Project Gutenberg's De profundis!, by Carolus [Charles-Auguste Durand] This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net Title: De profundis! Episode Maritime Author: Carolus [Charles-Auguste Durand] Release Date: May 26, 2004 [EBook #12451] Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK DE PROFUNDIS! *** Produced by Tonya Allen and PG Distributed Proofreaders. This file was produced from images generously made available by the Bibliotheque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr. _A Monsieur_ H. Gourdon de Genouillac _Hommage respectueux_, CHARLES DURAND. _CONTES ET NOUVELLES_ DE PROFUNDIS! _Episode Maritime_ PAR CAROLUS Victimes sublimes du devoir, dont la noble devise: SAUVER OU PERIR! fait soudain battre le coeur, je vous salue! _Le Croisey, Le Prevost, Dessoyers, Le Blanc, Cardine, Moncus, Meneleon, Fossey, Varescot, Ollivier, Jacquot_.... Phalange incomparable! Que n'ai-je, au lieu d'une plume, le ciseau qui grave le souvenir des grands hommes au fronton des Pantheons!... I Le vent soufflait avec rage. On voyait au ciel de gros nuages dechiquetes, accourant de l'Ouest et se poursuivant comme des haillons de sorcieres dans un sabbat infernal.... Fouettee par l'ouragan, la mer se tordait et bondissait a des hauteurs monstrueuses, pour se rouler ensuite avec un fracas d'avalanche jusqu'au pied des falaises.... Le flot, en se retirant, beuglait de la voix terrible d'un monstre enchaine. La nuit tombait. Au loin, le Havre s'allumait; mais les quais restaient deserts et mornes, et les abords de la ville presentaient ce tableau de melancolie qui s'encadre toujours dans les convulsions de la tempete.... Au rez-de-chaussee du phare qui se dresse a l'extremite de la jetee Nord, deux hommes etaient assis et pretaient l'oreille aux bruits du dehors. Le plus age de ces deux hommes avait la figure rude et halee des gens habitues a la mer. Une barbe courte, taillee en fer-a-cheval, donnait a son visage je ne sais quelle expression de hardiesse, completee par le regard vif et percant de deux yeux a demi caches sous d'epais sourcils. Tout le reste de sa physionomie repondait a cette premiere impression; mais on devinait vite, sous cette enveloppe presque farouche, un coeur doux et sensible, une ame droite et genereuse. Il etait vetu d'une vareuse de forte laine et d'un pantalon de toile grossiere dont les jambes disparaissaient dans d'enormes bottes montant au-dessus des genoux. Un chapeau de cuir goudronne completait cet accoutrement, sinon gracieux, du moins conforme aux circonstances. Son compagnon etait vetu d'une facon analogue. Mais sous le vaste chapeau apparaissait une figure toute jeune, bien qu'elle respirat deja une certaine energie. Le premier pouvait avoir cinquante ans, l'autre n'en avait pas vingt. Le vieux fumait dans une de ces courtes pipes que les matelots ont baptisees du nom de "brule-gueule." Mais s'il s'acquittait de cette operation avec une impassabilite que les bruits du dehors ne pouvaient ebranler, son compagnon, lui, semblait inquiet et, de temps en temps, quittait son siege pour aller regarder par la petite fenetre ouverte sur la mer. Pendant une de ces allees et venues, le vieux pivota sur son tabouret et, interpellant le jeune homme: --Eh! bien, Raymond, encore tes idees noires!... On croirait, ma foi, a ma place, que tu n'as jamais vu de tempete!... Pourtant, cela te connait. Je sais, moi, que tu n'as jamais pali, au large, quand le ciel et l'eau se donnaient le mot pour nous payer une valse a leur facon.... Oui mais, ici, sur le plancher des vaches, te voila tout change. Le plus petit coup de vent te tourne la face en creme.... --Patron, vous souvenez-vous du 12 mars?... interrompit le jeune homme avec l'accent d'une profonde tristesse. Le front du vieux s'assombrit. Une grosse larme roula sur sa joue halee. Il se leva brusquement et alla serrer en silence la main de son compagnon. --Le 12 mars!...--gemit-il au bout d'un instant.