m._ forearm. avant-garde, _f._ vanguard, advance-guard. avant-hier, _adv._ the day before yesterday. avant-poste, _m._ outpost. avant-veille, _f._ second day before, two days before. avare, _adj. and s._ avaricious, miserly, miser. avarie, _f._ damage; avatar, _m._ incarnation, metamorphosis. avec, _prep._ with (following noun should often be translated adverbially: -- expression, expressively, etc.). Aveline, name of a forest near Rethel (mentioned by de Maupassant). avenir, _m._ future. aventure, _f._ adventure; a l'--, at hazard. aventurer (s'), _v._ to risk oneself, venture. avenue, _f._ avenue, driveway. averse, _f._ shower. aversion, _f._ aversion. avertir, _v._ to warn, give notice, inform, acquaint. avertissement, _m._ warning, notification. aveu, _m._ avowal, confession. aveugle, _adj._ blind. aveuglement, _m._ blindness. aveuglement, _adv._ blindly. aveugler, _v._ to blind. avide, _adj._ greedy, voracious, eager. avidite, _f._ avidity, eagerness. Avignon, city on the Rhone, 75 miles north of Marseilles (department of Vaucluse). aviron, _m._ oar. avis, _m._ opinion, notice. aviser, _v._ to apprise, advise, see about, notice, espy, think (of); s'--, take into one's head. aviver, _v._ to brighten, enliven; s'--, become brighter. avocat, _m._ lawyer, attorney, barrister. avoine, _f._ oats. avoir, _v._ to have, receive, be (age), take (care); -- faim, peur, soif, froid, be hungry, afraid, thirsty, cold; il y a, there is, there are, ago, for (of time); qu'avez-vous?, qu'as-tu?, what is the matter with you?; qu'est-ce qu'il y a?, qu'y a-t-il?, what is the matter?, what can I do?; -- soin, take cale; -- pitie de, feel pity for, be sorry for; -- beau (with infinitive), in vain; c'est ce que nous avons de mieux a faire, it is the best we can do; -- a, have reason to; et n'eut-elle ete rien de tout cela, and had she not been at all so; _m._ property (when _eu_ occurs in the forms of this verb, it is pronounced: _u_). avoue, _m._ attorney, solicitor, lawyer (who does not plead, in this case avocat is used). avouer, _v._ to acknowledge, confess. avril, _m._ April. axiome, _m._ axiom, adage, saying. Ayesha, popular Arabic name, because of Ayesha the favorite wife of Mohammed. azur, -e, _adj. and m._ azure, sky-blue. B b..., abbreviation of bougre. Babet, Bessie. babiller, _v._ to prattle, chatter. babouche, _f._ Turkish slipper. badaud, _m._ idler, gaper, booby. bagage, _m._ baggage, luggage (also in _pl._). bagarre, _f._ scuffie, fray, hubbub. bagatelle, _f._ mere trifle. Bagdad, city of Asiatic Turkey on the Tigris. bah, _interj._ ah!, pshaw! bahut, _m._ chest. bai, -e, _adj. and m._ bay, bay horse. baigner, _v._ to bathe; se --, bathe. baignoire, _f._ bath-tub. bailler, _v._ to give. bailler, _v._ to yawn. bailli, _m._ bailiff. bain, _m._ bath; bains de mer, sea bathing; bains froids, cold baths, floating bath-bouses (on a river). baionnette, _f._ bayonet. baiser, _v._ to kiss; _m._ kiss. baisse, _f._ rail, recline, decline. baisser, _v._ to lower, drop; se --, stoop, bow down, be lowered. bal, _m._ ball (dance). balafre, _f._ gash, slash, scar. balance, _f._ scale, scales (also in _pl._). balancer, _v._ to balance, swing; se --, swing, rock; balance, -e, balanced, swinging. balancier, _m._ pendulum. balayer, _v._ to sweep. balbutier, _v._ to stammer (_t_ pronounced as _c_). balcon, _m._ balcony. baleine, _f._ whale. ballade, _f._ ballad. balle, _f._ ball, bullet. ballon, _m._ balloon; le -- d'Alsace, a mountain with rounded summit on the western border of Alsace. ballot, _m._ bale. ballotter, _v._ to toss about. Baltique, _f._ Baltic. balustrade, _f._ balustrade. banal, -e, _adj._ hackneyed, commonplace. banc, _m._ bench, scat. bande, _f._ band, strip, stripe, Bock. bander, _v._ to bandage, bind up. bandit, _m._ bandit, ruffian. bank-note, _f._ bank-note. banlieue, _f._ outskirts, suburbs. banque, _f._ bank. banqueroute, _f._ bankruptcy; faire --, to go into bankruptcy; faire -- a, cheat. banquette, _f._ bench (upholstered). banquier, _m._ banker. bapteme, _m._ baptism, christening; nom de --, Christian name (_p_ not pronounced). baptiser, _v._ to baptize, christen (_p_ not pronounced). baraque, _f._ booth, shack. barbe, _f._ beard. barbiche, _f._ small beard on the chin, imperial. bardeau, _m._ shingle, thin board (over the rafters). Bariatynski (Prince Alexander), Prussian field-marshal with distinguished service in the Caucasus and in the Crimean war (1815-1879). baril, _m._ barrel. barioler, _v._ to variegate, color diversely. baron, -ne, _m., f._ baron, baroness. barque, _f._ bark, small boat. barre, _f._ bar, tiller, rudder, helm; jouer aux barres, to play at prisoners' base. barrette, beretta, cardinal's cap, scullion's cap. barricader, _v._ to barricade. barriere, _f._ barrier, city wall, fence, railing. barrique, _f._ barrel, cask. bas, _m._ stocking. bas, -se, _adj., adv. and m._ low, in a low tone, down, lower side, bottom; en --, below, downstairs; la---, yonder, over there; a --, down, down with, off; a -- de, down from; par le --, along the bottom; mettre --, to take off (a coat, etc.). bassin, _m._ basin. bassiner, _v._ to warm (a bed), bathe. bataille, _f._ battle, line of battle. bataillon, _m._ battalion; chef de --, major. bateau, _m._ boat. batiment, _m._ building, vessel. batir, _v._ to build. batisse, _f._ building (of masonry). baton, _m._ stick, staff, club. battant, _m._ leaf (of a folding door); le portail s'ouvre a deux battants, the large folding door opens wide. battement, _m._ beating. batterie, _f._ battery. battre, _v._ to beat, strik, flap, churn; se --, fight; battant neuf, brand new. battue, _f._ battue (hunting), beating (of a horse's feet), chase. Batz, village near le Croisic (pronounced as written, or: _Ba_). bazar, _m._ bazaar, Oriental market. beant, -e, _adj._ gaping, wide open. beau (bel before vowels), belle, _adj._ beautiful, fair, handsome, fine; de plus belle, harder (deeper, etc.) than ever; belle, _f._ beauty (woman). beaucoup, _adv._ much, many, very much, a good deal. beau-frere, _m._ brother-in-law. beau-pere, _m._ father-in-law. beaute, _f._ beauty. bebe, _m._ baby. bec, _m._ beak, prow, mouth (slang in last sense); -- de gaz, gas-light. bedaine, _f._ paunch, belly. Bedredin, Bedreddin, name borrowed by Gautier from the Arabian Nights. begayer, _v._ to stammer. ben, familiar for _bien_ (_en_ pronounced as in _bien_). Ben, Hebrew word for son. benefice, _m._ profit. benir, _v._ to bless. benjoin, _m._ benzoin (an aromatic resin; _en_ pronounced as in _bien_). bequille, _f._ crutch. bercail, _m._ sheepfold, fold. berceau, _m._ cradle. bercer, _v._ to rock, soothe; lull, weigh (an idea). berger, -ere, _m., f._ shepherd, shepherdess; _f._ easy-chair. berlinois, -e, _adj._ of Berlin. bernicle, _f._ barnacle (popular form of bernacle). Bertha, German form of Berthe. Berthe, Bertha. Berthine, diminutive of Berthe. besace, _f._ wallet. besicles, _f. pl._ spectacles. besogne, _f._ work, occupation, business. besoin, _m._ need, necessity; avoir -- de, to need, must. bestiole, _f._ little animal. betail (_pl._ bestiaux), _m._ cattle. bete, _f. and adj._ beast, animal, foolish, silly, stupid; faire la --, to pretend to be a fool; petites betes, little animais, insects, worms, etc. betise, _f._ nonsense, silly thing, stupidity. beugler, _v._ to bellow.. beurre, _m._ butter. Bezieres, name perhaps suggested by Beziers (in southern France) or by Mezieres (department of Ardennes). biais, _m._ bias, slope, way. bibliotheque, _f._ library, bookcase. bicarbonate, _m._ bicarbonate. bien, _adv. and m._ well, very, quite, many, much, fully, nicely, properly, comfortable, all right, indeed; _m._ good, goods, property, possession; -- du (etc.), much, -- des, many; homme de --, good or honest man; -- que, _conj._ although. bien-aime, -e, _adj. and s._ well beloved, dearly loved, sweetheart. bien-etre, _m._ comfort. bienheureux, -euse, _adj. and s._ blessed, one of the blest. Bienne (lac de), Swiss lake northeast of Neuchatel. bientot, adv. soon; a --, good-by, I'll see you again soon, etc. bienveillance, _f._ goodwill, friendliness, kindliness. bienveillant, -e, _adj._ friendly, kindly, benevolent. biere, _f._ beer. bigre, _interj._ the deuce, etc; bijou, _m._ jewel. billard, _m._ billiard-table, billiards, billiard-room. bille, _f._ billiard-ball, ball, marble. billet, _m._ note, ticket, slip. bise, _f._ north wind Bismarck (Otto, Prince von), German statesman and chancellor, founder of German unity, considered by the French largely responsible for the Franco-Prussian war of 1870-1871 (1815-1898). bistre, -e, _adj._ bistre-colored, dusky, swarthy. bivac, _m._ bivouac (now usually written bivouac). bizarre, _adj._ bizarre, odd, strange. blague, _f._ humbug, bosh. blaguer, _v._ to make fun of, tease, draw the long bow. blanc, blanche, _adj._ and m. white; argent --, silver. blancheur, _f._ whiteness, white. blanchir, _v._ to whiten, make white, become white or light. blanchisseuse, _f._ washerwoman, laundress. blason, _m._ coat of arms. ble, _m._ wheat, grain. bleme, _adj._ pale, wan. blesser, _v._ to wound, offend; blesse, -e, _m., f._ injured or wounded persan, etc.; blessant, -e, _adj._ offensive, shocking. blessure, _f._ wound. bleu, -e, _adj. and m._ blue; -- gris, blue-gray. bleuatre, _adj._ bluish. bloc, _m._ block. blond, -e, _adj. and s._ blond, fair, light. blondin, -e, _adj. and s._ fair, persan with fair hair. bloquer, _v._ to blockade. blottir (se), _v._ to crouch; blotti, -e, crouched, squatting, cowering, nestling. blouf, _interj._ splash! blouse, _f._ blouse. boeuf, _m._ ox, beef. Boheme, _f._ Bohemia. boheme, _m._ tramp. bohemien, -ne, _adj. and s._ Bohemian, gipsy, vagrant. boire, _v._ to drink. bois, _m._ wood. boiserie, _f._ wainscoting. boisson, _f._ drink. boite, _f._ box. boitiller, _v._ to hobble (not recognized by standard dictionaries). bombance, _f._ feasting, high living. bon, -ne, _adj._ good, kind, pleasant, agreeable; pour de --, really, heartily, for good and all; bonne place, good place, right spot; bonne, _f._ maid, servant; quel -- vent?, what lucky wind? Bonaparte (Napoleon), the French Emperor (1769-1821); see note to p. 2, l. 5. bonasse, _adj._ soft (applied to persons), good-natured, silly, simple. bonbon, _m._ bonbon, candy. bond, _m._ bound, leap, jump. bondir, _v._ to bound, leap. bonheur, _m._ happiness, good fortune. bonhomme, _m._ good-natured or worthy old fellow, old fellow, fellow, little fellow, worthy man. Bonifacio, town and port of southern Corsica. bonjour, _m._ good day, good morning. bonnement, _adv._ simply. bonnet, _m._ bonnet, cap; -- de police, foraging or fatigue cap; gros --, big man; important person (familiar). bonsoir, _m._ good evening. bonte, _f._ goodness, kindness. bonzou, baby's pronunciation of bonjour. bord, _m._ edge, border, bank, shore, brim, rail, side, sill, tip; a --, on board; -- a --, side by side; a son --, on board bis boat; vie de --, life on board ship; sur le -- des levres, on the tip of the tongue; par-dessus --, overboard. border, _v._ to border. bordereau, _m._ account, note, memorandum. borne, _f._ limit, mile-stone, stone post (at the corner of a house, etc.), stepping-stone, horse-block. bosse, _f._ hump, bump. bossuer, _v._ to dent, bruise; bossue, -e, bruised, knotted. botte, _f._ boat, hoof, bundle. bottine, _f._ shoe (high). bouche, _f._ mouth. bouchee, _f._ mouthful. boucher, _m._ butcher. boucher, _v._ to stop up. bouchon, _m._ stopper, cork, pothouse, tavern. boucle, _f._ buckle, curl. boucler, _v._ to buckle. boudin, _m._ blood pudding. boudoir, _m._ boudoir. Boudroulboudour, the Full Moon of the Full Moons (in Arabic: Badru-l-budur). boue, _f._ mud. boueux, -euse, _adj._ muddy. bouffee, _f._ puff, whiff. bouffi -e, _adj. and s._ puffed up, puffy, swollen, puffed up or bloated fellow. bouffon, -ne, _adj._ clownish, ludicrous, farcical. bouge, _m._ dirty hole, hovel. bouger, _v._ to move, budge. bougie, _f._ wax candle. bougre, _m._ fellow (slang); b... de teigneux, scurvy devil. bouillie, _f._ pap, pulp. bouillon, _m._ bubble, broth. boulanger, _m._ baker. Boulanger (Georges), French general involved in political intrigue to overthrow the Government (1837-1891). boule, _f._ ball. boulet, _m._ cannon-ball, ball. boulevard, _m._ boulevard. bouleverser, _v._ to upset, overthrow. Boulogne-sur-Mer, city and port on the English Channel (department of Pas-de-Calais). bouquet, _m._ bouquet, cluster. bourbeux, -euse, _adj._ muddy, miry. bourdonnement, _m._ buzzing. bourdonner, _v._ to buzz, hum. bourengredel, _f. pl._ (= German Bauerngredel) peasant girls (Gredel = Grete = Maggie). bourg, _m._ borough, country town, town. bourgeois, -e, _adj._ and s. bourgeois, member of the middle class, citizen, master, boss (language of the working class); sa bourgeoise, his old woman. bourgeonner, _v._ to bud, put out shoots. bourgmestre, _m._ burgomaster, mayor (g pronounced). bourg-pourri, _m._ rotten borough. bourrasque, _f._ squall. bourrer, _v._ to cram, stuff. bourse, _f._ purse; la Bourse, the Stock-Exchange. bousculade, _f._ jostling, bustling. bouse, _f._ cow-dung. bout, _m._ end, bit, limit; au -- de, at the end of, after; venir a -- de, to manage to, succeed in. bouteille, _f._ bottle. boutique, _f._ shop. bouton, _m._ button. boutonner, _v._ to button. bouvier, _m._ cowherd. bouvreuil, _m._ bullfinch. bracelet, _m._ bracelet. braconnier, _m._ poacher. braise, _f._ embers, live coals. branchage, _m._ branches. branche, _f._ branch. brandir, _v._ to brandish. branle, _m._ swinging, jogging motion; en --, swinging; etre mis en --, to be set in motion, start. bras, _m._ arms; les -- leur tomberaient, they would throw up their hands in astonishment. brasier, _m._ brazier, clear bright fire, fire of red-hot coals. brasserie, _f._ brewery, beer-saloon, cafe. brasseur, _m._ brewer; -- d'argent, money-maker, scheming money-maker. brave, _adj._ brave, worthy, fine, good; un -- garcon, un -- homme, a fine fellow, a good man; ce -- homme de soleil, this good old sun. bravement, _adv._ bravely, worthily. braver, _v._ to brave. bravo, _interj._ bravo!, fine! bravoure, _f._ bravery. bredouiller, _v._ to splutter, stutter. bref, -eve, _adj. and adv._ brief, short, curt, in short. breloque, _f._ bauble, trinket, charm. Bremer, _cf._ German Bremer, of Bremen. Bretagne, _f._ Brittany. bretelle, _f._ brace, suspender. breton, -ne, _adj. and s._ of Brittany, Breton (written Breton when _s._). bride, _f._ bridle, rein, string (of a bonnet). brigadier, _m._ corporal, police sergeant. brigand, _m._ brigand, ruffian. briller, _v._ to shine; brillant, -e, adj. and m. brilliant, shining, brilliancy, luster. brin, _m._ blade, sprig, grain, bit; espere un --, wait a bit. brindille, _f._ twig, sprig, bit. brique, _f._ brick. brisant, _m._ reef, breaker, surf. brise, _f._ breeze. brise-lames, _m._ breakwater. briser, _v._ to break, break down, shatter; se --, be broken, be dashed to pieces. britannique, _adj._ British. brocanteur, _m._ second-band dealer, dealer in curiosities. brocart, _m._ brocade. brocher, _v._ to figure, brocade, sew (books). brodequin, _m._ high laced shoe. broder, _v._ to embroider, embellish with designs in relief. bronze, _m._ bronze. brosse, _f._ brush. brosser, _v._ to brush. brosserie, _f._ brush-trade or manufactory, brushes. brouette, _f._ wheelbarrow; huiler la roue de sa --, to help oneself to other people's property, "gldquo;graft" (the idea being that the wheel was oiled so well that the garden could be plundered without noise). brouillard, _m._ fog, mist. Brouin, family name, perhaps Balzac derived it from the dialectic form brouine. brouine, dialectic for bruine. broussailles, _f. pl._ brambles, briars, thorny undergrowth, underbrush (rare in singular). broyer, _v._ to crush, grind. bru, _f._ daughter-in-law. bruine, _f._ drizzling rain, drizzle. bruire, _v._ to make a confused noise, rustle. bruit, _m._ noise, report. bruler, _v._ to burn; brule, m. burning. brulot, _m._ fire ship, firebrand, burning brandy with sugar. brulure, _f._ burning, burn, scalding. brume, _f._ mist. brumeux, -euse, _adj._ misty, foggy. brun, -e, _adj._ brown, dark. brusque, _adj._ blunt, abrupt, brusk. brusquement, _adv._ bruskly, rudely, quickly. brut, -e, _adj._ raw, rough, crude. brutalite, _f._ brutality. brute, _f._ brute. bruyant -e, _adj._ noisy. buche, _f._ log, stick of wood. bucheron -ne, _m., f._ wood-cutter. buffet, _m._ sideboard, refreshment-room. Bulbul, a kind of thrush in the Orient, sometimes called the nightingale of the East (Arabic). bulletin, _m._ bulletin. bureau, _m._ desk, office; -- de tabac, tobacco shop. burgau, _m._ mother-of-pearl (shell). burlesque, _adj._ burlesque, ludicrous. buste, _m._ bust. but, _m._ goal, target, aim; dans un --, for an object. buveur, _m._ drinker. C c' (c'), _see_ ce. ca, _see_ cela. ca, _adv. and interj._ here, now!, come now!; -- et la, here and there. caban, _m._ overcoat or cloak with hood. cabaret, _m._ tavern, bar. cabaretier -ere, _m., f._ tavern-keeper, tavern-keeper's wife. cabestan, _m._ capstan. cabinet, _m._ office, study, closet, cabinet, small room. cable, _m._ cable. cacher, _v._ to conceal, bide. cachet, _m._ seal. cacheter, _v._ to seal. cachette, _f._ hiding-place; en --, on the sly. cachot, _m._ dungeon. cadavre, _m._ corpse, dead body. cadeau, _m._ present. cadet -te, _adj. and s._ younger, youngest, junior, younger brother or sister. cadran, _m._ dial, face of a clock. cadre, _m._ frame. cafe, _m._ coffee, cafe. caftan, _m._ caftan (Turkish for coat). cage, _f._ cage. cahier, _m._ copy-book, exercise-book. caillot, _m._ clot. caillou, _m._ pebble. Cailloux (rue des), this street is in Clichy rather than in Levallois-Perret. Caire (le), Cairo (capital of Egypt). caisse, _f._ case, chest, box, till, cashier's office; garcon de --, runner, collector, bank clerk. caisson/, _m._ caisson, limber, ammunition-wagon. calcul, _m._ calculation (final _l_ pronounced). calculer, _v._ to calculate. cale, _f._ wedge, prop, block, bold. caleche, _f._ open carriage, barouche; -- de voyage, traveling barouche. calife, _m._ caliph (Mohammedan ruler). calme, _adj. and m._ calm, quiet, calmness, tranquillity; du --, be calm. calmer, _v._ to calm, quiet; se --, become calm, quiet down. calvaire, _m._ calvary, crucifix placed on a mound. camarade, _m., f._ comrade. Cambremer, name derived from cambrer and mer. cambrer, _v._ to curve, bend. camee, _m._ cameo. camion, _m._ dray, truck. camomille, _f._ camomile (plant). camp, _m._ camp. campagnard -e, _adj._ and s. country, rustic, countryman. campagne, _f._ country, campaign; mis en --, set to work. canaille, _f._ rabble, riffraff. canard, _m._ duck. canette, _f._ beer-bottle, jug. Cannes, town and winter-resort on the French Riviera. canon, _m._ cannon, gun-barrel. canonnier, _m._ cannonier, gunner. canot, _m._ small boat, ship's boat. canotage, _m._ boating. canton, _m._ canton (subdivision of an arrondissement). cantonnement, _m._ cantonment, temporary quarters. capable, _adj._ capable. capitaine, _m._ captain. capital, -e, _adj. and m._ capital, chief; capitale, _f._ capital (city). capituler, _v._ to capitulate, surrender by treaty. caporal, _m._ corporal. capote, _f._ large cloak with hood, soldier's overcoat. caprice, _m._ caprice, whim. capsule, _f._ capsule, percussion cap. captif -ive, _adj. and s._ captive. captiver, _v._ to captivate. capturer, _v._ to capture. capuchon, _m._ cowl. car, _conj._ for. carabine, _f._ carbine, rifle. caractere, _m._ character, disposition. caravane, _f._ caravan. caresse, _f._ caress. caresser, _v._ to caress. carnage, _m._ carnage, slaughter. carnassier -ere, _adj. and s._ carnivorous, carnivorous animal. Carnouf, name of a promontory near le Croisic, mentioned by Balzac. caroubier, _m._ carob-tree (resembling the locust). carre, -e, _adj._ and m. square. carreau, _m._ flooring-tile, floor, pane (of glass), square cushion, hassock. carriere, _f._ career. carrosse, _m._ coach. carte, _f._ card, map. cartel, _m._ challenge, case of a wall-clock, wall-clock. cartouche, _f._ cartridge. cas, _m._ case, event; si peu de --, so little importance. cascade, _f._ cascade, waterfall. case, _f._ cabin, but, compartment (in which the hall falls in roulette, etc.), pigeon-hole. casemate, _f._ casemate. caserne, _f._ barracks. casque, _m._ helmet. casque, -e, _adj._ helmeted. casquette, _f._ cap. cassation, _f._ annulment, repeal, appeal (of a court). casser, _v._ to break, split, crack, break down. cataplasme, _m._ cataplasm, poultice. catapulte, _f._ catapult. Catarinet, Kitty (diminutive of Catarine). catechisme, _m._ catechism. cathedrale, _f._ cathedral. catholique, _adj. and s._ Catholic. cauchemar, _m._ nightmare. cause, _f._ cause, reason; a -- de, because of; etre -- que, to cause. causer, _v._ to cause, produce, chat; assez cause, enough talk. causerie, _f._ chat, chatting. causette, _f._ chat, chatting; faire la --, to chat. caustique, _adj._ caustic, biting. cavalier, _m._ rider, horseman, cavalier, partner. cave, _f._ cellar. caveau, _m._ vault, small cellar, grave. ce, _dem. pr._ this, that, it; -- qui, -- que, which, what; -- disant, saying this. ce, cette (ces, pl.), _dem. adj. pr._ this, that; cette nuit, last night, to-night. Ceard (Henry), French novelist, critic and playwright (1851--). ceci, _dem. pr._ this, this thing. ceder, _v._ to cede, yield. cedrat, _m._ cedrate (kind of lemon). cedre, _m._ cedar. ceinture, _f._ belt, waist. ceinturon, _m._ sword-belt. cela, _dem. pr._ that, that thing, that fellow or he (familiar in last sense); avec --, with that, besides; abbreviated: Ca. celebre, _adj._ celebrated. celebrer, _v._ to celebrate, extol. celeste, _adj._ celestial, heavenly. Celestin, Celestine. celle, _see_ celui. cellier, _m._ cellar, store-room, basement. celui, celle (ceux, celles, _pl._); _dem. pr._ this, that, This one, etc.; ---ci, ---la, the latter, the former, this one, that one; -- qui, he who, etc. cendre, _f._ ashes, cinders. cendre, -e, _adj._ ash-colored. cent, _card._ one hundred; pour --, percent. centaine, _f._ about one hundred, hundred. centieme, _ord._ hundredth. centime, _m._ centime (fifth of a cent). central, -e, _adj._ central, chief, of the central office. centre, _m._ center. cep, _m._ vine-stock, stalk (_p_ pronounced). cependant, _adv. and conj._ however, yet, meantime. cercle, _m._ circle, club. cercueil, _m._ coffin, casket. ceremonie, _f._ ceremony. ceremonieusement, _adv._ ceremoniously. cerf, _m._ stag, deer (_f_ pronounced). cerise, _f._ cherry. cerner, _v._ to surround, invest. certain, -e, _adj._ certain. certainement, _adv._ certainly. certes, _adv._ certainly. certitude, _f._ certainty, assurance. ceruse, _f._ white-lead. cerveau, _m._ brain. cervelle, _f._ brains, brain, head; se bruler la --, to blow one's brains out. cervier, _see_ loup. Cesar (Jules), Julius Caesar. the celebrated Roman general (101-44 B.C.). cesse, _f._ ceasing, cessation. cesser, _v._ to cease, stop. ceux, _see_ celui. chacun, -e, _pr._ each, each one. chagrin, _m._ grief, vexation, shagreen (leather). chaine, _f._ chain, drag-chain (on bottom of a stream); mettre a la --, to put in chains. chair, _f._ flesh, meat; _pl._ flesh. chaire, _f._ pulpit, teacher's chair. chaise, _f._ chair; -- longue, reclining-chair, chaise-longue; -- a porteurs, sedan-chair; -- de poste, post-chaise; -- de campagne, camp-chair. chale, _m._ shawl. chaleur, _f._ heat, warmth. chalut, _m._ drag-net. chalutier, _m._ trawler (fishing-boat with drag-net). chamailler, _v._ to squabble; se --, squabble, wrangle. chamarrer, _v._ to trim with lace, cover with gold or silver lace or braid, braid, bedeck. chambellan, _m._ chamberlain (officer presiding over a prince's chamber). chambre, _f._ chamber, room; la Chambre, the Chamber of Deputies. chameau, _m._ camel. champ, _m._ field. Champagne, _f._ Champagne (Province). champagne, _m._ champagne. champetre, _adj._ rural; garde --, forester, keeper. Champignet, name apparently coined by de Maupassant; perhaps he had in mind Champigny, a village east of Paris, scene of a battle in the war of 1870-1871. chance, _f._ chance, luck. chanceler, _v._ to totter, stagger, reel. chanceux, -euse, _adj._ precarious, lucky. Chandeleur, _f._ Candlemas-day (Feb. 2). chandelier, _m._ candlestick. chandelle, _f._ tallow candie. change, _m._ exchange; donner le -- a, to put on the wrong track, change. changement, _m._ change. changer, _v._ to change; changeant, -e, changing, changeable. chanson, _f._ song. chanter, _v._ to sing, sing of, crow. chanvre, _m._ hemp. chapeau, _m._ hat. chapiteau, _m._ capital (of a column). chaque, _adj._ each. charabia, _m._ gibberish. charbon, _m._ coal. charbonnier, -ere, _m., f._ charcoal-burner, charcoal-burner's wife, coal-man, coal-mine, colliery (J. in last sense). charcutier, _m._ pork-butcher. charge, _f._ charge, load, burden. charger, _v._ to charge, load, fin, commission; se --, take charge, take upon oneself; charge, -e, loaded, laden, full. chariot, _m._ wagon. charitable, _adj._ charitable. charite, _f._ charity. charlatan, _m._ charlatan, quack. Charles, Charles. charme, _m._ charm, delight. charmer, _v._ to charm; charmant, -e, adj. charming. charniere, _f._ hinge. charrette, _f._ cart; -- a bras, push-cart. charrue, _f._ plow. chasse, _f._ hunt, hunting, chase. chasse-mouche, _m._ fly-fan, fly-flap (now usually written chasse-mouches). chasser, _v._ to chase, drive, drive away, hunt. chasseur, _m._ hunter, light infantryman, light cavalryman. chaste, _adj._ chaste. chat, _m._ cat; chats a fouetter, fish to fry. chateau, _m._ castle. chat-huant, _m._ screech-owl (aspirate _h_). chatiment, _m._ punishment. chatouillement, _m._ tickling. chaud, -e, _adj. and s._ warm, hot, heat. chauffage, _m._ heating, fuel; bois de --, firewood. chauffer, _v._ to warm. chausser, _v._ to put on shoes or stockings; chausse, -e, shod. chausson, _m._ felt shoe; -- de lisiere, list-shoe, plaited cloth shoes manufactured in prisons. chaussure, _f._ shoe, shoes (in general sense). chauve, _adj._ bald. chauve-souris, _f._ bat. chaux, _f._ lime; blanchir a la --, to whitewash. chef, _m._ chief, leader, director; commander en --, to have the chief command. chemin, _m._ way, road; -- de fer, railway. cheminee, _f._ chimney, fireplace, mantel, funnel. cheminer, _v._ to go on one's way, proceed, walk. chemise, _f._ shirt, chemise. chene, _m._ oak; -- vert, live oak. chenille _f._ caterpillar. cher, -ere, _adj., adv. and s._ dear, dearly. cherement, _adv._ dearly, at a high price. chercher, _v._ to search, seek, look for, try; -- des yeux, look for. cheri, -e, _adj. and s._ beloved, darling. cherubin, _m._ cherubin, cherub. chetif, -ive, _adj._ thin, puny, sickly. cheval, m. horse, horsemeat; a --, on horseback; a -- sur, astride. chevaucher, _v._ to ride (on horseback). chevelure, _f._ head of hair, hair. Cheverino (or Chevardino), a Russian hillock west of Moscow. cheveu, _m._ hair; pl. hair; arme jusqu'aux cheveux, armed to the teeth. cheville, _f._ peg, ankle. chevre, _f._ goat. chez, _prep._ at or to the house or home of, with, in, in the room of, etc. chiaoux, _m._ chiaous or chouse (Turkish attendant or interpreter). chic, _adj. and m._ stylish, smart, style. chien, -ne, _m., f._ dog. chiffon, _m._ rag, piece. chiffre, _m._ figure. Chio, _f._ Chias (island in the Aegean Sea; pronounced: _kio_). chipoter, _v._ to trille or toy with. chirurgical, -e, _adj._ surgical. chirurgien, _m._ surgeon. choc, _m._ shock (final _c_ pronounced). chocolat, _m._ chocolate. choeur, _m._ choir, chorus (_ch_ pronounced as _k_). choisir, _v._ to choose; choisi, -e, carefully chosen, choice. choix, _m._ choice. chope, _f._ beer-glass. chopine, _f._ chopin (about one pint), glass. chose, _f._ thing; autre --, something else, else; peu de --, of little importance, a small matter; devenir tout --, to become like I don't know what; _m._ (familiar), I don't know what, what's his. choquer, _v._ to shock (name), etc. chou, _m._ cabbage. choucroute, _f._ sauer-kraut. chouette, _f._ kind of screech-owl, chough. chretien, -ne, _adj. and s._ Christian (in this and in the next word _ien_ is pronounced as in _bien_). chretiente, _f._ Christendom. christ, _m._ crucifix (pronounced: _krist_). Christina, Christine. chromo, _m._ chromo (colored lithographic reproduction). chronique, _f._ chronicle. chuchotement, _m._ whispering, whisper. chuchoter, _v._ to whisper. chut, _interj._ hush! (_t_ pronounced). Chypre, _f._ Cyprus (English island in eastern Mediterranean). ci, _adv._ here (frequent as suffix; celui- --, etc.); ---devant, formerly; une -- et une ca, hussy, etc. ciboire, _m._ ciborium, pyx (vase for the host); saint- --, holy pyx. cicatrice, _f._ scar. cidre, _m._ cider. ciel, _m._ sky, heaven. cierge, _f._ taper. cigale, _f._ grassshopper. cime, _f._ summit, top. cimetiere, _m._ cemetery. cingler, _v._ to sail. cinq, _card._ five (_q_ pronounced). cinquantaine, _f._ about fifty, age of fifty. cinquante, _card._ fifty. cinquieme, _ord._ fifth. circonstance, _f._ circumstance. circonvolution, _f._ circumvolution, coil. circuit, _m._ circuit. cirer, _v._ to wax, polish. citadin, -e, _m., f._ citizen, townsman (also used adjectively). cite, _f._ oldest part of a city, city. citer, _v._ to cite. citoyen, -ne, _m., f. and adj._ citizen. citronnier, _m._ lemon-tree. civette, _f._ civet (animal and perfume obtained from it). civilisation, _f._ civilization. clair, -e, _adj._ clear; light-colored, bright; -- de lune, moonlight. clairement, _adv._ clearly. claire-voie, _f._ lattice, lattice gate; a --, with open sides (of a cart). Clairon, Clarinda, Clarissa (diminutive of Claire, Clara). clairvoyant, -e, _adj._ clear-sighted, discerning. clameur, _f._ clamor, uproar, outcry. clan, _m._ clan, tribe. clandestin, -e, _adj._ clandestine, secret. clapoter, _v._ to splash, ripple. claque, _m._ opera hat, chapeau (folding hat pointed in front and behind used in U. S. army and by French officials, etc.). Claretie (Jules), French novelist, dramatist and critic, director of the Theatre Francais (1840-1914). clarinette, _f._ clarinet, clarinettist. clarte, _f._ light, splendor, brilliancy, glow. classe, _f._ class, school. classique, _adj._ classic, typical. clef, _f._ key; fermer a --, to lock; reprendre la -- des champs, escape again (pronounced: _cle_). cligner, _v._ to wink; -- de l'oeil, wink. cliquetis, _m._ clashing, jingling, clanking, rattling, tinkling. cloche, _f._ bell (usually large). clocher, _m._ belfry, steeple. cloison, _f._ partition. cloitre, _m._ cloister. clopin-clopant, _adv._ limpingly, hobbling. clore, _v._ to close (defective and little used); la nuit close, nightfall. clou, _m._ nail, boil. clouer, _v._ to nail, fix. club, _m._ club. coasser, _v._ to croak. cocasse, _adj._ funny, odd. cocher, _m._ coach man. cochon, _m._ pig, hog. code, _m._ code. coeur, _m._ heart, center; de bon --, heartily, cheerfully; faire mal au --, to make sick at the stomach; faire le joli --, to court; si le -- vous en dit, if you feel inclined; -- de chene, solid oak. coffre, _m._ chest, coffer, box (slang for chest of the body). cognac, _m._ cognac (brandy manufactured in the town of this name, department of Charente). cognee, _f._ ax, hatchet (for felling); jeter le manche apres la --, to throw the helve after the hatchet, give up everything. cohue, _f._ throng, crowd, mob. coiffer, _v._ to put on the head, dress the hair; oiffe, -e, (de), wearing on the head. coiffure, _f._ head-dress, arrangement of the hair. coin, _m._ corner; -- du feu, fireside. coke, _m._ coke (coal after extraction of the gas). col, _m._ neck, collar (in the sense of neck, col is old, cou is now used). colere, _f._ anger (also in _pl._). collation, _f._ collation, light luncheon. collection, _f._ collection. collegue, _m._ colleague. coller, _v._ to stick, glue, stick or fasten on or together, paste, apply, fit tight, hold fast. collerette, _f._ small collar, dutch collar. collet, _m._ collar. collier, _m._ necklace, collar. Colmar, small