--Pardonne-moi, garcon, je l'avais oublie.... Tu n'as pas oublie, toi.... Ah! c'est une date terrible dans ma vie comme dans la tienne.... La mer t'a pris, ce jour-la, ton pere et tes deux freres: a moi, elle m'a ravi mes deux meilleurs amis, Gosselin, ton pere, et Darnetal, le pere de ma Jeanne.... Ce souvenir, vois-tu, Raymond, je l'ai la, pourtant, comme si c'etait d'hier.... Ils allaient arracher a la mort quelques malheureux en detresse. La mort s'est vengee d'eux en les prenant, eux aussi!... Je les revois sauter dans la barque fatale. Je voulais aller avec eux. Ils me repousserent en me disant: "Si nous n'en revenons pas, tu resteras, toi, pour consoler les petits...." Les petits, c'etait toi, Raymond, c'etait elle, ma Jeanne.... Alors, je ne songeais, moi, qu'a les exciter. Leur enthousiasme m'aveuglait aussi.... Ils montraient du doigt le bateau naufrage, ils nous disaient: "Confiance! nous reviendrons avec eux!..." Nous applaudissions; moi, plus fort que les autres. Je criais: "Allez vite!..." a ces heros qui volaient a la mort!... C'etait leur devoir, helas!... Le soir, on retrouva leurs corps a la cote. Darnetal respirait encore. Quand, apres deux jours d'agonie, mon vieux camarade se sentit partir a son tour: "Talbot, me dit-il, en etreignant convulsivement ma main,--tu es mon plus vieil ami ... j'ai toujours eu en toi la plus grande confiance.... C'est pourquoi je te legue ma petite Jeanne.... Je veux qu'elle soit heureuse pres de toi, comme elle le fut chez nous ..., sois pour elle un pere, d'abord ..., puis, quand elle sera femme ..., dans quatre ou cinq ans, sois pour elle un bon mari.... Jure-moi, Talbot, qu'elle sera ta femme!..." Je jurai, et il mourut en mettant ma main dans celle de Jeanne.... Le vieux matelot se tut. Ses yeux, qu'il avait tenus baisses en parlant, se releverent sur Raymond, assis en face de lui. Une paleur subite avait envahi les traits du jeune homme. Un tremblement de fievre agitait tous ses membres. Quand Talbot eut fini de parler, un gemissement sourd souleva sa poitrine, ses yeux se fermerent. Il serait tombe si son compagnon ne s'etait precipite pour le soutenir. --Raymond, mon enfant!--cria ce dernier, en regardant avec effroi le visage bleme du jeune matelot.--Sainte Vierge! il se trouve mal!... Raymond, Raymond!... Une idee soudaine lui traversa l'esprit. Sans se lamenter davantage, il saisit le jeune homme dans ses bras robustes, ouvrit la porte et, en depit des vagues qui venaient se briser a ses pieds et des raffales qui menacaient de le renverser a chaque pas, il courut du cote d'une maisonnette elevee a quelque distance du phare. Il frappa rapidement au carreau d'une fenetre. --Jeanne, Jeanne! ouvre vite,--cria-t-il. La porte s'ouvrit. Une jeune fille apparut dans l'entrebaillement. Elle poussa un cri en apercevant le matelot, qui pliait sous le poids de son fardeau. Talbot alla droit a un vaste lit dresse dans un des angles de la piece. La jeune fille accourut avec une lumiere: --Raymond!...--cria-t-elle avec effroi, en reconnaissant celui que le vieux matelot venait d'allonger sur le lit.--Est-il blesse? --Il est evanoui,--repondit Talbot, qui ne remarqua pas l'emotion de la jeune fille.--J'espere que ce ne sera rien.... J'ai eu la betise de lui rappeler de vieilles histoires qui l'ont ebranle. Ce pauvre garcon est si sensible!... Mais, vite, Jeanne, de l'eau, du vinaigre! Le jeune homme reprit bientot connaissance. Son regard s'arreta d'abord sur Jeanne qui, penchee sur lui, etait occupee a lui faire respirer un chiffon trempe de vinaigre. Le visage de la jeune fille s'empourpra. Elle recula brusquement, pendant que Talbot se penchait a son tour: --Comment te trouves-tu, Raymond?--interrogea-t-il. --Je suis bien faible, patron,--murmura le jeune homme. --Eh! bien, mon garcon, repose-toi. Je retourne aux signaux. Dans une heure je reviendrai prendre de tes nouvelles. --Ne partez pas sans moi, patron, je vais avec vous,--s'ecria Raymond. Il voulut sauter du lit; mais ses forces le trahirent et il retomba en gemissant. --Sois donc raisonnable. Je reviens dans une heure.... Tu vois bien que tu as besoin de repos, il faut se faire une raison,... Si tu vas mieux tout a l'heure, alors, nous retournerons ensemble. Mais, repose-toi, je le veux ... Jeanne,--continua le vieux matelot en baissant la voix,--veille bien sur ce garcon, et s'il se trouve encore mal, accours me chercher, mon enfant. Il sortit. Jeanne, obeissante, s'assit aupres du lit, son ouvrage sur ses genoux. Le jeune homme s'etait assoupi. Les bruits confus de la tempete troublerent seuls le silence de la maisonnette. II Elle etait vraiment ravissante avec ses cheveux blonds et boucles, qu'elle portait, fidele a un caprice d'enfant, toujours denoues et simplement retenus par derriere a l'aide d'un ruban presque invisible. Des yeux azures, une bouche mignonne, laissant entrevoir, quand elle souriait, des dents du plus bel ivoire, un corps delicatement modele, tout en elle justifiait le surnom de _petite Madone_ que lui avaient donne les femmes des pecheurs d'alentour et les matelots eux-memes. Plus d'un jeune coeur s'etait senti trouble devant tant de charmes. Mais on savait Jeanne fiancee au pilote Talbot. Ce