city in Alsace. colombe, _f._ dove. colonel, _m._ colonel. colonne, _f._ column, row of numbers in roulette. colorer, _v._ to color; se --, became colored. colosse, _m._ colossus. combat, _m._ combat, fight. combattre, _v._ to combat, fight. Combe-aux-Fees, imaginary town (= Valley of the Fairies). combien, _adv._ how much, how many, how. combinaison, _f._ combination. comble, _m._ top; de fond en --, from top to bottom. comboloio, _m._ Turkish chaplet with 100 beads corresponding to the 100 names of the Divinity. comediante, _m._ comedian (Italian). comedie, _f._ comedy (sometimes used for theater). comice, _m. pl._ comitia; -- agricoles, assembly for the promotion of agriculture. comique, _adj._ comic. commandant, _m._ commandant, commander; --major, _m._ commandant (with rank of major, applied to military governor of a fortified town). commandement, _m._ command. commander, _v._ to command, be in command, order, give orders. comme, _adv. and conj._ as, so, like, how, as if, as it were. commencement, _m._ beginning. commencer, _v._ to commence, begin. comment, _adv. and interj._ how, what!, how is that?, what do you mean?, how is it that?; -- s'appelle (se nomme)-t-il, what is bis name? commentateur, _m._ commentator. commerce, _m._ commerce, business, trade; -- amoureux, love affair. commere, _f._ godmother, gossip, talkative old woman. commettre, _v._ to commit. commis, _m._ clerk. commissaire, _m._ commissary (superior officer of French police), commissioner. commissariat, _m._ office of the commissary. commission, _f._ commission, committee, errand. commode, _adj._ convenient, comfortable; _f._ chest of drawers. commodement, _adv._ comfortably. commun, -e, _adj._ common; lui etre -- avec, to be shared by him and. communier, _v._ to receive the sacrament. communiquer, _v._ to communicate, make known, give, tell. compacte, _adj._ compact, solid. compagnie, _f._ company, corporation, breeding. compagnon, _m._ companion; bon --, good companion, good fellow. comparaison, _f._ comparison. comparer, _v._ to compare; compare, -e, compared, comparative. compas, _m._ pair of compasses. compassion, _f._ compassion. compatissant, -e, _adj._ compassionate. competence, _f._ competence, department; quelque chose de ma --, something I know about. complaire, _v._ to please; complaisant, -e, adj. obliging. complet, -ete, _adj. and m._ complete, suit of clothes. completement, _adv._ completely. completer, _v._ to complete. complice, _m., f._ accomplice. compliment, _m._ compliment; je vous fais mon --, I compliment you. compliquer, _v._ to complicate. composer, _v._ to compose; se --, be composed. composition, _f._ composition. comprendre, _v._ to understand; (y) compris, including. compromettre, _v._ to compromise. compte, _m._ count, account, reckoning, regard; se rendre -- de, to realize; se rendre bien --, to be quite aware (in this and in the next three words _p_ is not pronounced). compter, _v._ to count, include, count on, intend; comptant, in cash. compteur, _m._ register, meter. comptoir, _m._ counter, bar, bank (usually for foreign business); Comptoir general de credit, International Bank. comte, _m._ count. comtesse, _f._ countess. conception, _f._ conception. concert, _m._ concert. concerto, _m._ concerto (piece of music composed for one instrument with accompaniment; Italian,-concert). concevoir, _v._ to conceive. concierge, _m., f._ concierge, door-keeper, porter, janitor. conclure, _v._ to conclude, draw conclusions; concluant, -e, conclusive. concours, _m._ concourse, assembly, competition, fair. condamner, _v._ to condemn (_m_ not pronounced): condition, _f._ condition, position. conducteur, _m._ conductor, driver. conduire, _v._ to conduct, drive, lead, take, behave. conduit, _m._ conduit, passage, pipe. conduite, _f._ conduct. cone, _m._ cone. confection, _f._ making, ready-made suit. confesser, _v._ to confess; aller se --, go to confession or to confess. confession, _f._ confession. confessionnal, _m._ confessional confiance, _f._ confidence. confidence, _f._ confidential remark, secret. confier, _v._ to confide. confire, _v._ to preserve. confirmer, _v._ to confirm. confiture, _f._ preserves, sweet-meats. confondre, _v._ to confound, confuse, blend; se --, be confounded, be confused, blend. conformement, _adv._ conformably, suitably. confronter, _v._ to confront. confus, -e, _adj._ confused. confusion, _f._ confusion. conge, _m._ leave. congedier, _v._ to dismiss. conjurer, _v._ to conjure, pray urgently. connaissance, _f._ acquaintance, consciousness, knowledge. connaisseur, _m._ connoisseur, good judge. connaitre, _v._ to be acquainted with, know; se -- a, know about. conquerir, _v._ to conquer, gain, win. conquete, _f._ conquest. consacrer, _v._ to consecrate. conscience, _f._ conscience; se faire -- de, to have scruples about, shrink from; prouverla -- de, prove that one realizes that. consciencieusement, _adv._ conscientiously. conscrit, _m._ conscript, recruit. conseil, _m._ counsel, council, piece of advice; _pl._ advice; Conseil general, General Assembly of a Department. conseiller, _v._ to advise. conseiller, _m._ counselor, councilor, judge of an appellate court. consentement, _m._ consent. consentir, _v._ to consent, agree. consequence, _f._ consequence; en --, in consequence, accordingly. consequent (with par), consequently, therefore. conserve, _f._ conserve, preserve. conserver, _v._ to preserve. considerable, _adj._ considerable, important; si peu --, so slight. considerablement, _adv._ considerably. consideration, _f._ consideration, esteem. considerer, _v._ to consider, look at. consigne, _f._ watch-word, orders; forcer la -- (also in _pl._), to break the orders, enter against orders. consigner, _v._ to consign, refuse; -- la porte, refuse admittance. consister, _v._ to consist. consolation, _f._ consolation. consoler, _v._ to console; se --, be consoled. consommateur, _m._ consumer, patron (of a restaurant, etc.). consommer, _v._ to consume, use. conspirer, _v._ to conspire. constamment, _adv._ constantly. constant, -e, _adj._ constant. Constantinople, Constantinople. constatation, _f._ authentication, verification. constater, _v._ to verify, ascertain, settle, discover. constellation, _f._ constellation. consteller, _v._ to constellate, star; constelle, -e, constellated, starred, starry. consternation, _f._ consternation. consterner, _v._ to astound, dismay, strike with consternation; consterne, -e, in consternation, etc. constituer, _v._ to constitute, make up; se --, make oneself, give oneself up. constitution, _f._ constitution. construction, _f._ construction. consulter, _v._ to consult. consumer, _v._ to consume, waste. contact, _m._ contact (_ct_ pronounced). conte, _m._ short story, tale. contempler, _v._ to contemplate, survey, gaze at. contenir, _v._ to contain, restrain. content, -e, _adj._ contented, happy, glad. contentement, _m._ contentment, look of satisfaction. contenter, _v._ to content, satisfy; se --, be contented, content oneself. conter, _v._ to tell, tell of, recount, relate. contester, _v._ to contest. continu, -e, _adj._ continuous. continuel, -le, _adj._ continual. continuellement, _adv._ continually. continuer, _v._ to continue; se --, be continued. contour, _m._ contour, outline, circumference, edge. contourner, _v._ to run around, encircle. contracter, _v._ to contract. contraindre, _v._ to constrain, compel. contraire, _adj. and m._ contrary. contraster, _v._ to contrast. contre, _prep._ against, close by; par --, on the other hand; fache --, angry with. contre-basse, _f._ counter-base, double-base (large base-viol; this word is now usually written: contrebasse). contredire, _v._ to contradict. contredit, _m._ contradiction. contree, _f._ country, region. contrevent, _m._ shutter. contribuer, _v._ to contribute, aid. convaincre, _v._ to convince. convenable, _adj._ suitable, proper. convenir, _v._ to suit, agree; -- mieux, be more fitting; j'en conviens, I agree, I grant it. conversation, _f._ conversation. convoi, _m._ convoy, escort. convulsif, -ive, _adj._ convulsive. convulsivement, _adv._ convulsively. copain, _m._ comrade, pal (familiar). copie, _f._ copy. copieux, -euse, _adj._ copious. coq, _m._ cock; Coq-Galine, "Hldquo;Henpeck" (= Hen-Cock). coque, _f._ shell, hull; oeuf a la --, boiled egg. coquelicot, _m._ wild poppy; adjectively: poppy-colored. coquet, -te, _adj._ coquettish, smart. coquetterie, _f._ coquetry. coquillage, _m._ shell, shells, shell-fish. coquille, _f._ shell. coquin, -e, _m., f._ rascal, rogue, scoundrel. cor, _m._ horn; -- de chasse, hunting-horn, French horn. corail, _m._ coral. Coran, _m._ Koran (sacred book of the Mohammedans, drawn up by Mohammed). corbeau, _m._ raven, crow. corde, _f._ line, rope, cord. cordelette, _f._ small cord. cordial, -e, _adj._ cordial. cornet, _m._ cornucopia. cornette, _f._ mob-cap. cornu, -e, _adj._ horned. corps, _m._ body, corps, object; -- a --, hand to hand. corpulence, _f._ corpulence, stoutness. correction, _f._ correction; donner une -- a, to give a lesson to. correspondant, _m._ correspondent. corridor, _m._ corridor. Corse, _f._ Corsica; corse, _adj. and s._ Corsican (written Corse when _s._; Corsica is a French department). cortege, _m._ procession. costume, _m._ costume. costumer, _v._ to costume. cote, _f._ rib, slope, coast; -- a -~, side by side. cote, _m._ side, direction; du -- de, in the direction of; de --, to or on one side, sidewise, side; a --, in the next room, next door; a -- de lui, by his side; d'un autre --, besides; de -- et d'autre, on one side and on the other; de mon --, on my side or part. coteau, _m._ hillock, hill. cotele, -e, _adj._ ribbed. cotelette, _f._ cutlet, chop. coton, _m._ cotton. cotoyer, _v._ to go by the side of. cou, _m._ neck, throat. couche, _f._ couch, bed, layer, confinement. coucher, _v._ to put to bed, lay out, lay, sleep, set; se --, go to bed, lie down; envoyer se --, send to bed; chambre a --, bedroom; couchant, -e, adj. setting; couche, -e, lying down, in bed, lying, stretched out; _m._ setting, sunset. coude, _m._ elbow; pousser du --, to nudge. coudre, _v._ to sew; cousu d'or, rolling in money. Coulau, proper name borrowed by Daudet from the Provencal (there is a poor kind of fish of this name, coulaud, found in Rouergue). couler, _v._ to flow, run, run down, trickle down. couleur, _f._ color. couloir, _m._ passage. coup, _m._ blow, stroke, shot, gulp, gust, cast, play, beam; tout d'un --, all of a sudden; tout a --, all of a sudden, suddenly; -- sur --, time after time, one after the other; -- d'oeil, glance, sight; -- de sang, shock, apoplectic stroke, fit; -- de couteau, stab; -- d'Etat, overthrow of the Government; a -- sur, surely; -- de feu, shot; -- d'eventail, fanning; boire un --, to take a drink; faire un bon --, do a good stroke of business; faire un -- de tete, do something rash. coupable, _adj. and s._ culpable, guilty, culprit. coupe, _f._ cup, bowl, cut, cutting, stroke. coupe, _m._ coupe. couper, _v._ to cut, cut off; coupant, -e, cutting, sharp. couple, _f._ couple (_m._ when objects not alike). coupole, _f._ cupola. coupure, _f._ cut, cutting. cour, _f._ court, yard, court-yard. courage, _m._ courage. couramment, _adv._ fluently. courant, _m._ current; -- d'air, current of air, draught. courbe, _f._ curve. courber, _v._ to curve, bend, bend over. courir, _v._ to run, run along. couronne, _f._ crown, wreath. couronner, _v._ to crown. courroux, _m._ anger. course, _f._ course, race; au pas --, on a run. court, -e, _adj._ short, shallow; le plus -- serait, the shortest or quickest way would be. courtine, _f._ bed-curtain (old word). courtisan, _m._ courtier; courtisame, _f._ prostitute. courtiser, _v._ to court. courtoisie, _f._ courtesy. cousin, -e, _m., f._ cousin. coussin, _m._ cushion. coussinet, _m._ small cushion. couteau, _m._ knife. couter, _v._ to cost, be costly, be a trouble, be hard; en -- bon, cost something; coute que coute, cost what it may; rien ne me coutait, I did not count the cost. coutil, _m._ ticking, duck (cloth). coutume, _f._ custom; de --, usually, usual. couturiere, _f._ seamstress, dress-maker. couvee, _f._ nest of eggs, brood. couvent, _m._ convent, monastery. couver, _v._ to hatch. couvert, _m._ cover; a --, protected, sheltered. couverture, _f._ cover, covering, blanket. couveuse, _f._ sitting hen, brooder. couvrir, _v._ to cover, wrap up. cra-cra, _interj._ scratch, scratch (onomatopoetic). crabe, _m._ crab. cracher, _v._ to spit. craie, _f._ chalk. craindre, _v._ to fear. crainte, _f._ fear, dread. craintif, -ive, _adj._ fearful, timorous, timid. crampe, _f._ cramp. crane, _m._ skull, cranium. crapule, _f._ debauchery, vile people, rotten gang. craquer, _v._ to crack. crasse, _f._ filth, coat of filth, scum. cravache, _f._ riding-whip, crop. cravate, _f._ cravat. crayon, _m._ pencil. creancier, _m._ creditor. creation, _f._ creation. creature, _f._ creature. credit, _m._ credit. creme, _f._ cream. Cremone, Cremona (city of northern Italy). crenele, -e, _adj._ embattled, crenelated. crepitement, _m._ crackling. crete, _f._ crest. creuser, _v._ to dig, hollow, hollow out; creuse, -e, hollowed, hollow, excavated. creux, -euse, _adj. and m._ hollow, sunken; en --, in intaglio. crevasse, _f._ crevice, crevasse. crevasser, _v._ to crack, chap. crever, _v._ to burst open, burst, knock or put out, die (vulgar in last sense). cri, _m._ cry, shout, scream. cribler, _v._ to riddle. criee, _f._ auction. crier, _v._ to cry, cry out or for, scream, call, creak. crime, _m._ crime. crise, _f._ crisis, attack. crisper, _v._ to contract, shrivel up, clench, twitch, convulse, make tense, set on edge or irritate (the nerves), thrill. cristal, _m._ crystal, cui glass; -- de roche, rock-crystal. croc, _m._ book, fang; coup de --, ravenous bite (final _c_ not pronounced). crocheteur, _m._ street-porter. crochu, -e, _adj._ hooked, crooked. crocodile, _m._ crocodile. croire, _v._ to believe; faut --!, you'd better believe so, you bet!; a ce que je crois, as I think, in my estimation. croisade, _f._ crusade. croisee, _f._ window, casernent, transept. croiser, _v._ to cross, intersect. Croisic (le), peninsula and village north of the mouth of the Loire (Loire-Inferieure), Croisilles, hero of de Musset's story (also a village in Pas-de-Calais). croitre, _v._ to increase, grow; croissant, -e, _adj. and m._ increasing, growing, crescent, quarter (moon). croix, _f._ cross, reverse (of a coin). croquer, _v._ to crunch. crosse, _f._ butt (of a gun). crosser, _v._ to bat, beat. crottin, _m._ dung (of horses, sheep, etc.). croupe, _f._ crupper, buttocks. croyance, _f._ belief, creed. cruche, _f._ jug, pitcher. cruel, -le, _adj._ cruel. cruellement, _adv._ cruelly. crument, _adv._ crudely, harshly. Cucugnan, humorous name of an imaginary town. Cucugnanais, _m._ inhabitant of Cucugnan. cueillir, _v._ to gather, pick up. cuir, _m._ leather. cuirasse, _f._ cuirass, breastplate. cuirassier, _m._ cuirassier (cavalryman wearing a cuirass). cuire, _v._ to cook; cuisant, -e, cooking, sweltering. cuisine, _f._ kitchen. cuisinier, -ere, _m., f._ cook. cuisse, _f._ thigh. cuivre, _m._ copper. cuivre, -e, _adj._ copper-colored. cul, _m._ bottom, back, rump (_l_ not pronounced). culbuter, _v._ to send head over heels, throw over, overthrow, overturn, upset. culotte, _f._ breeches. culte, _m._ worship, creed, service. cultiver, _v._ to cultivate, raise, harvest. cupide, _adj._ covetous, greedy. cure, _m._ vicar, parish priest, cure. curieux, -euse, _adj. and s._ curious, curious person. curiosite, _f._ curiosity. cuve, _f._ vat, tub. D d', _see_ de. daigner, _v._ to deign. dais, _m._ dais, canopy. dallage, _m._ flagging. dalle, _f._ flagstone. daller, _v._ to pave (with flagstones). Damas, Damascus (Syrian city; _s_ pronounced). damas, _m._ damask (kind of silk with raised figures, also linen of the same pattern), Damascus blade. dame, _f._ lady, dame (title). dame, _interj._ indeed!, well now! damier, _m._ checker-board. damner, _v._ to damn; damne, -e, _m., f._ one damned (pronounced: _dane_). danger, _m._ danger, risk. dangereux, -euse, _adj._ dangerous. Daniel, Daniel. dans, _prep._ in, into, to, on. danse, _f._ dance. danser, _v._ to dance. danseur, -euse, _m., f._ dancer, partner. dater, _v._ to date. datte, _f._ date (fruit). dauphin, -ine, _m., f._ dolphin, dauphin, dauphiness (eldest son of a French king, or his wife); Dauphine, proper name. davantage, _adv._ still more, more. David, David (King of Israel, story given in Bible, beginning with I Sam. 16). de, _prep._ of, from, by, with, to, on, in, for, than, as, some (partitive), ~ English possessive ('s); si j'etais -- vous, if I were in your place. debarrasser, _v._ to disembarrass, free; se --, get rid. debattre, _v._ to debate; se --, be debated, struggle, contend, flicker. debauche, _f._ debauch, debauchery. deblayer, _v._ to clear out. deborder, _v._ to overflow; deborde, -e, overflowing, brimming over. deboucher, _v._ to uncork, open, come out (into). debout, _adv._ upright, up, standing; se tenir (mettre) --, to stand upright. deboutonner, _v._ to unbutton. debraille, -e, _adj._ with the clothes in disorder or disheveled. debris, _m._ debris, remains, wreckage, ruins, relic. debrouillard, -e, _adj. and s._ shrewd, clever, shrewd fellow. debut, _m._ beginning, start, first appearance, debut. decacheter, _v._ to unseal, open. decamper, _v._ to decamp, run off. decapiter, _v._ to decapitate, behead. decaver, _v._ to ruin (in gambling), fleece. decembre, _m._ December. deception, _f._ deception, disappointment. dechainer, _v._ to unchain, let loose; se --, get or break loose, rage. decharge, _f._ discharge. decharger, _v._ to discharge; se --, empty. dechiqueter, _v._ to cut to pieces, slash. dechirer, _v._ to tear, rend, lacerate, split (the ears), harrow, rend with anguish; dechirant, -e, heartrending. decider, _v._ to decide, make decide; se --, be decided, make up one's mind. declamer, _v._ to declaim, recite. declaration, _f._ declaration. declarer, _v._ to declare; se --, declare oneself, set in. decliner, _v._ to decline, give (one's name). decoiffer, _v._ to take down the hair of. deconcerter, _v._ to disconcert. decor, _m._ decoration. decoration, _f._ decoration, badge, order. decorer, _v._ to decorate, confer a medal on. decouper, _v._ to cut off or out, bring out, cause to stand out, carve, notch, indent. decoupure, _f._ cutting out, cutting, outline. decouragement, _m._ discouragement. decouverte, _f._ discovery. decouvrir, _v._ to discover, disclose, uncover. decrepit, -e, _adj._ decrepit, dilapidated (_t_ not pronounced). decrire, _v._ to describe; decrocher, _v._ to unhook, take down. dedaigner, _v._ to disdain. dedain, _m._ disdain. dedale, _m._ labyrinth, maze. dedans, _adv. and m._ inside, within, in it, etc.; la- --, in there, in it, etc. defaire, _v._ to undo, untie; se --, get rid (of). defaut, _m._ fault, defect, weak side, lack. defavorable, _adj._ unfavorable. defendre, _v._ to defend, forbid, prohibit; se --(de), defend oneself, resist, jib (of horses). defense, _f._ defense, prohibition. defier, _v._ to defy; defiant, -e, _adj._ distrustful. defile, _m._ filing-by, procession. defiler, _v._ to file by, march off. deflorer, _v._ to deflower, besmirch, take away the freshness of. defoncer, _v._ to stave in, break in. deformation, _f._ deformation. deformer, _v._ to deform, put out of shape, crush. defunt, -e, _adj._ deceased, late, dead. degager, _v._ to disengage, set free; degage, -e, disengaged, unembarrassed, free, careless, easy. degourdir, _v._ to take away the numbness; se --, stretch, get rid of one's stiffness; degourdi, -e, _adj._ revived, fresh, brisk. degout, _m._ disgust. degrafer, _v._ to unhook, unfasten, unbutton. degre, _m._ degree, step. degringoler, _v._ to tumble down, roll or scramble down. degriser, _v._ to sober; se --, get sober. deguenille, -e, _adj._ ragged. deguisement, _m._ disguise. deguiser, _v._ to disguise. dehors, _adv. and m._ outside, out, out of doors; du --, outside, exterior; au --, outside, without; les --, the exterior, the appearance. deja, _adv._ already. dejeuner, _v._ to breakfast, lunch; _m._ breakfast, luncheon. dela, _prep. and adv._ beyond; au -- de, beyond; au --, beyond, more. delai, _m._ delay, postponement, period. delateur, -trice, _adj. and s._ betraying, informer, tell-tale. delicat, -e, _adj._ delicate. delicatesse, _f._ delicacy, deftness, consideration, tact, refined feeling. delicieux, -euse, _adj._ delicious, delightful. delie, -e, _adj._ untied, slender. delier, _v._ to untie. delire, _m._ delirium. delirer, _v._ to be delirious, rave, wander. delivrer, _v._ to deliver, free, let out. demain, _adv._ to-morrow. demande, _f._ request, offer of marriage. demander, _v._ to request, ask, ask for, need. demarche, _f._ gait, act, procedure, step. demeler, _v._ to disentangle, make out, distinguish, settle. demence, _f._ dementia, insanity. dementir, _v._ to contradict, belie, disprove. demesure, -e, _adj._ boundless, huge. demesurement, _adv._ immoderately, excessively. demeure, _f._ dwelling. demeurer, _v._ to remain, live, stand, stop; demeure seul, left alone. demi, -e, _adj._ hall (frequent prefix); a --, half-way, half. demi-jour, _m._ twilight. demission, _f._ resignation. democrate, _m._ democrat. demoiselle, _f._ young lady, girl of noble birth (old in this sense); -- a marier, marriageable young lady. demon, _m._ demon, devil. demonter, _v._ to dismount, baffle; mer demontee, raging sea. denier, _m._ farthing, penny. denoncer, _v._ to denounce, betray. denonciation, _f._ denunciation. denoter, _v._ to denote, betoken, indicate. denoument, _m._ denouement, solution, end (also written denouement). dent, _f._ tooth; coup de --, bite. dentelle, _f._ lace, stone-work resembling lace. Dentu, family name (_cf._ the Old French dentu, having long teeth). denuer, _v._ to strip; denue, -e, _adj._ stripped, deprived, destitute. denument, _m._ destitution. depart, _m._ departure. departement, _m._ department (one of the 86 subdivisions of French territory). depasser, _v._ to pass beyond, overtop, surpass. depayser, _v._ to send from home, put out of one's natural surroundings; se sentir depayse, to feel that one is not at home. depeche, _f._ despatch. depecher, _v._ to hasten, hurry; se --, hasten, hurry. depense, _f._ expense. depenser, _v._ to spend; se --, be spent or expended orwasted. depit, _m._ spite, vexation; en -- de, in spite of. deplacer, _v._ to displace, shift. deplaire, _v._ to displease. deplorable, _adj._ deplorable, wretched. deployer, _v._ to unfold, display, spread out, deploy. deposer, _v._ to put clown, place. deposition, _f._ deposition, testimony. depouiller, _v._ to strip (of leaves, etc.). depourvu, -e, _adj._ destitute, void, lacking. depuis, _prep._ from, since, for; -- que, _conj._ since. depute, _m._ deputy (one of the 597 members of the Chambre des Deputes or French House of Representatives). deracinement, _m._ up-rooting, eradication. deraison, _f._ unreasonableness, anything preposterous. deranger, _v._ to derange, disturb, inconvenience. derechef, _adv._ once more, anew. derisoirement, _adv._ derisively, ridiculously. derive, _f._ drift. deriver, _v._ to derive, drift. dernier, -ere, _adj._ last. dernierement, _adv._ recently. derober, _v._ to steal, bide away from. deroger, _v._ to degrade oneself, lose dignity, stoop. derouler (se), _v._ to unroll, spread out. deroute, _f._ rout, defeat, flight. derriere, _prep., adv. and m._ behind, rear, back, seat; par --, behind, from behind. des=de les. des, _prep._ from, since, at, beginning with; -- que, conj. as soon as, when; ecrire -- le lendemain, to write the next day. desappointer, _v._ to disappoint. desarmer, _v._ to disarm, uncock. desastre, _m._ disaster. desceller, _v._ to unseal, unfasten. descendant, _m._ descendant. descendre, _v._ to descend, go or come down, go downstairs, dismount, get out (of a carriage, etc.). descente, _f._ descent. desert, -e, _adj. and m._ deserted, desert. deserter, _v._ to desert. desesperement, _adv._ desperately. desesperer, _v._ to despair, make desperate, dishearten; desespere, -e, desperate, disheartened, in despair. desespoir, _m._ despair, desperation. deshabituer, _v._ to unaccustom, disaccustom. deshonneur, _m._ dishonor. deshonorer, _v._ to dishonor. designer, _v._ to designate, point out. desir, _m._ desire, wish, eagerness. desirer, _v._ to desire. desolation, _f._ desolation, grief. desoler, _v._ to desolate, grieve, render disconsolate; se --, grieve, be distressed, be disconsolate; desole, -e, disconsolate, desolate, grieved. desordonne, -e, _adj._ disorderly, unruly. desordre, _m._ disorder. desormais, _adv._ henceforth. desquels = de lesquels. dessecher, _v._ to dry up, wither. dessert, _m._ dessert. dessiner, _v._ to design, outline, bring out; se --, be designed, appear, be seen. dessous, _adv., prep. and m._ below, under, down, lower side, bottom; en --, below; au -- (de), below, beneath; mettre la barre --, to put the helm down or a-lee. dessus, _adv., prep. and m._ above, over, on, upon, over or on it, etc., top; au -- de, above; par- --, over, above; la- --, thereupon; de --, upper; lui tirer --, to shoot at him. destination, _f._ destination. destinee, _f._ destiny. destiner, _v._ to destine, intend. destruction, _f._ destruction. detachement, _m._ detachment. detacher, _v._ to detach, take off or from; se --, stand out, come off. detail, _m._ detail. detaler, _v._ to clear out, scamper away. deteler, _v._ to unhitch, unharness. detendre, _v._ to unbend, slacken; se --, relax. detente, _f._ trigger, spring. determiner, _v._ to determine. detirer, _v._ to stretch. detonation, _f._ detonation, report. detour, _m._ detour, turn. detourner, _v._ to turn aside; se --, turn aside. detresse, _f._ distress. detroit, _m._ strait, straits. detruire, _v._ to destroy. dette, _f._ debt. deuil, _m._ mourning, sorrow; faire -- a, to make sad; conduire (mener) le --, lead the procession of mourners. deusio, _adv._ secondly (word formed on analogy with primo, not recognized by standard dictionaries). deux, _card._ two; a -- ou trois, in twos or threes; tous (les) --, both. deuxieme, _ord._ second (x pronounced as _z_). devancer, _v._ to go or arrive before, anticipate. devant, _prep., adv. and m._ before, in front of, in front, front; au -- de, to meet; il marcha -- lui, he walked straight ahead. devaster, _v._ to devastate, lay waste, plunder, strip. developper, _v._ to develop, unfold; se --, develop, be developed, etc. devenir, _v._ to become; que devient-il?, what is becoming of him? deviner, _v._ to divine, conjecture, guess. deviser, _v._ to chat. devisser, _v._ to unscrew. devoir, _v._ must, ought, to owe, be indebted, be obliged, be (necessity); _m._ duty. devorer, _v._ to devour, eat up, consume, absorb, cover (distance); devore!, eat him up! devouement, _m._ devotion. devouer, _v._ to devote. diable, _m._ devil; interj. the devil!; que --!, the devil take it! diablement, _adv._ devilishly, deucedly. diablerie, _f._ deviltry, mischief. dialogue, _m._ dialogue. dialoguer, _v._ to put in the form of or carry on a dialogue. diamant, _m._ diamond. Diane, Diana (goddess of hunting). diane, _f._ reveille. diantre, _interj._ the deuce! Dick, proper name (_cf_., on account of the context, _dick_ = thick, in German). dictionnaire, _m._ dictionary. Dieu, _m._ God; mon --!, heavens!, why!, etc.; grand --!, great heavens!; le bon --, God; porter le bon --, to bear the Sacrament. difference, _f._ difference. different, -e, _adj._ different. difficile, _adj._ difficult, hard to get on with. difficulte, _f._ difficulty; faire -- de, to object to. digne, _adj._ worthy. dilater, _v._ to dilate. dimanche, _m._ Sunday. diminuer, _v._ to diminish, lessen. dinde, _f._ turkey-hen. diner, _v._ to dine; m. dinner. dire, _v._ to say, tell, call, speak; pour ainsi --, so to speak; c'est-a--, that is to say; dites-moi, tell me, just imagine, you have no idea; tout fut dit, all was settled; -- que c'est, the idea of its being; _m. pl._ talk, gossip. directeur, _m._ director, president. direction, _f._ direction. diriger, _v._ to direct; se --, go (towards, etc.). discipline, _f._ discipline. discours, _m._ discourse, speech. discret, -ete, _adj._ discreet. discussion, _f._ discussion. discuter, _v._ to discuss. disparaitre, _v._ to disappear. disperser, _v._ to disperse, scatter; se --, disperse. disposer, _v._ to dispose, arrange; se --, be disposed, make ready. disposition, _f._ disposition, disposal, arrangement, attitude. dispute, _f._ quarrel. disputer, _v._ to dispute; se --, dispute with one another, dispute for the mastery of. disque, _m._ disk. dissimuler, _v._ to dissimulate, bide, try to conceal. dissiper, _v._ to dissipate, scatter. dissonance, _f._ dissonance. dissuader, _v._ to dissuade. distance, _f._ distance; de -- en --, at intervals. distinct, -e, _adj._ distinct. distinguer, _v._ to distinguish, make out, make out details; distingue, -e, _adj._ distinguished. distraction, _f._ distraction, inattention, apathy, amusement. distraire, _v._ to distract, divert, amuse; distrait, -e, adj. inattentive, absorbed, heedless. district, _m._ district (_ct_ pronounced). divaguer, _v._ to rave, wander (of the mind). divan, _m._ divan, sofa. divers, -e, _adj._ diverse, different. diversifier, _v._ to diversify. divertir, _v._ to divert, amuse. divin, -e, _adj._ divine. diviser, _v._ to divide. divorcer, _v._ to divorce; -- avec, divorce. dix, _card._ ten (pronounced: _dis; diz_ in liaison). dix-huit, _card._ eighteen. dixieme, _ord._ tenth. dix-neuf, _card._ nineteen. dix-sept, _card._ seventeen. dizaine, _f._ about ten, half a score. djinn, _m._ evil spirit (among the Arabs; pronounced as gene in the English word Eugene). dodo, _m._ by-by; au --, by-by, to bed; faire --, to go or be gone by-by, sleep (child's word). doigt, _m._ finger; montrer du --, to point to. dolent, -e, _adj._ doleful, mournful, woeful. dome, _m._ dome. domestique, _adj. and s._ domestic, servant. domination, _f._ domination. dominer, _v._ to dominate, overlook, govern; -- sur, overlook. domino, _m._ domino, dominoes. dommage, _m._ damage, pity; quel --, what a pity. don, _m._ gift. donc, _conj., adv. and interj._ then, therefore, pray, do, just, now; dis --, say, etc. donner, _v._ to give, hand, cause, make (assault), bear (fruit); se --, give or represent oneself, take; -- sur, open on, run into; -- a, give (reason) to; -- a diner, give a dinner; se -- de l'importance, assume a consequential air; se -- la mort, kill oneself. dont, _rel. pr._ of which, whose, with (in, on, by, from) which, etc. dorer, _v._ to gild; dore, -e, gilded, golden. dorloter, _v._ to pamper; se --, nurse oneself, take one's ease. dormir, _v._ to sleep. dorure, _f._ gilding, gilt. dos, _m._ back, crest; de --, from behind. dose, _f._ dose. dot, _f._ dowry (_t_ pronounced). doter, _v._ to endow, give a dowry to. douairiere, _f._ dowager. douanier, _m._ custom-house official. double, _adj. and m._ double. doubler, _v._ to double; -- une balle, duplicate a shot, hit in the same place. doucement, _adv._ sweetly, gently, softly, quietly. douceur, _f._ gentleness, softness, mildness; avec --, softly. douer, _v._ to endow. douleur, _f._ pain, grief, sorrow. douloureux, -euse, _adj._ painful. doute, _m._ doubt. douter, _v._ to doubt; se -- (de), suspect. douteux, -euse, _adj._ doubtful, uncertain. doux, douce, _adj._ sweet, gentle, soft, mild. douzaine, _f._ dozen, twelve successive numbers in roulette. douze, _card._ twelve. doyen, _m._ dean, provost. dragee, _f._ sugared almond (used especially at christenings). dragon, _m._ dragon, dragoon. dramatique, _adj._ dramatic. drame, _m._ drama, tragedy. drap, _m._ cloth, sheet: drapier, _m._ draper; doyen des drapiers, dean (chief officer) of the guild of clothiers. dresser, _v._ to erect, raise, straighten up; se --, draw oneself up, fisc, straighten up; faire -- les cheveux sur la tete, make the hair stand on end. dressoir, _m._ sideboard. droguerie, _f._ drugs. droit, -e, _adj., adv. and m._ straight, erect, right, upright; a bon --, by good right; il allait tout -- devant lui, he was going straight ahead; droite, _f._ right hand. drole, _adj._ droll, comical, ludicrous, odd; m. rascal; un -- d'homme, a droll or strange fellow. du=de le. ducat, _m._ ducat (about $2.25). duel, _m._ duel. dune, _f._ dune, downs. Dupotet, proper name (_cf. potet_=little pot, in Old French). duquel, _de lequel_. dur, -e, _adj._ hard, harsh, rough. durant, _prep._ during. durer, _v._ to last. durete, _f._ hardness. duvet, _m._ down. dyspeptique, _adj. and s._ dyspeptic. E eau, _f._ water; -- -de-vie, brandy; etre tout en --, to be dripping with perspiration. ebahi, -e, _adj._ aghast, amazed. ebaucher, _v._ to sketch, delineate, outline, make only part way or awkwardly. ebene, _m._ ebony. eblouir, _v._ to dazzle. eblouissement, _m._ dazzling, giddiness. ebouriffe, -e, _adj._ in disorder, with disheveled hair, unkempt. ebrancher, _v._ to strip the branches off, lop. ebranler, _v._ to shake. ecaille, _f._ scale, shell. ecarlate, _m._ (used adjectively), scarlet. ecarquiller, _v._ to open wide. ecarter, _v._ to turn aside, put or draw or rush aside, spread keep from; s'--, withdraw, separate, draw away, part; ecarte, -e, wide apart, projecting, flaring. echafauder, _v._ to erect scaffolding, build up. echalas, _m._ vine-prop. echanger, _v._ to exchange. echantillon, _m._ sample, specimen. echapper, _v._ to escape; s'--, escape. echarper, _v._ to slash, cut to pieces. echasse, _f._ stilt, long leg of a wading-bird, stilt-bird, long-shanks. echassier, _m._ wading-bird. echauffer, _v._ to heat, inflame, warm; s'--, get warm or hot. echelle, _f._ ladder. echeveau, _m._ skein. echevin, _m._ alderman. echine, _f._ spine, back. echouer, _v._ to fun aground. eclaboussure, _f._ splash. eclair, _m._ lightning, flash. eclaircir, _v._ to clear up, throw light on, be cleared up, clear off, clear. eclairer, _v._ to light, light up, give light to, reconnoiter; s'--, brighten up, brighten, clear up, be explained; eclaire, -e, lighted, bright. eclaireur, _m._ scout. eclat, _m._ splinter, fragment, burst, explosion, flash, brilliancy, brightness, splendor; eclats de voix, outburst, loud voices or exclamations. eclater, _v._ to explode, burst, burst forth, shine, flash out, go off (gun); -- de rire, burst out laughing; eclatant, -e, shilling, brilliant, dazzling, resounding. eclope, -e, _adj._ crippled, lame, with broken legs (of furniture). eclore, _v._ to hatch, corne forth, blossom. ecole, _f._ school. economie, f. economy, saving; faire des economies, to save up money. ecorce, _f._ bark. ecorcher, _v._ to skin, flay; ecorche, _m._ one who has been flayed or skinned. ecouler, _v._ to run, flow out; s'--, run, elapse, pass by. ecouter, _v._ to listen (to). ecran, _m._ screen. ecraser, _v._ to crush, overwhelm. ecremer, _v._ to skim, skim off. ecrier (s'), _v._ to exclaim, cry. ecrire, _v._ to write; par ecrit, in writing; on nous ecrit, from our special correspondent. ecriteau, _m._ sign-board, placard. ecriture, _f._ writing, handwriting. ecrouelles, _f. pl._ scrofula. ecrouler, _v._ to fall in, collapse; s'--, fall in, collapse. ecu, _m._ shield, crown (old coin worth 3 francs, also coin worth 5 francs). ecueil, _m._ reef. ecume, _f._ foam, froth. ecumer, _v._ to foam, froth. ecumoire, _f._ skimmer. ecurie, _f._ stable. ecusson, _m._ escutcheon. Edouard, Edward. education, _f._ education, drill. eduquer, _v._ to bring up (children), educate. effacer, _v._ to efface, rub or blot out, dull, dim; s'--, efface oneself, get out of the way, disappear, be blotted out. effarer, _v._ to scare, frighten, startle. effectivement, _adv_. effectively, really, in reality. effet, _m._ effect; pl. effects, goods, belongings; en --, in reality, indeed. effeuiller, _v._ to strip off the leaves. effile, -e, _adj._ slender, slim, sharp. effianque, -e, _adj._ lean (usually of animais). effleurer, _v._ to strip off the flowers, graze. effondrer, _v._ to break in, break. efforcer (s'), _v._ to strive. effort, _m._ effort. effrayer, _v._ to frighten; effrayant, -e, _adj._ frightful. effroi, _m._ fright, dismay. effronte, -e, _adj._ shameless, bold. effroyable, _adj._ frightful, horrible. effusion, _f._ effusion. egal, -e, _adj. and s._ equal, all the same, regular, even; c'est --, all the same. egalement, _adv._ equally, uniformly. egaler, _v._ to equal. egard, _m._ regard, consideration, subject; a son --, in regard to him. egarer, _v._ to mislead, unsettle; s'--, get lost, wander; egare, -e, unsettled, bewildered, wild, frantic, lost. egayer, _v._ to enliven, amuse, cheer up. eglise, _f._ church. egoisme, _m._ egotism, selfishness. egoiste, _adj._ egotistical, selfish. egorger, _v._ to cut the throat of, slaughter. egyptien, -ne, _adj._ Egyptian (_t_ pronounced as _c_). eh, _interj._ ah!, ha!, or; -- bien, well. Eiffel (la tour), Parisian tower, highest in the world (300 meters), erected for the exposition of 1889 by the engineer of this name. elan, _m._ spring, bound, start, impetus, clash, flight. elancer, _v._ to throw; s'--, throw oneself, spring forward, spring, dart, start up; elance, -e, _adj._ slender. elargir, _v._ to widen; elargi, -e, widened, spreading. elastique, _adj._ elastic. electeur, _m._ elector, constituent; avenue de l'Electeur, Kurfuerstenallee (avenue near Heidelberg). electrique, _adj._ electric. elegance, _f._ elegance. elegant, -e, _adj._ elegant. elegiaque, _adj._ elegiac. element, _m._ element. elephant, _m._ elephant. elever, _v._ to elevate, bring up, put up, ralse; s'--, rise, arise; eleve, -e, elevated, tall, lofty, towering. Elias, Elias (Elia) is the New Testament and German form of Elie, Elijah. elle, _conj. and disj. pr._ (feminine), she, it. elle-meme, _see_ lui-meme. eloge, _m._ praise. Eloi (saint), Saint Eloi or Eligius, Bishop of Noyon (c. 588-659). eloignement, _m._ removal, distance. eloigner, _v._ to remove, send away, banish; s'--, go away, move away; eloigne, -e, distant. email, _m._ enamel. emballage, _m._ packing. emballer, _v._ to pack up. embarcation, _f._ small craft, boat. embarquement, _m._ embarcation. embarquer, _v._ to embark, put on board; s'--, embark, be put on board. embarras, _m._ embarrassment. embarrasser, _v._ to embarrass. embaumer, _v._ to embalm, perfume, smell sweet, give forth a sweet odor. emboiter, _v._ to join, fit in; -- le pas, lock step. embonpoint, _m._ plumpness, stoutness. embraser, _v._ to set on fire; embrase, -e, burning, on fire. embrasser, _v._ to embrace, kiss. embrasure, _f._ embrasure, window-recess. embrouiller, _v._ to entangle, tangle, confuse, befog. embrumer, _v._ to cover (with mist), overcast. emeraude, _f._ emerald. emerite, _adj._ emeritus, old, confirmed. emettre, _v._ to emit, express. emigrer, _v._ to emigrate. Emineh, the Trusty One or the Steadfast One (Arabic). eminence, _f._ eminence, height, rising ground. emir, _m._ emir (Mohammedan governor, etc.). emission, _f._ emission, issue. emmener, _v._ to lead or take away, carry off (pronounced: ammener). emotion, _f._ emotion. emouchet, _m._ sparrow-hawk. emouvoir, _v._ to excite, move. emparer (s'), _v._ to take possession. empecher, _v._ to hinder, prevent, keep from; il n'a pu s'-- de, he could not help. empereur, _m._ emperor. empetrer, _v._ to entangle. empiler, _v._ to pile up. emplette, _f._ purchase. emplir, _v._ to fill. emploi, _m._ employment, use, position, job. employe, -e, _m., f._ employee, clerk. employer, _v._ to employ, use, take up (attention). empoigner, _v._ to grasp, lay hold of. emporter, _v._ to carry off or away, take away, take; l'--, carry (him, her, it) off, prevail, win the day. empreindre, _v._ to imprint, impress, mark. empreinte, _f._ imprint, impression. empressement, _m._ eagerness, alacrity. empresser (s'), _v._ to be eager, hasten, hurry, press eagerly (about). emprisonner, _v._ to imprison. emprunter, _v._ to borrow. en, _conj. pr._ of it, of him, etc., some, with (of, by, etc.) it. en, _prep._ in, into, ta, while, in the capacity of, as, like, by, at. encadrer, _v._ to frame. encaisser, _v._ to encage, embank, enclose. encens, _m._ incense (_s_ not pronounced). enchainer, _v._ to enchain, put in chains, chain. enchanter, _v._ to enchant, delight. enchere, _f._ bidding, auction. encoignure, _f._ corner, angle. encombrer, _v._ to obstruct, encumber, overload, crowd. encore, _adv._ still, again, yet, besides; -- un, another. encourager, _v._ to encourage. encre, _f._ ink. encrier, _m._ inkstand. endiabler, _v._ to be in a passion; faire --, to throw into a rage, arouse the devil in. endimancher, _v._ to put on one's Sunday clothes (usually _refl._); endimanche, -e, dressed in one's test clothes. endormir, _v._ to put to sleep; s'--, fall asleep; endormi, -e, asleep, sleeping, fallen asleep, dull. endosser, _v._ to put on. endroit, _m._ place. energie, _f._ energy. energique, _adj._ energetic. energiquement, _adv._ energetically. enerver, _v._ to enervate, unnerve, weaken, wear on the nerves. enfance, _f._ infancy, childhood. enfant, _m., f._ child; bon --, good fellow; -- de choeur, choir-boy. enfantillage, _m._ childishness, childish act. enfantin, -e, _adj._ infantile, childish, children's, child's. enfer, _m._ hell. enfermer, _v._ to shut up, enclose. enfiler, _v._ to thread, string, slip on. enfin, _adv._ finally, at last, after all, in short. enflammer, _v._ to inflame, set fire to; enflamme, -e, inflamed, flaming, on fire. enfoncer, _v._ to sink, drive in, plunge, thrust, hide; s'--, sink, go down (into), settle down, give way, be broken in, plunge. enfuir (s'), _v._ to flee. engagement, _m._ engagement, obligation, contract, enlistment. engager, _v._ to engage, enlist, induce, urge, give (a signature); s'--, enlist, enter. engendrer, _v._ to engender, beget. engin, _m._ engine, machine, fishing-gear. engloutir, _v._ to engulf, devour, swallow greedily, gulp down; s'--, be engulfed, be swallowed. engouffrer, _v._ to engulf; s'--, be engulfed, be swallowed up, be poured (into), rush (of the wind). engourdir, _v._ to benumb, deaden; s'--, become benumbed or drowsy or dull; engourdi, -e, benumbed, deadened, torpid, drowsy. engourdissement, _m._ numbness, torpor. engraisser, _v._ to fatten, get fat. enhardir, _v._ to embolden; s'-- a, become bold enough to (avoid liaison with _n_ in this word). enigme, _f._ enigma, riddle. enivrer (s'), _v._ to get drunk (_en_ pronounced as in _ennui_). enjambee, _f._ stride. enjamber, _v._ to bestride, stride, put one's leg over, stride over. enlacer, _v._ to lace, bind, entwine, interlace. enlevement, _m._ carrying off, capture. enlever, _v._ to take away, carry off, take off, raise, remove; -- cette affaire, accomplish this. enluminer, _v._ to color, paint. ennemi, _m._ enemy; --, -e, adjectively, hostile. ennui, _m._ ennui, tediousness, tiresomeness, vexation (in this and in the next two words the first syllable is nasalized). ennuyer, _v._ to weary, bore. enorgueillir, _v._ to make proud; s'--, be proud. enorme, _adj._ enormous. enormement, _adv._ enormously. enormite, _f._ enormity. enquerir (s'), _v._ to inquire. enquete, _f._ inquest, inquiry, search. enrager, _v._ to enrage, become mad; enrage, --e, mad, enraged, crazy, crazy fellow. enregimenter, _v._ to form into regiments, enroll. enrichir, _v._ to enrich; s'--, become rich. enroue, -e, _adj._ hoarse. ensanglanter, _v._ to make bloody, make blood-red; ensanglante, -e, bloody. enseigne, _f._ sign, sign-board. ensemble, _adv._ together. ensuite, _adv._ then, next, afterwards. ensuivre (s'), _v._ to ensue, follow. entasser, _v._ to pile up; s'--, be piled up. entendement, _m._ understanding, intellect, mind. entendre, _v._ to hear, understand, mean, intend; s'--, understand one another, be understood, be heard; a -- de, if you listen to, according to; bien entendu, to be sure, of course. enterrement, _m._ burial, funeral, funeral procession. enterrer, _v._ to bury. enteter, _v._ to give a headache to, make vain; s'--, be obstinate, persist. entier, -ere, _adj._ entire; tout --, entirely. entierement, _adv._ entirely. entour (a l'), _adv._ round about; -- de, around. entourage, _m._ frame, intimates. entourer, _v._ to surround, envelop. entr'acte, _m._ intermission. entrailles, _f. pl._ entrails, bowels, feeling; qui lui tenait encore aux --, for whom she still yearned. entrainer, _v._ to drag, draw, draw along or on; s'--, drag oneself, train, drill. entre, _prep._ between, among, in; d'--, from among, among; -- eux, among themselves, to one another, etc.; passer -- vos mains, to pass into your hands; ils parlerent -- eux, they talked to each other. entre-baille, -e, _adj._ half-open, ajar. entree, _f._ entrance, entry. entrefaite, _f._ interval; sur ces entrefaites, meanwhile. entremeler, _v._ to intermix, intermingle. entremetteur, _m._ go-between, procurer. entrepot, _m._ storeroom, warehouse. entreprendre, _v._ to undertake. entreprise, _f._ enterprise, undertaking. entrer, _v._ to enter, come in, put or go in. entretenir, _v._ to keep up, take care of, support, maintain; s'--, converse. entretien, _m._ support, keep, conversation, interview. entrevue, _f._ interview. entr'ouvrir, _v._ to half-open, set ajar, open part way. envahir, _v._ to invade, penetrate, take possession of. envahisseur, _m._ invader; adjectively: invading. enveloppe, _f._ envelope, exterior, covering, cover, outward form. envelopper, _v._ to envelop, wrap up, surround. envers, _m._ wrong side; prep. towards; a l'--, contrary to, wrong side outwards; se mettre le coeur a l'--, to be upset. envi (a l'), _adv._ in emulation, vying with each other. envie, _f._ desire, longing, envy; faire - a, to make envious; porter -- a, be envious of. envier, _v._ to envy, long for. envieux, -euse, _adj._ envious. environ, _adv._ about; aux (dans les) environs, in the neighborhood or vicinity, in the suburbs. environner, _v._ to surround, attend. envoler (s'), _v._ to fly away. envoyer, _v._ to send; -- des sourires a, smile at. epais, -se, _adj._ thick. epaisseur, _f._ thickness. epaissir, _v._ to thicken, deepen (silence). epanouir, _v._ to open, cheer; epanoui, -e, open, cheerful, in blossom. epanouissement, _m._ blossoming, blooms. epargner, _v._ to save, spare. epars, -e, _adj._ scattered, disheveled. epaule, _f._ shoulder. epaulement, _m._ breastwork. epaulette, _f._ epaulette. epee, _f._ sword. eperdu, -e, _adj._ desperate, bewildered, frantic, distracted. eperdument, _adv._ frantically, desperately. eperon, _m._ spur. epi, _m._ ear (of grain, etc.). epicier, _m._ groceryman, grocer. epigramme, _f._ epigram. epoque, _f._ epoch, time. epouser, _v._ to marry. epouvantable, _adj._ terrible, appalling. epouvante, _f._ fright, terror. epouvanter, _v._ to terrify, appall. epoux, -ouse, _m., f._ husband, wife. eprendre (s'), _v._ to fall in love (with), be smitten. epreuve, _f._ trial, proof. eprouver, _v._ to experience, try, test, feel. epuiser, _v._ to exhaust. equipage, _m._ crew. equiper, _v._ to equip. equivalent, _m._ equivalent. equivoque, _adj._ equivocal, doubtful. -er, see premier. erafler, _v._ to scratch. erailler, _v._ to fray. ermite, _m._ hermit. errer, _v._ to wander; chien errant, stray dog. erreur, _f._ error, mistake. eruption, _f._ eruption. Esbekick, Ezbekia Gardens (in northern section of Cairo). escabeau, _m._ escabelle, f. stool. escadron, _m._ squadron, cavalry; chef d'--, major. escalier, _m._ staircase, stairway. escapade, _f._ escapade, prank. escarboucle, _f._ carbuncle (stone). escargot, _m._ snail. escarmouche, _f._ skirmish. esclave, _m., f._ slave. escogriffe, _m._ sharper, gawky or lanky fellow. escorte, _f._ escort, convoy. espace, _m._ space. espacer, _v._ to space; s'--, to grow farther apart. Espagne, _f._ Spain; piece d'--, Spanish coin. espagnol, -e, _adj. and s._ Spanish, Spaniard (written Espagnol when _s._). espece, _f._ species, sort, kind, cash (in _pl._). esperance, _f._ hope, expectation. esperer, _v._ to hope. espiegle, _adj._ frolicsome, roguish, mischievous. espion, _m._ spy. esplanade, _f._ esplanade. espoir, _m._ hope. esprit, _m._ mind, wit, sense, brains, spirit; -- fort, skeptic. essaim, _m._ swarm. essayer, _v._ to try. essence, _f._ essence, perfume, scent. essentiel, -le, _adj._ essential (_t_ pronounced as _c_). essoufflement, _m._ breathlessness. essoufiler, _v._ to put out of breath; essouffle, -e, out of breath, breathless. essuyer, _v._ to wipe, wipe away. estafette, _f._ courier, messenger. estimer, _v._ to esteem, estimate. estomac, _m._ stomach (pronounced: _estoma_). estrade, _f._ platform, dais. estropie, -e, _adj. and s._ crippled, maimed, cripple. et, _conj._ and. etable, _f._ stable, cattle-shed; -- a cochons, pig-sty. etablir, _v._ to establish, set up, set, settle, fix, fasten, make; s'--, be established, take a position, settle down, etc. etablissement, _m._ establishment, moving in. etage, _m._ flight of stairs, story, floor (above the groundfloor); premier --, second story. etain, _m._ tin, pewter. etalage, _m._ goods exposed for sale, display, show-window. etaler, _v._ to set out, spread out, display, expose goods (for sale); s'--, spread out, be exposed or displayed. etat, _m._ state, condition. etat-major, _m._ staff. etc., pronounced in French: _ett cetera_. ete, _m._ summer. eteindre, _v._ to extinguish, put out; s'--, die out, go out; eteint, -e, extinguished, extinct, dead. etendre, _v._ to extend, stretch, stretch out; s'--, extend, stretch oneself out. etendue, _f._ stretch, extent. eternel, -le, _adj._ eternal, everlasting. eternuer, _v._ to sneeze. etinceler, _v._ to sparkle, glitter; etincelant, -e, sparkling, glittering, brilliant. etincelle, _f._ spark, flash, glitter. etirer, _v._ to stretch. etoffe, _f._ stuff, fabric. etoile, _f._ star; coucher a la belle --, to sleep in the open air. etoiler, _v._ to star, stud, dot, shine like a star, sparkle. etonnement, _m._ astonishment. etonner, _v._ to astonish, amaze; s'--, be astonished. etouffer, _v._ to stifle, muffle, smother, choke. etourdi, -e, _adj. and s._ giddy, heedless, rattlebrained, rattlebrain, madcap, giddy-headed fellow. etrange, _adj._ strange. etrangement, _adv._ strangely. etranger, -ere, _adj. and s._ strange, foreign, stranger, foreigner. etrangler, _v._ to strangle, choke. etre, _v._ to be, go (in past tense); -- a, belong to, be the right of, be the turn of, be busy (about); en - a, reach the point of, come to; en - la, to be reduced to such a point, be in such a condition; -- bien avec, be on good terms with; nous y sommes, here we are; il est, there is or are (rarer than il y a); n'est-ce pas?, isn't it?, don't you think so?, etc.; il n'etait plus au jeu, he no longer had his mind on the game; elle en fut dans l'admiration, she went into ecstacy over it; _m._ being. etreindre, _v._ to squeeze, hug, clasp, grip. etroit, -e, _adj._ narrow. etude, _f._ study. etudier, _v._ to study. eunuque, _m._ eunuch. Eure, _f._ French river and department (in Normandy). Europe, _f._ Europe. eux, _disj. pr._ they, them, themselves; causer entre --, to chat with one another. eux-memes, _pr._ themselves, etc.; d'--, by themselves, without interference. evaluer, _v._ to value, estimate. Evangeliste, _m._ Evangelist. Evangile, _m._ Gospel. evanouir (s'), _v._ to faint, vanish. evaporer, _v._ to evaporate. eveil, _m._ awakening; en --, on the alert or watch. eveiller, _v._ to awaken, arouse; s'--, awake; eveille, -e, awakened, wide-awake. evenement, _m._ event. eventail, _m._ fan. evente, -e, _adj._ flat, giddy. eventrer, _v._ to rip open, disembowel. eveque, _m._ bishop. evertuer (s'), _v._ to strive, do one's utmost. evidemment, _adv._ evidently (_em_ pronounced as _am_). evident, -e, _adj._ evident. evider, _v._ to hollow out; dentelles d'une sculpture evidee, open-work stone carving. eviter, _v._ to avoid. Evreux, town 68 miles northwest of Paris (department of Eure). exactement, _adv._ exactly. exagerer, _v._ to exaggerate. exaltation, _f._ exaltation, glorification, exhilaration. exalter, _v._ to exalt; s'--, become excited. examiner, _v._ to examine. exasperer, _v._ to exasperate. excellence, _f._ excellence; par --, preeminently. excellent, -e, _adj._ excellent. excepter, _v._ to except; excepte, _prep._ except. exces, _m._ excess. excessif, -ive, _adj._ excessive, exorbitant. exciter, _v._ to excite, arouse. exclamation, _f._ exclamation. exclusivement, _adv._ exclusively. excuse, _f._ excuse. excuser, _v._ to excuse. executer, _v._ to execute. execution, _f._ execution. exemple, _m._ example, parallel, copy; par --, indeed, really, for example. exempt, -e, _adj._ exempt, free (_p_ not pronounced). exercer, _v._ to exercise, practice, train; s'--, practice, be trained, be exercised, drill, be produced. exercice, _m._ exercise, drill. exhaler, _v._ to exhale, give vent to, heave. exiger, _v._ to exact, demand. exil, _m._ exile. exiler, _v._ to exile. existence, _f._ existence. exister, _v._ to exist. expedition, _f._ expedition. experience, _f._ experience, experiment. expier, _v._ to expiate, atone for. expirer, _v._ to expire, die, die away. explication, _f._ explanation. expliquer, _v._ to explain; s'--, explain oneself, be explained, give an explanation. exploiter, _v._ to exploit. explorer, _v._ to explore. explosion, _f._ explosion. exposer, _v._ to expose. exposition, _f._ exposition; Exposition de 89, Paris Exposition of 1889. expres, expresse, _adj. and adv._ express, on purpose; par un fait --, on purpose, by a prearrangement. expressement, _adv._ expressly. expressif, -ive, _adj._ expressive. expression, _f._ expression. exprimer, _v._ to express. ex-prince, _m._ ex-prince. expulser, _v._ to expel, drive out. exquis, -e, _adj._ exquisite. extase, _f._ ecstasy. extatique, _adj._ ecstatic. extenuer, _v._ to extenuate, weaken, exhaust. exterieur, -e, _adj._ and m. exterior, outer, outside. exterminer, _v._ to exterminate. extraordinaire, _adj._ extraordinary. extravagance, _f._ extravagance, excess, wild idea. extravagant, -e, _adj._ extravagant, wild, unreasonable. extreme, _adj._ extreme. extremement, _adv._ extremely. extremite, _f._ extremity, tip. F f..., abbreviation for foutu. fabliau, _m._ fabliau (humorous medieval tale). fabricant, _m._ manufacturer. fabrique, _f._ factory, manufacture, make; marque de --, trade-mark. fabriquer, _v._ to manufacture, make. fabuleux, -euse, _adj._ fabulous. face, _f._ face, front; en --, opposite, in presence of, openly, squarely; en -- de, opposite, changer de --, to change appearance. facetie, _f._ facetiousness, joke (_t_ pronounced as _c_). facher, _v._ to anger; se --, get angry; fache, -e, adj. angry, sorry. facheux, -euse, _adj._ grievous, vexatious. facile, _adj._ easy. facilement, _adv._ easily. facilite, _f._ facility, ease, fluency. facon, _f._ fashion, manner, way, composition; de -- a, so as to; d'une -- continue, continuously. fagot, _m._ fagot. faible, _adj. and s._ feeble, weak, faint, weak person. faiblement, _adv._ feebly, weakly, faintly. faiblesse, _f._ feebleness, weakness, swoon. Faidherbe (Louis), distinguished general of Franco-Prussian war (1818-1889). faignant, popular for faitneant. faigniant, dialectic for faineant. faillir, _v._ to rail, err, corne near; -- a l'honneur, act dishonorably. faillite, _f._ bankruptcy; faire --, to fail. faim, _f._ hunger. faineant, -e, _adj. and s._ idle, lazy fellow, do-nothing, sluggard. faire, _v._ to do, make, form, build, perform, cause, act, heave, utter, let, mark, play the part of, bring it about (that), be (weather), take (a step, a nap), commit (an act), have (a dream, supper, anything clone), pay (court, compliment, attention), pass over or cover (distance), serve (time), give (pleasure, trouble, light, pain), say (when quoting), ask (a question), play (a game), attach (importance), cut (teeth), compose (verses), carry on (trade); se --, be done, be made, be produced, grow, become, be; se -- a, become accustomed to, adapt oneself to; -- danser, invite to dance, play for a dance for; me -- envie, make me envious; -- entrer, show in, take in; -- voir, show; que --?, what is (was, etc.) to be done?; ne -- que, only (with a verb); n'avoir que -- de, have no reason to, have nothing to do with; -- venir, send for; -- tete a, stand out against, face; il n'a rien a-- ici, it is out of place here; rien n'y fit, nothing worked; etre fait a, be adapted to; les noces furent faites, the wedding took place. faisceau, _m._ bundle, sheaf; remettre les armes en faisceaux, to stack arms again. faiseur, -euse, _m., f._ maker, dressmaker. fait, _m._ fact, deed; allons au --, let us come to the point; haut fait, exploit. faite, _m._ top, ridge (of a roof). falaise, _f._ cliff. falbala, _m._ furbelow, flounce. falloir, _v._ to be necessary, need, must, should, have to; tant s'en faut, by a good deal. fameux, -euse, _adj._ famous, great, precious (familiar). familiariser, _v._ to familiarize, accustom. familier, -ere, _adj_ familiar. famille, _f._ family. faner, _v._ to fade, wither. fantaisie, _f._ fancy, whim. fantasmagorie, _f._ phantasmagoria (fantastic series of illusive or terrifying figures). fantasque, _adj._ fantastic, fanciful, whimsical. fantastique, _adj._ fantastic, supernatural, incredible. fantastiquement, _adv._ fantastically. faquir, _m._ fakir (Mohammedan monk). farceur, _m._ joker. fardeau, _m._ burden. farine, _f._ flour. farouche, _adj._ wild, unsociable, shy, skittish. fasciner, _v._ to fascinate. fat, _m._ fop, coxcomb (_t_ pronounced). fatal, -e, _adj._ fatal. fatalite, _f._ fatality, mischance. fatigant, -e, _adj._ tiring. fatigue, _f._ fatigue, weariness, hard work. fatiguer, _v._ to weary, tire, exhaust, wear out, lash (of the wind). faubourg, _m._ outskirt, suburb, faubourg (quarter between center and town limit); le Faubourg, the Faubourg Saint Germain (Parisian quarter of the old aristocracy). faubourien, -ne, _m., f._ inhabitant of a faubourg (where laborers, workmen, etc., live), plebeian. faulx, obsolescent spelling of faux, _f._ faute, _f._ fault, error; -- de, for lack of; -- de mieux, for lack of anything better; il y a un peu de votre -- dans, you are a little to blame for. fauteuil, _m._ armchair. fauve, _adj._ fallow, fawn-colored, tawny; bete --, wild beast, deer. fauvette, _f._ warbler. faux, _f._ scythe. faux, fausse, _adj._ false, pretended, wrong; -- pas, misstep, mistake. faveur, _f._ favor. favorable, _adj._ favorable, pleasing. favori, -te, _adj._ favorite; _m. pl._ whiskers, side-whiskers. favoriser, _v._ to favor. Fecamp, town on the English Channel between Le Havre and Dieppe (department of Seine-Inferieure). fee, _f._ fairy. feindre, _v._ to feign, pretend. Felibrige, _m._ name of a modern school or society of Provencal writers (see also note given on p. 295). felicite, _f._ felicity. feliciter, _v._ to congratulate. fellah, _m._ fellah (Egyptian peasant). feminin, -e, _adj._ feminine. femme, _f._ woman, wife; -- de chambre, maid. fendre, _v._ to split, cleave, crack; fendu, -e, split, wide open (of the mouth). fenetre, _f._ window; sauter sur la --, to jump on the window-sill. fer, _m._ iron. Ferdoussi, Firdusi or Ferdausi, celebrated Persian epic poet, author of the Shahnamah or Book of Kings (c. 940-c. 1020). ferme, _adj. and adv._ firm, steady, firmly, steadily, hard. ferme, _f._ farm, farming out, lease. fermenter, _v._ to ferment. fermer, _v._ to close, shut; se --, close. fermete, _f._ firmness, steadiness. fermeture, _f._ closing, fastening. fermier, _m._ farmer; -- general, farmer-general (financier to whom, before the French Revolution, the taxes were farmed out). feroce, _adj._ ferocious. ferocite, _f._ ferocity. ferrer, _v._ to tip with iron, shoe. ferveur, _f._ fervor. fete, _f._ festival, holiday, party, entertainment; jour de --, holiday. feu, _m._ fire, shot; de --, of fire, fiery, red-hot; faire --, to fire; mettre le --, set fire (to anything); au coin de son --, at her fireside. feu, -e, _adj._ late, deceased. feuille, _f._ leaf. feuillee, _f._ bower, foliage. feuillet, _m._ leaf (of a book). feuilleter, _v._ to turn the leaves of. feutre, _m._ felt, felt hat. fevrier, _m._ February. fi, _interj._ fie!; -- donc!, fie!, for shame! fiancer, _v._ to betroth; fiance, -e, fiance, fiancee, betrothed. ficeler, _v._ to tie, bind. ficelle, _f._ string. fidele, _adj._ faithful. fiente, _f._ dung (of birds, cattle, etc.). fier, _v._ to trust; se -- a (sur), trust to, rely on. fier, -ere, _adj._ proud, haughty, stout, bold; avoir un -- courage, to be downright courageous (_r_ pronounced). fierement, _adv._ proudly. fierte, _f._ pride. fieu, dialectic for fils. fievre, _f._ lever. fievreux, -euse, _adj. and s._ feverish, person with a lever. figer, _v._ to congeal; se --, be congealed or coagulated. figurant, -e, _m., f._ supernumerary. figure, _f._ face, figure; faire -- to cut a figure, be quite prominent. figurer (se), _v._ to imagine, picture, represent; figurez-vous, just imagine. fil, _m._ thread, line, wire, edge (_l_ pronounced). filature, _f._ spinning-mill. file, _f._ file, row. filer, _v._ to spin, file by, be off, get away, shoot by, move along, cover ground, pay out; -- son chemin, make off. filet, _m._ net, netting, thread, filet, bead, small stream, fillet. fille, _f._ daughter, girl; -- a marier, marriageable girl; -- mere, unmarried mother. filou, _m._ pickpocket, sharper. fils, _m._ son; -- de famille, gentleman's son; Fils de France, French prince (pronounced: _fis_). fin, _f._ end. fin, -e, _adj._ fine, delicate, precious, of fine quality; fine fleur, cream, finest quality; au -- fond de son sommeil, really and soundly asleep; fine, _f._ (abbreviation for fine champagne), choice brandy. finalement, _adv._ finally, once for all. financier, -ere, _adj. and s._ financial, financier. finir, _v._ to finish, end; -- par (with infinitive), finally. firmament, _m._ firmament. fisc, _m._ public treasury. fixe, _adj._ fixed, appointed. fixement, _adv._ fixedly. fixer, _v._ to fix. flacon, _m._ flask. flairer, _v._ to scent, smell. flamber, _v._ to flame, blaze, blaze up, burst into flame, burn. flamboyer, _v._ to flame, glitter, glisten; flamboyant, -e, flamboyant, flaming. flamme, _f._ flame. flanc, _m._ flank, side. Flandre, _f._ Flanders. flaner, _v._ to lounge, lie about, lie, stroll. flanquer, _v._ to flank, hit, let have or give (a blow); flanque de, flanked by, having on the sides. flaque, _f._ puddle. flasque, _adj._ flabby, loose. flatter, _v._ to flatter. flatterie, _f._ flattery. flatteur, -euse, _adj._ flattering. fleau, _m._ flail, scourge. fleche, _f._ arrow. fleur, _f._ flower; petite -- bleue, little blue flower of poetic imagination. fleurer, _v._ to smell (of). fleurette, _f._ little flower, gallant speech. fleurir, _v._ to flower, blossom, adorn with flowers; fleuri, -e, flowered, flowery. fleuron, _m._ flower-like ornament, vignette, flourish. fleuve, _m._ river. flocon, _m._ flake. Flore, Flora (Roman goddess of flowers). florin, _m._ florin (of varying value, the former German coin was worth 40 cents). flot, _m._ wave, flood. flotte, _f._ fleet. flotter, _v._ to float, wave (hair). flottille, _f._ flotilla. flute, _f._ flute; a son de --, high-pitched. flux, _m._ flow, rising tide, flood (pronounced: _flu_). foi, _f._ faith. foire, _m._ fair. fois, _f._ time; une --, once; deux --, twice; a la --, at the same time, at a time; il y avait une --, there was once upon a time. folie, _f._ madness, insanity, folly, prank. follet, -te, _adj._ playful, downy, silky; poils follets, clown. fonce, -e, _adj._ dark. fonction, _f._ function, duty. fonctionaire, _m._ functionary, official. fond, _m._ bottom, back, end, background, depths, low-land, heart. fonder, _v._ to found. fondre, _v._ to melt, reduce (fat); -- en larmes, burst into tears. fonds, _m._ stock. fontaine, _f._ fountain. Fontainebleau, town about 35 miles south of Paris with a famous Renaissance castle built by Francis I, there is also an artillery and engineering school for the army. fonte, _f._ cast-iron. force, _f._ force, might, strength, full strength; a -- de, by dint of; a toute --, in spite of everything; -- publique, police. forcer, _v._ to force, make, break through, bend, overwork. forestier, -ere, _adj._ and s. forest, forester, forester's wife. foret, _f._ forest; la Foret Noire, the Black Forest (east of the upper Rhine, in Baden and Wuertemberg, corresponding in elevation to the Vosges on the west bank). forme, _f._ form, figure, proportion. former, _v._ to form. formidable, _adj._ formidable. fort, -e, _adj., adv. and s._ strong, clever, hard, very; very much,. much, heavy, loud, astounding. fortement, _adv._ strongly, firmly, very. forteresse, _f._ fortress. fortification, _f._ fortification (in _pl._ the name is given to the wall around Paris). fortifier, _v._ to fortify, strengthen. fortune, _f._ fortune. fosse, m. ditch, moat, drain. fossette, _f._ dimple. fou, folle, _adj. and s._ mad, crazy, wild, capricious, crazy person, madman. foudre, _f._ flash (of lightning), thunderbolt. fouetter, _v._ to whip, whip up, lash. fouiller, _v._ to dig, dig in, excavate, search, ransack. fouillis, _m._ confused mass, confusion, disorder. fouine, _f._ beech-marten (white-throated marten). foule, _f._ crowd, lot. fouler, _v._ to trample upon, tread. four, _m._ oven, kiln; le -- chauffe pour moi, things are getting hot for me. fourche, _f._ fork, pitchfork. fourchette, _f._ fork. fourneau, _m._ stove, range, furnace. fournee, _f._ ovenful, batch. fournir, _v._ to furnish. fourrage, _m._ fodder. fourre, -e, _adj. and m._ furred, lined with fur, bushy, thick, thicket. fourreau, _m._ scabbard. fourrure, _f._ fur. foutu, -e, _adj._ done for, down and out, gone (extremely vulgar). foyer, _m._ hearth, fireplace, fireside, home, foyer. fracas, _m._ crash. fraction, _f._ fraction, part. fragile, _adj._ fragile. fragment, _m._ fragment, piece. fraichement, _adv._ freshly. fraicheur, _f._ freshness, coolness, bloom, beauty. frais, fraiche, _adj._ fresh, cool, rosy, with a fresh complexion, recently made; mettre au --, to cool, cool off. frais, _m. pl._ expenses, expense. franc, _m._ franc (about 19 cents). franc, franche, _adj._ frank, honest, open; -- comme l'or, honest as the day. francais, -e, _adj. and s._ French, Frenchman (written Francais when _s._). France, _f._ France. franchement, _adv._ frankly. franchir, _v._ to clear, pass over, pass, leap over. franchise, _f._ frankness; de --, frank. Francois, Francis. franc-tireur, _m._ irregular sharp-shooter or skirmisher (volunteer not in regular army). frange, _f._ fringe. Franguistan (usually written Frangistan), _m._ name given by Orientais to Western Europe. frapper, _v._ to strike, knock; -- des pieds, stamp; frappe de, stricken with. fraulein = demoiselle or mademoiselle (German). frayeur, _f._ fright. fredonner, _v._ to hum, trill. frele, _adj._ frail, slender. Frelu, proper name, _cf._ frele. fremir, _v._ to shudder, shake, quiver. fremis, _m._ = fremissement (dialectic). fremissement, _m._ trembling, rustling, quivering, murmuring, shock. frenesie, _f._ frenzy, madness. frenetique, _adj._ frantic. frenetiquement, _adv._ frantically. frequent, -e, _adj._ frequent. frequentation, _f._ frequentation; la -- de, frequenting. frere, _m._ brother. fret, _m._ freight; vaisseau a --, cargo-boat (pronounced: _fre_). fricassee, _f._ fricassee (meat cut up and served in sauce). fricasser, _v._ to fricassee. fricot, _m._ stew, ragout. frigousse, _f._ food, feasting, high time (familiar). fringaler, _v._ to stagger (Old French word = to dance). friper, _v._ to rumple, wear out. fripon, _m._ rogue, rascal. friser, _v._ to curl; frise, -e, curled, curly. frisson, _m._ shiver, shudder; avoir (donner) le --, to have (give) the shivers. frissonner, _v._ to shiver, shudder, tremble. froid, -e, _adj. and m._ cold, chill. froidement, _adv._ coldly, coolly. froissement, _m._ rumpling, rustling. frolement, _m._ rustling. froler, _v._ to graze, brush. froncer, _v._ to wrinkle, contract, pucker, knit; -- les sourcils, frown, scowl. front, _m._ forehead, brow, face, effrontery, impudence, "nldquo;nerve." frontiere, _f._ frontier. fronton, _m._ pediment. frottement, _m._ rubbing, scratching, scraping. fruit, _m._ fruit, advantage, result. fugitif, -ive, _adj. and s._ fugitive. fuir, _v._ to flee, flee from. fuite, _f._ flight. fumee, _f._ smoke. fumer, _v._ to smoke. fumet, _m._ savor, aroma. fumier, _m._ dung-heap, manure. funebre, _adj._ funeral, mournful. funerailles, _f. pl._ funeral. funeste, _adj._ fatal, baneful, disastrous, gloomy. furet, _m._ ferret. fureter, _v._ to ferret, rummage, pry. fureur, _f._ fury. furibond, -e, _adj._ furious, raging. furie, _f._ fury; en --, raging. furieux, -euse, _adj. and s._ furious, mad, madman. fusele, -e, _adj._ spindle-shaped, slender. fusil, _m._ gun. fusillade, _f._ fusillade, discharge of musketry. fusiller, _v._ to shoot. futaille, _f._ cask, barrel. futaine, _f._ fustian (cloth). fute, -e, _adj._ cunning, sly, crafty, smart. futur, -e, _adj._ future. fuyard, _m._ fugitive, deserter. G gacher, _v._ to make a mess of, spoil. gage, _m._ pledge, security; _pl._ wages; mettre en --, to pawn. gager, _v._ to wager. gagner, _v._ to gain, win, gain possession of, reach, earn. gai, -e, _adj._ gay, merry. gaiement, _adv._ gaily, merrily. gaiete, _f._ gaiety, jollity, glee, merriment. gaillard, -e, _adj. and s._ jolly, jovial, plucky, brave, jolly fellow, lusty feliow, fellow. gaillardet, -te, _adj._ hearty (diminutive formed from gaillard in imitation of the Provencal _gaiardet_). gaillardise, _f._ jollity, broad joke. Gaillon, village in the department of Eure (Normandy), contains a prison (see context). gain, _m._ gain, winnings. gala, _m._ gala, show, ceremony, full dress. galant, -e, _adj._ and s. gallant, courtly, graceful, elegant, suitor, sweetheart. galerie, _f._ gallery, corridor. galerien, _m._ convict. galerne, _f._ west-north-west wind, west-north-west. galette, _f._ griddle-cake. galine, _see_ coq. Gallitzin (Caroline -- de Genthod, nee Comtesse Walewska), probably a sister of the Pole, Alexander Walewski, a soldier, diplomat and statesman in the French service (1810-1868). galon, _m._ stripe. galop, _m._ gallop. galoper, _v._ to gallop, palpitate. gambader, _v._ to gambol, frisk. gamin, -e, _m., f._ gamin, brat. gant, _m._ glove. garcon, _m._ boy, bachelor, fellow, waiter, attendant. garde, _f._ guard, watch, nurse; _m._ guardian, guard, keeper; n'avoir -- de, to have no intention to, take care not to, be far from; prendre --, take care; prendre -- a, pay attention to; la mer est d'une fameuse --, the sea guards its own well; sur ses gardes, on his guard; -- nationale, national guard (militia); -- national, militia-man; chien de --, watchdog. garder, _v._ to guard, keep; se -- de, take care not to. gardeur, _m._ keeper, cowherd, cowherd's dog. gardien, -ne, _adj. and s._ guardian, guard, keeper. gare, _interj._ lookout!; -- donc!, come!, look out! gargariser, _v._ to gargle; je m'en gargarise, I am enjoying it. garnir, _v._ to furnish, fit out, cover, adorn, fill, trim, be scattered over; se --, be trimmed, be filled. garnison, _f._ garrison. garniture, _f._ trimming. garrotter, _v._ to bind firmly. gars, _m._ young fellow, stripling, fellow, boy (pronounced: _gar or ga_). gaspiller, _v._ to waste, squander. gateau, _m._ cake. gater, _v._ to spoil. gauche, _adj._ left, awkward; _f._ left band. gaudriole, _f._ broadjoke. gaufrer, _v._ to gaffer, plait, flute. gaulois, -e, _adj._ Gallic. gaz, _m._ gas (_z_ pronounced). gaze, _f._ gauze. gazelle, _f._ gazelle. gazette, _f._ newspaper. gazon, _m._ sward, grass. geant, -e, _adj. and s._ gigantic, giant. gelee, _f._ frost. geler, _v._ to freeze. gemir, _v._ to groan, moan. gemissement, _m._ groan, wail. gendarme, _m._ gendarme, military police officer. gendarmerie, _f._ military police. gendre, _m._ son-in-law. gene, _f._ uneasiness, embarrassment, constraint, hesitation. gener, _v._ to embarrass, trouble, be in the way of, inconvenience. general, -e, _adj. and m._ general. generation, _f._ generation. generosite, _f._ generosity. genie, _m._ genius, spirit. genou, _m._ knee. genre, _m._ kind, sort, form. gens, _m. pl._ (preceding adjective takes feminine form) people; jeunes --, young men, young people; ses --, his servants. gentil, -le, _adj._ nice. gentilhomme, _m._ nobleman, gentleman (_l_ pronounced as _y_). gerbe, _f._ sheaf, cluster. gerbier, _m._ stack, mow. germe, _m._ germ. germain, -e, _adj._ german, first; cousin issu de --, first cousin once removed. Gertrude, Gertrude. gesir, _v._ to lie. geste, _m._ gesture. gesticuler, _v._ to gesticulate. ghazel, _m._ gazel (Persian love poem). giaour, _m._ giaour (Turkish name for all non-Mohammedans). gibet, _m._ gibbet, gallows. gibier, _m._ game. gigantesque, _adj._ gigantic. gilet, _m._ waistcoat. Giseh, Gizeh (Egyptian city and province on the Nile). gite, _m._ abode, shelter, resting-place. glace, _f._ ice, plate-glass, mirror. glacer, _v._ to ice, freeze, chill; glace, -e, iced, icy, frozen. glacial, -e, _adj._ glacial, icy. gland, _m._ acorn, tassel. glaner, _v._ to glean. glaneur, -euse, _m., f._ gleaner. glissade, _f._ slide; faire une --, to slide. glisser, _v._ to slide, slip, glide, be slippery; se --, slip, glide; -- sur, slip on, slip or glide, slip off; glissant, -e, _adj._ slippery. gloire, _f._ glory; faire -- de, to glory in. glorieux, -euse, _adj._ glorious, vainglorious, proud. glouglou, _m._ gurgling. glousser, _v._ to cluck. Godeau, name of a family in Croisilles; Antoine -- was a bishop and poet of the 17th century. Godefroy, Godfrey; -- de Bouillon, duke and leader of the first crusade and first King of Jerusalem (1058-1100). goguenard, -e, _adj._ bantering, jeering, scoffing. golfe, _m._ gulf. gond, _m._ hinge (of a blind or door). gonfler, _v._ to swell, swell out, put! out, fill; gonfle, -e, swollen. gorge, _f._ throat, gorge. gorgee, _f._ swallow. gorger, _v._ to gorge. gorille, _m._ gorilla. gosse, _m., f._ small child, "kldquo;kid" (familiar). goudronner, _v._ to tar. gouffre, _m._ gulf, abyss. goule, _f._ ghoul. gourdin, _m._ cudgel, club. gousset, _m._ gusset, watch-pocket (in trousers), waist-coat pocket. gout, _m._ taste. gouter, _v._ to taste, relish. goutte, _f._ drop, gout. gouttelette, _f._ little drop. goutteux, -euse, _adj._ gouty. gouttiere, _f._ gutter. gouvernail, _m._ rudder, helm. gouvernante, _f._ governess. gouverner, _v._ to govern. grace, _f._ grace, charm, favor, pardon, mercy; -- a, thanks to. gracieux, -euse, _adj._ gracious, graceful. grade, _m._ grade, rank. grain, _m._ grain, squall. graine, _f._ seed, germ. graisse, _f._ grease, fat. grammaire, _f._ grammar. grand, -e, _adj. and s._ great, grand, tall, large, big, chief, full, wide (open), open (air), long (step), high (wind, officer, etc.); au -- trot, at a fast trot; grande toilette, full evening dress; grand'peine, great difficulty; grand'chose, much. grandement, _adv._ greatly, highly. grandeur, _f._ greatness, height, size, grandeur. grandiose, _adj._ grand, majestic. grandir, _v._ to grow tall, grow up, grow, make tall or great, enlarge, increase. grand'mere, _f._ grandmother. grand-pere, _m._ grandfather. grange, _f._ barn. granit, _m._ granite. granitique, _adj._ granite. Grapasi, proper name suggesting grappiller, to pilfer. grappe, _f._ cluster, bunch. gras, -se, _adj. and s._ fat, greasy, rich, luxuriant, thick or guttural (speech). grassouillet, -te, _adj._ plump. gratification, _f._ gratuity, reward. gratter, _v._ to scratch, scrape. grave, _adj._ grave. gravement, _adv._ gravely. gravir, _v._ to climb, clamber up, ascend. gravite, _f._ gravity, seriousness. gre, _m._ will, pleasure, liking. grec, grecque, _adj. and s._ Greek (written Grec when _s._). Grece, _f._ Greece. Gredel, Margery, Maggie (German, _cf. Grete_ for _Margarete_). gredin, _m._ rascal, scoundrel. greffier, _m._ clerk (of the court). grele, _adj._ slender, shrill. grelotter, _v._ to shiver. grenade, _f._ pomegranate, grenade. grenadier, _m._ grenadier. grenier, _m._ loft, garret, attic. grenouille, _f._ frog (_ou_ and _i_ should both be pronounced distinctly, _ou_ is not a semi-vowel as in louis). gres, _m._ sandstone. gresil, _m._ sleet. gresiller, _v._ to shrivel, shrink, crackle, tingle. greve, _f._ strand, beach, strike grievement, _adv._ grievously, gravely, seriously. griffe, _f._ claw. gril, _m._ grid-iron. griller, _v._ to broil, roast. grimace, _f._ grimace, grin, wry or forbidding face; faire la --, to make a (wry) face. grimacer, _v._ to make wry faces, grin. grimper, _v._ to climb. grincement, _m._ gnashing, grinding. grincer, _v._ to grind, gnash, grate. grippe, _f._ whim, caprice; prendre en --, to take a dislike to. grippe-sou, _m. and adj._ skin-flint, miser, stingy. gris, -e, _adj. and s._ gray, tipsy; en voir de grises, to have a hot time. grisatre, _adj._ grayish. griser, _v._ to make tipsy, intoxicate; se --, get drunk. grisette, _f._ grisette (coquettish working girl or shop-girl). grive, _f._ thrush. grogner, _v._ to grumble, grunt, growl. gronder, _v._ to scold, rumble, roar. groom, _m._ groom. gros, grosse, _adj. and s._ big, thick, stout, heavy, rough, coarse, fat man, bulk, mass, main body; en --, wholesale, in a general way; -- temps, stormy weather; -- mot, coarse word; le coeur --, sick at heart. grossier, -ere, _adj._ coarse, gross, rude, rough, low. grossierete, _f._ coarseness, rudeness, vulgar remark. grossir, _v_ to enlarge, swell, magnify, grow, increase. grotesque, _adj._ grotesque. grotte, _f._ grotto. grouiller, _v._ to swarm, crawl. groupe, _m._ group. grouper, _v._ to group. Guerande, small town in the department of Loire-Inferieure. guere, _adv._ scarcely; ne ... -- , scarcely. guerre, _f._ war. guerrier, -ere, _adj. and s._ of war, warlike, warrior. guet, _m._ watch; faire le --, to be on the lookout. guetter, _v._ to watch, watch for. gueule, _f._ mouth (of animals), jaws, chops. gueusard, _m._ rascal. gueux, -euse, _adj. and s._ beggarly, poor, beggar, scoundrel. guide, _m._ guide. guider, _v._ to guide, steer. guigne, _f._ white-heart cherry. guignon, _m._ bad luck. Guillaume, William. Guillemet, Willie (a child's name, diminutive of Guillaume). guinder, _v._ to hoist, strain; guinde, -e, stiff, unnatural. guirlande, _f._ garland, wreath. guise, _f._ manner, way; en -- de, as a. Gulistan, _m._ Garden of Roses (name of a moralizing poem by Sadi, a Persian poet of the 13th century). guttural, -e, _adj._ guttural. guzla, _f._ guzla (Croatian violin with one string). gymnastique, _adj._ gymnastic; pas --, double-quick, run, trot. H ('h=aspirate h) habile, _adj._ clever, skilful. habilement, _adv._ cleverly, skilfully. habiller, _v._ to dress. habit, _m._ coat, dress-coat; _pl._ clothes. habitant, _m._ inhabitant. habitation, _f._ habitation, dwelling, house. habiter, _v._ to live in, dwell. habitude, _f._ habit; d'--, usual, usually. habitue, _m._ frequenter, regular customer. habituel, -le, _adj._ habitual. habituellement, _adv._ habitually. habituer, _v._ to accustom. 'hache, _f._ ax. 'hagard, -e, _adj._ haggard. 'haick, _m._ haik (piece of cloth used as an outer garment by the Arabs). 'haillon, _m._ rag, tatter. 'haine, _f._ hatred, hate. 'hair, _v._ to hate. haleine, _f._ breath. 'haleter, _v._ to pant. 'haleur, _m._ hallier (person who draws a boat upon entering a port, etc.). 'halle, _f._ market; les Halles, the large Central Market in Paris. hallucination, _f._ hallucination. 'halte, _f._ halt; faire --, to halt. 'hameau, _m._ hamlet. 'hanche, _f._ hip. 'hanter, _v._ to haunt. 'happer, _v._ to snatch (with the mouth). 'harasser, _v._ to harass, jade, tire out. 'hardes, _f. pl._ clothes. 'hardi, -e, _adj._ bold. 'hardiesse, _f._ boldness. 'hardiment, _adv._ boldly. harmonie, _f._ harmony. harmonier, _v._ to harmonize (obsolescent, more usually: harmoniser). 'harpe, _f._ harp. 'harpiste, _m., f._ harpist. 'hasard, _m._ hazard, chance, fortune, risk, danger; au --, at random. 'hasarder, _v._ to risk; se --, risk oneself, dare; -- un oeil, risk exposing an eye. Hassan, grandson of Mohammed and a favorite Mohammedan name, also a mosque in Cairo containing Hassan's relics. 'hate, _f._ haste, hurry; a la --, in haste. 'hater, _v._ to hasten, hurry; se --, hasten, hurry. 'hausse, _f._ rise. 'hausser, _v._ to lift, shrug. 'haut, -e, _adj., adv. and m._ high, tall, loud, important, aloud, loudly, raised, top; en --, upstairs, above, in the upper part; en -- de, on (at the) top of; la- --, up there; tout --, aloud; la haute, society people (slang); -- de cinquante pieds, fifty feet high; le -- poisson, fine or highly esteemed fish. 'hauteur, _f._ height; a la -- de, at the height of, opposite, even with. 'have, _adj._ wan, emaciated. 'havre, _m._ haven, harbor. 'Havre (le), city and important port at the mouth of the Seine. 'he, _interj._ ho!, oh!, hello! 'Heidelberg, city with a noted university and castle on the Neckar, in Baden. 'hein, _interj._ hey, what? 'Heinrich, Henry (German). helas, _interj._ alas! (_s_ pronounced). 'heler, _v._ to hail, call. helice, _f._ screw, propeller. hemorragie, _f._ hemorrhage. Henri IV, Henry IV, the popular French King, reigned: 1589-1610. herbe, _f._ grass, herb. hercule, _m._ Hercules, strong man. herculeen, -enne, _adj._ Herculean (_en_ pronounced as in _bien_). hereditaire, _adj._ hereditary. 'herisser, _v._ to bristle, make stand up, erect; herisse, -e, _adj._ bristling. heritage, _m._ heritage, patrimony. heriter, _v._ to inherit. heritier, -ere, _m., f._ heir, heiress. heroique, _adj._ heroic. 'heron, _m._ heron. 'heros, _m._ hero. 'herse, _f._ harrow. hesitation, _f._ hesitation. hesiter, _v._ to hesitate. hetairiste, _m._ hetoerist, member of the hetoeria (Greek secret league at the time of the war for Greek independence). 'hetre, _m._ beech-tree. heure, _f._ hour, o'clock, time; de bonne --, early; tout a l'--, in a little while, in a moment, just now, a moment ago; a cette --, now (colloquial). heureusement, _adv._ happily, fortunately. heureux, -euse, _adj. and s._ happy, fortunate, happy person. 'heurter, _v._ to strike against, knock. 'hideusement, _adv._ hideously. 'hideux, -euse, _adj._ hideous. hier, _adv._ yesterday; arriver d'--, to arrive yesterday. 'hierarchie, _f._ hierarchy. hieroglyphe, _m. and adj._ hieroglyph, hieroglyphic. 'hilfe, _f._ help (German). hippogriffe, _m._ hippogriff (half horse, half griffin, a fabulous steed of the romances of chivalry). hippopotame, _m._ hippopotamus. hirondelle, _f._ swallow. histoire, _f._ history, story; -- de rire, just to laugh (slang). historique, _adj._ historical, historic. hiver, _m._ winter. 'hocher, _v._ to shake. 'hochet, _m._ rattle. 'homard, _m._ lobster. hommage, _m._ homage, respects; -- et souvenir de l'auteur, with the kind regards and remembrances of the author. homme, _m._ man; familiarly: husband. 'Honeck (le), _m._ the Hohneck (one of the Vosges mountains west of Colmar). Honfleur, village at the mouth of the Seine, opposite le Havre. honnete, _adj._ honest, honorable, decent, respectable. honneur, _m._ honor; faire -- a, to honor. honorable, _adj._ honorable. 'honte, _f._ shame; avoir --, to be ashamed; fausse --, bashfulness. 'honteux, -euse, _adj._ ashamed, shameful, bashful. hopital, _m._ hospital (usually for the poor). 'hoquet, _m._ hiccough. horizon, _m._ horizon. horloge, _f._ clock. honnis, _prep._ except, save. horreur, _f._ horror; quelle --, how horrible; avoir -- de, to abhor. horrible, _adj._ horrible. horriblement, _adv._ horribly. 'hors (de), _prep._ out of; -- de lui, beside himself; -- de combat, disabled; les yeux -- de la tete, the eyes popping out of the head. hostie, _f._ consecrated wafer, host. hostilite, _f._ hostility. hote, _m._ host, guest; hotesse, f. hostess. hotel, _m._ hotel, mansion, large private house. 'houri, _f._ houri (woman of the Mohammedan paradise). 'hourra, _m._ hurrah, cheer. 'huche, _f._ trough, bin. huile, _f._ oil. huiler, _v._ to oil. huis, _m._ door (now little used). 'huit, _card._ eight; -- jours, a week. huitre, _f._ oyster. humain, -e, _adj._ human. humanite, _f._ humanity. humble, _adj._ humble. humblement, _adv._ humbly. humeur, _f._ disposition, ill humor, humor. humide, _adj._ humid, damp, moist. 'huppe, _f._ topknot, tuft. 'hurlement, _m._ howl, howling, shriek, roar. 'hurler, _v._ to howl. 'hurrah, _interj. and m._ hurrah!, cheer. 'hussard, _m._ hussar (light cavalryman). hygienique, _adj._ hygienic. hypocrite, _adj. and s._ hypocritical, hypocrite. hysterique, _adj._ hysterical. I Ibnn-Ben-Omaz, a peculiar name, possibly due to Gautier; Ibn is the Arabic name for son, Ben is Hebrew for son. ici, _adv._ here; par --, this way; -- -meme, in this very place; -- -bas, here below. idee, _f._ idea. idiot, -e, _adj. and s._ idiotic, idiot. idole, _f._ idol. Iena, Jena (town in Saxe Weimar, scelle of the battle (1806) in which Napoleon defeated the Prussians). if, _m._ yew-tree. ignorer, _v._ to be ignorant of, not to know; ignorant, -e, ignorant. il, ils, _conj. pr._ he, it, there, they. ile, _f._ island. illimite, -e, _adj._ unlimited, unbounded, measureless. illuminer, _v._ to illuminate, light up; s'--, light up, be illuminated. illusion, _f._ illusion. illustre, _adj._ illustrious. illustrer, _v._ to illustrate, make illustrious. ilot, _m_. small island. image, _f._ image, likeness, picture. imagination, _f._ imagination. imaginer, _v._ to imagine; s'--, imagine. imbecile, _adj. and s._ foolish, silly, imbecile. imberbe, _adj._ beardless. imiter, _v._ to imitate. immediat, -e, _adj._ immediate. immediatement, _adv._ immediately. immense, _adj._ immense. immensite, _f._ immensity, vast stretch. immobile, _adj._ quiet, motionless. immobiliser, _v._ to render immovable, stop, paralyze. immobilite, _f._ immobility. immodere, -e, _adj._ immoderate, excessive. immortel, -le, _adj._ immortal; _f._ everlasting (plant). impartial, -e, _adj._ impartial (_ti_ pronouncedas _ci_). impassible, _adj._ impassible, unmoved. impassibilite, _f._ impassibility. impatience, _f._ impatience (_ti_ in this and the next two words is pronounced as _ci_). impatient, -e, _adj._ impatient. impatienter, _v._ to put out of patience, provoke. impenetrable, _adj._ impenetrable, inscrutable. imperceptible, _adj._ imperceptible. imperieux, -euse, _adj._ imperious, pressing, domineering. impertinent, -e, _adj. and s._ impertinent, impertinent fellow. impetuosite, _f._ impetuosity. impitoyablement, _adv._ pitilessly. importance, _f._ importance. importer, _v._ to matter; n'importe, no matter; qu'importe?, what does it matter?; n'importe quoi, anything whatsoever; n'importe qui, anyone. imposer, _v._ to impose. impossible, _adj._ impossible. imposteur, _m._ impostor. impot, _m._ tax, toll. impression _f._ impression impressionner, _v._ to impress, make an impression upon. imprevu, -e, _adj._ unforeseen, unexpected. imprimer, _v._ to impress, press upon, print. improviser, _v._ to improvise. imprudemment, _adv._ imprudently (_em_ pronounced as _am_). impuissance, _f._ impotency. impuissant, -e, _adj._ impotent. impulsion, _f._ impulse, impetus. imputer, _v._ to impute. inabordable, _adj._ inaccessible. inalterable, _adj._ unalterable, unchangeable. inamovible, _adj._ irremovable (from office). inattendu, -e, _adj._ unexpected. incapable, _adj._ incapable. incarnadin, -e, _adj._ flesh-colored, pink. incarnation, _f._ incarnation. incendie, _m._ fire, conflagration. incertain, -e, _adj._ uncertain. incertitude, _f._ uncertainty. incessamment, _adv._ incessantly, directly. incisif, -ive, _adj._ incisive. incisive, _f._ incisor. incliner, _v._ to incline, tilt; s'--, bow, lean. incommode, -e, _adj._ indisposed. inconcevable, _adj._ inconceivable. inconnu, -e, _adj. and s._ unknown, strange, stranger. inconsolable, _adj._ inconsolable. incontestable, _adj._ incontestable. inconteste, -e, _adj._ uncontested. incontinent, -e, _adj._ incontinent, intact; _adv._ at once. inconvenance, _f._ impropriety, improper remark. incorporer, _v._ to incorporate, take in. incredule, _adj._ incredulous. incroyable, _adj._ incredible. incruster, _v._ to incrust, inlay; incruste, -e, incrusted, fast. indecence, _f._ indecency, immodesty. independamment, _adv._ independently. Inde, _f._ India; Indes, _f. pl._ Indies, India. index, _m._ index, forefinger. indice, _f._ indication, probable evidence. indicible, _adj._ unspeakable, unutterable. indienne, _f._ calico. indifference, _f._ indifference. indifferent, -e, _adj. and s._ indifferent, of no difference or importance, indifferent person, person of no concern. indigestion, _f._ indigestion. indignation, _f._ indignation. indigner, _v._ to make indignant; indigne, -e, indignant. indiquer, _v._ to indicate. indiscret, -ete, _adj._ indiscreet. indiscretion, _f._ indiscretion. indispensable, _adj._ indispensable. individu, _m._ individual. industrie, _f._ industry, trade. inebranlable, _adj._ unshakable, immovable. ineffable, _adj._ ineffable, unutterable. inegal, -e, _adj._ unequal, irregular. inerte, _adj._ inert. inexplicable, _adj._ inexplicable, unaccountable. inexprimable, _adj._ inexpressible, unutterable. inextinguible, _adj._ inextinguishable. infaillible, _adj._ infallible. infanterie, _f._ infantry. infatigable, _adj._ indefatigable. inferieur, -e, _adj._ inferior, lower. infernal, -e, _adj._ infernal. infini, -e, _adj. and m._ infinite, infinity. infiniment, _adv._ infinitely. infinite, _f._ infinite number. infirme, _adj. and s._ infirm, weak, infirm person, cripple. inflexible, _adj._ inflexible. infliger, _v._ to inflict. influence, _f._ influence. informer, _v._ to inform; s'--, inquire. infortune, -e, _adj. and s._ unfortunate, unfortunate person. infranchissable, _adj._ insuperable, impassable. ingenier (s'), _v._ to strive, tax one's ingenuity. ingenieur, _m._ engineer. ingenu, -e, _adj._ ingenuous, artless; ingenue, _f._ ingenuous young girl. ingrat, -e, _adj. and s._ ungrateful, ingrate. inintelligible, _adj._ unintelligible. injure, _f._ insult, wrong. injustice, _f._ injustice. innocent, -e, _adj._ innocent. innombrable, _adj._ innumerable. inoccupe, -e, _adj._ unoccupied. inoffensif, -ive, _adj._ inoffensive. inondation, _f._ inundation, flood. inonder, _v._ to flood. inoui, -e, _adj._ unheard of. inquiet, -ete, _adj._ anxious, uneasy, restless. inquieter, _v._ to disturb, worry; s'--, be disturbed, be uneasy, fret. inquietude, _f._ disquietude, restlessness, anxiety. inquisiteur, -trice, _adj._ inquisitive, searching. insatiabfe, _adj._ insatiable.(_t_ pronounced as _c_). inscription, _f._ inscription. insensible, _adj._ without feeling, indifferent, insensible. insensiblement, _adv._ insensibly. insignifiant, -e, _adj._ insignificant. insister, _v._ to insist. insolent, -e, _adj._ insolent. insouciance, _f._ unconcern, carelessness. insouciant, -e, _adj._ careless, heedless. insoucieux, -euse, _adj._ thoughtless, unthinking. inspecter, _v._ to inspect. inspirer, _v._ to inspire, instil. installer, _v._ to install. instant, _m._ instant; pour l'--, for the time being; il m'arrive a l'--, it has just come to me this instant. instinct, _m._ instinct (_ct_ not pronounced). instinctif, -ive, _adj._ instinctive. instinctivement, _adv._ instinctively. instruction, _f._ instruction; juge d'--, examining magistrate. instrument, _m._ instrument, tool. insucces, _m._ failure. insupportable, _adj._ insupportable. insurrection, _f._ insurrection. intact, -e, _adj._ intact, untouched (_ct_ pronounced). intelligence, _f._ intelligence. intelligent, -e, _adj._ intelligent. intention, _f._ intention, purpose. interdire, _v._ to interdict, forbid, prohibit, dumbfound, amaze. interesser, _v._ to interest; interesse, -e, adj. interested, for gain; interessant, -e, interesting; cela vous interesse?, is that any business of yours? interet, _m._ interest. interieur, -e, _adj. and m._ interior, inside, mental. interieurement, _adv._ internally, mentally, in or on the inside. interminable, _adj._ interminable. interpreter, _v._ to interpret. interrogation, _f._ interrogation, questioning. interrogatoire, _m._ questioning, examination. interroger, _v._ to interrogate, question. interrompre, _v._ to interrupt; s'--, interrupt oneself, stop. interruption, _f._ interruption. interstice, _m._ interstice, opening, crevice. intervalle, _m._ interval, space. intime, _adj._ intimate. intimider, _v._ to intimidate. intonation, _f._ intonation. intrepide, _adj._ intrepid, dauntless, fearless. intrigant, _m._ intriguer. intriguer, _v._ to puzzle, perplex. introduire, _v._ to introduce, put or show in; s'--, introduce oneself, get in. inusite, -e, _adj._ unused, unaccustomed. inutile, _adj._ useless, needless. invariablement, _adv._ invariably. invasion, _f._ invasion. inventer, _v._ to invent. invention, _f._ invention. investigation, _f._ investigation. invincible, _adj._ invincible, uncontrollable. invitation, _f._ invitation. inviter, _v._ to invite; invite, -e, _m., f._ guest. involontaire, _adj._ involuntary. invoquer, _v._ to invoke. invraisemblable, _adj._ improbable, unlikely (_s_ pronounced as in _sembler_). iraigne, dialectic for araignee. Iran, _m._ Iran (Persia, also the surrounding countries of the great Asiatic plateau). ironie, _f._ irony. ironique, _adj._ ironical. irrecusable, _adj._ unexceptionable, unobjectionable. irregulier, -ere, _adj._ irregular. irreprochable, _adj._ irreproachable. irresistiblement, _adv._ irresistibly. irresponsable, _adj._ irresponsible. irriter, _v._ to irritate; s'--, be irritated, be aroused. irruption, _f._ irruption, bursting, inroad. isoler, _v._ to isolate; isole, -e, isolated, solitary, detached. issu, -e, _adj._ descending, born. issue, _f._ issue, escape, exit. italien, -ne, _adj. and s._ Italian (written Italien when _s._). itou, _adv. and conj._ also (dialectic survival of the Old French _itel_). ivoire, _m._ ivory. ivre, _adj._ intoxicated, drunk. ivrogne, _m._ drunkard. J j', _see_ je. jabot, _m._ frill. Jacobite, _m._ Jacobite. Jacquerie (la), name given to the uprising of the French peasants against the nobles in 1358. Jacques, James. Jacquette, _cf._ Jenny, Janet. jadis, _adv._ of old, in former times (_s_ pronounced). jaillir, _v._ to burst forth or out, gush out, spurt, flash. jaloux, -ouse, _adj._ jealous. jamais, _adv._ never, ever; ne ... --, never. jambe, _f._ leg. jambon, _m._ ham. jante, _f._ rim (of a wheel). janvier, _m._ January. Japon, _m._ Japan. japonais, -e, _adj. and s._ Japanese (written Japonais when _s._). jaquette, _f._ jacket. jardin, _m._ garden. jaser, _v._ to chatter, gossip. jaspe, _m._ jasper. jasper, _v._ to vein, streak, mottle. jatte, _f._ bowl. jaunatre, _adj._ yellowish. jaune, _adj. and m._ yellow; mettre la -- au nid, to put the yellow hen on the nest. Javotte, proper name (usually applied to talkative women). je, _conj. pr._ I. Jean, John. Jean-Baptiste (_p_ not pronounced), frequent Christian name (from: John the Baptist). Jesus, Jesus; --!, _interj._ heavens!, etc. (_s_ pronounced). jet, _m._ jet. jetee, _f._ jetty, pier. jeter, _v._ to throw, cast, throw out, cast or give forth, throw down or away, utter; se --, throw oneself, etc., dart; la langue au chat, give up guessing. jettatura, _f._ bewitching, spell (cast by the eyes, etc.; Italian). jeu, _m._ game, gambling, trick, set (of dominoes, etc.), gaming; -- de mots, pun. jeudi, _m._ Thursday. jeune, _adj._ young, junior; -- fille, girl. jeuner, _v._ to fast. jeunesse, _f._ youth. jeunet, -te, _adj._ too or very young, youthful. joie, _f._ joy. joindre, _v._ to join, put together, meet, clasp, add, reach. joli, -e, _adj._ pretty, good looking. joliment, _adv._ prettily, mighty (familiar in last sense). Jonquieres, name of several French villages, the one to which Daudet refers is in the department of Gard, near Beaucaire. Joseph, Joseph (see Genesis xxxvii, etc.). joue, _f._ cheek. jouer, _v._ to play, stake; se --, play; faire --, start moving, bring into action, call up, move to and fro; -- de, play (a musical instrument); -- a, play (a game). jouet, _m._ toy, plaything. joueur, _m._ player gambler. jouir, _v._ to enjoy (object is preceded by de). jouissance, _f._ enjoyment, pleasure, delight. joujou, _m._ toy, plaything. jour, _m._ day, daylight, daytime, light, opening; a --, open-work; au -- levant, at daylight; faire --, to be light; ce n'est pas trop d'un --, a day is not too much. journal, _m._ newspaper. journee, _f._ day. joyeusement, _adv._ joyfully, gaily. joyeux, -euse, _adj._ joyous, merry, cheerful. juge, _m._ judge. juger, _v._ to judge, consider. juif, -ive, _adj. and s._ Jewish, Jew, Jewess. juin, _m._ June. Julie, Julia. Julien, Julian. jument, _f._ mare. jupe, _f._ skirt. Jupiter, the father and master of the Greek and Roman gods; -- Olympien, Olympian Jupiter (famous statue by Phidias at Olympia, called one of the seven marvels of the world). jupon, _m._ petticoat. jurement, _m._ oath. jurer, _v._ to swear. juron, _m._ oath. jusque, _prep._ to, up to, as far as, until; jusqu'a, to, as far as, up to, until, even; -- la, till there, till then; jusqu'ici, till now; jusqu'a ce que, _conj._ until. juste, _adj. and adv._ just, exact, exactly; au --, exactly. justesse, _f._ accuracy, precision. justice, _f._ justice, law, courts; homme de --, judge, lawyer, man of law. justicier, _m._ justiciary, judge. K kandjar, _m._ long Oriental dagger. Karl, Charles (German). Kasba, _f._ casbah (citadel and palace of a sovereign in the Barbary States). Kasper, Jasper (German). kilometre, _m._ kilometer (5/8 mile). kiosque, _m._ kiosque (pavilion). Kislar-agassi, _m._ the chief of the Eunuchs in the Imperial Harem (_kiz_ = girl or woman, in Turkish; _lar_ is the plural suffix; _aga_ = chief; _si_ is the possessive pronoun of the third persan; _kizlar-agasi_ = chief of the women). kreutzer, _m._ kreutzer (German coin = 2/3 cent; pronounced in French: _creutsair_). L l', used before on for euphony. l', _see_ le, la (_art. or pr._). la, _see_ le. la, _adv_. there, here (frequent as affix or suffix, when so used see word to which it is added); par --, that way, by there, over that way. lac, _m._ lake. lache, _adj._ cowardly. lacher, _v._ to loosen, let out, release, undo, let go. lachete, _f._ cowardice, cowardly act. laid, -e, _adj._ homely, ugly. laine, _f._ wool; de --, woolen. laique, _adj. and s._ secular, layman; a la --, outside the Church, among the laity. laisse, _f._ leash. laisser, _v._ to let, leave, let alone; -- -la, leave alone, drop (an acquaintance, etc.); il ne laissait pas que de, he did not fail to. lait, _m._ milk; enfant de --, nursling. laiteux, -euse, _adj._ milky. lambeau, _m._ rag, shred; mettre en lambeaux, to tear in shreds. lambris, _m._ wainscoting, paneling. lame, _f._ strip, blade, wave. lamentable, _adj._ lamentable, sorrowful. lampe, _f._ lamp. lance, _f._ lance; -- a feu, squib, slow-match. lancer, _v._ to dart, throw, hurl, let go, send forth, cast, cast or throw out, start; -- une casquette, introduce (or set the style for) a cap. lande, _f._ waste-land, heath. langage, _m._ language. lange, _m._ piece of cloth (usually for wrapping a new-born child); strip (of cloth), swaddling-clothes (infrequent in singular). langue, _f._ tongue, language. langueur, _f._ languor. laniere, _f._ thong. lanterne, _f._ lantern. lapin, _m._ rabbit. laps, _m._ lapse, period (_ps_ pronounced). laquais, _m._ lackey, footman. lard, _m._ bacon. large, _adj. and m._ broad, wide, sweeping, great, large, width, breadth, open sea; ouvert tout au --, wide open. larme, _f._ tear; rire aux larmes, to laugh till the tears came. larve, _f._ larva. las, -se, _adj._ weary, tired. latakie, _m._ latakia (a fine Turkish tobacco). lateral, -e, _adj._ lateral, side. latin, -e, _adj. and s._ Latin. laver, _v._ to wash. le, la (l', before vowels; les, _pl.), def. art._ the; de la sorte, in that way. le, la (les, _pl._; lui, leur, indirect), _conj. pr._ him, her, it, so, them, to him, to them, etc. lecon, _f._ lesson. lecture, _f._ reading. legende, _f._ legend. leger, -ere, _adj._ light (weight), slight, thin. legerement, _adv._ lightly, slightly. legion, _f._ legion; Legion d'honeur, Legion of Honor (Order established by Napoleon Bonaparte in 1802 to reward merit). legitime, _adj._ legitimate. legitimement, _adv._ legitimately. leguer, _v._ to bequeath. legume, _m._ vegetable. lendemain, _m._ following day, next day. lent, -e, _adj._ slow. lentement, _adv._ slowly. lenteur, _f._ slowness; avec des lenteurs, slowly, with hesitation or deliberation. lequel, laquelle (lesquels, lesquelles,_ pl.), rel. and int. pr._ which, who, which?, who? les, _see_ le. lessive, _f._ lye, washing; couler la --, to soak the clothes in lye, begin to wash. lestement, _adv._ quickly, lightly. lettre, _f._ letter. leur, _conj. pr._, see le; _adj._ their; le --, theirs. Levallois-Perret, manufacturing suburb northwest of Paris. levee, _f._ raising, uprising, breaking up. lever, _v._ to raise; se --, rise, arise, get up, break (dawn); _m._ rise, rising; au jour leve (levant), at daybreak; leve, -e, up; au soleil levant, at sunrise. levre, _f._ lip; levres en fleur, full-blown lips (like a rose). liane, _f._ bind-weed. liasse, _f._ bundle, roll. liberte, _f._ liberty. libraire, _m._ bookseller, stationer. libre, _adj._ free, clear. lien, _m._ bond. lier, _v._ to bind, tie, tie up; lie, _m._ rubber (in games). lieu, _m._ place, spot; avoir --, to take place, have reason; au -- de, instead of; donner -- a, to cause. lieue, _f._ league (2~1/2 miles). lieutenant, _m._ lieutenant. lievre, _m._ hare. ligne, _f._ line, fishing-line. lilas, _m._ lilac, lilac-bush. limpide, _adj._ limpid, clear. linge, _m._ linen, cloth; pl. linen clothes; -- sale, dirty linen or clothes; laver le --, to wash the clothes. lion, _m._ lion. liqueur, _f._ liquor, cordial. liquide, _adj. and m._ liquid. lire, _v._ to read. lis, _m._ lily (s pronounced). lisere, _m._ strip. lisiere, _f._ border, outskirts, selvage, list (cloth), string. lit, _m._ bed. litiere, _f._ litter. litre, _m._ liter (about 7/8 of a quart). litteraire, _adj._ literary. litteralement, _adv._ literally. litterature, _f._ literature. livide, _adj._ livid. livre, _m._ book; grand --, great book, ledger. livre, _f._ pound, franc. livrer, _v._ to deliver, give over; se -- a, devote or apply oneself to, give oneself over to; un combat se livra, a battle was fought. livret, _m._ little book (of identification, etc., used as a passport). local, -e, _adj._ local. locution, _f._ locution. lofer, _v._ to luff (bring the head of a vessel to the wind). loge, _f._ lodge, porter's room, box (theater). loger, _v._ to lodge, star. logique, _adj._ logical. logis, _m._ bouse, dwelling, lodge, lodging-house, lodgings. loi, _f._ law. loin, _adv. and m._ far away, distant, distance; plus --, farther; de --, afar, at or from a distance; de -- en --, from place to place, from time to time. lointain, -e, _adj. and m._ distant, far away, distance. loisir, _m._ leisure. long, -ue, _adj. and m._ long, length; le -- de, along; tout de son --, de tout son --, his whole length; tout le -- de, the whole; de -- en large, to and fro. longanimite, _f._ longanimity, forbearance. Longosardo, Sardinian village and port at the western entrance of the Strait of Bonifacio. longtemps, _adv._ long time, long, for a long time. longuement, _adv._ for a long time, lengthily, lingeringly. longueur, _f._ length. loque, _f._ rag, tatter. lorgner, _v._ to squint at, look out of the corner of the eye, ogle, look through opera glasses. lors, _adv._ then, that time; pour --, then, thereupon; depuis --, since then. lorsque, _conj._ when. louable, _adj._ laudable, praiseworthy. louage, _m._ letting, hiring, hire; de --, hired, livery, for hire. louer, _v._ to praise, rent; se --, praise one self, be pleased (with). louis, _m._ louis (gold piece=$4). Louis XIV, known as Louis le Grand, most famous of the French kings; reigned: 1643-1715. Louis XV, King of France; reigned: 1715-1774. loup, _m._ wolf; -- cervier, lynx, speculator, sharper (especially one who speculates without principle on government enterprises); -- de mer, sea-dog. lourd, -e, _adj._ heavy, dull, drowsy, clumsy, burdensome. lourdement, _adv._ heavily. lourdeur, _f._ heaviness, weight. louvoyer, _v._ to tack (of a ship). loyal, -e, _adj._ loyal. lucarne, _f._ dormer-window. lubine, _f._ popular name for the fish called bar, umbrine (usually written lubin or loubin). Lucien, Lucian. Ludwig = Louis (German). lueur, _f._ gleam, light. lugubre, _adj._ mournful, lugubrious. lugubrement, _adv._ dolefully, lugubriously. lui, _conj. pr., see_ le; _disj. pr._ him, it, he, on his part, himself, itself. lui-meme, elle-meme (eux-memes, elles-memes, _pl.), pr._ himself, herself, itself, etc. luire, _v._ to shine. lumiere, _f._ light; il faut que la -- se fasse, it must be cleared up. lumineux, -euse, _adj._ luminous. lundi, _m._ Monday. lune, _f._ moon, moonlight. lunette, _f._ telescope; _pl._ spectacles. Luneville, town in the department of Meurthe-et-Moselle. luthier, _m._ lute-maker, seller of musical instruments. lutte, _f._ struggle, wrestling. luxe, _m._ luxury. lys, _m._ lily (s pronounced; now written lis). M M., abbreviation for Monsieur; m', _see_ me. ma, _see_ mon. macher, _v._ to chew. machinal, -e, _adj._ mechanical. machinalement, _adv._ mechanically. machoire, _f._ jaw. machonner, _v._ to munch, chew. maconner, _v._ to build, wall up; voute maconnee, vaulted masonry. madame (mesdames, _pl.), f._ Mrs., Madam. Madeleine (la), _f._ one of the principal and richest churches in Paris, having the form of a Greek temple, built between 1764 and 1842. mademoiselle, _f._ Miss, young lady. madrigal, _m._ madrigal (love poem). maestro, _m._ composer (Italian, = master). magasin, _m._ warehouse, store, shop, storehouse. mage, _m._ magian, astrologer; _pl._ magi, Wise Men (Bible). magicien, _m._ magician, wizard. magique, _adj._ magic. magistrat, _m._ magistrate. magistrature, _f._ magistracy; -- assise, judicial magistracy. magnanime, _adj._ magnanimous, high-minded. magnetique, _adj._ magnetic. magnetiser, _v._ to magnetize. magnificence, _f._ magnificence, splendor. magnifique, _adj._ magnificent. Mahnoud-Ben-Ahmed, Mahmud-Ben-Ahmed (the first and last names have been borne by several Sultans of Turkey; Ben is the Hebrew word for son, it is not Arahic). Mahomet, Mohammed (founder of the Mohammedan religion, born in Mecca c. 571, died in 632). mai, _m._ May. maigre, _adj. and s._ thin, scanty, meager, thin person. maigreur, _f._ thinness. maigrir, _v._ to grow thin. maille, _f._ mesh, aperture. main, _f._ hand; mettre la -- sur, to lay hold of. maint, -e, _adj._ many, many a. maintenant, _adv._ now. maintenir, _v._ to maintain, keep, hold. maire, _m._ mayor. mais, _conj._ but; -- si, why yes; -- non, why no, no indeed, no I tell you. maison, _f._ house, household; -- de ville, town-hall. maitre, _m._ master, teacher, Squire or Mr. (title); -- d'hotel, head-waiter, butler. maitresse, _f._ mistress, sweetheart. majeste, _f._ majesty. majestueusement, _adv._ majestically. majestueux, -euse, _adj._ majestic. major, _m._ major. majuscule, _adj. and f._ capital. mal, -e, _adj._ (used only in a few phrases), bad, evil; male rage (also written as one word), rage, fury. mal, _adv. and m._ evil, wrong, ill, in a bad way, sore, badly, poorly, indistinctly, harm, trouble, damage, malady; faire -- a, to hurt; -- noir, gangrene; (familiarly used as _adj._) bad, ill; faire -- a la tete, to give a headache. malade, _adj. and s._ ill, sick, sick man, patient. maladie, _f._ malady, illness. maladif, ~ive, _adj._ sickly, unhealthy. male, _adj. and m._ male, man. Malesherbes (Boulevard), handsome street in the north-western section of Paris, named after the minister of Louis XVI, who was beheaded in the French Revolution (h not pronounced). malgre, _prep._ in spite of. malheur, _m._ misfortune, accident, bad luck, unhappiness. malheureusement, _adv._ unfortunately. malheureux, -euse, _adj. and s._ unhappy, wretched, unfortunate, unlucky, wretch, unfortunate person. malicieux, -euse, _adj._ mischievous, roguish, malicious. malin, -igne, _adj. and s._ cunning, sly, shrewd, cunning person, rogue. Maloisel, proper name; _oisel_ in Old French = oiseau. Maloison, proper name, _cf._ oison, _m._ gosling. malpropre, _adj._ dirty, unclean. maltraiter, _v._ to maltreat, use roughly. maman, _f._ mama. mamelle, _f._ breast, teat, udder. manche, _f._ sleeve; la Manche, the English Channel; _m._ handle. manchot, -e, _adj. and s._ one-armed, one-armed person. manege, _m._ horsemanship, riding-school, riding-grounds. mangeaille, _f._ victuals. manger, _v._ to eat, eat up; apporter a --, bring something to eat. mangeur, _m._ eater. manie, _f._ mania, fancy. maniement, _m._ handling. maniere, _f._ manner; _pl._ manners. manivelle, _f._ crank, handle. manifester, _v._ to manifest, make known, show. manne, _f._ manna, hamper. mannequin, _m._ manikin, dummy, man of straw. manoeuvrer, _v._ to manoeuver, perform evolutions, drill, move. manque, _m._ lack, want. manquer, _v._ to be lacking, be missing, lack, miss, come near, fail; il n'y manquait pas, he did not fail to do it. mansarde, _f._ attic, garret, garret-window, Mansard window or roof. manteau, _m._ mantle, cloak. maquignon, _m._ horse dealer, jockey. maquis, _m._ thicket (in Corsica). marais, _m._ marsh, swamp. Marais, _m._ quarter in Paris, north of the Hotel de Ville, more usually called the Temple. maraudeur, _m._ marauder. marbre, _m._ marble. marchand, -e, _m., f._ merchant, peddler. marchandise, _f._ (also _pl._) merchandise, wares, goods. marche, _f._ march, walk, walking, pace, gait, step, progress, move, moving, motion; marches perdues, superfluous steps (that lead to nothing). marche, _m._ market, market-place, bargain, bargaining; a bon --, cheap, cheaply; par-dessus le --, into the bargain. marcher, _v._ to march, go on, walk, go, proceed. mardi, _m._ Tuesday. mare, _f._ pool. marecage, _m._ marsh, bog, swamp. marechal, _m._ marshal, blacksmith. mari, _m._ husband. mariage, _m._ marriage. Marie, Mary. marier, _v._ to marry, marry off, blend; se --, get married; se -- avec, marry; marie avec, married to; marie, _m._ bridegroom. Marignan, Melegnano (Italian town near Milan, where the French defeated the Swiss in 1515). marin, -e, _adj. and m._ marine, of the sea, sailor. marine, _f._ marine, navy, shipping; officier de --, naval officer. maritime, _adj._ maritime. marmaille, _f._ brats. marmite, _f._ pot. marmot, _m._ brat, little boy. marmotter, _v._ to mutter, mumble. marque, _f._ mark, track, token. marquer, _v._ to mark, show, indicate. marquis, -e, _m., f._ marquis, marchioness. marron, _m._ large chestnut. Marseille, Marseilles (principal seaport and second city in France). marteau, _m._ hammer. martial, -e, _adj._ martial (_t_ pronounced as _c_). Martin, Martin (often applied to a simple person). massacre, _m._ massacre. massacrer, _v._ to massacre, slay; massacrant, ~e, _adj._ murderous. massif, -ive, _adj._ massive, solid. mat, -e, _adj._ dull, dim, frosted. mat, _m._ mast. matelas, _m._ mattress. matelot, _m._ sailor, seaman. materiel, -le, _adj._ material, concrete. maternel, -le, _adj._ maternal, on the mother's side. matiere, _f._ matter; en -- de, in regard to. matin, _m._ morning, dawn. matin, _m._ mastiff, cur, rascal. matinal, -e, _adj._ morning, early, in the morning. matinee, _f._ morning. maudire, _v._ to curse; maudit, -e, cursed. maujeure, _f._ a dialectic word used in Toine in the sense of: fever. mauresque, _adj._ Moorish. maussade, _adj._ cross, sour, ill-humored, sulky. mauvais, -e, _adj. and s._ bad, wretched, evil, mean, dirty, ill (humor), poor. me, _conj. pr._ me, to me. -me, abbreviation of numerals; 2me, 3me, 4me, etc. (for deuxieme, etc.). mecanique, _adj._ mechanical. mechancete, _f._ malice, ill will. mechant, -e, _adj._ naughty, mean, mischievous, bad, malicious, wicked, wretched. mecontent, -e, _adj._ dissatisfied. Mecque (la), Mecca (holy city of the Mohammedans, in Arabia). medaille, _f._ medal. medecin, _m._ doctor, physician. mediocre, _adj._ mediocre, only moderate. meditatif, -ive, _adj._ meditative, thoughtful. meditation, _f._ meditation. mediter, _v._ to meditate, think over. Mediterranee, _f._ Mediterranean Sea. mefiance, _f._ distrust. meilleur, -e, _adj._ better; le --, best. melancolie, _f._ melancholy, melancholia. melancolique, _adj._ melancholy. melee, _f._ scuffle, fight. meler, _v._ to mingle, mix, confuse; se -- de, meddle with, mind; se -- a (avec), mingle with, take part in. melodie, _f._ melody. melodieux, -euse, _adj._ melodious. membraneux, -euse, _adj._ membranous. membre, _m._ member, limb. meme, _adj. and adv._ same, self, very, even; de --, in the same way, at the same time. memoire, _f._ memory. memorable, _adj._ memorable. menacer, _v._ to menace, threaten. menage, _m._ housekeeping, household; faire son petit --, to have one's own sweet will. menager, -ere, _m., f._ thrifty persan, housekeeper. mendiant, -e, _m., f._ beggar. mendicite, _f._ mendicity; etre a la --, to be reduced to beggary. mener, _v._ to lead, bring, take, drive. menetrier, _m._ fiddler. menottes, _f. pl._ handcuffs. mensonge, _m._ lie. mentir, _v._ to lie. menton, _m._ chin. menu, -e, _adj. and m._ thin, small, trifling, light, bill of fare. menuet, _m._ minuet. menuisier, _m._ cabinet-maker, joiner. mepris, _m._ contempt, scorn. meprisable, _adj._ contemptible. mepriser, _v._ to despise. mer, _f._ sea, tide. mercenaire, _adj. and s._ mercenary, hireling. merci, _f._ mercy, thanks, thank you (masculine with grand); Dieu --, thank God. mercier, _m._ mercer, haberdasher. mercredi, _m._ Wednesday. mere, _f._ mother. meringue, _f._ meringue, light pastry with whipped cream. merite, _m._ merit, worth. meriter, _v._ to merit, deserve. meritoire, _adj._ meritorious. merle, _m._ blackbird. Merope, a tragedy by Voltaire (1743). merveilleusement, _adv._ marvelously, wonderfully. merveilleux, -euse, _adj._ wonderful, marvelous. mes, _see_ mon. mesdames, _see_ madame. messe, _f._ mass. mesure, _f._ measure, proportion; a --, in proportion or succession as (another action takes place); en --, in time, in proportion; a -- que, in proportion as. mesurer, _v._ to measure. metamorphose, _f._ metamorphosis. meticuleux, -euse, _adj._ over-scrupulous, fastidious. metier, _m._ trade, loom. metre, _m._ meter (39 inches). mette, _f._ metal (Old French). mettre, _v._ to put, place, put on, set, put in place, take (time); se -- a, begin, set out in; se -- en route, start; se -- en mouvement, begin to move; se -- a table, seat oneself at table; se -- en colere, get angry; se -- en marche, set out on the march; se -- au jeu, get in the game; se -- en bataille, form for battle; se -- dans tous ses atours, attire oneself in all one's finery; -- dans, put in, hit; -- bas, take off; -- pied a terre, dismount; -- en pieces, tear or dash to pieces; -- a la porte, put out of doors; -- la police en l'air, stir up the police; -- le feu, set fire; -- en fuite, set to flight. meuble, _m._ piece of furniture, furniture, _pl._ furniture. meubler, _v._ to furnish. meunier, _m._ miller; meurtre, _m._ murder. meurtrier, _m._ murderer. meurtrir, _v._ to bruise; avoir le coeur meurtri, to be sick at heart. meute, _f._ pack (of hounds, etc.). mi, _adv. and adj._ (invariable), equally; a -- -chemin, half way. Michel, Michael. midi, _m._ midday, noon, twelve o'ciock, south; Midi, _m._ South of France; les pleins midis, the midday heat. miel, _m._ honey. mien, -ne, _poss. adj. pr._ (usually with article), mine. miette, _f._ crumb. mieux, _adv._ better, more, more comfortable; tant --, so much the better; de son --, the best he can, etc.; le --, best; regardez --, look more closely. mignon, -ne, _adj._ and s. darling, dainty, cunning, dear little. migraine, _f._ sick-headache. milice, _f._ militia. milieu, _m._ middle, midst, middle ground, surroundings. militaire, _adj. and m._ military, soldier. mille, _card._ one thousand; -- et deuxieme, _ord._ thousand and second (in this and in the next two words _ll_ is not liquid). millier, _m._ about one thousand, thousand. million, _m._ million. Milon, Milo. minaret, _m._ minaret. minauder, _v._ to simper, mince, smirk. minauderie, _f._ smirking, simpering. mince, _adj._ thin, slender, narrow. mine, _f._ look, appearance. mine, _f._ mine. minerai, _m._ ore. ministere, _m._ department (of a cabinet minister), building for the administration offices, ministry, cabinet. ministre, _m._ minister; adjectively: ministerial. minuit, _m._ midnight. minute, _f._ minute; de cinq minutes en cinq minutes, every five minutes. minutieux, -euse, _adj._ minute, searching (_t_ pronounced as _c_). mioche, _m., f._ brat, youngster. miracle, _m._ miracle. mirage, _m._ mirage. miroir, _m._ mirror. miroiter, _v._ to glitter, shine, reflect light. Miromesnil (rue de), Parisian street crossing the Boulevard Malesherbes (pronounced: _Miromenil_). miserable, _adj. and s._ miserable, wretched, wretch. misere, _f._ misery, destitution, hardship. misericorde, _f._ mercy. Moallakats, a collection of seven Arabic poems of different authors in the 6th and 7th centuries (also written Moallakat). mobile, _adj._ movable, mobile, unsteady, variable, in motion, restless. mode, _f._ manner, style, fashion; marchande de modes, milliner; a la --, in style. modele, _m._ model. moderation, _f._ moderation. modere, -e, _adj._ moderate. moderne, _adj._ modern. modeste, _adj._ modest. modestement, _adv._ modestly. modestie, _f._ modesty. modifier, _v._ to modify. moelle, _f._ marrow (in this and in the next word _oe_ is pronounced as _oi_ in moi). moelleux, -euse, _adj._ soft. moeurs, _f. pl._ manners, habits, customs (_s_ pronounced). moi, _conj. and disj. pr._ me, to me, I, myself. moignon, _m._ stump (of an arm, etc.). moi-meme, _pr._ myself, I myself. moindre, _adj._ less; le --, least, the slightest. moins, _adv._ less, the less; le --, least; au --, at least; du --, at least; a -- que or de, unless; pour le --, at the least. mois, _m._ month. moisissure, _f._ mold. moisson, _f._ harvest. moite, _adj._ moist, damp. moitie, _f._ half; a --, half. moleskine, _f._ moleskin (corduroy, etc.; sometimes applied to imitation leather). mollesse, _f._ softness, laxness, enervation. molleton,_ m._ swanskin (soft woollen stuff). molosse, _m._ mastiff. mome, _m., f._ youngster, "kldquo;kid" (familiar). moment, _m._ moment. momie, _f._ mummy. mon, ma (mes, _pl.), poss. adj. pr._ my. monarchie, _f._ monarchy. Monceau (le parc), an attractive park in the northwestern section of Paris. monde, _m._ world, people, society; tout le --, everybody. monnaie, _f._ change, coin. monocle, _m._ monocle. monotone, _adj._ monotonous. monsieur (messieurs, _pl.), m._ mister, sir, gentleman, the gentleman; abbreviated: M., Mr.; -- son pere, his father (pronounced: _mesieu_). monstre, _m. and adj._ monster, monstrous. monstrueux, ~euse, _adj._ monstrous. mont, _m._ mount. montagne, _f._ mountain. monter, _v._ to mount, go up, ascend, come up, get in. Montivilliers, small Norman town between le Havre and Fecamp (_ll_ not liquid). montre, _f._ watch, exhibition, show-window. montrer, _v._ to show, indicate, point out; se --, show oneself, appear. montueux, -euse, _adj._ hilly. monture, _f._ mount, horse (for riding). monumental, -e, _adj._ monumental. moquer, _v._ to mock; se -- de, make fun of, care nothing about; s'en -- pas mal, not care a rap about it. moral, -e, _adj._ moral, mental; faire de la morale a, to preach to, exhort. morceau, _m._ morsel, bit, piece. mordieu, _interj._ by heaven!, etc. mordre, _v._ to bite. morgue, _f._ pride, arrogance. morne, _adj._ gloomy, mournful, sad. mornifle, _f._ slap on the jaws. morsure, _f._ bite. mort, _f._ death; -- -qui-trompe, deceptive death, death in ambush. mortel, -le, _adj. and s._ mortal. mortifier, _v._ to mortify. morue, _f._ codfish. mosaique, _f._ mosaic. Moscou, Moscow. mosquee, _f._ mosque. mot, _m._ word; un bon --, a witty remark. motif, _m._ motive. motte, _f._ clod, lump. mou, molle, _adj._ soft, nerveless, flabby. mouche, _f._ fly; faire --, to hit the bull's-eye; -- a vapeur, small steamboat used on French rivers. moucheron, _m._ gnat, "kldquo;kid" (slang in the latter sense). moucheter, _v._ to spot, speckle. mouchoir, _m._ handkerchief. moufle, _f._ mitten. mouiller, _v._ to wet, bathe, cast (anchor); se --, become wet. mouillure, _f._ wetness, wetting, dampness. moulin, _m._ mill. mourir, _v._ to die; se --, be dying; faire --, make die, kill, execute; -- pour --, as well die one time as another; mort -e, _adj. and s._ dead, spent (bullet), dead man, etc. mousquet, _m._ musket. mousqueterie, _f._ musketry. mousse, _f._ moss, foam. mousse, _m._ cabin-boy. mousseline, _f._ muslin. mousseux, -euse, _adj._ foamy, frothy. moustache, _f._ mustache. moutard, _m._ urchin, brat. mouton, _m._ sheep, mutton. mouvement, _m._ movement, motion, impulse. mouvoir, _v._ to move; mouvant, -e, adj. moving, busy. moyen, -ne, _adj. and m._ average, mean, medium, middle, means, resource, way; au -- de, by means of. moyenageux, -euse, _adj._ medieval. Mozart, (Wolfgang Amadeus), noted German composer of _Marriage of Figaro, Don Giovanni, Requiem_; etc., (1756-1791). muet, -te, _adj. and s._ mute, silent. muezzin, _m._ muezzin (Mohammedan priest who announces from the minaret the hour for prayer). mule, _f._ mule. mulon, _m._ great heap of salt. Munster, Muenster (small Alsatian town). mur, _m._ wall. mur, -e, _adj._ ripe, mature. muraille, _f._ wall, rampart. murer, _v._ to wall up. murir, _v._ to ripen, mature, develop. murmure, _m._ murmur, murmuring. murmurer, _v._ to murmur. mutualite, _f._ mutuality. muscle, _m._ muscle. muse, _f._ muse. musicien, _m._ musician. musique, _f._ music; faire de la --, to play. mystere, _m._ mystery. mysterieux, -euse, _adj._ mysterious. mystification, _f._ mystification, hoax. mythologique, _adj._ mythological. N n', _see_ ne. nabab, _m._ nabob. nacre, _f._ mother-of-pearl. nager, _v._ to swim. naguere, _adv._ lately, but now, not long ago. naissance, _f._ birth. naitre, to be born; ne, -e, born. naivement, _adv._ ingenuously, artlessly. Nantes, important city on the lower Loire. Napoleon III, French Emperor from 1852 to 1870. nappe, _f._ tablecloth, sheet (of water, light, etc.). narguer, _v._ to defy, snap one's fingers at. narguilhe, _m._ narghile (Oriental water pipe for smoking; usually written narguile). narine, _f._ nostril. natal, -e, _adj._ natal, native. natif, -ive, _adj. and s_. native. national, -e, _adj._ national. nature, _f._ nature, kind. naturel, -le, _adj. and m._ natural, disposition, nature, naturalness. naturellement, _adv._ naturally. naviguer, _v._ to sail. navire, _m._ ship, vessel. navrer, _v._ to break the heart of; navrant, -e, heartrending, distressing; navre, -e, heart-broken; le coeur navre, heart-broken. ne, _adv._ (usually with pas, point, etc.), not (frequently pleonastic). neanmoins, _adv._ nevertheless, notwithstanding. nebuieux, -euse, _adj._ nebulous, glooiny, disturbing. necessaire, _adj._ necessary. necessite, _f._ necessity. necropole, _f._ necropolis (catacombs). negliger, _v._ to neglect, slight. negociant, _m._ merchant, trader. negre, _adj. and m._ negro. neige, _f._ snow; eau de --, melted snow, water chilled with snow. nerf, _m._ nerve, sinew (_f_ pronounced). nerveux, -euse, _adj._ nervous. Nesmond, noble French family prominent in the 17th and 18th centuries. net, -te, _adj._ neat, clear, short; couper --, to cut short or squarely off (_t_ pronounced). nettement, _adv._ clearly, plainly. nettete, _f._ neatness, clearness, distinctness. nettoyer, _v._ to clean, clean out. neuf, _card._ nine. neuf, neuve, new; de --, freshly. neveu, _m._ nephew; petit --, great nephew. Newton (Sir Isaac), the famous English mathematician, physicist, astronomer and philosopher, especially noted for his discovery of the laws of gravitation and for his work on light (1642-1727). nez, _m._ nose; devant le --, before the face; fermer sur le --, to shut in the face (pronounced: _ne_). ni, _conj._ nor; -- ... --, neither ... nor. niaiserie, _f._ nonsense. niche, _f._ niche, recess, kennel. Nicolas, Nicholas. nid, _m._ nest. niece, _f._ niece. Nil (le), _m._ the Nile. Nimes, city in the department of Gard. noble, _adj. and s._ noble. noblesse, _f._ nobility. noce, _f._ wedding; _pl._ wedding. Noel, _m._ Christmas; la --, the Christmas festival; le petit --, Santa Claus. noir, -e, _adj. and m._ black; le Noir, gangrene; voir tout en --, to look on the dark side of everything. noircir, _v._ to blacken. noircisseur, _m._ dyer in black, scribbler. noix, _f._ nut, Middle part, pope's eye (of meat). nom, _m._ name; -- de --, euphemistic oath. nombre, _m._ number; -- de, a number of. nombreux, -euse, _adj._ numerous. nommer, _v._ to name; nomme, -e, _adj. and s._ named, one called. non, adv. no, not; -- pas, not, not at all. non bis in idem, not twice in the same place (Latin). nonchalamment, _adv._ nonchalantly, carelessly, heedlessly. nonchalant, -e, _adj._ listless, unmindful, nonchalant. non-seulement, _adv._ not only. nopal, _m._ nopal (cactus). nord, _m._ north; -- est, north-east (_d_ is not pronounced in nord, but is pronounced in nord-est). normal, -e, _adj._ normal, natural. normand, -e, _adj. and s._ Norman (written Normand when _s._). Normandie, _f._ Normandy (former French province on the English Channel). nos, _see_ notre. notable, _adj._ notable. notaire, _m._ notary. notamment, _adv._ especially, particularly. note, _f._ note, bill. notion, _f._ notion, idea. notre (nos, _pl.), poss. adj. pr._ our. notre, _poss. adj. pr._ ours (usually with article). nouer, _v._ to knot, tie, tie up. noueux, -euse, _adj._ knotty, knotted. Nourmahal, popular Oriental name because of the wife of a Mogul emperor, who bore this name in the 17th century. nourrice, _f._ wet-nurse. nourrir, _v._ to nourish, nurse, support, feed. nourriture, _f._ food. nous, _conj. and disj. pr._ we, us, to us. nous-memes, _pr._ we ourselves, ourselves. nouveau, (nouvel before vowels), -elle, _adj._ new, other; de --, anew, again; nouvelle(s), f. news, piece of news, story (longer than the conte and shorter than the roman); de vos nouvelles, news of you; ---ne, new-born child, etc.; avoir des nouvelles de, to hear from. nouvellement, _adv._ newly, recently. Novare, Novara (city of northern Italy). novembre, _m._ November. noyau, _m._ stone (of fruit). noyer, _v._ to drown, swamp. nu, -e, _adj._ naked, bare; a --, bare, exposed, openly; -- pieds, barefooted. nuage, _m._ cloud. nuageux, -euse, _adj._ cloudy, somber. nuance, _f._ tint, shade. nudite, _f._ nudity, nakedness, bareness. nuee, _f._ thick cloud. nuire, _v._ to injure, be harmful. nuit, _f._ night; la --, the night, at night. nul, -le, _adj. and pr._ no, no one. nullement, _adv._ in no wise, by no means. numero, _m._ number. nuptial, -e, _adj._ nuptial, marriage (_t_ pronounced as _c_). nuque, _f._ nape (of the neck). O o, _interj._ O! obeir, _v._ to obey. obeissance, _f._ obedience. objet, _m._ object. obligeamment, _adv._ obligingly, courteously. obliger, _v._ to oblige; obligeant, -e, adj. kind; rester l'oblige, remain the debtor. oblique, _adj._ oblique, slanting. obscur, -e, _adj._ obscure, clark. obscurcir, _v._ to darken. obscurite, _f._ obscurity, darkness. obseder, _v._ to beset (in this and in the next two words _b_ is pronounced as _p_). observation, _f._ observation. observer, _v._ to observe, watch, look at. obstacle, _m._ obstacle. obstination, _f._ obstinacy. obstine, -e, _adj._ obstinate. obstinement, _adv._ obstinately. obstruer, _v._ to obstruct. obtenir, _v._ to obtain, get (_b_ pronounced as _p_). obus, _m._ shell (_s_ pronounced as _z_). occasion, _f._ occasion, opportunity, cause. occupation, _f._ occupation. occuper, _v._ to occupy; s'--, occupy oneself, be occupied, busy oneself, attend. ocean, _m._ ocean. odalisque, _f._ odalisque (slave of a woman in the harem). odeur, _f._ odor. odorant, -e, _adj._ odorous, fragrant, sweet-smelling. odorat, _m._ sense of smell. oeil (yeux, pl.), _m._ eye, glance; regarder d'un -- favorable, to look upon favorably. oeillade, _f._ ogling, sheep's eye. oesophage, _m._ esophagus (pronounced: _esophage_). oeuf, _m._ egg (_f_ pronounced in the singular, but not in the plural). offense, _f._ offense, affront. offenser, _v._ to offend, hurt, injure, insult; offensant, -e, _adj._ offensive. offensif, -ive, _adj._ offensive. officier, _m._ officer. offre, _f._ offer. offrir, _v._ to offer, offer the opportunity or the hospitality of; s'--, be offered, be presented; m'-- sa maison, offer me the hospitality of his house; -- a boire, offer a drink to. oh, _interj._ oh! ohe, _interj._ ho!, hello! oiseau, _m._ bird; -- -mouche, humming-bird. oisivete, _f._ idleness. olive, _f._ olive, ornament or button of this shape. olympien, -ne, _adj._ Olympian. ombre, _f_. shade, shadow. ombre, -e, _adj._ shaded. omelette, _f_. omelet. omettre, _v._ to omit. omnibus, _m._ omnibus (_s_ pronounced). on, _indef. pr._ one, people, they, you, we (accompanying verb may often be translated as a passive). oncle, _m._ uncle; -- a la mode de Bretagne, first cousin. onde, _f._ wave, billow. ondee, _f._ shower. ongle, _m._ nail, claw. onze, _card._ eleven (elision no longer allowed before this word). opera, _m._ opera. operation, _f._ operation. operer, _v._ to operate; s'--, be effected, wrought. opinion _f._ opinion. opposer, _v._ to oppose, prevent; si ca ne vous opposait pas, if you didn't mind. or, _conj._ now, but. or, _m._ gold. orage, _m._ storm. orateur, _m._ orator. orchestre, _m._ orchestra (_ch_ pronounced as _k_). ordinaire, _adj._ ordinary, usual; d'--, a l'--, ordinarily; a son --, as usual, in his usual manner. ordinairement, _adv._ ordinarily. ordonnance, _f._ ordinance, regulation, orderly; pistolet d'--, army pistol. ordonner, _v._ to order. ordre, _m._ order. oreille, _f._ ear; dire a l'-- a, to say in a low tone to. oreiller, _m._ pillow. orfevre, _m._ goldsmith. organiser, _v._ to organize, form, start, make. orgueil, _m._ pride. orgueilleux, -euse, _adj._ proud. Orient, _m._ Orient, East. oriental, -e, _adj. and s._ Oriental. original, -e, _adj. and m._ original. originel, -le, _adj._ original, primitive (chiefly used in such phrases as: peche --, etc.). ormeau, _m._ young elm. ornement, _m._ ornament. orner, _v._ to ornament, adorn. orniere, _f._ rut. orphelin, _m._ orphan. os, _m._ bone (_s_ pronounced in the singular, but not in the plural). osciller, _v._ to oscillate, swing, sway. oser, _v._ to dare. Osiris, ancient Egyptian god, protector of the dead and a sun god, husband and brother of Isis. osseux, -euse, _adj._ bony, knarled. oter, _v._ to remove, take off or away. ou, _conj._ or; -- ... --, either ... or; -- bien, or, or on the other band. ou, _adv._ where, in which, when; d'--, whence, from where, out of which; par --?, which way?, by which?; dans le cas --, in case. oublier, _v._ to forget; s'-- a dormir, forget and go to sleep. ouest, _m._ west (_st_ pronounced). ouf, _interj._ oh!, ah! (usually expresses relief). oui, _adv._ yes. ouragan, _m._ hurricane. ourdisseur, -euse, _m., f._ warper. outil, _m._ tool. outre, _prep. and adv._ beyond, beside; en --, in addition, besides; -- Manche, across the Channel. ouverture, _f._ opening. ouvrage, _m._ work, work of art, structure. ouvrage, -e, _adj._ worked, figured, wrought, carved. ouvrier, -ere, _adj. and s._ working, workman, workwoman. ouvrir, _v._ to open; s'--, open, draw aside; ouvert, -e, open, frank, cordial. P pacifique, _adj._ pacific, peaceful. pacifiquement, _adv._ peacefully, peaceably. page, _f._ page. paien, -ne, _adj. and s._ pagan. paillasse, _f._ straw mattress. paille, _f._ straw. pailleter, _v._ to bespangle. paillette, _f._ spangle, golden flake. pain, _m._ bread, loaf; bon comme le --, good as gold. paire, _f._ pair. paisiblement, _adv._ peacefully. paix, _f._ peace. palais, _m._ palace; -- de justice, court-house. Palais-Bourbon, _m._ palace on the left bank of the Seine opposite the Place de la Concorde, erected in 1722, for a member of the Bourbon family, now used by the Chamber of Deputies. palanquin, _m._ palanquin (litter). pale, _adj._ pale. paletot, _m._ overcoat. paleur, _f._ pallor. palier, _m._ landing (of a staircase). palir, _v._ to become pale. palissade, _f._ palisade, stockade. palmier, _m._ palm, palm-tree. palot, -te, _adj._ palish, wan. palpiter, _v._ to palpitate; palpitant, -e, adj. palpitating, throbbing, quivering. paludier, _m._ salt-maker. pan, _m._ side, skirt, face. pan, _interj._ bang! panier, _m._ basket, hoop-skirt. panneau, _m._ panel. panse, _f._ paunch, belly. pansement, _m._ dressing. pantalon, _m._ pair of trousers, trousers. pantin, _m._ jumping-jack. Paolo, Paul (Italian). paon, _m._ peacock; yeux de --, peacock's eyes (of the feathers; _o_ not pronounced). papa, _m._ papa; p'pa, baby's pronunciation of papa. pape, _m._ pope. papier, _m._ paper; _pl._ papers, passport. papillon, _m._ butterfly. papyrus, _m._ papyrus (paper and plant; _s_ pronounced). Paques, _m._ Easter. paquet, _m._ package, pack, bundle, mass. par, _prep._ by, through, with, because of, for, along, by way of, in, in the name of, on; -- jour, a day. paradis, _m._ paradise. paraitre, _v._ to appear. paralyser, _v._ to paralyze. paralytique, _adj. and s._ paralyzed, paralytic. parapet, _m._ parapet. parbleu, _interj._ gad!, upon my word!, by George! parc, _m._ park (_c_ pronounced). parcelle, _f._ bit, parcel. parce que, _conj._ because. parcourir, _v._ to run through or over, look over, cover; -- de l'oeil, glance over. pardi, _interj._ truly, certainly, by George!, really. pardon, _m._ pardon, I beg your pardon. pardonner, _v._ to pardon. pareil, -le, _adj. and s._ similar, like, such, such a. pareillement, _adv._ similarly, likewise, too. parent, -e, _m., f._ relative; _pl._ relatives, parents. parer, _v._ to adorn, attire, dress up, ward off, parry. parfait, -e, _adj._ perfect. parfaitement, _adv._ perfectly. parfois, _adv._ at times. parfum, _m._ perfume, flavor. parfumer, _v._ to perfume, scent. parfumerie, _f._ perfumery. parier, _v._ to wager, bet. Paris, Paris. parisien, -ne, _adj. and s._ Parisian (written Parisien when _s._). parlementaire, _adj._ parliamentary. parler, _v._ to speak, talk, talk of. parmi, _prep._ among. paroisse, _f._ parish, parish., church. parole, _f._ word, speech; prendre la --, to speak; adresser la -- a, speak to. paroli, _m._ paroli, double stake or bet. parrain, _m._ godfather. part, _f._ part, direction, share; d'une --, on the one hand; d'autre --, on the other hand; quelque --, somewhere, anywhere; de -- en --, through and through. partager, _v._ to share, divide, distribute. parterre, _m._ rear of orchestra, pit (theater). parti, _m._ party, decision, side, match; prendre le (son) --, to make up one's (his) mind; prendre un --, come to a decision, en tirer --, reap advantage, profit by it. participation, _f._ participation. participer, _v._ to participate, take part, be an accomplice. particulier, -ere, _adj._ particular, peculiar, private. particulierement, _adv._ particularly. partie, _f._ part, portion, game; avoir -- gagnee, to win. partir, _v._ to depart, leave, burst out, set out, go off, give vent; begin; a -- de, from; partant, m. departing one. partout, _adv._ everywhere; de --, from everywhere, on all sides. parure, _f._ ornament, set of jewels, attire. parvenir, _v._ to reach, attain, succeed, arrive; parvenu, -e, _m., f._ parvenu, parvenue, upstart. pas, _m._ step, pace; de ce --, at once, directly; sur mes --, at my heels. pas, _adv._ not, no; ne ... --, not, no. passablement, _adv._ passably, tolerably. passage, _m._ passage, passing, trip across, going by, path. passager, _m._ passenger. passe, _f._ pass, passage, channel. passe, _interj._ let it pass, all right. passementer, _v._ to lace, adorn. passer, _v._ to pass, pass over, take across, put, go by, pass through one's mind, put on; se --, pass, happen, take place; elle s'est fait -- ici, she got herself taken to this place; un frisson me passa dans le dos, a shiver ran along my back; passant, -e, _adj. and s._ passing, passer-by; passe, -e, _adj. and m._ past. passerelle, _f._ foot-bridge. passion, _f._ passion, love. passionner, _v._ to impassion; passionne, -e, _adj._ passionate. pasteque, _f._ watermelon. pasteur, _m._ pastor. patee, _f._ paste, mess (for dogs, etc.), porridge. paterne, _adj._ grandmotherly, over-kindly. paternel, -le, _adj._ paternal, father's. paternellement, _adv._ paternally. paternite, _f._ paternity. pateux, -euse, _adj._ pasty, sticky, clammy. patience, _f._ patience (in this and in the next word _ti_ is pronounced as _ci_). patient, -e, _adj._ patient, long-suffering, constant. patir, _v._ to suffer. patrie, _f._ native land. patriote, _adj. and s._ patriotic, patriot. patron, _m._ patron, master, employer. patte, _f._ paw, foot, claw; a quatre pattes, on all fours. paturage, m. pasturage, pasture; couleur de --, grass-green. Paul 1er, Paul I (Russian Emperor; reigned: 1796-1801). Pauline, Paulina. Paumelle, proper name; _cf._ paumelle, long-eared barley, hand-leather (for protecting the hand in sewing). paupiere, _f._ eyelid. pause, _f._ pause. pauvre, _adj. and s._ poor, pitiful, late, poor person, beggar; pauvres nous, alas for us. pauvresse, _f._ poor woman, beggar. pauvrete, _f._ poverty. pave, _m._ pavement. paver, _v._ to pave. pavillon, _m._ pavilion, flag, canopy. payement, _m._ payment. payer, _v._ to pay, pay for. pays, _m._ country (pronounced: _Peyi_; the same pronunciation occurs in the next two words). paysage, _m._ landscape, scenery. paysan, -ne, _m., f. and adj._ peasant. peau, _f._ skin. pecaire, _interj._ what a pity; (compassionate interjection used in Provence). peche, _f._ peach. peche, _f._ fishing, catch, fishing trip; aller a la --, to go fishing. peche, _m._ sin. pecher, _v._ to fish, fish for. pecheur, pecheresse, _m., f._ sinner. pecheur, -euse, _m., f. and adj._ fisherman, fisherwoman, fishing. peindre, _v._ to paint, picture. peine, _f._ suffering, grief, pain, difficulty, trouble, labor, hard work, anxiety, torment; a --, scarcely; c'est a -- si, scarcely. peiner, _v._ to trouble, pain. peinture, _f._ painting, paint. pelisse, _f._ pelisse, fur coat. pelle, _f._ shovel. peloton, _m._ ball of worsted, platoon, group; -- de travail, shift. penchant, _m._ slope, propensity. pencher, _v._ to bend, lean, bow; se --, bend, lean, lean over; penche, -e, bent, bowed, leaning. pendant, _prep._ during, for (time); -- que, _conj._ while. pendre, _v._ to hang. pendule, _f._ clock, mantel-clock. penetration, _f._ penetration. penetrer, _v._ to penetrate, fathom, pervade, enter, go in, invade. penible, _adj._ difficult, laborious, painful, distressing. penitence, _f._ penitence; penance. pensee, _f._ thought, thinking. penser, _v._ to think, think out; pensez, think, you may imagine. penseur, _m._ thinker. pensif, -ive, _adj._ thoughtful. pension, _f._ pension, board, boarding-house, boarding-school. pensionnaire, _m., f._ boarder, boarding-school boy or girl. pente, _f._ slope. perce, _f._ borer, drill; mettre en --, to tap. percepteur, _m._ tax-collector. percer, _v._ to pierce, penetrate, be manifest. perche, _f._ pole. percher, _v._ to perch. perclus, -e, _adj._ crippled, paralyzed. perdre, _v._ to lose, ruin, undo; se --, lose oneself, get lost, be lost. perdrix, _f._ partridge (_x_ not pronounced). pere, _m._ father, old man or "Uldquo;Uncle" (title). perfection, _f._ perfection. perfide, _adj._ perfidious. perfidie, _f._ perfidy, treachery. peri, _f._ peri (Oriental fairy). peril, _m._ peril (l pronounced). perilleux, -euse, _adj._ perilous, dangerous. perir, _v._ to perish, be lost, die. perle, _f._ pearl, bead. perle, -e, _adj._ pearly, beaded, clear and silvery (voice). permettre, _v._ to permit, allow. Perotte, dialectic for Pierrette. perron, _m._ perron, elevated stone landing, stoop. perruque, _f._ wig. perruquier, _m._ wig-maker, hair-dresser, barber. Perse, _f._ Persia; tapis de --, Persian rug. persecuteur, _m._ persecutor. persistance, _f._ persistence. personnage, _m._ personage, person, person of importance. personne, _f._ person; _m._ anyone, no one; ne ... --, no one. perspective, _f._ perspective. persuader, _v._ to persuade; en --, convince of it. perte, _f._ loss, ruin; a -- de vue, as far as the eye can reach. peser, _v._ to weigh, lest, bang (over); pesant, -e, _adj._ heavy. petale, _m._ petal. petiller, _v._ to crackle, sparkle. petiot, -e, _adj._ tiny. petit, -e, _adj. and s._ small, little, short, light, small person, little one; -- a --, little by little. petit-maitre, _m._ dandy. petit-neveu, _m._ grand-nephew. petrifier, _v._ to petrify. petrole, _m._ petroleum. peu, _adv. and m._ little, not very, a little, few; -- a --, little by little; un --, a little, somewhat; tant soit --, somewhat; -- de chose, not much, little, of small importance, trifling. peuple, _m._ people, common people, crowd; adjectively: common. peupler, _v._ to people, populate. peur, _f._ fear; faire -- (a), to frighten. peureux, -euse, _adj._ timorous, timid. peut-etre, _adv._ perhaps; -- que, perhaps. phalange, _f._ phalanx. Phalsbourg, Pfalzburg (former French town in Lorraine, ceded to Germany in 1871). pharaon, _m._ faro (card-game, in which the players bet on the order in which the dealer or banker will deal the cards); faire une banque de --, to be the banker in a game of faro. pharmacien, _m._ apothecary, druggist. phenomene, _m._ phenomenon. philosophe, _m._ philosopher. philosophique, _adj._ philosophical. phosphorescent, -e, _adj._ phosphorescent. phrase, _f._ phrase. physionomie, _f._ physiognomy, face. piailler, _v._ to bawl, squeal, screech. Pie Vll, Pius VII, Pope: 1800-1823; Pie VIII, Pope: 1829-1830; Pie IX, Pope: 1846-1878; Pie X, Pope: 1903-1914. piece, _f._ piece, room, play. pied, _m._ foot; arme au --, weapon resting on the ground. Pierre, Peter; saint --, Saint Peter. pierre, _f._ stone. Pierrette, feminine diminutive of Pierre. Pierron, survival of the Old French oblique case of Pierre. pieu, _m._ stake, "bldquo;bunk" (slang in last sense). pieux, -euse, _adj._ pious. pilastre, _m._ pilaster. pile, _f._ pile, heap, reverse (of a coin); jouer a croix ou --, to toss (a coin) for. pilier, _m._ pillar, maintainer; steady customer, habitue. piller, _v._ to plunder. pilori, _m._ pillory. Pimenti, proper name (_cf._ Italian _pimento_, cayenne pepper). pince, _f._ pinch, pincers, claw. pinceau, _m._ brush (painter's). Pinchon (Robert), intimate friend of de Maupassant; many of the anecdotes relating to de Maupassant are due to his published souvenirs; he was also a librarian in Rouen. pioche, _f._ pickax, mattock. pipe, _f._ pipe. piquer, _v._ to prick, stick, bite, peck; piquant, -e, prickly, sharp, biting, stinging, keen. pire, _adj._ worse; le --; worst. Piriac, village and port in the department of Loire-Inferieure. pis, _adv._ worse; le --, worst; tant --, so much the worse. pissenlit, _m._ dandelion. pistil, _m._ pistil (_l_ pronounced). pistolet, _m._ pistol. piteux, -euse, _adj._ pitiful, woeful. pitie, _f._ pity. pitoyable, _adj._ pitiful. pivert, _m._ green woodpecker. pivoine, _f._ peony. place, _f._ place, square, position, stronghold, room; sur --, on the spot; -- forte, stronghold; faire -- a, to make way for; -- d'Armes, parade-ground. placer, _v._ to place. placide, _adj._ placid. plafond, _m._ ceiling. plage, _f._ shore, beach. plaie, _f._ wound, gare. plaindre, _v._ to pity; se -- de; complain of, lament. plaine, _f._ plain. plainte, _f._ complaint, wail. plaire, _v._ to please; plut a Dieu, would to God; se --, be pleased; s'il vous plait, if you please; plaisant, -e, _adj. and s._ pleasing, pleasant, joker; mauvais plaisant, sorry or practical joker, joker. plaisanter, _v._ to joke, jest. plaisanterie, _f._ joke. plaisir, _m._ pleasure. plan, _m._ plan, plane. planche, _f._ plank, board, skinny woman (slang in last sense). plancher, _m._ floor. planer, _v._ to goal. plante, _f._ plant. planter, _v._ to plant, place, fix; -- la, plant there, give the slip to, leave in the lurch. plaque, _f._ tablet, metal badge. plat, _m._ dish. plat, -e, _adj._ flat. platane, _m._ plane-tree. plateau, _m._ platter. plate-bande, _f._ border (of a flower-bed, etc.). plate-forme, _f._ platform. platras, _m._ old plaster, rubbish. platre, _m._ plaster. plebeien, -ne, _adj. and s._ plebeian. plein, -e, _adj._ full, open (air, field, door, etc.); en --, in the middle or midst of, completely, all; en pleine figure, right in the face; en -- decembre, in the middle of December; a pleins cheveux, right by the hair; a pleine bouche, with mouth wide open, lapping up without using the hands. pleinement, _adv._ fully. pleurer, _v._ to weep, weep for; -- a chaudes larmes, to shed hot tears. pli, _m._ fold, bend, plait, depression, hollow, elevation. pliable, _adj._ pliable, flexible. pliant, _m._ folding-chair, camp-stool. plier, _v._ to fold, bend. plisser, _v._ to plait, crease, wrinkle. plomb, _m._ lead (_b_ not pronounced). plombe, -e, _adj._ leaden, livid. plongeon, _m._ plunge, dive, dipping, dip. plonger, _v._ to plunge, dive, throw or stick in. pluie, _f._ rain. plume, _f._ feather, pen; -- a l'oreille, pen over the ear. plus, _adv._ more, in addition, some more, plus, no more; le --, most; -- ... --, the more...the more; ne ... --, no longer, never more; non --, either; de --, in addition, more; de -- en --, more and more; de -- ou de moins, more or less (when = "sldquo;some more" or "pldquo;plus" or when emphatic, _s_ is pronounced). plusieurs, _adj., pl._ several. plutot, _adv._ rather, sooner. poche, _f._ pocket. poele, _m._ stove; _f._ frying-pan (_oe_ in this and in the next word is pronounced as _oi_ in poil). poelee, _f._ panful. poeme, _m._ poem. poesie, _f._ poetry, poesy, poem. poete, _m._ poet; adjectively: poetic. poetiquement, _adv._ poetically. poids, _m._ weight. poignee, _f._ handful, hilt. poignet, _m._ wrist. poil, _m._ hair (usually of the body or of an animal). poilu, -e, _adj._ hairy. poindre, _v._ to sting, dawn, rise, appear. poing, _m._ fist. point, _m._ point place; en tout --, in every respect; troubler au dernier --, to disturb in the highest degree. point, _adv._ not at all; ne ... --, not at all. pointe, _f._ point, tip; sur la -- du pied, on tiptoe; casque a --, pointed helmet. pointer, _v._ to point, aim. pointu, -e, _adj._ pointed. poirier, _m._ pear-tree. poisson, _m._ fish. Poissy, town on the Seine near Versailles, contains a prison (see context). poitrine, _f._ breast, chest. poivre, _m._ pepper. poix, _f._ pitch; Doigt-de-Poix, Light-fingered. poli, -e, _adj._ polite, polished. police, _f._ police. poliment, _adv._ politely. polisson, -ne, _adj. and s._ mischievous, naughty, broad (of a joke), scamp. politique, _adj. and s._ political; _m._ politician; _f._ politics. polonais, -e, _adj. and s._ Polish, Pole (written Polonais when _s._). Polyte, abbreviation of Hippolyte. pomeranien, -ne, _adj._ Pomeranian (of the Prussian province of Pomerania). pomme, _f._ apple; -- de terre, potato. pommeau, _m._ pummel. pommier, _m._ apple-tree. pompe, _f._ pomp, splendor. pompe, _f._ pump. pomper, _v._ to pump. pompon, _m._ topknot, tuft. poney, _m._ pony. pont, _m._ bridge, deck. ponte, _m._ punter (any player but the banker at faro). ponter, _v._ to punt (bet against the banker at faro, roulette, etc.). ponton, _m._ pontoon; -- d'embarquement, floating dock. populaire, _adj._ popular. population, _f._ population. porc, _m._ pig, pork (_c_ is now usually pronounced in this word). porcelaine, _f._ porcelain. poreux, -euse, _adj._ porous. port, _m._ port, wharf. portail, _m._ portal, large door, front of a church. porte, _f._ door, gate, doorway, door-sill; assis (debout) sur la --, seated (standing) on the door-step. porte-amarre, _m._ apparatus for throwing a cable; fusil --, rocket-gun, life-rocket. porte-cigarres, _m._ cigar-case. portee, _f._ reach, range, shot. portefeuille, _m._ portfolio, pocket-book. porter, _v._ to carry, bear, wear, support, contain (information); se --, be (of the health); qui ne s'en portera pas plus mal, which will not be any the worse for it; l'un portant l'autre, on an average. porteur, _m._ bearer, porter. portiere, _f._ door-curtain, carriage-door. portion, _f._ portion, piece. portrait, _m._ portrait. pose, _f._ pose. poser, _v._ to place, put, set down, ask (a question); se --, be placed, place oneself, alight; pose sur, sitting on (of a bird). position, _f._ position. posseder, _v._ to possess, own, have. possesseur, _m._ possessor, owner. possession, _f._ possession. possible, _adj._ possible; au --, most possible. poste, _f._ post, post-office, mail, mail-coach; chaise de --, post-chaise; _m._ military post, post, position. poster, _v._ to post; se --, to be posted or established. postillon, _m._ postilion. posture, _f._ posture. pot, _m._ pot. potage, _m._ thick soup. potence, _f._ gallows, gibbet. pouce, _m._ thumb, inch. Pouchkine, Pushkin (Alexander), Russian lyric poet, dramatist and novelist, born in Moscow (1799-1837). poudre, _f._ powder, dust; en --, powdered. poudrer, _v._ to powder, sprinkle (powder, dust, money, etc.) on. poudreux, -euse, _adj._ dusty. poudroyer, _v._ to be dusty. pouiller, _v._ to get the lice out of, clean, get into. poulailler, _m._ chicken-house. poule, _f._ hen, fowl, chicken; chair de --, goose-flesh. poulet, _m._ chicken. poulie, _f._ pulley. poupee, _f._ doll. pour, _prep._ for, to, in order to, in regard to; -- que, _conj._ that, in order that, for; substantively: le -- et le contre, the pros and cons; -- deux sous, two cents' worth. pourboire, _m._ tip. pourpre, _adj. and m._ purple (varying from violet to crimson). pourquoi, _conj. and adv._ why, why? pourrir, _v._ to rot. pourriture, _f._ rot, decay, putrefaction. poursuite, _f._ pursuit. poursuivre, _v._ to pursue, follow up, continue, keep. pourtant, _adv. and conj._ however, nevertheless. pourvu que, _conj._ provided that. pousser, _v._ to push, thrust, send forth, exhale, push to or in or open, utter, urge on, heave, shoot (a bolt), give. poussiere, _f._ dust. poussif, -ive, _adj._ short-winded, puffing. poussin, _m._ young chicken. pouvoir, _v._ to be able, can, may, be able to do; se --, be possible; n'en -- plus, be tired out, be utterly exhausted; _m._ power. pratique, _adj. and f._ practice, practical. pratiquer, _v._ to practice, frequent, put up, make. precaution, _f._ precaution. precedent, -e, _adj._ preceding. preceder, _v._ to precede. precieux, -euse, _adj._ precious. precipitamment, _adv._ precipitately, hurriedly. precipitation, _f._ precipitation, hurry. precipiter, _v._ to precipitate, throw; se --, rush forth, rush forward, rush, throw oneself; precipite, -e, precipitate, hurried, hasty. precis, -e, _adj. and m._ precise, summary. precisement, _adv._ precisely, exactly. prediction, _f._ prediction. prefecture, _f._ prefecture (office of the prefect of a department or of the Prefect of Police in Paris). preference, _f._ preference. preferer, _v._ to prefer. prefet, _m._ prefect (head of a French department or of the police in Paris). prejuge, _m._ prejudice, precedent. prelever, _v._ to levy, take first. premier, -ere, _adj._ first, greatest; porte du --, second story door; gravir le --, to be the first to climb (abbreviated: 1er). prendre, _v._ to take, take on, catch, seize, get, acquire, regard, make (resolutions, arrangements), assume (an air); se -- a, begin; s'y --, go about it; -- le galop, take to a gallop; -- a travers, cut across (country); a tout --, everything considered; -- a la cruche, to attack or take a drink from the jug. prenom, _m._ first or Christian name. preoccupation, _f._ preoccupation. preoccuper, _v._ to preoccupy. preparatoire, _adj._ preparatory. preparer, _v._ to prepare, plan. pres, _prep._ (with de) _and adv._ near, about to; de -- closely, near at hand; de si --, so closely; a peu --, almost, nearly. presage, _m._ omen. presager, _v._ to presage, foretoken, forebode. presence, _f._ presence. present, -e, _adj. and s._ present, person present; _m._ present, gift; a --, at present, now. presenter, _v._ to present. preservatif, _m._ preservative, protection. president, _m._ president, presiding judge. presider, _v._ to preside, preside over. presque, _adv._ almost. presqu'ile, _f._ peninsula. pressentiment, _m._ presentiment. pressentir, _v._ to have a presentiment, foresee. presser, _v._ to press, hurry, urge; se --, be in a hurry, crowd, press, press close; aller d'un pas presse, hurry along; pressant, -e, pressing, urgent; presse, -e, pressed, in a hurry, hurried, quick, hasty. pression, _f._ pressure. presumer, _v._ to presume, conjecture. pret, -e, _adj._ ready. pretendre, _v._ to pretend, claim, lay claim, mean, aspire, maintain, require, insist on. pretentieux, -euse, _adj._ pretentious, pompous (_ti_ pronounced as _ci_). pretention, _f._ pretension, claim. preter, _v._ to lend, attribute; -- serment a, swear allegiance to. pretexte, _m._ pretext, pretense. pretoire, _m._ court-room. pretre, _m._ priest. preuve, _f._ proof. prevenance, _f._ consideration, obligingness, kind attention, kindness. prevenir, _v._ to anticipate, warn, inform. prier, _v._ to pray, beg. priere, _f._ prayer. prieur, _m._ prior. primaire, _adj._ primary. primo, _adv._ firstly, in the first place. prince, _m._ prince; princesse, _f._ princess. principal, -e, _adj. and m._ principal. principalement, _adv._ principally. printemps, _m._ spring. prise, _f._ capture, seizure. prison, _f._ prison. prisonnier, -ere, _m., f._ prisoner. priver, _v._ to deprive; prive, -e; _adj._ private. prix, _m._ price, value, prize, cost. probable, _adj._ probable. probablement, _adv._ probably. probe, _adj._ upright, honest. probite, _f._ probity, honesty, integrity. probleme, _m._ problem. proceder, _v._ to proceed. procession, _f._ procession. prochain, -e, _adj._ next, nearest, coming, immediate. proche, _adj. and s._ near, nigh, near relative. procurer, _v._ to procure, get. prodigieusement, _adv._ prodigiously. prodigieux, -euse, _adj._ prodigious. prodiguer, _v._ to lavish. production, _f._ production. produire, _v._ to produce; se --, be produced, be made, occur. produit, _m._ product. profession, _f._ profession. profil, _m._ profile (_l_ pronounced). profiter, _v._ to profit. profond, -e, _adj. and m._ profound, deep; du plus -- de mon coeur, from the depths of my heart; profonde, _f._ pocket (slang). profondement, _adv._ profoundly, deeply. profondeur, _f._ depth. profusion, _f._ profusion; a --, profusely, abundantly. programme, _m._ program. proie, _f._ prey; en -- a, a prey to. projet, _m._ project, plan. prolonger, _v._ to prolong; se --, be prolonged, extend; -- l'haleine, get a longer wind. promener, _v._ to take about, take out, keep going, keep up, cast; se --, take a walk, ride, etc., walk to and fro. promettre, _v._ to promise. promontoire, _m._ promontory. prompt, -e, _adj._ prompt (in this and in the following word _p_ is not pronounced). promptement, _adv._ promptly. prononcer, _v._ to pronounce, utter, declare, deliver. prophete, _m._ prophet; le Prophete, Mohammed. prophetique, _adj._ prophetic. propice, _adj._ propitious. propos, _m._ purpose, object, remark, talk; a -- de, in regard to. proposer, _v._ to propose; se -- de, think of, intend to. proposition, _f._ proposition. propre, _adj._ proper, clean, own; -- a rien, good for nothing; c'est du --, that's (he's) a pretty mess. proprement, _adv._ properly, correctly. proprietaire, _m., f._ proprietor, proprietress, owner, landowner. propriete, _f._ property, propriety. pro-recteur, _m._ vice-rector (acting head of a German university, the head being the reigning prince). prose, _f._ prose. Prosper-Cesar, Prosper Cresar (the French usually hyphenate two given names). prosperer, _v._ to prosper. prosperite, _f._ prosperity. prosterner, _v._ to prostrate. protecteur, _m._ protector; adjectively: protecting. protection, _f._ protection. proteger, _v._ to protect. protester, _v._ to protest. prouver, _v._ to prove. provencal, -e, _adj._ Provencal, Provencial. Provence, _f._ Provence (the extreme southeastern province in France before the Revolution); rue de --, Parisian street a little north of the Boulevard des Italiens. proverbe, _m._ proverb. providence, _f._ providence; la Providence, Providence. province, _f._ province; de --, provincial. provincial, -e, _adj. and s._ provincial. provision, _f._ provision, supply. provisoirement, _adv._ provisionally, temporarily. provoquer, _v._ to provoke, challenge, invite. prudemment, _adv._ prudently (_em_ pronounced as _am_). prudence, _f._ prudence. prunelle, _f._ pupil, eyeball, eye. Prusse, _f._ Prussia. prussien, -ne, _adj. and s._ Prussian (written Prussien when _s._). public, -ique, _adj. and m._ public. publier, _v._ to publish. puce, _f._ flea; secouer les puces, to shake the fleas from, beat. pudeur, _f._ modesty, bashfulness, shame. puer, _v._ to stink. pueril, -e, _adj._ puerile, childish, boyish (_l_ pronounced). puis, _adv._ then. puiser, _v._ to draw, draw forth, dip. puisque, _conj._ since. puissant, -e, _adj._ powerful, mighty. puits, _m._ well. punch, _m._ punch (pronounced: _ponch_). punir, _v._ to punish. pur, -e, _adj._ pure. purement, _adv._ purely. purgatoire, _m._ purgatory. purger, _v._ to purge, cleanse, clean. putrefaction, _f._ putrefaction. pyramide, _f._ pyramid. pyrosis, _m._ pyrosis (burning pain in the epigastrium; final _s_ pronounced). Q qu', _see_ que. quai, _m._ quay. qualite, _f._ quality, rank, capacity; en sa -- d'etourdi, by virtue of his giddiness or frivolity. quand, _conj._ when, if, even if. quant (a), _adv._ as for, as to. quantite, _f._ quantity. quarantaine, _f._ quarantine, about forty. quarante, _card._ forty. quarante-cinq, _card._ forty-five. quarante-deux, _card._ forty-two. quarante-sept, _card._ forty-seven. quart, _m._ quarter; moins le --, a quarter to. quartier, _m._ quarter, quarters, section, block (of stone, etc.); Quartier Latin, Latin Quarter (on the left bank of the Seine in Paris, in it are the University (Sorbonne) and the principal schools of Paris). quasi, _adv._ almost. quasiment, _adv._ almost, as it were, a sort of. quatorze, _card._ fourteen. quatre, _card._ four; -- a --, four (steps, etc.) at a time. quatre-vingt-dix-neuf, _card._ ninety-nine. quatre-vingts, _card._ eighty. quatrieme, _ord._ fourth. que, _conj. and adv._ that, in order that, than, as, whether, why, how, but (after a negative), let, see that (used also to avoid repetition of a conjunction, then takes the meaning of the first conjunction); ne ... --, only, but, except, what; c'est --, introductory phrase, often better left untranslated, sometimes = it is because, that is, but. que, _rel. pr._ whom, which, what, ever; ce --, what, etc.; ce -- c'est -- de, that is what it is to; je ne sais --, some or other; qu'est-ce -- (c'est --) cela?, what is that?; ce -- de, how much; ce -- c'est que d'habiter, what a life one leads in. que, _int. pr._ what?; qu'est-ce --(qui)?, what? quel, -le, _adj. pr. (rel. or int.)