dernier pouvait etre sur, grace au respect dont il etait entoure, que pas un des soupirants ne tenterait d'avouer ses sentiments aux oreilles de la jeune fille. Il y avait six ans, a l'epoque ou commence ce recit, que Darnetal etait mort, emportant dans la tombe la promesse de Talbot. Et chaque jour le pilote pensait:--Il va falloir faire de cette enfant une petite femme.... Mais aussi, songeant a son serment: --Il me semble pourtant que je serai bien use pour echanger mon role de pere contre celui de mari.... Quelle drole d'idee a eue la mon vieux camarade!... Enfin, Jeanne m'aime. L'enveloppe, ma foi, ne changera pas. Sous une forme ou sous une autre, la petite m'aimera toujours.... Au fond, le brave homme avait besoin de reflechir profondement pour chasser le scrupule qui embarrassait sa pensee. L'horrible catastrophe qui avait fait Jeanne orpheline avait aussi prive de toute famille Raymond Gosselin. Le vieux pilote, admirable de devouement, avait pris sous sa tutelle les deux enfants. Jeanne et Raymond vivaient a l'ecart l'un de l'autre. Ce dernier n'avait jamais consenti a deserter la cabane ou s'etait ecoulee son enfance. Mais la communaute du malheur avait etabli entre eux une prompte et vive amitie. En les regardant l'un pres de l'autre, Talbot s'etait dit plus d'une fois:--Quel gentil menage tout de meme cela ferait!... L'affection mutuelle des deux jeunes gens se transforma vite en un sentiment plus intime. Telle en fut la force que, pour ne point se trahir, ni risquer d'affliger son vieil ami qu'il croyait sincerement epris de Jeanne, Raymond dut se resoudre a limiter ses apparitions chez le pilote. Ce dernier n'y fit guere attention: le metier les reunissait souvent au dehors. Mais la jeune fille souffrit cruellement de cet abandon. Elle devint triste; ses joues, fraiches et roses, se couvrirent d'une paleur inquietante. --La petite est bien sur malade,--se disait Talbot. Et il interrogeait Jeanne qui toujours s'efforcait de dissiper par un sourire l'inquietude du vieux matelot. Il y avait deux longs mois que Raymond n'avait revu Jeanne quand l'accident dont j'ai parle les reunit de nouveau. III Au chevet du lit ou le jeune homme s'etait assoupi, Jeanne restait silencieuse. Ses mains tremblantes avaient du abandonner l'aiguille qu'elles dirigeaient maladroitement. Immobile et songeuse, elle ecoutait la respiration entrecoupee du matelot; elle n'osait a peine remuer, comme si le plus leger bruit eut pu troubler le sommeil de Raymond. Mais son coeur battait bien fort et sa gorge se soulevait a coups precipites sous son corsage. Bientot le jeune homme s'agita sur sa couche: quelques paroles confuses sortirent de ses levres. Jeanne, inquiete, se pencha sur lui. Une vive rougeur couvrit son front et ses joues: c'etait son nom, qu'en revant, Raymond redisait avec amour. --Jeanne, Jeanne,...--murmurait-il, et son visage semblait s'immobiliser dans une profonde extase. Elle, restait penchee, palpitante, et belle a ravir sous le pourpre de ses traits. Raymond ouvrit les yeux: --Jeanne, c'est vous, je n'ai donc pas reve!... Puis, revenant a la realite:--Oh! que je souffre!... La jeune fille sentit son coeur se serrer tant ces mots contenaient de douleur cachee: --Vous souffrez, Raymond?--interrogea-t-elle en s'efforcant de vaincre son trouble. --Oh! oui, beaucoup, la, au coeur!...--Je souffre, Jeanne, parce que je vous aime!... La jeune fille ne put retenir un sanglot; elle cacha son visage dans ses mains. --Jeanne, vous pleurez!...--balbutia le matelot,--vous ai-je donc offensee?... Elle laissa retomber ses deux mains: Raymond vit un sourire de bonheur eclairer ses larmes. --Vous aussi, vous m'aimez!--s'ecria-t-il en se levant, et tombant aux genoux de Jeanne.--Vous m'aimez et je vous aime!... Le ciel a donc permis cette fatalite!... Je vous aime, Jeanne,... oh! de toute mon ame,... et c'est pourquoi je souffre, parce que je sais que je suis coupable en vous aimant... Tout a l'heure, j'ai cru que j'allais mourir. J'ai vu repasser devant mes yeux tout mon bonheur d'autrefois, mon pere, mes freres,... ma mere, si douce et si bonne... et j'ai senti combien j'etais seul sur cette terre maintenant que tous ces etres aimes sont partis, a present qu'il ne m'est plus permis de me consoler en vivant aupres de vous, non pas comme un camarade, mais, comme le voudrait mon coeur,... comme epoux!... Tenez, meme ce que je vous dis la, Jeanne, est sacrilege. Si vous m'aimez, je ne dois pas, moi, exciter votre coeur a la revolte contre l'epoux qui vous est destine ... je suis coupable,... oh! bien coupable,... de prendre sa place a vos genoux!... Il se releva brusquement. Ni lui, ni la jeune fille n'avaient entendu la porte s'ouvrir ni un pas s'annoncer derriere eux. Le pilote etait entre sans bruit. Il s'etait arrete court en les voyant, et il ecoutait avec une emotion croissante. Raymond continua: --Jurez-moi, Jeanne, que cet amour restera enseveli au fond de votre coeur, qu'il n'en sortira jamais pour troubler le bonheur de notre ami.... Talbot vous rendra heureuse. C'est un brave, un honnete marin qui vous aime et que vous devez aimer.... Moi, je partirai, j'irai loin, bien loin..., et je tacherai d'oublier.... Jamais Talbot ne saura mon amour.... Aimez l'epoux qui vous est destine, aimez-le comme il en est digne ... comme le ciel veut que vous l'aimiez! Un leger bruit l'interrompit; c'etait le pilote qui pleurait. Les deux jeunes gens leverent les yeux et virent Talbot qui leur tendait les bras: --Jeanne!... Raymond!... mes enfants!...--sanglota-t-il en les pressant longuement contre sa poitrine. Puis, parlant avec volubilite pour chasser son emotion: --Qui est-ce qui vous defend de vous aimer?... Eh! j'ai jure, j'ai jure... Mais je me suis toujours dit que Darnetal avait eu une drole d'idee. Je suis sur que, de la-haut, il voudrait pouvoir me crier:--Talbot, mon vieux, il n'y a plus de serment qui tienne.... T'imagines-tu, par exemple, que je voudrais faire de la peine a ma petite Jeanne?... Non, non; bien au contraire, puisque je te demandais son bonheur. Je t'ai dit de la rendre heureuse..., je me suis figure un instant que tu etais le seul homme capable de le faire.... Tu vois bien que je me suis trompe, puisqu'en voila un autre, plus capable que toi, mon brave.... Marie-les donc, Talbot, j'efface ta promesse.--Pour sur qu'il dirait cela. Et n'est-ce pas moi le seul coupable, mes enfants? Moi, qui aurais du voir plus tot que vous vous aimiez?... Me pardonnerez-vous?... Pleurant et riant a la fois, Raymond et Jeanne l'interrompirent sous leurs baisers: --Allons, mes enfants, qu'on s'embrasse devant moi, et qu'on se pardonne les vilaines paroles que j'ai entendues tout a l'heure.... Ce fut le baiser des fiancailles. --Dans quinze jours la noce,--conclut le pilote en se frottant allegrement les mains,--tout juste le temps de publier les bans!... IV Talbot alla reprendre son poste de "guetteur" au bout de la jetee. La nuit devait etre terrible.... Ce fut celle du 26 Mars 1882. Raymond et quelques matelots se joignirent au pilote. Il y avait la l'elite des lamaneurs havrais: tous appartenaient a l'equipe des bateaux de sauvetage armes, des la veille, en prevision d'un embarquement precipite. Cette reunion d'hommes resolus, prets a se devouer a la moindre alerte, offrait un spectacle des plus majestueux. Toutes ces figures rudes, grandies par le mepris du danger, auraient pu braver la comparaison avec ces heros de Lacedemone ou de Rome, pour qui la pensee du devoir etait inseparable de l'idee d'honneur et de patrie.... Leur epopee eut ete digne de la lyre des antiques Homerides!... Victimes sublimes du devoir! dont la noble devise: "Sauver ou Perir", fait soudain battre le coeur: je vous salue! _Le Croisey, Le Prevost, Dessoyers, Le Blanc, Cardine, Moncus, Meneleon, Fossey, Varescot, Ollivier, Jacquot...._ Phalange incomparable! Que n'ai-je, au lieu d'une plume, le ciseau qui grave le souvenir des grands hommes au fronton des Pantheons! Tous etaient la. Pas un ne songea a deserter, fut-ce une seconde, ce champ d'epouvante.... Assis au milieu d'eux, Raymond ne pensait plus a la tempete. Il ne songeait plus aux dangers qui pouvaient, a chaque instant, s'offrir en lutte au courage de ces hommes energiques. Son esprit etait reste enferme dans la chambrette, chaste nid de sa fiancee, ou, sans doute, elle revait a lui.... Avec quelle joie delicieuse ne retournerait-il pas, des le matin, pres d'elle!... quelles douces phrases s'echangeraient entre eux!... Il pourrait maintenant, sans scrupule, garder dans les siennes les petites mains de sa bien-aimee et,--qui l'en blamerait?