_ what, which, of what kind, who; -- qu'il soit, whoever he may be. quelconque, _indef. adj. pr._ whatever, whatsoever; un ... --, some ... or other. quelque, _indef. adj. pr._ some, a few (_pl._); -- ... que, however; -- chose de brun, something dark. quelquefois, _adv._ sometimes. quelqu'un, -une, (quelques-uns, -unes, _pl.) indef. pr._ someone, somebody. querelle, _f._ quarrel. quereller, _v._ to quarrel; se --, quarrel. querir, _v._ to look for, fetch (used only in infinitive after aller, venir and envoyer). question, _f._ question. questionner, _v._ to question. quetou, _m._ a dialectic word, translate: good-for-nothing pig (used in central France). queue, _f._ tail. queuter, _v._ to cue, strike two billiard balls at once. qui, _rel. pr._ who, which, what, whoever; ce --, who, which, what, etc.; -- ... --, one ... another; de --, whose, etc. qui, _int. pr._ who?, which?, what? quinzaine, _f._ about fifteen, fortnight. quinze, _card._ fifteen; -- jours, two weeks. quitte, _adj._ quit, quits, free; il n'aurait pas ete si facilement -- avec, he would not have got off so easily with. quitter, _v._ to quit, leave, lay aside, take off, let go; ne pas -- des yeux, not to take the eyes off. quoi, _int. and rel. pr._ what, which; de --, wherewith, means, the wherewithal; -- que, whatever; je ne sais -- (de), I don't know what, something; a -- bon?, what is the good of it?; -- qu'il en soit (de), whatever may be, however it may be; sur --, whereupon; -- que ce soit, anything whatsoever; comme --, how. quoique, _conj._ although. R rabattre, _v._ to put down, pull down, lower. rabbin, _m._ rabbi. rabougrir, _v._ to stunt. raccommoder, _v._ to mend, repair. race, _f._ race. racine, _f._ root. racler, _v._ to scrape. raconter, _v._ to tell, tell of, relate, recount. radeau, _m._ raft, float. radieux, -euse, _adj._ radiant. radoter, _v._ to talk nonsense, rlave, dote. raffinement, _m._ refinement. rafraichir, _v._ to refresh, freshen, cool, keep cool; se --, refresh oneself, take some refreshments. rage, _f._ rage. rager, _v._ to rage, storm, be furious. rageusement, _adv._ wrathfully, fretfully. raide, _adj._ stiff, rigid, steep. raideur, _f._ stiffness. raie, _f._ line, streak, part (of the hair). raillerie, _f._ raillery, mockery. railleur, -euse, _adj._ bantering, jesting. railway, _m._ railway (English). raisin, _m._ grape, grapes. raison, _f._ reason; rendre --, to give satisfaction. raisonnable, _adj._ reasonable. raisonnement, _m._ reasoning. raisonner, _v._ to reason; raisonne, -e, reasoned, rational. raisonneur, -euse, _m., f._ reasoner. rajeunir, _v._ to rejuvenate, make young again. ralentir, _v._ to slacken. rallumer, _v._ to light again. ramasser, _v._ to pick up, gather; ramasse, -e, _adj._ thick-set, heavy. rame, _f._ oar; a toutes rames, rowing at full speed. rameau, _m._ bough, branch. Rameau (Jean Phillippe), French composer and musical theorist (1683-1764). ramener, _v._ to bring back, lead or draw back. ramer, _v._ to row. rampe, _f._ hand-rail, banister, railing. ramper, _v._ to creep, crawl. rang, _m._ rank, row. rangee, _f._ row. ranger, _v._ to range, arrange, draw up, put in order; se --, draw up, draw aside; range, -e, steady, settled. ranimer, _v._ to reanimate, revive; se --, brighten up, be revived. Raoul, Ralph. rape, -e, shabby. rapetisser, _v._ to belittle. rapide, _adj._ rapid, quick, swift, steep. rapidement, _adv._ rapidly. rapidite, _f._ rapidity. rappeler, _v._ to recall, remind; se --, remember, recall. rapport, _m._ report, relation; -- a, on account of. rapporter, _v._ to bring back or in, report; s'en -- a, leave the matter to. rapprocher, _v._ to draw or bring near; se -- de, approach again, draw near, be reconciled with. rare, _adj._ rare, scarce, thin. rarement, _adv._ rarely. ras, -e, _adj._ closely cut, short-napped; au -- de, on a level with (_s_ not pronounced). raser, _v._ to shave, shave clean. rasoir, _m._ razor. rasseoir, _v._ to reseat; se --, sit down again. rassurer, _v._ to reassure; se --, reassure oneself, be reassured. rat, _m._ rat. rateau, _m._ rake. rater, _v._ to miss, spoil. Ratier, proper name, _cf._ ratier, -ere, _adj._ rat-catching (of a dog, etc.), whimsical. ratisser, _v._ to rake. rattacher, _v._ to tie again, attach, make one cling to; se --, be attached. rattraper, _v._ to catch again, regain. rauque, _adj._ hoarse, harsh. ravager, _v._ to ravage (with dissipation, etc.), lay waste, ruin. ravin, _m._ ravine. ravir, _v._ to ravish, enrapture, delight. ravoir, _v._ to have again. rayer, _v._ to stripe, streak. rayon, _m._ ray, beam; -- de miel, honeycomb. rayonnement, _m._ radiance, gleam. realiser, _v._ to realize. realite, _f._ reality. rebelle, _adj. and s._ rebellious, rebel. rebondir, _v._ to rebound, jump back or again. rebord, _m._ edge, ledge. reception, _f._ reception. recevoir, _v._ to receive. rechapper, _v._ to escape again, escape; nous en sommes rechappes, we have had a narrow escape. rechauffer, _v._ to heat again, warm up, warm. recherche, _f._ scarching, investigation, search. rechercher, _v._ to search for again, seek again, search for, seek. recif, _m._ reef. recipient, _m._ recipient, receptacle. recit, _m._ recital, narration. reciter, _v._ to recite. reclamation, _f._ claim, complaint, protest. reclamer, _v._ to reclaim, claim, protest. recoin, _m._ recess, remote coner, nook. recolter, _v._ to harvest, collect. recommandation, _f._ recommendation; lettre de --, letter of introduction. recommander, _v._ to recommend, commend, bid. recommencer, _v._ to recommence, begin again. recompense, _f._ recompense, reward. recompenser, _v._ to reward. reconduire, _v._ to reconduct, lead back, take back. reconnaissance, _f._ gratitude, reconnoissance, reconnoitering party. reconnaitre, _v._ to recognize, admit, realize, acknowledge; on ne s'y reconnait plus, we don't know any longer where we are. reconstituer, _v._ to reconstitute, recoup. reconter, _v._ to tell again, retell. recopier, _v._ to recopy. recours, _m._ recourse. recouvrer, _v._ to recover. recouvrir, _v._ to cover again, cover. recrutement, _m._ recruitment, recruiting. recteur, _m._ rector, priest (used in latter sense in Brittany). recueillement, _m._ meditation. recueillir, _v._ to gather, collect; pick up, take in; se --, collect one's thoughts, reflect; recueillez bien vos souvenirs, try to remember. reculer, _v._ to draw back, fall or go back, recoil; se --, go back, recoil, draw back. reculons (a), _adv._ backwards. redemander, _v._ to ask again, request the return of. redescendre, _v._ to descend again, go down again. redevenir, _v._ to become again. redingote, _f._ frock-coat. redoubler, _v._ to redouble, increase. redoutable, _adj._ dreadful, formidable, terrible. redoute, _f._ redoubt. redouter, _v._ to dread. redresser, _v._ to straighten, straighten up, erect again; se --, draw oneself up, straighten up again. reduire, _v._ to reduce, compel. reduit, _m._ retreat, nook, small room (in garret, etc.). reel, -le, _adj._ real. reelection, _f._ reelection. reellement, _adv._ really. refaire, _v._ to make again. refermer, _v._ to close again, close or shut; se --, close again; -- les verrous de, bolt again. reflechir, _v._ to refiect; reflechi, -e, adj. thoughtful. reflet, _m._ refiection (of light, etc.). refleter, _v._ to refiect (light, etc.). reflexion, _f._ rcflection; faire une --, to reflect; toute -- faite, after thinking about it carefully. reflux, _m._ ebb, ebbing tide (_x_ not pronounced). reformer, _v._ to form again. reformer, _v._ to reform, dismiss. refroidir, _v._ to cool. refuge, _m._ refuge, shelter. refugier (se), _v._ to take refuge. refus, _m._ refusal. refuser, _v._ to refuse; se --, to refuse, deny oneself; s'y --, refuse to do it. regagner, _v._ to regain, go or get back to, win back. regalade, _f._ treat, treating. regaler, _v._ to regale, treat. regaloper, _v._ to gallop again, trot around again (colloquial, derived from galoper). regard, _m._ glance, look, regard, eye. regarder, _v._ to look at, look, regard, watch, concern, look out (for). regime, _m._ diet, rule, cluster (of fruit). regiment, _m._ regiment. region, _f._ region. regional, -e, _adj._ regional, district, inter-departmental. registre, _m._ register. regle, _f._ rule; en --, all right. regne, _m._ reign. regner, _v._ to reign. regret, _m._ regret. regretter, _v._ to regret. regulier, -ere, _adj._ regular. regulierement, _adv._ regularly. rehausser, _v._ to heighten, enhance, set off. rein, _m._ kidney, back; autour des reins, around the waist; les reins courbes, with back bent. reine, _f._ queen. rejeter, _v._ to throw back. rejoindre, _v._ to rejoin, meet, join; se --, meet. rejouir, _v._ to rejoice, cheer, delight; rejoui, -e, delighted, beaming. relayer, _v._ to relieve. releve, _m._ course immediately following the soup. relever, _v._ to lift again, raise, lift, turn back; se --, raise oneself, rise again, stand up, get up again, rise. relief, _m._ relief (projection). religieusement, _adv._ religiously. religieux, -euse, _adj._ religious. religion, _f._ religion, piety. relique, _f._ relic. reluire, _v._ to shine, glisten. remarquable, _adj._ remarkable. remarque, _f._ remark. remarquer, _v._ to remark, notice. rembourrer, _v._ to stuff, pad. remedier, _v._ to remedy, obviate. remercier, _v._ to thank. remettre, _v._ to put back, put on again, put again, deliver, give, give over, recover; se --, put oneself back, give oneself over, place oneself again, recover one's composure, make up; se -- a, begin again; se -- avec, get back into the good graces of, "mldquo;make up with." remonter, _v._ to remount, go or come up again, go back, go up, get in again. remords, _m._ remorse. remorque, _f._ towing, tow. remorquer, _v._ to tow. remous, _m._ eddy. rempart, _m._ rampart, city wall. remplacer, _v._ to replace. remplir, _v._ to fill, fulfil; rempli, -e, filled, full. remporter, _v._ to carry off or back. remuer, _v._ to move, stir; se --, bestir oneself, stir, move about, move; remuant, -e, stirring, busy. renard, _m._ fox. renchainer, _v._ to chain up again. rencontre, _f._ meeting; a sa --, to meet him. rencontrer, _v._ to meet; se --, meet, find. rendez-vous, _m._ rendez-vous, appointment, meeting; se donner --, to make an appointment, agree to meet. rendormir, _v._ to put to sleep again; se --, go to sleep again. rendre, _v._ to render, give back, make, restore, depict; se --, make or render oneself, surrender, betake oneself, go; rendu,-e, rendered, knocked up, done for, "aldquo;all in." renfermer, _v._ to shut up again, enclose, contain. renfler, _v._ to swell; renfle, -e, swollen, bulging. renfoncer, _v._ to plunge deeper, settle down. renomme, -e, _adj._ renowned, noted. renommee, _f._ renown, fame. renoncer, _v._ to renounce, give up. renouveler, _v._ to renew, repeat; -- l'air, ventilate; se --, be renewed. renseignement, _m._ information (also in _pl._); prendre des renseignements, to make inquiries. renseigner, _v._ to inform; se--, get information. rente, _f._ income, annuity, income from government bonds or stocks, etc. renree, _f._ reentrance, return, return home. rentrer, _v._ to reenter, go back in, come in, return. renverse (a la), _adv._ backward, on one's back. renverser, _v._ to overturn, upset, throw over or back. renvoyer, _v._ to send back or away, dismiss, reflect. repaitre, _v._ to feed; se -- de (avec), delight in. repandre, _v._ to scatter, spread; se --, spread, be spread, be spread out, scatter, launch, burst. reparaitre, _v._ to reappear. reparer, _v._ to repair, make amends for, recover from. repartir, _v._ to set out again, start again, leave. repas, _m._ repast, meal. repasser, _v._ to pass again, repass, pass on, iron, strop, sharpen. repeindre, _v._ to repaint. repentir (se), _v._ to repent; repentant, -e, repentant, penitent; repentir, m. repentance. repeter, _v._ to repeat. replacer, _v._ to replace, put back. replier, _v._ to fold again, fold, fall back; se --, fall back, retreat. replique, _f._ reply. repliquer, _v._ to reply. replonger (se), _v._ to replunge, jump back (in). repondre, _v._ to respond, answer, reply; -- de, answer for, assure of. reponse, _f._ response, answer, reply. reporter, _v._ to carry or bring back. repos, _m._ repose, rest. reposer, _v._ to repose, rest; se --, rest. repousser, _v._ to push back, repulse; repoussant, -e, adj. repulsive. reprendre, _v._ to take again, get again, take on again, take up, take to, continue, catch again, take back, regain, reply, resume. represaille, _f._ retaliation, reprisal; _pl._ reprisal. representer, _v._ to represent, give; se --, represent oneself, picture to oneself, imagine. reprise, _f._ retaking, darn; a plusieurs reprises, several times. reproduire, _v._ to reproduce; se --, be reproduced. republique, _f._ republic. repugnance, _f._ repugnance. reputation, _f._ reputation. requin, _m._ shark (applied also to a predatory or voracious person). reserve, _f._ reserve. reserver, _v._ to reserve; se -- de, reserve the right to. resignation, _f._ resignation. resigner, _v._ to resign. resistance, _f._ resistance. resister, _v._ to resist, withstand. resolu, _see_ resoudre. resolument, _adv._ resolutely. resolution, _f._ resolution. resonner, _v._ to resound. resoudre, _v._ to resolve, solve; resolu, -e, resolved, resolute. respect, _m._ respect (now usually pronounced _respek_). respectable, _adj._ respectable, venerable. respecter, _v._ to respect. respectueux, -euse, _adj._ respectful. respirer, _v._ to breathe, inhale. resplendir, _v._ to be resplendent; resplendissant, -e, resplendent. responsable, _adj._ responsible. ressaisir, _v._ to seize or take hold of again (in this word and in all the words to and including ressouvenir _re_ is pronounced as in retenir). ressasser, _v._ to resift, reexamine. ressemblance, _f._ resemblance. ressembler, _v._ to resemble. ressentir, _v._ to feel again, feel, experience. ressort, _m._ spring. ressortir, _v._ to go or corne out again, stand out (in contrast). ressource, _f._ resource. ressouvenir (se), _v._ to remember again. restaurant, _m._ restaurant. restaurer, _v._ to restore. reste, _m._ rest, remains, trace; du (de) --, au --, for the rest, besides; ils ne sont pas beaux de reste, they are not any too good. rester, _v._ to remain, stay, stand; -- la, remain there or unchanged. resultat, _m._ result. retablir, _v._ to reestablish; le silence s'etait retabli, it had become silent again. retaper, _v._ to make over or up. retard, _m._ delay; en --, late. retenir, _v._ to retain, hold back, hold, keep, restrain. retentir, _v._ to resound, ring out. Rethel, town in northeastern France (department of Ardennes); it was captured in 1650 under Louis XIV, also by the duke de Guise in 1611 (minority of Louis XIII, not under Henri IV as stated by de Maupassant). retirer, _v._ to retire, draw back, take off or from, get, draw out; se --, retire, withdraw. retomber, _v._ to fall again, fall back, relapse. retour, _m._ return. retourner, _v._ to go back, return, turn around, turn over again or inside out, turn over, turn; se --, turn around or over; s'en --, return, go back; voir de quoi il retourne, to see how the land lies, get at the truth. retracer, _v._ to retrace, sketch, lay out. retraite, _f._ retreat, retirement, tattoo; battre en --, to beat a retreat. retribuer, _v._ to remunerate, give a salary to. retrousser (se), _v._ to turn up. retrouver, _v._ to find again; se --, find oneself again, be found again, meet again. reunion, _f._ reunion, meeting, gathering. reunir, _v._ to reunite, bring together, collect; se --, meet. reussir, _v._ to succeed (in or with). revaloir, _v._ to pay back. revanche, _f._ revenge. reve, _m._ dream. reveil, _m._ awakening. reveiller, _v._ to awaken; se --, awaken. reveillon, _m._ midnight feast, supper (on Christmas Eve, etc.). revelateur, -trice, _adj. and s._ revealing, tell-tale, revealer. revelation, _f._ revelation. reveler, _v._ to reveal. revenir, _v._ to come back; return, recover, be due; -- sur ses pas, retrace one's steps; revenu a lui, having recovered his self-possession, having become himself again. rever, _v._ to dream, dream of. reverberation, _f._ reflection. reverbere, _m._ reflector, street-lamp. reverence, _f._ reverence, bow, curtsy. reverie, _f._ revery, dreaming. revers, _m._ reverse, facing (of cloth), back stroke (from left to right), back. revetir, _v._ to reclothe, put on, cover. reveur, -euse, _adj. and s._ dreaming, dreamy, dreamer. revivre, _v._ to revive, come to life again, live again. revoir, _v._ to see again; au --, good-by (till next meeting). revolution, _f._ revolution. revolver, _m._ revolver (pronounced: revolver). revoquer, _v._ to revoke, recall. revue, _f._ review. rez-de-chaussee, _m._ ground floor (first syllable is pronounced _re_). Rhin, _m._ Rhine. rhingrave, _f._ wide breeches (of the 17th century). riboter, _v._ to go on a spree. ricaner, _v._ to sneer, chuckle. richard, _m._ rich fellow (familiar). riche, _adj. and s._ rich, rich person. richement, _adv._ richly. richesse, _f._ wealth, riches (also in _pl._). richissime, _adj._ excessively rich (familiar). ride, _f._ wrinkle, ripple. rideau, _m._ curtain. rider, _v._ to wrinkle. ridicule, _adj. and m._ ridiculous, ridicule. rien, _m._ nothing, anything; ne ... --, nothing; -- que, only, merely; -- de bon, nothing good; -- de temps, no time; ca ne fait --, that makes no difference; -- autre chose que, nothing but. rigoler, _v._ to be very much amused, split one's sides (familiar). rigueur, _f._ rigor; tenir -- a, to treat coldly, refuse to come to. rime, _f._ rime. rimer, _v._ to rime. rin, dialectic for rien. riole, _f._ debauch (obsolescent). riposter, _v._ to reply (sharply). rire, _v._ to laugh; donner a -- a, make laugh; _m._ laughter, laugh; -- a, smile upon; -- aux eclats, burst out laughing. risible, _adj._ laughable. risque, _m._ risk. risquer, _v._ to risk. rite, _m._ rite. rivage, _m._ shore, beach. rival, -e, _adj. and s._ rival. rivaliser, _v._ to rival. rive, _f._ bank (of a stream). river, _v._ to rivet. riviere, _f._ river. robe, _f._ robe, dress, gown, frock. robinet, _m._ faucet, spigot. roc, _m._ rock (mass of rock still in the earth). roche, _f._ rock. Roche-Oysel, an imaginary town (=Bird-Rock). rocher, _m._ rock, cliff. roder, _v._ to roam, prowl. rodeur, _m._ prowler. roi, _m._ king. roidir, _v._ to stiffen, tighten. role, _m._ role, part; a tour de --, in turn. romain, -e, _adj. and s._ Roman (written Romain when _s._). roman, _m._ novel, story. roman, -e, _adj._ Romance (belonging to the Latin languages). romanesque, _adj._ romanesque, fantastic, romantic. rompre, _v._ to break, rupture, rend; se --, be broken, break. ronce, _f._ bramble, briar. rond, -e, _adj. and m._ round; -- de cuir, round leather cushion. ronde, _f._ round. rondin, _m._ billet, round log. ronflement, _m._ snoring, snore, humming, roar, roaring, whir. ronfler, _v._ to snore, roar, snort. ronger, _v._ to gnaw, eat away or out. roquefort, _m._ roquefort cheese (made in Roquefort in south-western France, department of Landes). rose, _f._ rose; _adj._ pink. roseau, _m._ reed. rossignol, _m._ nightingale. Roth, proper name; _cf. roth_ or _rot_, red, in German. rotir, _v_. to roast. roue, _f._ wheel. rouet, _m._ spinning-wheel. rouge, _adj. and m._ red, red-hot, redness, blush, rouge. rougeur, _f._ glow, blush. rougir, _v._ to redden, blush. rouiller, _v._ to rust; se --, get rusty. roulage, _m._ cartage; voiture de --, wagon. rouleau, _m._ roll, stack, roller. roulement, _m._ rolling, rumbling, beating (of a drum). rouler, _v._ to roll, roll up or about, turn on or over, turn; se --, roll oneself, roll about; -- sur, roll on, deal with. roulette, _f._ roller, little wheel, roulette. Roumanille (Joseph), Provencal writer and poet, one of the founders of the brotherhood known as les Felibres consisting at first of seven modern Provencal poets including Mistral (1818-1891). roussin, _m._ steed, stallion. route, _f._ route, way, highway, road; en --, on the way. roux, rousse, _adj._ russet, reddish brown. royal, -e, _adj._ royal; Place Royale, square in eastern section of Paris, now called Place des Vosges, before the French Revolution it was a center of fashion. ruban, _m._ ribbon. ruche, _f._ hive. rude, _adj._ rude, rough; -- partie, great game. rudement, _adv._ rudely, roughly, terribly. rudesse, _f._ roughness. rue, _f._ street. ruelle, _f._ alley. ruer, _v._ to throw, cast; se --, throw oneself, rush, dash. rugir, _v._ to roar. ruine, _f._ ruin. ruiner, _v._ to ruin. ruisseau, _m._ small stream, gutter. ruisseler, _v._ to drip, trickle. rumeur, _f._ rumor, murmur, uproar, noise. ruse, _f._ ruse, trick. ruse, -e, _adj._ crafty, tricky, cunning. russe, _adj. and s._ Russian (written Russe when _s._). Russie, _f._ Russia. S s', _see_ se or si. sa, _see_ son. Saadi, Sadi, celebrated Persian poet, _see_ also Gulistan (c. 1190-1291). Saar, _f._ Saar (Alsatian river). sabir, _m._ mixture of Arabic, French, Spanish and Italian spoken in the Levant, jargon. sable, _m._ sand. sablonneux, -euse, _adj._ sandy. sabot, _m._ wooden shoe, hoof. sabre, _m._ saber. sac, _m._ sack, bag. sachet, _m._ sachet, scent-bag. sacrer, _v._ to consecrate. sacrificateur, _m._ priest, high priest (Jewish). sacrifier, _v._ to sacrifice. sacrilege, _m._ sacrilege. sacristain, _m._ sacristan, sexton. sage, _adj._ good, well-behaved, wise. sage-femme, _f._ midwife. saigner, _v._ to bleed; -- du nez, have the nosebleed. sain, -e, _adj._ healthy, sound. saint, -e, _adj. and s._ saintly, holy, sacred, saint. Saint-Christophe, Saint Christopher (name of a church and street in Heidelberg). Saint-Cloud, town on the Seine, a western suburb of Paris. Saint-Nazaire, city and port at the mouth of the Loire. sainte-nitouche, _f._ sanctimonious person, one who affects an innocent air. Saint-Paul (hotel), former residence of Charles V in the Saint-Antoine quarter of Paris. Saint-Pierre (ile de), island in the Swiss Lake of Bienne (Rousseau tried to take refuge here in 1765). Saint-Vincent, name of a footbridge over the Saone in Lyons. saisir, _v._ to seize, catch, grasp. saisissement, m. shock. saison, _f._ season; marchand des quatre saisons, costermonger, huckster. salade, _f._ salad. salant, -e, _adj._ salt. sale, _adj._ dirty, nasty. sale, -e, _adj._ salt, spicy. salive, _f._ saliva. salle, _f._ hall, room, office; -- de police, guard-room; -- a manger, dining-room; -- de jeu, gambling-room. salon, _m._ drawing-room, reception-room. saltimbanque, _m._ mountebank, juggler, street actor. saluer, _v._ to bow to, bow, greet, salute. salut, _m._ salutation, bow, safety, salvation. samedi, _m._ Saturday. sandale, _f._ sandal. sang, _m._ blood. sang-froid, _m._ coolness. sanglant, -e, _adj._ bloody. sanglot, _m._ sob. sangloter, _v._ to sob. sanguinaire, _adj._ sanguinary, bloodthirsty. sans, _prep._ without, except for, had it not been for; -- que, _conj._ without. sante, _f._ health. Saone, _f._ Saone (river flowing into the Rhone at Lyons; _a_ not pronounced). saoul, -e, _adj._ drunk (also written _soul_; pronounced: _sou_). sapas, _m._ a slang word, translate: greedy-gut. sapin, _m._ fir-tree, spruce. sarcastique, _adj._ sarcastic. Sardaigne, _f._ Sardinia (the ltalian island). sarde, _adj._ Sardinian. sardine, _f._ sardine. sarrasin, -e, _adj. and s._ Saracenic, Saracen (written Sarrasin when _s._). sarrasin, _m._ buckwheat. satan, _m._ Satan, evil genius. satin, _m._ satin. satisfaction, _f._ satisfaction. satisfaire, _v._ to satisfy. saucisse, _f._ Balisage. saucisson, _m._ Balisage (large). sauf, sauve, _adj._ safe. saumatre, _adj._ briny, brackish. saumure, _f._ brine. saut, _m._ leap. sauter, _v._ to jump, leap, skip, leap over, pop, be broken (bank); -- sur les sabres, leap to draw the sabers; -- au cou de, fall on the neck of. sautiller, _v._ to hop, skip, leap. sautoir, _m._ Saint Andrew's cross; en --, cross-wise, across the shoulders. sauvage, _adj. and s._ wild, savage. sauvagerie, _f._ shyness. sauver, _v._ to save; se --, save oneself, run away. sauvetage, _m._ rescue; bateau de --, life-boat. sauveur, _m._ savior. savane, _f._ savannah, prairie. savate, _f._ old shoe. Savenay, village in the department of Loire-Inferieure. savoir, _v._ to know, know how, know to be, find out, can; -- gre a, thank; on ne sait comment, somehow or other; je ne sais quel, I do not know what, some; je ne sais plus quel, I have forgotten what; est-ce que je sais?, do I know, "aldquo;and a lot of other things," etc. savourer, _v._ to savor, relish. savoureux, -euse, _adj._ savory. scandale, _m._ scandal. scandaleux, -euse, _adj._ scandalous, shameful. scandaliser, _v._ to scandalize. scelerat, -e, _adj. and s._ wicked, heinous, villain, wretch, rascal. scelle, _m._ seal; mettre les scelles, to geal up (the possessions of a debtor). sceller, _v._ to seal, make fast. scene, _f._ scene. sceptique, _adj. and s._ skeptical, skeptic. schako, _m._ shako (military cap resembling a truncated cone and having a plume or pompon, now little used in the French army). scier, _v._ to saw. scintiller, _v._ to scintillate, twinkle, sparkle. scorpion, _m._ scorpion. scrupule, _m._ scruple. sculpter, _v._ to sculpture, carve, engrave (_p_ not pronounced). sculpture, _f._ sculpture, carving (_p_ not pronounced). se (s'), _refl. pr._ himself, herself, itself, themselves, etc. seau, _m._ pail, bucket. sec, seche, _adj. and s._ dry, dried up, skinny, keen, sharp, curt, harsh, dried up fellow. sechement, _adv._ dryly, curtly. secher, _v._ to dry. secheresse, _f._ dryness, harshness, lack of feeling. second, -e, _adj._ second (_c_ pronounced as _g_). seconde, _f._ second (_c_ pronounced as _g_). secouer, _v._ to shake, shake off. secourable, _adj._ helpful; -- pour, willing to help. secourir, _v._ to succor, aid, help. secours, _m._ succor, aid, help, assistance; au --!, help! secousse, _f._ shake, shaking, shock. secret, -ete, _adj. and m._ secret. secretaire, _m._ secretary, clerk, writing-desk. seculaire, _adj._ secular, a hundred years old, venerable. seduire, _v._ to seduce, attract, lead astray, be attractive; seduisant, -e, seductive, attractive. seigneur, _m._ lord; le Seigneur, the Lord. seigneurial, -e, _adj._ seigniorial, lordly. sein, _m._ breast, bosom. Seine, _f._ Seine. seize, _card._ sixteen. sejour, _m._ sojourn, star, visit, staying. sel, _m._ salt. selam, _m._ Oriental name for a bouquet of flowers expressing a thought (of love); derived from Arabic salam, salutation (_m_ pronounced). selle, _f._ saddle. selon, _prep._ according to; -- que, according as. Seltz, Seltzer (town in Hesse); eau de --, Seltzer-water. semaine, _f._ week. semaison, _f._ seed-time, natural sowing of seeds by the plants themselves (obsolescent). semblable, _adj._ similar, like, of this kind. sembler, _v._ to seem. semelle, _f._ sole (shoe); battre la --, to tramp. semer, _v._ to sow, strew. semillant, -e, _adj._ frisky. sens, _m._ sense, direction (final s not pronounced). sensation, _f._ sensation. sensibilite, _f._ sensitiveness, feeling. sensible, _adj._ sensitive. sensiblement, _adv._ perceptibly, sensibly. sentence, _f._ maxim, saying. senteur, _f._ odor, fragrance, perfume. sentier, _m._ path. sentiment, _m._ sentiment, feeling. sentimental, -e, _adj._ sentimental. sentinelle, _f._ sentinel. sentir, _v._ to feel, perceive, smell, smell of; se --, feel oneself, feel that one has or is, feel; -- a plein nez, fill the nose with odors of, reek with. separer, _v._ to separate; se --, be separated, separate. sept, _card._ seven (_p_ not pronounced). septembre, _m._ September. serail, _m._ seraglio. serein, -e, _adj._ serene, calm. serge, _f._ serge. sergent, _m._ sergeant. sergot, _m._ "cldquo;cop" (slang). serieusement, _adv._ seriously. serieux, -euse, _adj._ serious. serment, _m._ oath. serpent, _m._ serpent. serrer, _v._ to tighten, squeeze, press, clench, grip, keep, fit tight on, draw tight, shake (hands); se -- le coeur, be or make heart-sick; serre, -e, tight, close, compact, dense, pressed; avoir le coeur serre, be heavy-hearted. serrure, _f._ lock. servante, _f._ maid-servant. service, _m._ service, commission; pour votre --, to serve you; faire le -- de, run to. serviette, _f._ napkin, towel, portfolio. servir, _v._ to serve, be of use; se -- de, make use of, use; -- de, serve as; pour vous --, at your service. serviteur, _m._ servant. ses, _see_ son. seuil, _m._ threshold. seul, -e, _adj._ alone, single. seulement, _adv._ only, even. severe, _adj._ severe. severite, _f._ severity; avec --, sternly. si, _conj. and adv._ if, to see if, whether, what if, so, yes (contradiction), you ask if; -- ca se peut, the idea of asking whether that's possible. siecle, _m._ century. siege, _m._ seat, siege. sieger, _v._ to sit (of assemblies, etc.). sien, -ne, _adj. pr._ (usually with le), his, hers, its, his own, etc.; les siens, his people or family, etc. sifflement, _m._ whistling. siffler, _v._ to whistle, hiss. sifflet, _m._ whistle; coup de --, whistle. signalement, _m._ description. signaler, _v._ to signal, call to one's attention. signature, _f._ signature. signe, _m._ sign; faire --, to make a sign, beckon. signer, _v._ to sign. significatif,-ive, _adj._ significant. signifier, _v._ to signify. silence, _m._ silence; garder le --, to keep silent. silencieusement, _adv._ silently. silencieux, -euse, _adj._ silent. silhouette, _f._ silhouette (drawing representing a profile traced by means of a shadow), outline. sillon, _m._ furrow. sillonner, _v._ to furrow. Simon, Simon. simple, _adj._ simple, mere, only; -- soldat, private. simplement, _adv._ simply, merely. simuler, _v._ to feign, simulate, take on the appearance of. simultanement, _adv._ simultaneously. sincere, _adj._ sincere. sincerement, _adv._ sincerely. sincerite, _f._ sincerity. singe, _m._ monkey, ape (applied to a disagreeable person, = "bldquo;bear"). singulier, -ere, _adj._ singular, peculiar, odd. singulierement, _adv._ singularly. sinistre, _adj. and m._ sinister, accident. sinon, _conj._ if not, except. siphon, _m._ siphon. siphoide, _adj._ in the form of a siphon, siphonal. sir, _m._ Sir (English title). site, _m._ site, spot. sitot, _adv._ so soon, as soon as; -- que, _conj._ as soon as. situation, _f._ situation, state. situer, _v._ to place; situe, -e, situated. six, _card._ six; tous les --, all six (_x_ pronounced as _s_). sixieme, _ord._ sixth (_x_ pronounced as _z_). Skouliani, Skuleni (town on the Russo-Rumanian frontier). snobisme, _m._ snobbishness, snobbism. sobriete, _f._ sobriety. social, -e, _adj._ social. societe, _f._ society, company. soeur, _f._ sister. sofa, _m._ sofa. soi, _refl. pr._ oneself, itself (indefinite). soie, _f._ silk. soierie, _f._ silk-trade; _pl._ silks. soif, _f._ thirst. soigneusement, _adv._ carefully. soigneux, -euse, _adj._ careful. soi-meme, _refl. pr._ oneself (indefinite). soin, _m._ care, attention; _pl._ care, attentions, aid. soir, _m._ evening; le --, the evening, in the evening; hier au --, yesterday evening. soiree, _f._ evening, evening entertainment. soit, _adv._ be it so, so be it, whether; -- que ... -- que, either because ... or because. soixante, _card._ sixty (_x_ pronounced as _s_). soixante-douze, _card._ seventy-two. soixante-huit, _card._ sixty-eight. sol, _m._ soil, ground, floor. soldat, _m._ soldier. Soldatenthal, town in the former French department of Meurthe. solde, _f._ soldier's pay. soleil, _m._ sun, sunlight. solennellement, _adv._ solemnly (_len_ pronounced: _lan_). solide, _adj._ strong, steady, firm. solitude, _f._ solitude. solive, _f._ rafter, joist. solliciter, _v._ to solicit, ask for. solliciteur, -euse, _m., f._ solicitor, solicitress, one who asks assistance. sollicitude, _f._ solicitude. solo, _m._ solo. sombre, _adj._ somber, dark, gloomy. somme, _f._ sum. somme, _m._ nap. sommeil, _m._ sleep. sommeiller, _v._ to slumber, doze. sommer, _v._ to summon, call upon. somnambule, _adj. and s._ somnambulic, somnambulist. somnoler, _v._ to be overcome with sleep, drowse. somptueux, -euse, _adj._ sumptuous. son, _m._ sound. son, sa (ses, _pl.), poss. adj. pr._ his, her, its. songe, _m._ dream, illusion. songer, _v._ to dream, muse; think; mais songez, but just think. songeur, -euse, _adj._ dreamy, thoughtful. sonner, _v._ to ring, ring out or for, strike. sonnette, _f._ small tell; coup de --, ring; donner un coup de --, to ring. sonore, _adj._ sonorous. sorbet, _m._ sherbet. sordide, _adj._ sordid, dirty, filthy. sornette, _f._ idle story, nonsense. sort, _m._ lot, fate; le -- en est jete, the die is cast. sorte, _f._ sort, kind; en quelque --, in some way, in a way; en -- que, _conj._ so that. sortie, _f._ going out, exit, egress, release, departure. sortir, _v._ to go out, come out, get out, stick out, put or take or be out, leave, project, graduate. sot, -te,_ adj. and s._ foolish, stupid, fool. sottise, _f._ foolishness, foolish act or remark, stupidity; avoir la -- de, to be foolish enough to. sou, _m._ sou, cent; gros --, two cent piece; cent sous, five francs, dollar (familiar); une piece de vingt sous, a franc. souche, _f._ stump, log. souci, _m._ care, anxiety, concern. soucier, _v._ to disturb; se --, care, be concerned. soucieux, -euse, _adj._ anxious, care-worn. soucoupe, _f._ saucer. soudain, -e, _adj._ and adv. sudden, suddenly. soude, _f._ soda. souder, _v._ to solder, weld. souffle, _m._ breath, breathing. souffler, _v._ to blow, blow out or up, breathe, puff. soufflet, _m._ bellows, box (on the ear). souffleter, _v._ to buffet. souffrance, _f._ suffering. souffrir, _v._ to suffer; souffrant, -e, _adj._ ill. soufre, _m._ sulphur. souhait, _m._ wish; a --, as one would wish. souhaiter, _v._ to wish. souiller, _v._ to soil, sully. soulagement, _m._ relief. soulager, _v._ to relieve. soulever, _v._ to raise, lift; se --, raise oneself, rise. soulier, _m._ low shoe. soulot, _m._ drunk (slang). soumettre, _v._ to submit, subject; soumis, -e, _adj._ submissive. soupcon, _m._ suspicion. soupconner, _v._ to suspect. soupe, _f._ soup. soupente, _f._ loft, garret. souper, _v._ to take supper, eat supper; _m._ supper. soupir, _m._ sigh. soupirail, _m._ air-hole, venthole, cellar window. soupirer, _v._ to sigh. souple, _adj._ supple. souplesse, _f._ suppleness, flexibility. source, _f._ source, spring. sourcil, _m._ eye-brow. sourd, -e, _adj._ deaf, muffied, dull, hollow. sourire, _v._ to smile; _m._ smile. souris, _f._ mouse. sournois, -e, _adj._ sly, cunning. sous, _prep._ under, beneath, in; -- votre respect, save your respect. sous-commission, _f._ sub-committee. sous-lieutenant, _m._ second lieutenant. sous-officier, _m._ non-commissioned officer. sous-prefet, _m._ sub-prefect (head of an arrondissement). sous-prefecture, _f._ sub-prefecture (house, function, district, etc., of a sub-prefect). soutache, _f._ braid (narrow). soutane, _f._ cassock. soutenir, _v._ to sustain, bear, maintain, support, keep up. souterrain, -e, _adj. and m._ subterranean, subterranean passage, tunnel. soutien, _m._ support, prop, defender. souvenir (se), _v._ to remember; il vous en souvient, you remember it; _m._ memory, recollection, remembrance, souvenir. souvent, _adv._ often. Spandau, city and fortress near Berlin. spasme, _m._ spasm. special, -e, _adj._ special. spectacle, _m._ spectacle, show, play, display, sight. speculer, _v._ to speculate. squelette, _m._ skeleton. stalactite, _f._ stalactite. staroste, _m._ starost (Polish nobleman, or in Russia = bailiff, head of a commune). station, _f._ stop, station, stand. statue, _f._ statue. stature, _f._ stature. steppe, _m. or f._ steppe (great treeless tract in Russia and Siberia). stereotyper, _v._ to stereotype; stereotype, _m._ stereotyped character. stoique, _adj._ stoic. stratageme, _m._ stratagem. strident, -e, _adj._ strident, shrill. stupefaction, _f._ stupefaction. stupefait, -e, _adj._ stupefied, astonished. stupeur, _f._ stupor. stupide, _adj._ stupid, stupefied. suave, _adj._ suave, sweet, gentle. subir, _v._ to undergo. subit, -e, _adj._ sudden. subitement, _adv._ suddenly. sublime, _adj._ sublime. succeder, _v._ to succeed, follow. succes, _m._ success. sucre, _m._ sugar; -- en poudre, powdered sugar. sucrer, _v._ to sugar, sweeten; sucre, -e, _adj._ sweet. sucrerie, _f._ sugar-refinery; _pl._ sweetmeats, candy. sud, _m._ south (_d_ pronounced). suer, _v._ to sweat. sueur, _f._ sweat. suffire, _v._ to suffice, be enough; suffisant, -e, sufficient. suffoquer, _v._ to suffocate, choke. suggestion, _f._ suggestion. suif, _m._ tallow. suiffeux, _m._ fat and greasy fellow (slang, derived from suif); gros -- a ne rien faire, big fat good-for-nothing. Suisse, _f. and adj._ Switzerland, Swiss (written suisse when _adj._). suite, _f._ following, retinue, succession, result, rest; tout de --, immediately; par --, in consequence; par -- de, because of; a la -- (de), after, behind; de --, in succession. suivre, _v._ to follow, study. sujet, _m._ subject; au -- de, about. sultan, -e, _m., f._ sultan, sultana. superbe, _adj._ superb, splendid. superieur, -e, _adj._ superior, upper. superstitieux, -euse, _adj._ superstitious (second _ti_ pronounced as _ci_). superstition, _f._ superstition. supplication, _f._ supplication, entreaty. supplier, _v._ to supplicate, beg. supporter, _v._ to support, tolerate. supposer, _v._ to suppose, suggest. supposition, _f._ supposition. supreme, _adj._ supreme, last. sur, _prep._ on, upon, over, near, about, toward, to; prendre --, to take from; -- -le-champ, at once, on the spot; sauter -- ses pieds, to leap to his feet; rouler -- l'or, roll in money. sur, -e, _adj._ sure, certain; pour -- (que), surely. suranne, -e, _adj._ superannuated, antiquated. surete, _f._ safety. surexciter, _v._ to overexcite. surface, _f._ surface. surgir, _v._ to rise, spring up. surhumain, -e, _adj._ superhuman. surmonter, _v._ to surmount. surnaturel, -le, _adj._ supernatural. surnumeraire, _m._ supernumerary, one not yet receiving a salary. surpasser, _v._ to surpass. surplis, _m._ surplice (outer white garment of the clergy). surplus, _m._ surplus; au --, moreover, besides, however. surprendre, _v._ to surprise, take by surprise. surprise, _f._ surprise. sursaut, _m._ start, shock; en --, with a start. surtout, _adv._ above all, especially. surveillant, -e, _m., f._ watcher, watchman, guard, guardian. surveiller, _v._ to watch. survenir, _v._ to come on or up unexpectedly. survivant, _m._ survivor. suspect, -e, _adj._ suspicions, suspected (_ct_ pronounced). suspendre, _v._ to suspend, hang. syllabe, _f._ syllable. symbolique, _adj._ symbolic. symetriquement, _adv._ symmetrically. sympathie, _f._ sympathy. sympathiser, _v._ to sympathize. symptome, _m._ symptom. systeme, _m._ system. T t', _see_ te. ta, _see_ ton. tabac, _m._ tobacco (_c_ not pronounced). tabatiere, _f._ snuff-box. table, _f._ table. tableau, _m._ picture, diagram. tableau, scene, board. tablette, _f._ tablet, shelf. tablier, _m._ apron. tache, _f._ stain, spot, taint. tache, _f._ task. tacher, _v._ to stain. tacher, _v._ to try. taciturnite, _f._ taciturnity. taffetas, _m._ taffeta (formerly a heavy silk, now a thin, glossy silk; _s_ not pronounced). taille, _f._ cut, figure, size, waist. tailler, _v._ to cut, cut out, carve; at faro: to hold the cards and play alone against all, deal. taire, _v._ to suppress, keep quiet; se --, be or become silent, keep quiet. talent, _m._ talent. talonner, _v._ to be close on the heels of. talus, _m._ embankment, bank, slope (_s_ not pronounced). tambour, _m._ drum, drummer. tan, _m._ tan (bark). tandis, _adv._ meanwhile; -- que, _conj._ whereas, white. taniere, _f._ den, lair. tanner, _v._ to tan. tanneur, _m._ tanner. tant, _adv._ so much, so many; -- que, conj. so long as, as much as, so much, as many; -- bien que mal, as well as possible, fairly well. tante, _f._ aunt. tantot, _adv._ soon, a little ago, before long, just now; -- ... --, now ... now. tapage, _m._ uproar, noise, disturbance. tapageur, -euse, _adj. and s._ roistering, noisy, uproarious, riotous, brawler, roisterer, noisy fellow. tape, _f._ rap, slap. taper, _v._ to slap, strike, stamp; -- de l'oeil, drop off (asleep). tapir (se), _v._ to crouch; tapi, -e, crouching. tapis, _m._ carpet, rug, table-cover, cloth; -- vert, green baize (of the table). tarabuca, _f._ used by Gautier as the name of an Arab air, probably erroneously derived from darabukke (Arahic), a kind of tambourine or hand-drum. Tarascon, town on the Rhone, north of Arles. Tarbes, town in the department of Hautes-Pyrenees. tard, _adv._ late. tarder, _v._ to be late, be slow in, be long in; il lui tardait de, he was anxious to. tardif, -ive, _adj._ tardy. tarir, _v._ to dry up, exhaust; ne point -- en, never get tired making. tas, _m._ pile, heap. tasse, _f._ cup. tater, _v._ to feel, feel of. tatons (a), _adv._ groping, feeling one's way. taudis, _m._ hovel, dirty hale. te, _conj. pr._ (familiar), you, to you (occasionally: thee, to thee). Te Deum, _m._ Te Deum (a hymn sung as a service of thanksgiving; pronounced as in Latin). teigneux, -euse, _adj._ scurvy. teindre, _v._ to dye. teint, _m._ dye, tint, complexion. teinte, _f._ tint, tinge, hue, coloring. tel, -le, _adj._ such; un --, such a, such and such a one, so and so; connu pour --, known as such, known to be so. telephoner, _v._ to telephone. tellement, _adv._ so, to such a degree. temeraire, _adj._ rash. temoigner, _v._ to witness, show. temoin, _m._ witness. tempe, _f._ temple (of the head). tempete, _f._ tempest. temps, _m._ time, weather; dans le --, in former times; dans les premiers --, at first (pronounced as the adverb tant). tendon, _m._ tendon, sinew. tendre, _adj._ tender. tendre, _v._ to stretch, stretch out, extend, band, bang, drape; -- l'oreille, listen intently. tendrement, _adv._ tenderly. tendresse, _f._ tenderness, fondness, affection. tenebres, _f. pl._ darkness. tenir, _v._ to hold, keep, get, keep to, stick to, be contained in; tiens!, tenez!, wait!, see!, there!, here!, ah!; -- a, insist on, be attached to, cling to, cherish, be anxious about, deliver (a speech) to; -- dans, hold in, be contained in; il n'y tint plus, he could not stand it any longer; se --, remain, keep, stand, be; je ne (me) tiens plus sur mes jambes, I cannot stand up any longer; faire -- a, have sent to. tentation, _f._ temptation. tentative, _f._ attempt. tenter, _v._ to tempt, attempt. tenue, _f._ bearing, carriage, dress, full dress, form, formality; en grande --, in full dress; -- de soiree, evening clothes. terme, _m._ term, expression. terminer, _v._ to termina to, end, finish; se --, end, etc. terne, _adj._ dull, lusterless, gloomy. ternir, _v._ to tarnish. terrain, _m._ soil, piece of land, ground. terrasse, _f._ terrace, flat roof of an Oriental house. terre, _f._ earth, land, cultivated land, ground, earthenware; par --, on the ground or floor; a --, to the ground or floor. terrestre, _adj._ terrestrial. terreur, _f._ terror. terrible, _adj. and m._ terrible, terrible side of thing. terriblement, _adv._ terribly. terrier, _m._ terrier, hole, burrow. territoire, _m._ territory. terroir, _m._ soil. terroriser, _v._ to terrorize. tertre, _m._ hillock, mound. tes, _see_ ton. tete, _f._ head, top, expression; en --, at the head, in front; -- de lettre, letter-head; tenir -- a, to resist, oppose. teter, _v._ to suck; donner a --, nurse. Thann, town in Alsace. theatre, _m._ theater. Thebes, Thebes (reference in the text is to the celebrated ancient Egyptian city, not to the Greek village). theologien, _m._ theologian. thermometre, _m._ thermometer. ti, dialectic particle used in questions: je sais- --?, do I know? tic-tac, _m._ tick-tack, ticking. tiers, _m._ third. tige, _f._ stem, shaft, stick, club. tigre, _m._ tiger. timbre, _m._ bell, hand-bell, tone, sound, stamp. timbre, -e, _adj._ stamped; papier --, officially stamped paper (with the revenue stamp). timide, _adj._ timid. timidite, _f._ timidity. tintement, _m._ tinkling. tinter, _v._ to tinkle, ring, toll. tir, _m._ shooting, shooting-gallery, shooting-grounds. tirade, _f._ tirade (long speech in a drama). tirailler, _v._ to pull about, plague. tirailleur, _m._ sharp-shooter, skirmisher. tirer, _v._ to draw, pull, draw lots, attract, pull off, extricate, get out, shoot, tire, arouse; s'en --, get oneself out, manage, get along; -- au sort a qui ..., draw lots to see who.... tireur, _m._ puller, shot (person). tiroir, _m._ drawer. tisserand, _m._ weaver. titre, _m._ title, claim, right; a -- de, by virtue of being. toast, _m._ toast (pronounced: _tost_). toi, _disj. and conj. pr._ (familiar), you, to you (occasionally: thou, thee, to thee); a --, your turn. toile, _f._ cloth, canvas, linen, web. toilette, _f._ toilet, dress, dressing. Toine (abbreviation of Antoine), Tony. toise, _f._ fathom (6 feet). toiser, _v._ to size up, measure, eye from head to toot. toison, _f._ fleece. toit, _m._ roof. tole, _f._ sheet-iron. tolerer, _v._ to tolerate; -- que, bear to have. tomate, _f._ tomato. tombe, _f._ tomb, grave. tombeau, _m._ tomb, tombstone. tombeki, _m._ kind of tobacco raised chiefly in Persia (usually written tombeki). tomber, _v._ to fall, fall down, drop; faire --, make fall, empty (ashes, etc.); le jour tombe, it grows dark; a la nuit tombante, au jour tombant, at nightfall. Tombouctou, Timbuktu (African town on the upper Niger). ton, _m._ tone. ton, ta (tes, _pl.), poss. adj. pr._ (familiar), your (occasionally: thy). Toni, Tony. Tonkin, _m._ Tonkin (French protectorate in Indo-China, definitively conquered in 1885). tonne, _f._ tun, hogshead. tonneau, _m._ cask, barrel, ton. tonner, _v._ to thunder. toque, _f._ Hat cap, toque (the French judge's toque suggests a cylinder flaring at the top). torche, _f._ torch. tordre, _v._ to twist, wring; se --, writhe, laugh convulsively. torrent, _m._ torrent, flood. tors, -e, _adj._ twisted, crooked. torse, _m._ trunk (of a person), body. tort, _m._ wrong, harm, stigma; avoir --, to be wrong; a --, wrongly. Tortillard, proper name suggesting tortiller. tortiller, _v._ to twist. tortu, -e, _adj._ crooked, gnarled. tortue, _f._ tortoise, turtle. torture, _f._ torture, torment; mettre l'esprit a la --, to rack one's brains. torturer, _v._ to torture, torment. tot, _adv._ soon, early. toucher, _v._ to touch, touch on; -- a, touch, meddle with, border on, draw near; touchant,-e, touching, pathetic. touffe, _f._ tuft, clump, cluster. toujours, _adv._ always, all the time, continuously, ever, still, nevertheless, at any rate. tour, _f._ tower. tour, _m._ turn, circuit, trip around, trick, feat; faire le -- (de), to make the circuit, fun around; -- a --, in turn. tourbillon, _m._ whirlwind, whirlpool, swarm. tourbillonner, _v._ to whirl. tourelle, _f._ turret; escalier en --, winding turret stairway. tourmenter, _v._ to torment. tournant, _m._ turn, corner. tournee, _f._ turn, tour, trip, round. tourner, _v._ to turn, flank, turn around or over or the corner of, turn out, wind, twist, bend, circle; se --, turn oneself, turn, turn around; mal --, take a turn for the worse, turn out badly; mal tourne, badly formed or built, homely; -- au plafond, encircle the ceiling. Tournevent, imaginary town. tournoiement, _m._ turning, winding. tournoyer, _v._ to turn, whirl. tournure, _f._ shape, figure, form, appearance. Tours, city on the Loire. tourterelle, _f._ turtle-dove. tous, _see_ tout. tousser, _v._ to cough. tout, -e (tous, toutes, _pl.), adj., adv. and s._ all, every, everything, everyone, wholly, quite, very, wide (open), any; --le jour, all day; tous les jours, every day; en -- cas, in any case; -- a fait, wholly, entirely, altogether, wholeheartedly; -- de meme, all the same; pas du --, not at all; rien du --, nothing at all; -- au plus, at the very most; c'est -- au plus si je pourrais, at the very most I could only; avoir de --, to have something of everything; -- un jour, an entire day; comme --, as everything, as anything; toute fee que je sois, fairy though I be; -- en, while, all the time (with participle); le --, all (when tous stands alone, without a noun, _s_ is pronounced). toutefois, _adv._ however, still, yet, nevertheless. tout-puissant, -e, _adj._ all-powerful, omnipotent. Tramasset (Edouard), Coppee's cousin, to whom he dedicated _Le Louis d'Or_. tracasser, _v._ to vex, plague, annoy. trace, _f._ trace, mark, track. tracer, _v._ to trace. tradition, _f._ tradition. traduction, _f._ translation. traduire, _v._ to translate. tragediante, _m._ tragedian (Italian). tragedie, _f._ tragedy. tragique, _adj._ tragic. trahir, _v._ to betray. train, _m._ pace, rate, bustle, course, train, raft, train of boats; en -- de, in the act of, about to; -- de bateaux, line of boats, tow. trainee, _f._ trail. trainer, _v._ to drag, draw, drawl; se --, drag oneself along. trait, _m._ trace, shaft, trait, feature, draught. traite, _m._ treaty, agreement. traiter, _v._ to treat, treat of; -- de, treat as, call. traitreusement, _adv._ treacherously. trajet, _m._ journey, trip, distance, way. tramway, _m._ tramway, street-car. tranche, _f._ slice. trancher, _v._ to cut, cut off or out, stand out, form a contrast; tranchant, -e, adj. cutting, sharp. tranquille, _adj._ tranquil, quiet; laisser --, to let alone, let be; vivre --, live quietly (_ll_ in this and the next three words is not liquid). tranquillement, _adv._ tranquilly, quietly. tranquilliser, _v._ to tranquilize, quiet, make easy. tranquillite, _f._ tranquillity, quiet, ease (of mind). transcrire, _v._ to transcribe. transe, _f._ fright, pang. transformer, _v._ to transform. transi, -e, _adj._ chilled, benumbed. transparent, -e, _adj._ transparent. transpiration, _f._ perspiration, transpiration. transport, _m._ transportation, transport, rapture. transporter, _v._ to transport, convey, carry. trappe, _f._ trap-door. trapu, -e, _adj._ thick-set, dumpy. traquer, _v._ to track, hunt, pursue (closely). travail, _m._ work, labor, laboring; instrument de --, tool. travailler, _v._ to work, till, plow through, torment; travaille, -e, worked, wrought. travers, _m._ breadth, width; a --, through, across; au -- de, through; en --, crosswise; en -- de, across, through; de --, awry, not on straight, crooked, crosswise, sidewise, askance, wrong. traversee, _f._ crossing, passage. traverser, _v._ to cross, pass through, traverse. trebucher, _v._ to stumble, trip. treillis, _m._ trellis, lattice. treize, _card._ thirteen. tremblement, _m._ trembling. trembler, _v._ to tremble; tremblant, -e, trembling, quaking, shaking. tremper, _v._ to soak. trentaine, _f._ about thirty. trente, _card._ thirty. trente-cinq, _card._ thirty-five. trente-deux, _card._ thirty-two. trente-quatre, _card._ thirty-four. trente-sept, _card._ thirty-seven. trente-six, _card._ thirty-six. trepignement, _m._ stamping. trepigner, _v._ to stamp. tres, _adv._ very, very much. tresor, _m._ treasure. tressaillir, _v._ to start, jump, thrill. tretous (dialectic, = tres tous), _m. pl._ all indeed, quite all. triangle, _m._ triangle. tribu, _f._ tribe. tribunal, _m._ tribunal, court. tricorne, _m._ three-cornered hat. tricot, _m._ knitting, knitted vest. tricoter, _v._ to knit. trinquer, _v._ to touch glasses before drinkingo triolet, _m._ triolet, triplet. triomphal, -e, _adj._ triumphal. triomphalement, _adv._ triumphantly. triomphe, _m._ triumph. triompher, _v._ to triumph; triomphant, -e, triumphant. tripe, _f._ tripe, bowels, stomach. triple, _adj._ triple. tripler, _v._ to triple. tripot, _m._ gambling-house. trique, _f._ cudgel. triste, _adj._ sad, gloomy, dismal, wretched. tristement, _adv._ sadly. tristesse, _f._ sadness. trois, _card._ three. troisieme, _ord._ third; chambre du --, fourth-story room. tromper, _v._ to deceive, disappoint; se --, be mistaken, make a mistake. tronc, _m._ trunk, tree-trunk. troncon, _m._ fragment, stump. trone, _m._ throne. tronquette, _f._ girl, lass (popular). trop, _adv._ too, too much; pas --, not too much, not very much. trot, _m._ trot; petit --, slow trot. trottoir, _m._ sidewalk. trou, _m._ hole. trouble, _m._ trouble, embarrassment, confusion, disturbance, distress. troubler, _v._ to trouble, disturb, confuse, excite; se --, be disturbed, become troubled. trouer, _v._ to make a hole in, pierce; troue, -e, pierced, full of holes. troupe, _f._ troop, crowd, brood (of chickens), litter (of pigs); de la --, soldiers. troupeau, _m._ flock, herd. troupier, _m._ trooper. trousse, _f._ case; aux trousses (de), at one's heels. trousseau, _m._ trousseau, outfit. trouver, _v._ to find, consider, discover, hit on; se --, find oneself, be found, chance to be, be, find that one has, offer an opportunity; s'en -- bien, find it good for one. truffe, _f._ truffle. truie, _f._ sow. truisse, _f._ clump of trees (used especially in La Vendee). trumeau, _m._ pier (of a wall), pier-glass. tu, _conj. pr._ (familiar), you (occasionally: thou). Tubingue, Tuebingen (town in Wuerttemberg). tuer, _v._ to kill. tumulte, _m._ tumult, uproar. tumultueusement, _adv._ tumultuously, riotously. tumultueux, -euse, _adj._ tumultuous, riotous. tunique, _f._ tunic, coat (of a uniform). turban, _m._ turban; valeurs a --, Turkish stocks (financial vernacular). turc, turque, _adj. and s._ Turkish, Turk (written Turc when _s._). turco, _m._ turco (Algerian soldier in the French service). turne, _f._ wretched room, shanty (familiar). tuyau, _m._ tube, pipe, flue. typographe, _m._ printer; adjectively: printer's. U uhlan, _m._ uhlan (German lancer; no elision before this word). un, -e, _card. and indef. art._ one, a, an; l'--, one; les uns ... les autres, some ... others; les uns les autres, one another; les uns aux autres, to one another; l'-- et l'autre, both; se regarder l'-- l'autre, to look at each other. uni, -e, _adj._ united, smooth, uniform. uniforme, _m._ uniform. union, _f._ union. unique, _adj._ unique, only. uniquement, _adv._ only. usage, _m._ usage, use, custom. user, _v._ to use up, wear out, use, -- de, make use of. usine, _f._ factory. utile, _adj._ useful. V vacance, _f._ vacancy, vacation. vacarme, _m._ uproar, hubbub. vache, _f._ cow. vaciller, _v._ to vacillate, reel, totter, shake. va-et-vient, _m._ going and coming. vagabond, _m._ vagabond, vagrant. vague, _f._ wave, sea. vague, _adj._ vague, indistinct. vaguement, _adv._ vaguely. vaillant, -e, _adj. and s._ valiant, strong, brave. vain, -e, _adj._ vain, empty, useless. vaincre, _v._ to conquer, vanquish; vaincu, -e, _adj. and s._ conquered, one conquered. vainement, _adv._ vainly. vainqueur, _m._ victor, conqueror; adjectively: victorious. vaisseau, _m._ vessel, ship. valet, _m._ valet, man-servant, farm-hand; -- de chambre, man-servant. valetaille, _f._ pack of footmen (derogatory). valeur, _f._ value; _pl._ bills, paper (commercial). valise, _f._ valise. vallee, _f._ valley. vallon, _m._ little valley, vale. valoir, _v._ to be worth; -- mieux, be worth more, be better. Van den Berg, name of the Doyen in _la Montre du Doyen_ (_van_ is the Dutch prefix corresponding to the German _von, Berg_ = mountain, in German). vanite, _f._ vanity. vaniteux, -euse, _adj._ vain. vanter, _v._ to boast of, brag about, extol. vanvole, _see_ venvole. vapeur, _f._ vapor, steam, fume, mist; _m._ steamer. vaquer, _v._ to be vacant; -- a, attend to, go about. vareuse, _f._ jumper, pea-jacket. variation, _f._ variation. varier, _v._ to vary. vase, _m._ vase. vaste, _adj._ vast, immense. va-t-au-nord, _m._ shift to the north (popular). va-t-au-sud, _m._ shift to the south (popular). veau, _m._ calf, veal. vegetation, _f._ vegetation, vegetable growth, plant. vehemence, _f._ vehemence. veille, _f._ eve, clay before. veiller, _v._ to watch, sit up; -- a, watch over; veille sur toi, look out for yourself. veine, _f._ vein, good luck. velours, _m._ velvet. veloute, -e, _adj._ velvety. vendange, _f._ vintage. vendetta, _f._ vendetta, blood-feud (in Italian, = vengeance; _en_ pronounced as in _bien_). vendeur, _m._ vendor, seller. vendre, _v._ to sell; a --, for sale. vendredi, _m._ Friday. venerable, _adj._ venerable. veneration, _f._ veneration; avoir en --, to worship. vengeance, _f._ vengeance. venger, _v._ to avenge. venir, _v._ to come; -- de, come from, have just; -- a, come to, happen; s'en --, come away or along; venu, _m._ comer. vent, _m._ wind; au --, in the wind, flying. vente, _f._ sale. ventre, _m._ belly, stomach, hull, body. ventrebleu, _interj._ by heaven!, etc. ventru, -e, _adj._ big-bellied, pot-bellied. venue, _f._. coming. Venus, Venus; cheveux de --, kind of maidenhair fern. venvole (a la), _adv._ heedlessly, lightly (obsolescent; formerly and incorrectly written vanvole, the word is derived from vent). verdir, _v._ to make or turn green. verdure, _f._ verdure, green vegetables. vergue, _f._ yard (of a ship). verification, _f._ verification. veritable, _adj._ veritable, true, real. veritablement, _adv._ veritably, really. verite, _f._ truth. vermeil, -le, _adj._ vermilion, bright red, rosy. vermoulu, -e, _adj._ wormeaten. vernir, _v._ to varnish, polish. vernis, _m._ varnish, polish. verre, _m._ glass; petit --, small glass of brandy. verrou, _m._ bolt. vers, _m._ verse. vers, _prep._ toward. verser, _v._ to pour, pour forth or out, shed. verset, _m._ verse (of a hymn, of the Koran, etc.). verste, _f._ verst (Russian measure, about one kilometer). vert, -e, _adj. and m._ green. vertige, _m._ vertigo, giddiness, dizziness. vertu, _f._ virtue. verve, _f._ animation, spirit. veste, _f._ short coat, jacket. vestibule, _m._ vestibule. vestige, _m._ vestige, trace. veston, _m._ jacket, short coat. vetement, _m._ garment, piece of clothing; _pl._ clothes. veteran, _m._ veteran. vetir, _v._ to clothe, dress, cover. vetuste, _f._ oldness, antiquity, decay. veuf, veuve, _m., f._ widower, widow. viager, -gere, _adj._ for life; rente viagere, life annuity. viande, _f._ meat. vibrer, _v._ to vibrate, quiver; vibrant, -e, vibrating, resounding, quivering, tremulous. vice, _m._ vice. victime, _f._ victim. victoire, _f._ victory. vide, _adj._ empty. vider, _v._ to empty; se --, be emptied, empty oneself. vie, _f._ life, living. vieillard, _m._ old man. vierge, _f. and adj._ virgin; la sainte Vierge, the Holy Virgin. vieux (vieil, before vowels), vieille, _adj. and s._ old, old man or woman. vif, vive, _adj._ lively, alive, keen, brisk, bright, vivid, living. vigne, _f._ vine, vineyard. vignette, _f._ vignette (small ornamental engraving in a book, on letter-paper, etc.). vigoureux,-euse, _adj._ vigorous. vigueur, _f._ vigor, strength, force. vil, -e, _adj._ vile, despicable, base. vilain, -e, _adj._ mean, dirty, nasty, coarse, wretched, ugly, scandalous. villa, _f._ villa (in this and in the next four words _ll_ is not liquid). village, _m._ village. villageois, -e, _adj. and s._ rustic, villager. ville, _f._ city, town; -- forte, stronghold. Villemomble, village 8 miles east of Paris. vin, _m._ wine; -- du Rhin, Rhine wine. vingt, _card._ twenty. vingtaine, _f._ score. vingt-cinq, _card._ twenty-five (_t_ pronounced). vingt-deux, _card._ twenty-two (_t_ pronounced as _d_). vingt-huit, _card._ twenty-eight. vingtieme, _ord._ twentieth. vingt-trois, _card._ twenty-three (_t_ pronounced in vingt). violemment, _adv._ violently (_em_ pronounced as _am_). violence, _f._ violence, force. violent, -e, _adj._ violent. violer, _v._ to violate. violet, -te, _adj._ violet. violette, _f._ violet. violon, _m._ violin, violinist. violoncelliste, _m._ violoncellist. vindicatif, -ive, _adj._ vindictive. virer, _v._ to turn. visage, _m._ visage, countenance, face. viser, _v._ to aim at, vise. visible, _adj._ visible. visiblement, _adv._ visibly. visiere, _f._ visor. vision, _f._ vision. visite, _f._ vigil. visiter, _v._ to vigil, inspect. visiteur, -euse, _m., f._ visiteur. vite, _adv._ quickly. vitesse, _f._ speed. vitre, _f._ window-pane. vitrer, _v._ to glaze; vitre, -e, _adj._ glass. vitreux, -euse, _adj._ glassy. vivacite, _f._ vivacity. vivement, _adv._ quickly, briskly, heartily, intensely, keenly. vivre, _v._ to live, be alive; pour --, live, live on; vive!; long live!; vivant, -e, living, alive. vociferer, _v._ to vociferate, bawl. voeu, _m._ vow, wish. voici, _prep._ here is, here are, ago, you see here, etc.; le --, here he (it) is. voie, _f._ way; en bonne --, on the road to recovery. voila, _prep._ there is, there are, you see there, that's it, that's how it is, there you have it, here is, etc.; le --, there he (it) is; -- que, suddenly, it happened that, now; -- deux jours que, for two days; -- qui est bien, that's right. voile, _m._ veil, sail; toile a --, sail-cloth. voiler, _v._ to veil. voir, _v._ to see; voyons, let us see, come now!; voyez-vous, just see, you see; -- la chose, see the thing, see about the matter; faire --, show; nous verrons cela, we'll see about that; bien vu, in favor; vu que, _conj._ seeing that; vu, _prep._ seeing, in view of. voisin, -e, _adj. and s._ neighboring, adjoining, bordering, neighbor. voisinage, _m._ neighborhood; de --, neighborly. voiture, _f._ carriage. voix, _f._ voice; d'une -- rauque, hoarsely. vol, _m._ theft. vol, _m._ flight, flock; a -- d'oiseau, bird's-eye view. volaille, _f._ fowl, poultry. volant, _m._ shuttlecock, pump handle. volcan, _m._ volcano. voler, _v._ to teal, rob. voler, _v._ to fly. volet, _m._ shutter. voleur, -euse, _m., f._ thief, robber. volontaire, _adj._ voluntary. volontairement, _adv._ voluntarily. volonte, _f._ will, wish. volontiers, _adv._ willingly. voltiger, _v._ to hover, flutter, flit. volumineux, -euse, _adj._ voluminous, bulky. volupte, _f._ pleasure, delight. voluptueux, -euse, _adj._ voluptuons. voracement, _adv._ voraciously, ravenously. vos, _see_ votre. Vosges (les), _m. pl._ the Vosges (chain of mountains in north-eastern France and south-western Germany. parallel with the upper Rhine; pronounced: _voge_). vote, _m._ vote. voter, _v._ to vote. votre (vos, _pl.), poss. adj. pr._ your. votre, _poss. adj. pr._ (usually with the article), yours. vouer, _v._ to devote, consecrate, dedicate. vouloir, _v._ to wish, will, be willing, require, decree, start, expert; -- bien, be willing, be willing to, accept; -- bien de; be willing to accept; -- dire, mean; en -- a, have a grudge against, be angry with; que voulez-vous?, what do you wish?, what do you expect?; veuillez, be good enough to. vous, _conj. and disj. pr._ you, to you. vous-meme (s), _pr._ you, yourself, yourselves. voute, _f._ vault, arch. vouter, _v._ to vault. voyage, _m._ voyage, journey, trip, traveling, travels. voyager, _v._ to travel. voyageur, _m._ traveler. vrai, -e, _adj._ true, real; bien --, really; dire --, to speak the truth. vraiment, _adv._ truly, really. vraisemblance, _f._ likelihood, probability (_s_ pronounced as in sembler). vue, _f._ view, sight; perdre de --, to lose sight of. vulgaire, _adj._ vulgar, low, common. vulnerable, _adj._ vulnerable. W w, this letter does not belong to the French alphabet, it occurs only in foreign words. wachtman, _m._ watchman (German). wagon, _m._ railway-car; -- a minerai, ore or mining car. Walewska, _see_ Gallitzin. Wilfrid, Wilfrid. Y y, _adv. and conj. pr._ there, to or at or in it, to or at or in them, about it, to him, etc., here. ya, _adv._ yes (German). yatagan, _m._ yataghan (long Turkish dagger). yeux, _see_ oeil. Ypsilanti (Alexandre), Alexander Ypsilanti (or Hypsilanti), a Greek who became an officer in the Russian army; in 1820 he became the head of the Greek Hetreria, a secret society founded in Odessa for the purpose of liberating Greece from the Turks, and in 1821 he led an insurrection against the Turks in the Danube provinces and inaugurated the Greek war for independence; after a number of mistakes (_cf. the deroute de Skouliani_) and humiliating defeats, and after having been dismissed from the Russian army, he died in poverty (1792-1828). Z Zaatcha, Algerian oasis near Biskra (captured by the French in 1849). Zahn, proper name (_Zahn_ = tooth, in German). zebeks (zebecks or zebecs), _m. pl._ there is a Turkish word (_zebek; or zebeik_;) with an obscene meaning, probably Gautier found this unknown word and thought that it meant "aldquo;attendant," it should be so translated. There is a similar word in Turkish (_zibek or zeibek_, with a different _k_), which means "vldquo;vagabond" or "pldquo;people living in the mountains." Zette (abbreviation of Suzette), Susie. Zidore, abbreviation of Isidore. Zimmer, proper name (_cf. Zimmer_, room, in German). zingueur, m. zinc-worker. End of Project Gutenberg's Contes Francais, by Douglas Labaree Buffum *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CONTES FRANCAIS *** ***** This file should be named 12949.txt or 12949.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.net/1/2/9/4/12949/ Produced by Renald Levesque Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. 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It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at http://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.net This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.