--appuyer ses levres contre les levres roses de sa Jeanne! Et pendant que ses compagnons attendaient le jour pour mieux interroger l'horizon et braver plus surement cette mer sinistre, le jeune matelot aspirait apres l'aube pour voler pres de celle a qui son coeur pourrait enfin s'ouvrir tout entier.... Pour tous, cette nuit-la fut un siecle. Un large soupir de satisfaction s'echappa de chaque poitrine quand apparurent les premieres lueurs du matin, retardees par l'etat brumeux de l'atmosphere. Ces braves, qu'une nuit sans sommeil n'avait pu vaincre, sortirent en troupe du semaphore et se precipiterent sur la jetee. La mer etait horrible a voir. Des montagnes d'eau deferlaient a chaque instant au-dessus de la rotonde, ebranlaient la maconnerie, et venaient rouler avec un fracas assourdissant jusqu'au pied du semaphore, d'ou nos intrepides sauveteurs sortaient, fremissants d'heroisme.... Ces vagues gigantesques auraient terrasse des hommes ordinaires; elles ebranlerent a peine ces vaillants, habitues a lever le front devant la tempete. Raymond les avait suivis. Cette fievre heroique, qu'il partageait maintenant, arrachait son esprit aux pensees de bonheur qui l'avaient assailli dans la nuit.--Plus avance meme que les autres, sur cette jetee ou chaque pas augmentait les perils, il regardait au loin et cherchait a percer l'etendue encore sombre, serrant les poings comme s'il eut voulu imposer le silence au monstre qui se tordait devant lui. Tout a coup sa main s'etendit vers l'horizon. Le jour plus grand permit de voir, dans la direction qu'il indiquait, un navire qui luttait avec defaillance contre les vagues. Au grand mat, un pavillon s'agitait convulsivement. --Au canot! au canot!--cria aussitot le patron Le Croisey. Tous se precipiterent a l'envi du cote de l'avant-port. Raymond courait en avant. Au moment ou, emporte par sa course, il depassait la maison de Talbot, un cri lui fit tourner la tete. Debout sur le seuil, Jeanne lui tendait des mains suppliantes. Le jeune matelot s'arreta court. Les autres passerent sans rien voir. Jeanne s'etait precipitee vers lui. Il la recut dans ses bras. Raymond, tu n'iras pas.... C'est la mort, et je ne veux pas, moi, que tu meures! Le visage du matelot devint livide: --Oh! Jeanne, laisse-moi,--supplia-t-il;--les camarades s'embarquent.... Ils vont m'oublier!... Et, fou d'heroisme, il voulut s'arracher aux bras noues a son cou. Il entrainait la jeune fille avec lui, et Jeanne sentait ses forces l'abandonner, bien que la terreur les eut decuplees, quand un hourra prolonge ebranla l'air. C'etait le canot de sauvetage qui deja passait entre les estacades, salue par les acclamations de la foule accourue sur les quais. --Vois,--dit Jeanne avec ivresse,--ils partent sans toi!... Raymond sentit ses genoux flechir. Puis d'abondantes larmes jaillirent de ses yeux pendant qu'il murmurait: --Jeanne, Jeanne..., j'ai manque a mon devoir!... V Il faut avoir ete temoin de pareils drames pour comprendre l'emotion qui saisit tous les coeurs quand le canot, mu par vingt bras vigoureux, franchit l'extremite des jetees. Alors, pas un cri, pas un geste, parmi ce millier de spectateurs qui, haletants, suivaient du regard et accompagnaient de leurs voeux ces heros du devouement.... Vingt fois on les crut perdus, quand une lame monstrueuse soulevait la barque et la rejetait dans l'abime. Mais celle-ci reparaissait bientot, fievreuse sous l'impulsion des rameurs: et on la voyait se diriger droit sur le sloop en detresse. Ils arriverent tout pres de ce dernier. Mais l'aborder etait difficile, car, a cet endroit, un banc de rochers montrait sa crete et la mer se soulevait la en d'immenses rouleaux qui eussent vite fait chavirer le fragile canot. On les vit alors, apres un leger circuit qui les amena sur l'avant du sloop, s'arreter comme pour l'observer.... Une heure d'angoisse se passa ainsi pour la foule massee sur la jetee. Talbot et quelques matelots observaient la marche du sauvetage. Raymond, affaisse sur un banc, ne voulait rien voir.... Il pleurait. Jeanne, assise pres de lui, ne trouvant point de mots pour consoler cette etrange douleur, restait, le regard fixe, toute pale et frissonnante. Soudain un cri terrible retentit, repete par des centaines de bouches: --Perdus!... Ils sont perdus!... Raymond se dressa. Son visage, encore baigne de larmes, eut une expression d'horreur indefinissable, et son regard alla, d'un trait, a l'endroit ou le canot se montrait encore, mais vide!... Au meme instant une main etreignit la sienne. Jeanne etendait le bras vers la barque: --Va,--lui dit-elle--meurs ou sauve-les!... Il la saisit avec folie dans ses bras, la pressa sur son coeur, puis, sans une parole, s'elanca du cote ou, deja, les autres matelots s'etaient precipites. VI Quelques instants apres, le second canot, enleve vigoureusement, franchissait a son tour les jetees. Raymond etait debout a la barre.... Talbot avait du lui ceder la place. L'epouvante qui s'etait emparee de la foule arrivait a son paroxysme.... Qui savait si ces braves pourraient arriver a temps sur le lieu du sinistre? N'avaient-ils pas contre eux cette mer inassouvie qui, peut-etre, allait les engloutir comme les premiers? C'etait horrible, et plus d'un detournait la tete pour ne plus voir, quand un incident nouveau vint ranimer tous les coeurs. Du cote ou le premier canot avait chavire apparaissait un autre navire, beaucoup plus vaste que le sloop en detresse. Chacun vit distinctement une chaloupe s'en detacher et ramer avec energie vers le canot naufrage. Ce nouveau secours fut acclame par mille hourras et la voix de la foule etouffa un instant celle de la tempete. Le canot que dirigeait Raymond volait sur les vagues. La conscience d'un secours inespere avait decuple les forces des rameurs. Les deux barques furent bientot a proximite l'une de l'autre. En arrivant sur le lieu du sinistre, elles ralentirent leur marche, comme pour s'orienter. On vit les matelots se faire des signes de l'une a l'autre. Raymond etait toujours debout a la barre. Tout a coup on le vit chanceler et disparaitre. Une vague gigantesque, prenant le canot en poupe, l'avait emporte. Presque aussitot, une nouvelle vague eloigna les deux barques l'une de l'autre et, aux gestes desesperes des sauveteurs, il devint certain que leur malheureux compagnon n'avait pu etre sauve. Talbot ni Jeanne n'assisterent a cette seconde partie du drame. Le pilote avait trouve la jeune fille evanouie a la place ou Raymond lui avait donne le baiser supreme. En hate, il l'avait transportee chez lui pour lui prodiguer ses soins. Quand le soir vint, sans que son fiance eut reparu, Jeanne, en proie au delire, repetait: --Il est mort!... il est mort!... je lui ai ordonne de mourir!... VII Un soir du mois de juin 1883, le port du Havre etait anime par l'arrivee d'un des grands transatlantiques qui font le service direct entre la France et l'Amerique. Un homme franchit rapidement la passerelle qui unissait le pont du navire au quai. Il se dirigea, apres une courte hesitation, vers l'entree du port. Arrive sur le Grand-Quai, il penetra dans une ruelle obscure et s'arreta bientot a la porte d'une maison de modeste apparence. Il frappa. Une femme agee parut sur le seuil. --Le capitaine est-il chez lui?--interrogea le visiteur. --Me voici!... Que me voulez-vous?--cria une voix rude du fond de la piece. Le visiteur entra. Il se trouva en presence du maitre du logis qui l'examina curieusement et crut devoir reiterer sa question. L'inconnu se decouvrit et se placa sous la lumiere: --Capitaine Robert, me reconnaissez-vous? L'autre le fixa longuement, puis, tout a coup, recula, comme frappe de stupeur: --Raymond Gosselin!... Et il resta quelques instants, bouche beante, en regardant avec ahurissement le jeune homme immobile devant lui. Enfin, se hasardant a rompre le silence: --Toi..., c'est bien toi!... Tu n'es donc pas mort!... --De fait, puisque me voici,--repondit le matelot, en souriant malgre lui. Le capitaine lui saisit les mains. --Mon pauvre Raymond!... Que je suis content!... Embrasse-moi donc!... Ils s'etreignirent longuement. --Tu vas tout me raconter,--continua le capitaine.--Mais tu arrives, tu dois avoir faim.... Hola! la mere, a souper pour ce garcon!... La vieille qui, discretement, s'etait retiree dans la piece voisine, rentra alors. Ce fut de sa part, en reconnaissant le jeune homme, une nouvelle surprise, melangee de frayeur et suivie de pres d'une seconde accolade a laquelle notre ami se preta de bon coeur. Il etait assis, quelques instants apres, devant un solide repas et se disposait, tout en mangeant, a faire le recit que reclamait son hote. Soudain il tressaillit; la paleur couvrit ses traits, pendant que son regard s'attachait avec insistance a celui du capitaine: --Tout le monde me croit donc mort?--interrogea-t-il d'une voix mal assuree. --Tout le monde. Qui pouvait supposer que tu avais echappe a cette catastrophe sans nom?... On t'a vu tomber de la barque. Les camarades, en rentrant au port, ont declare qu'ils n'avaient pu te sauver.... On a espere quelque temps que tu avais ete recueilli par les hommes de la chaloupe, puis cette opinion a ete abandonnee, apres quelques mois d'attente.... D'ou vient que la nouvelle de ton sauvetage n'a pas ete envoyee ici? --C'est mon histoire qu'il faut vous raconter, capitaine. Ecoutez-moi. Je serai bref.... Raymond epongea la sueur froide qui perlait sur son front et continua d'une voix sourde: --Les matelots de la chaloupe, apres m'avoir recueilli sans connaissance, renoncerent a poursuivre leur sauvetage. Ils regagnerent le navire d'ou on leur faisait signe de retourner a la hate.... Quand je revins a moi, j'appris que j'etais a bord d'un bateau de Hambourg, a destination de New-York.... Je suppliai pour qu'on me debarquat en Angleterre. Le capitaine s'y refusa. Il fallait eviter les cotes, la tempete avait deja retarde le navire, et les armateurs pouvaient subir les plus grandes pertes des suites d'un retard plus considerable.... Il fallut me resigner. J'offris meme mes services. Mais j'etais incapable de supporter la plus petite fatigue.... Un matin, je restai cloue au lit, en proie a la fievre. Pendant quelques jours le mal me balanca entre la vie et la mort.... Nous approchions de New-York, quand la tempete nous assaillit de nouveau. Je fus reveille, une nuit, par un matelot alsacien qui m'avait pris en affection:--Camarade,--me dit-il,--il faut vous lever, tout de suite. Le navire fait eau, on renonce a le sauver.... Laissez-moi faire.--Il m'enleva dans ses bras robustes. L'emotion etait trop forte, je m'evanouis. Quand je revins a moi, ranime par les soins de mon sauveur, nous etions trois hommes a bord d'un leger canot, presque sans vivres, presque sans eau.... Combien de temps errames-nous sur cette mer tourmentee?... Comment le saurais-je?... Je n'avais plus conscience de la vie et je m'etonne que mes compagnons ne me jeterent pas a la mer, me croyant mort.... Je me rappelle seulement qu'un vapeur allant a New-York nous recueillit; j'ai ce vague souvenir que Fritz, mon sauveur, veilla a mes cotes jusqu'au moment ou nous debarquames en Amerique. La, toujours grace aux soins de ce brave coeur, on me transporta dans un hopital.... Apres cela, il y a dans ma vie une lacune, capitaine.... Je devins fou.... --Fou!--interrompit le capitaine avec stupefaction. --Oui, fou.... Oh! vous devez comprendre le choc que ma pauvre raison avait subi quand, tout a coup, je m'etais vu arrache a mes reves de bonheur; a la pensee que peut-etre ceux que j'aimais me croyaient mort!... Je devins fou.... Quand je revins a la realite, j'etais au fond d'un hopital, a quelques cents lieues de France! J'etais reste la une annee!... Ma guerison fut constatee et le consulat francais me fournit les moyens de me rapatrier.... Le capitaine etait devenu reveur. Quand Raymond se tut il le regarda fixement: --Que comptes-tu faire a present?... --Vous m'aiderez, capitaine, a preparer ma reapparition. Ne brusquons rien, surtout. Je resterai chez vous, cache, pendant que vous irez annoncer doucement a Talbot, puis a Jeanne..., a ma fiancee.... --Ta fiancee,...--repeta le capitaine avec un accent etrange.--Ses yeux eviterent le regard inquiet du jeune matelot. Raymond s'apercut de cette emotion: --Parlez, au nom du Ciel!--s'ecria-t-il,--Jeanne?... Qu'est-il arrive? Le capitaine hesitait a repondre. --Oh! pitie, pitie!--sanglota le matelot en cachant son visage dans ses mains. Le capitaine se leva, et posant sa main sur l'epaule du jeune homme: --Sois fort, matelot, Jeanne est mariee. --Mariee!... Raymond se redressa brusquement. Il comprima un instant les battements desordonnes de son coeur: --Avec qui?... --Jeanne est la femme de Talbot. Un soupir gonfla la poitrine du jeune homme: --Dieu l'a voulu,--murmura-t-il,--et Dieu est juste!... Et, comme se parlant a lui-meme: --Oui, Dieu est juste! Il a voulu que la volonte d'un mourant fut respectee.... Mon mariage avec Jeanne eut ete un crime ... qu'il n'a pas permis.... Cette catastrophe, cet eloignement force, ma folie..., tout n'est-il pas la pour le prouver?... --Capitaine,--continua-t-il avec l'accent de la resolution,--vous etes le seul dans le pays qui me sachiez vivant.... Voulez-vous me promettre d'en garder le secret?... Vous allez me comprendre.... Il y a ici deux etres qui portent mon deuil. C'est Talbot ... c'est Jeanne.... Ils me pleurent, mais ils sont heureux d'un bonheur auquel le Ciel les a _destines_. Ce bonheur fera leur vie.... Mon devoir, a moi, est de rester dans la tombe ou leurs pensees m'ont si souvent visite.... Promettez-moi que jamais ils ne sauront mon retour.... --Je le jure,--repondit le capitaine, visiblement emu. --Merci. Mais dites-moi.... Depuis quand Talbot et Jeanne sont-ils maries? --Quelques semaines a peine. Jeanne a ete longtemps malade. Le choc qui a ebranle ta raison, dis-tu, l'a mise, elle, a deux doigts de la mort.... Pendant sa maladie,--c'est Talbot lui-meme qui me l'a raconte,--elle n'a eu qu'une idee fixe. Elle revoyait son pere, pres d'expirer, unissant la main de Talbot a la sienne, et quand ce dernier veillait a son chevet, cherchant tous les moyens de la distraire:--Donnez-moi votre main,--lui disait-elle souvent. Il se rendait a son desir et elle murmurait en souriant:--Je suis heureuse et je veux etre votre femme.--Le vieux Talbot pleurait sans rien dire. Mais, un jour, elle lui dit:-N'est-ce pas, ami, que nous _devons_ nous marier? Promettez-moi que lorsque je serai guerie nous ferons notre _devoir_, promettez-moi que je serai votre femme....--Il dut lui faire cette promesse. Elle guerit et, au bout de sa convalescence, elle exigea qu'on publiat les bans.... Mais elle voulut garder ses habits de deuil. --Des habits de veuve!--murmura Raymond.--Jeanne a fait son devoir. Les deux hommes resterent un instant silencieux. Tout a coup Raymond releva la tete: --Il le faut,--s'ecria-t-il.--Capitaine, il faut que je les revoie.... Oh! rassurez-vous, ils ne me verront pas, eux.... La nuit tombe et les quais sont obscurs.... Voulez-vous m'accompagner? Le capitaine Robert fit un signe d'assentiment et ils sortirent. VIII Raymond et son compagnon arriverent sans etre vus jusqu'a la naissance de la jetee. La maison de Talbot s'elevait tout pres. Une lumiere brillait aux fenetres. Le capitaine arreta le matelot a quelques pas de la maison et s'avanca seul. Il revint au bout d'un instant et, prenant le bras du jeune homme, il le conduisit pres de la fenetre eclairee. --Regarde,--lui dit-il,--mais prends garde! Raymond se pencha avidement. Assise pres d'une table, tout pres de la fenetre, Jeanne etait la. Elle fixait des yeux, sous la lumiere vive d'une lampe, un objet cache dans sa main. Soudain cette main se porta a ses levres. Ce mouvement permit au matelot de voir en pleine lumiere l'objet qu'elle tenait et qu'elle baisait a plusieurs reprises. Un cri etouffe lui echappa: --Mon portrait!...--murmura-t-il, pendant qu'un tremblement convulsif s'emparait de tous ses membres. La tete lui tourna. Il allait crier, frapper au carreau, se trahir, quand un pas lourd se fit entendre du cote de la jetee. --Prends garde!--dit encore le capitaine.--C'est Talbot. Il a pu nous voir. Laisse-moi faire. Et, tout en parlant, il forca Raymond a se blottir dans un renfoncement de la muraille. Le jeune homme resta cache pendant que son compagnon allait au devant de Talbot. Il entendit la voix du pilote jeter un salut amical au capitaine. Il le vit s'avancer de son cote. Il reconnut le coup familier frappe au carreau.... La porte s'ouvrit. Un rayon de lumiere s'allongea sur le pave du quai, et l'ombre de Jeanne se maria un instant sur le sol a celle du vieux matelot. Raymond crut que son coeur se brisait!... L'epreuve n'etait pourtant pas finie. La porte s'ouvrit encore, et, dans la lumiere de la fenetre, le jeune homme vit Jeanne s'avancer.... La main de la jeune femme se tendit de son cote pour detacher le volet de la fenetre. Il aurait pu saisir cette main, crier:--Jeanne!... c'est moi!...--la prendre dans ses bras comme le jour ou elle lui avait dit:--Va et meurs! Il ne le fit pas!... Le bruit de la porte qui se refermait le decida seul a sortir de sa cachette. Il chancelait. Le capitaine, qui arrivait, dut le soutenir un instant. --Raymond,--dit-il avec une compassion mal dissimulee,--il ne faut pas rester ici... Reviens chez moi, mon garcon... --Non, capitaine,--repondit le jeune matelot avec plus de calme.--Vous l'avez dit: il ne faut pas rester ici.... La nuit favorisera mon projet.... Demain, je serai loin du Havre. --Ou vas-tu? --Ou Dieu me conduira.... _N'est-il pas le maitre de nos destinees?_ Les deux hommes s'embrasserent. Raymond jeta un dernier regard vers la maison, maintenant sombre. Un sanglot dechira sa poitrine. Puis, pressant une derniere fois la main du capitaine: --Adieu!... Et il se perdit dans la nuit. End of Project Gutenberg's De profundis!, by Carolus [Charles-Auguste Durand] *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK DE PROFUNDIS! *** ***** This file should be named 12451.txt or 12451.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.net/1/2/4/5/12451/ Produced by Tonya Allen and PG Distributed Proofreaders. This file was produced from images generously made available by the Bibliotheque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr. Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. 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Redistribution is subject to the trademark license, especially commercial redistribution. *** START: FULL LICENSE *** THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase "Project Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg-tm License (available with this file or online at http://gutenberg.net/license). Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. 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